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Jeu 7 Déc - 20:58
De l'ombre à la lumière Début 1508 ~ Raijin Island - Entrée du Nouveau Monde
Les bulles dégringolèrent sous mes yeux et s’élevèrent inlassablement vers les sommets, là où se trouvait cette lumière douce et irrésistible dont les variations colorées dansaient autour de moi, comme pour apporter à mon ascension une touche de féérie.
D’un geste puissant, puis d’un autre, je continuai alors à me propulser, à une vitesse sans doute prodigieuse pour le commun des mortels, en direction de cette fameuse lueur qui constituait ma destination finale.
Alors, l’un de mes bras s’étira, comme pour tenter de saisir l’irascible phare qui me guidait inlassablement dans la nuit océanique. J’étais tel un insecte en quête de son trésor, celui qui irait l’élever vers l’illumination absolue.
Vint alors le moment où j’émergeai à l’air lire, avant de secouer négligemment ma chevelure gorgée d’eau. Mon regard se balada nonchalamment aux alentours afin d’en inspecter les contours, les pourtours.
Mes pensées se stoppèrent nets alors que mes yeux se confondaient désormais à cette improbable lueur colorée, dont le réel aspect ne m’était toujours pas distinguable : mon regard sans doute flouté par les parcelles marines qui dégoulinaient encore de mon couvre-chef. L’air venait flirter avec ma peau écailleuse, assaillant les gouttes d’eau qui continuaient de ruisseler.
Dès lors, un sentiment étrange s’empara de moi, et je me sentis désorienté, comme transporté par des courants invisibles qui semblaient s’être donné l’objectif de malmener mes pensées.
Mon émergence hors des profondeurs océaniques, à la rencontre de l’inconnu qui façonnait le monde terrestre, qui amenait une irrémédiable impression de déjà-vu. Et alors, que ma tête n’était plus immergée, je fus englouti par un flot de souvenirs.
Ainsi, les images défilèrent, jusqu’à se confondre avec ce que mes yeux me permettaient peu à peu de voir, alors qu’ils s’habituaient à cet environnement différent.
D’abord les bulles, innombrables et éphémères, et puis ces lueurs dansantes… Comment ne pas s’imaginer se trouver sur l’archipel Shabondy ? Les souvenirs étaient ravivés, à cet instant, où je trouvais probablement à une distance comparable de Red Line. Comment ne pas me souvenir de cette aventure maritime ? Là où, plus jeunes, nous fuyions les profondeurs de nos bas quartiers mal famés pour rejoindre ces lumières, si pures mais aussi si inaccessibles. Et nous demeurions là, scotchées à cette eau poisseuse qui nous privait de nous mouvoir là où nos rêves s’échinaient à flotter.
Au fond, en quoi cela cristallisait-il nos espoirs ? En quoi cela aurait-il pu nous combler ? De quoi étions-nous réellement à la recherche ? Aujourd’hui encore, je ne parvenais à l’expliquer. Il y avait quelque chose de creux dans cette quête, dans cette pulsion, quelque chose d’illusoire, de contrefait. Était-ce l’appât du gain ? L’espoir d’une meilleure vie ? L'égalité entre les hommes-terrestres et ceux des profondeurs ? La découverte d’un lieu inconnu ? Le fait de braver nos origines ?
Non, je ne parvenais décidément pas à m’en souvenir, ni à me l’expliquer. Il n’y avait rien de réellement idyllique et de désirable, à mes yeux.
Ceux-ci se fermèrent tel un rideau se tirant sur le passé, avant de dévoiler ce qui à présent constituerait mon présent, mon avenir.
Une île qui, en quelque sorte constituait le miroir de Shabondy mais qui s’en trouvait aux antipodes, dans une zone dans laquelle nous ne nous rendions jamais. Le Nouveau Monde, contrairement à Paradise, n’avait rien d’hospitalier : les dangers qui le gangrénaient en avaient fait une contrée où il ne fallait pas se rendre. Un lieu où personne n’allait sciemment. Peut-être était-ce plus là, ce qui me convenait réellement.
Mon regard s’attarda sur les silhouettes floues de mes compagnons d’aventure de jadis, pétris par l’excitation et l’émerveillement alors qu’ils contemplaient ensemble leur rêve. Mes congénères.
Ce mot n’avait jamais paru aussi vide de sens qu’en cet instant. Je leur étais aussi semblable, que différent, étant bien incapable de m’identifier complétement à eux. Leur place se trouvait dans les profondeurs, tandis que celle des hommes était sur terre. Et si pour eux le monde terrestre cristallisait leurs fantasmes les plus fous, ces excursions ne faisaient qu’accroitre la scission de mon âme. Des parcelles d’océans glissèrent sur mes joues.
Alors, je demeurais là, attendant patiemment qu’ils daignent retourner à leurs origines pour qu’enfin la douleur cesse. Le corps toujours trempé dans l’eau qui m’avait vu naitre, le regard toujours perdu sur la terre de mes ancêtres. Scindé en deux, telle la séparation entre les ténèbres et la lumière, entre les poissons et les humains. Entre le passé et le présent.
Je soupirai longuement afin d’exhumer ces cogitations superflues pour me reconsacrer aux raisons initiales de ma présence en ces lieux.
[…]
« Qu’est-ce que… »
Mes traits s’étirèrent d’étonnement à mesure que je détaillais le phénomène surréaliste qui se déroulait devant moi. Des éclairs étincelaient sans répit et assaillaient l’île de toute part dans un fracas ahurissant. Une île hostile que nous ne pouvions approcher, mais alors comment…
« Oy, cette île… c’est littéralement impossible de l’approcher avec tous ces éclairs, je vois pas comment… »
« Et les navires ? »
Me coupa la voix caverneuse et non moins désagréable du gastéropode qui émergeait de son étui hermétique à l’eau.
« Aucune trace. Ni visuellement, ni par rapport aux remous de l’eau. »
« Tch ! Cette bande de bras cassés... »
Pesta mon interlocuteur, légèrement irrité par la confirmation qu’aucun de tous ceux qu’il attendait ne s’étaient présentés au lieu de rendez-vous.
« Navires ou pas, je vois pas en quoi ça change la situation, hein. »
« Comment ça ? »
« Bah gars, je suis pas sur que tu te rendes compte : l’île est couverte d’éclairs, c’est mort, on pourra jamais accoster. »
« Bienvenue dans le Nouveau Monde, Sasaki. »
Se contenta-t-il de répondre, avec une tonalité dans laquelle je cru déceler un certain sarcasme.
« C’est bien pour ça que cette île est réputée imprenable depuis plusieurs siècles… C’est tout le propos. »
« Et donc, ça nous avance à quoi, si c’est inaccessible ? »
« C’est bien pour ça que nous sommes ici… pour trouver un moyen de prendre cette île. »
Edward Lawrence, Nébula.
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La piraterie n'est jamais finie.
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Edward Lawrence
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Lun 25 Déc - 12:12
De l'ombre à la lumière Début 1508 ~ Raijin Island - Entrée du Nouveau Monde
« Père… »
« Est-ce que tu m’entends ? »
« Père… »
« Est-ce que tu me vois ? »
« Père. »
« Je me trouve face à cette terre que jadis tu as foulée. L’heure est venue pour moi de faire de même : sur celle-ci, et sur toutes les autres aussi. »
« Et ce, jusqu’à finalement atteindre la terre qui t’a vu naitre. Et alors, peut-être qu’enfin je comprendrais la raison qui t’a poussé à m’engendrer. »
« Une anomalie. »
« Un être qui n’a sa place à aucun côté de la surface. »
« Ni à tes côtés, d’ailleurs, puisque tu m’as délaissé, abandonné. »
« Alors quelle est-elle, hein ?! Ma place dans ce bas monde ! »
[…]
__________
« Sssssssss. »
L’air de la surface apposait son souffle sur l’eau d’en dessous qui ruisselait. Une opposition constante dont ceux qui évoluaient à leur frontière en étaient les témoins privilégiés.
« Yare, yare… »
Fis-je dans un soupire envelopper de son habituelle lassitude, celle-là même qui habillait mes jours et mes nuits.
Une douleur lancinante, inhabituelle, vint corrompre la monotonie de mes pensées, comme pour me rappeler qu’il n’y avait rien d’ordinaire en ce lieu, ni en cet instant fatidique. Je ressentais les assauts acérés des lames rocheuses contre les écailles qui tapissaient la plante de mon pied à mesure que j’y transférais tout mon poids.
La douleur.
Était-elle là pour m’avertir que je n’étais pas à ma place en ces lieux ?
La douleur d’être en vie.
Était-ce là l’esquisse de lendemains meilleurs ?
Le paradoxe s’insinuait dans mon esprit et s’écoulait dans mon corps, transporté par mon sang.
Cette fois, pourtant, la ligne rouge avait été franchie. Celle au-delà de laquelle, jusqu’alors, je n’avais jamais osé m’aventurer. Il n’y aurait plus de retour en arrière désormais : mon pied, apposé sur la surface rocailleuse, irait bientôt s’enraciner dans l’une de ces terres qui plafonnaient les océans.
Mais pas sur n’importe quel sol, pas dans n’importe quelle terre.
La terre des rois.
Là où…
« Enfin à terre… comment ça, on est toujours pas amarrés… ? Timonier !! Qu’est-ce que tu branles ?! »
Le grognement sinistre me fit basculer, m’arrachant à mes pérégrinations dans le vide insipide des parois caverneuses qui se confondaient de part et d’autre, jusqu’à prohiber tout contact avec l’astre solaire, nous plongeant ainsi dans une inquiétante et relative pénombre. Des parois pareilles à des grilles de prison qui drapaient nos existences d’un voile bien sombre : celui de l’ombre de la nuit. Le vestige d’un monde secret, coupé des lumières naturelles de l’extérieur. Dans cette ville où s’étiolait le règne de la nuit.
Mon regard s’attarda donc sur la bicoque décharnée, celle où les poutres de bois revêtaient une désagréable teinte sombre, comme si elle était allée se mouiller au sein des marécages et autres abimes boueux au plus profond de l’océan. Une odeur forte de moisi se mêlait à d’autres, moins reconnaissables et flatteuses, et laissaient ainsi présager qu’une saleté incomparable s’y était enracinée. Comme si toute la crasse du monde aquatique s’y était agglutinée.
Je me sentis alors sale, presque honteux d’y être originaire. D’être associé aux occupants de cette embarcation qui semblait tout droit revenue de l’enfer.
Mes yeux filèrent alors vers les quelques badauds qui erraient encore deçà delà sur les quais et leurs abords.
Un éclair rouge zébra, mes pupilles, tandis que mon sang ne fit qu’un tour : mes muscles se contractèrent, déjà prêts à broyer ceux dont je pouvais déjà imaginer les remarques habituelles assenées sur notre prétendue odeur à nous, fils des océans.
Puis, mes sourcils se froncèrent alors que mes fibres se relâchèrent. Les opinions des uns ? Les jugements des autres ? Depuis quand m’en souciais-je ? Je pestai intérieurement, comme pour refouler ces cogitations inhabituelles, sans pour autant parvenir à pleinement étouffer l’ombre du doute qui s’insinuait en moi. Était-ce donc là l’insidieuse vérité ? Le doute tuméfiait mes pores et se faufilait dans les profondeurs de mon être, tel un infâme poison.
Comment l’ignorer ? Comment m’en détourner ? Comment étouffer cette irrémédiable sensation qui dévorait mes entrailles ? Alors, comme pour confirmer mes craintes, une douleur lancinante s’éleva de mon pied, toujours férocement opposé à la muraille rocheuse qu’il tentait de conquérir. Et à mesure qu’il s’enfonçait sur cette terre foulée par les humains, leur venin se mêlait à mon sang, actant alors davantage l’évolution de la créature que j’étais, vers ceux qui finiraient un jour par devenir totalement mes semblables.
Des gouttes d’eau s’extirpèrent des pointes qui décoraient un plafond qui semblait dégouliner et vinrent percuter les premières surfaces qui s’opposèrent à leur chute, dans un clapotis aigu qui échapperait sans doute à l’immense majorité des individus présents.
Qu’avaient-ils ressenti lorsqu’ils furent témoin de l’intrusion du minuscule navire dans leur antre secret ? Lorsque cette immondice navale avait jailli soudainement hors de l’eau ? Avaient-ils cru à un navire fantôme, tout droit revenu des abysses ? Ou alors à celui de marins repêchés in extremis des profondeurs par une chance scandaleuse ?
Le roi des fantômes s’en extirpa d’ailleurs, faisant grincer dangereusement une embarcation constellée de plaies béantes encore dégoulinantes d’eau salée, comme s’il s’agissait d’orifices qui lui auraient permis de respirer sous l’eau.
La silhouette était courbe, avachie, la dégaine comme usée par le temps. L’habit faisait le moine, et son bateau délabré était son monastère. Il n’était pas aisé de deviner qui de l’embarcation ou de son maitre était le plus vieux, le plus usé, le plus décati. Était-il réellement plus vivant que le cercueil flottant qui l’avait bercé lors et puis hors de son repos éternel ? Le marchand de morts pesta une nouvelle fois de se trouver en ces lieux alors que des douleurs persistaient à ronger sa carcasse.
« Grr. Pire idée que de faire une si longue et houleuse traversée dans un rafiot aussi étriqué… Où est passé mon château ?! »
La remarque emplie de sagacité fit jaillir dans ma mémoire l’image d’un vieil homme encore plus décati que le navire et son maitre actuel réunis, et qui aurait effectivement été l’artisan d’un tout autre confort... Le Père Adoptif. Où était-il désormais ?
« Oy Sasaki, au lieu de rêvasser, va retrouver Steel et arrangez-moi ce navire. Et que ça saute ! »
« M’ouais, OK boss. »
Edward Sasaki, Timonier des Edward's Pirates.
« Ensuite, vous autres ramassez-moi ça et suivez-moi. »
Alors le vieillard supposé reprendrait sa danse macabre et titubante afin de progresser vers les plus insondables profondeurs de la ville souterraine, suivi de ses gorilles chargés comme des mulets et qui l’accompagnaient comme ses chiens.
Le tintement caractéristique de leurs lourdes marchandises attirerait peut-être l’oreille des plus aguerris qui sauraient reconnaitre ce son entre mille : celui des petits cercles métalliques qui s’entrechoquaient inlassablement entre eux tels des gladiateurs luttant entre eux afin d’imposer leur suprématie.
L’oreille toujours tendue en direction du funeste cortège, je parvins à déceler quelques mots avant qu’ils ne se fussent trop éloignés :
« Tch… Toujours aucune trace des navires... »
Grommèlerait-il alors qu'il ruminait l'échec qui semblait se dessiner. En même temps, avec du recul, il n'était des plus judicieux que d'attendre un résultat après avoir confié le gouvernail de ses navires à des navigateurs inexpérimentés. Et c'était d'autant plus vrai dans le Nouveau Monde. D'ailleurs, fait surprenant, il avait sélectionné pour l'accompagner 4 de nos dernières recrues, d'anciens esclaves qu'il s'était amusé à affranchir. Je haussai les épaules en les regardant s'éloigner : ce n'était pas avec pareille garde que le roi pourrait tirer quelconque avantage si le besoin s'en faisait ressentir.
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Quelques instants plus tard, le cortège fut stoppé dans sa progression lorsqu'une ombre vint se dresser face à eux.
« Messire H je présume ? Quel bon vent vous amène en ces lieux ? »
« Je viens à la rencontre de l'homme à la batte »
Répondrait laconiquement l'intéressé. Alors, l'homme qui servait ici d'intermédiaire hocherait la tête avant d'inviter les visiteurs à le suivre, validant ainsi la phrase qui avait servi de mot de passe. Les affaires allaient pouvoir débuter.
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Mer 31 Jan - 19:45
De l'ombre à la lumière Début 1508 ~ Raijin Island - Entrée du Nouveau Monde
Il régnait en ces lieux à l’éclairage tamisé de fortes effluves alcoolisées dont les arômes iraient agresser les odorats les moins coutumiers à la pratique. De part et autre, des bouteilles trônaient sur leurs vitrines transparentes qui cerclaient l’imposante pièce et invitaient les clients à venir s’abreuver de leur nectar empoisonné. Beaucoup de discussions étaient menées, puis scellées par le tintement caractéristique des verres gorgés de leur contenant alcoolisé. C’était un des lieux de passage privilégiés pour mener des affaires, embaucher à tour de bras, nouer des partenariats, et autres joyeusetés dont regorgeait l’une des villes phares du vaste monde souterrain à travers le monde. L’un des repaires où l’on venait marchander la criminalité.
« Alors, où sont-ils ? »
Ferais-je dans un souffle qui laissait déjà planer un léger agacement. De l’impatience ? Pas exactement, le temps avait été long immergé sous l’océan et il me tardait surtout de retrouver un semblant de liberté. Celle de voguer par-dessus les mers, celle de sentir les vents impétueux du Nouveau Monde tenter d’agrandir mes balafres. Celle de…
« Tout vient à point à qui sait attendre, H-san. »
« Non, je suis las d’attendre. »
Lui rétorquerais-je, sirotant une nouvelle dose de whisky. Il soupira en guise de réponse alors que mes yeux vinrent détailler une nouvelle fois ses contours difformes et ses énormes yeux globuleux. Des échos me parvinrent alors que je songeais aux conditions qui avaient entouré notre première rencontre, et de fait, à la mission que je lui avais confiée.
« … mais ils ne viendront pas, n’est-ce pas ? »
Une nouvelle gorgée vint mouiller le creux de ma gorge qui ne semblait avoir de cesse de s’assécher. Ses intentions m’étaient limpides, je pouvais l’entendre me menacer avant même qu’il n’ait à parler.
« En effet… perspicace, mais ça ne vous sauvera pas, H-san. »
Mon soupire las viendrait répondre à son ricanement dédaigneux. Il sortirait alors deux pistolets dont les armatures m’étaient insidieusement familières. Avant d’être imité par les quatre hommes supposés constituer ma garde rapprochée.
« Quelle négligence… Tué par tes propres flingues… Hahahaha !!! »
Négligence, certes. Lassitude, surtout. Je ne m’attardai même pas à lui demander ses motivations : cela n’avait strictement aucun intérêt. L’appât du gain, sans doute. Les 500 millions qu’il devait toucher pour assurer son rôle d’intermédiaire et me rapprocher de ceux qui tenaient cette île n’avaient pas suffi.
Étaient-ce les intéressés qui ne l’avaient pas été ? Ou cet homme désuet qui n’avait su les atteindre ? Ou tout simplement que les quelques milliards transportés jusqu’ici qui avaient sonné le glas de leur supposée loyauté ? Cela importait peu au final, le résultat restait le même.
Je n’esquissai pas un regard en direction des hommes qui m’avaient escorté jadis et qui désormais me toisaient de leurs fusils. Esclaves rachetés dans l’un de ces marchés noirs, ils avaient eu droit à une seconde vie sous mon égide, une seconde occasion de saisir la liberté que je leur avais tendue. Mais ils n’avaient eu l’étoffe de s’en emparer.
La liberté ne se donne pas, elle se prend.
« Allez, pas de bêtises, H-san. Tu es cerné, désarmé et isolé de ton équipage. Personne viendra te sauver. »
Désarmé ?
Pff.
C’était risible.
Désarmé ? Moi… ?
Quelle ineptie. Ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire. Comment pouvaient-ils à ce point se méprendre ?
Si le savoir était une arme, alors par leur ignorance, ils étaient ceux qui étaient désarmés.
« Tu as raison. C’est ici que prend fin ma carrière, j’imagine… Très bien, je l’accepte, sans résister. En échange, laisse-moi m’en aller après une dernière bouteille, une dernière tirade. »
Il acquiesça dans un haussement d’épaules. Quelle différence cela ferait ? Accorder quelques minutes supplémentaires à un vieux marchand d’armes ne le rendrait pas moins riche.
« L’underground hein ? »
Ma langue happa le liquide ambré.
« Une vaste supercherie, une perte de temps, une désillusion peuplée d’incapables. Mes fondations étaient solides, mes commerces lucratifs, mes usines ont contribué à faner autant de vies qu’elles ont fait fleurir d’armes, et ce, dans l’anonymat total des hautes instances. Tout ce temps, je me suis efforcé de demeurer dans l’ombre, car c’est ce que font les véritables hors-la-loi. Sinon, pourquoi parler d’underground ? »
« Dead-End, Jorogumo, Ren Tao, la Triade, la mafia de Konan, la Cour Décima, Paradise, l’alliance des chasseurs de prime et même… trois des quatre empereurs pirates… »
« Tous ces partenaires potentiels m’ont pris de haut, perchés depuis leurs piédestaux fantasmés. Au nom de quoi ?! De mon manque de notoriété ?! Quelle hérésie ! Ce milieu marche à l’envers, à accorder plus de crédit aux primés qu’aux anonymes ! Et même les rares qui étaient demeurés discrets ne sont plus sur le marché… »
Je troquai mon verre vidé de sa joie contre une bouteille pleine de déchéance.
« Konan Harishigawa ? Ren Tao ? Le plus grand criminel du monde n’est pas celui qui a la plus grosse prime ni celui qui agit aux yeux de tous : c’est celui dont l’existence n’est qu’un murmure, dont les agissements ne sont qu’une chimère… »
« Au final, il n’y avait que toi qui en valais vraiment la peine… Fudo. »
Portant le goulot du contenant de verre sous mon masque, j’en absorbai goulument une gorgée, comme pour tenter de noyer cette ultime frustration.
« Je lève cette bouteille emplie de ton poison favori à ta mémoire, toi qui aurais dû être mon égal, toi qui étais destiné à t’asseoir sur le trône de l’Underground… »
Je me levai alors et me déployai de toute ma hauteur. Mes ravisseurs furent quelque peu décontenancés et intimidés de ma taille : après tout, ils n’avaient pas encore eu le temps de me côtoyer qu’autrement que courbé ou avachis.
« Ô Roi Fou… !! »
« Aujourd’hui, sonne le glas de nos règnes respectifs : qu’ils soient engloutis par les larmes de nos ambitions déchues. Arrosons nos retrouvailles, arrosons nos adieux… »
À ces mots, j’élevais la bouteille de Whisky dans les airs avant de renverser tout son contenu sur ma tête, faisant ainsi dégringoler les cascades alcoolisées le long de mon corps.
« Bon assez divagué le vieux timbré, c’est l’heure de mourir ! »
Préviendrait-il tout en enclenchant le mécanisme de l’instrument de mort. Et puis, sans me laisser le temps de m’épancher davantage, il pressa la détente et délivra le barillet de sa dose mortelle dans une détonation grave.
Le feu aux poudres.
Le projectile invisible et intangible s’extirpa de son carcan et dévora l’espace qui le séparait de sa cible. Et puis, lorsque le souffle percuta ma poitrine, une étincelle orangée jaillit et dévora goulument le combustible qui financerait sa conquête. Alors le feu dévorerait mon torse sous les yeux de mes agresseurs qui avaient toutes les peines du monde à saisir ce qui venait de se produire exactement.
« Hein ? C’était un lance-flamme en fait…? C'est encore mieux ! »
Il exultait : me voir bruler lui offrait un spectacle bien plus divertissant qu’une simple balle logée en plein cœur. Et ferait surtout durer son plaisir.
« KIAHAHAHAHA !! Tu vas finir cramé !! ».
Un élément impromptu vint cependant corrompre les funestes festivités de cet être qui s’esclaffait déjà d’un acte qu’il n’avait mené à son terme.
Un soupir froid s’extirpa du brasier, constat limpide d’une condition devenue trop pesante.
« Trop de temps perdu à ramper dans la pénombre pour jouer les hors-la-loi, trop de moyens et d’efforts dilapidés dans cette veine quête de criminalité. Pour quel résultat ? Pour quelle reconnaissance ? Aucune de ces grandes pontes n’a su comprendre et exploiter tout ce que je me suis efforcé de leur servir sur un plateau. Mr H est un échec, une enclume. Son existence est ce qui m’enchaine à ces bas-fonds. »
Au diable Dead-End. Au diable Erika.
« Je ne suis pas venu au monde pour bâtir les rêves d’un autre. »
Un petit rire narquois se fit entendre, en lieu et place des hurlements de douleurs expressément attendus par le hors-la-loi.
« Il est temps que le monde se souvienne de la menace que je représente. »
Ma main droite vint décrocher le masque qui ornait mon faciès avant de l’abaisser vers le bas.
« Et ainsi, délaisser ces entraves qui m’empêchaient d’être libre. Les briser. Les détruire. »
À ces mots, mes doigts se noircirent et firent éclater la structure en titane de l’instrument qui avait jusqu’alors servi à taire mon identité. Et, les débris morcelés de Mr H chutèrent et sonnèrent le glas de son existence. Je n’étais plus un hors-la-loi, désormais.
« Qui croyez-vous que je sois bande d’insectes ?! »
L’hébétement laissa rapidement place à l’effroi alors que mes ravisseurs contemplaient leur prétendue victime se faire incinérer sans émettre le moindre cri ni laisser échapper la moindre douleur. Les flammes léchaient ses balafres et mettaient en lumière une terrifiante éventualité : ses traits ressemblaient insidieusement à ceux de cet infâme prodige qui, un an auparavant, avait su mettre en émoi une partie du Nouveau Monde. Le tout dans un seul souffle.
« Je suis un pirate qu’aucun feu ne saurait consumer ! Un pirate dont la liberté ne saurait être entravée ! »
Je suis Edward Lawrence.
Une onde de choc détonna à travers la bâtisse et fissura les étagères. Comme oppressés par une insoutenable pression, les récipients de verre explosèrent et délivrèrent ainsi leur boisson de toute part, aspergeant les alentours de leur sang alcoolisé.
Était-ce le Haki des rois ? Le fruit d’une malédiction ? Une combinaison des deux ?
Ils n’auraient de toute façon pas le loisir d’y songer : déjà, un nouveau danger se présenterait à eux.
« Et puis, je suis la fin de votre monde. »
Alors, le feu qui m’embrasait se mit à se répandre par-delà les flaques qui s’étaient écoulées jusqu’à moi, et transporterait ainsi les flammes dans toute la pièce, inondée de combustible.
Le brasier n’aurait de cesse de grandir, galvanisé par des flammes maintenant incontrôlables et dont les étreintes brulantes se refermaient sur leurs victimes, prises de court, impuissantes face à leur châtiment. L’incendie dansait avec une férocité malsaine, avide de sang et d’âmes, et dévorerait sans retenue tous ceux qu’il avait piégés dans sa tempête de feu.
« La nuit est sombre et pleine de terreur… mais le feu vous consumera tous. »
Leurs hurlements déchirants se mêlèrent bientôt au crépitement du mobilier et à l’odeur nauséabonde de chair brulée, dans une symphonie macabre : la bande-son d’un enfer émergent qui provoquait l’hilarité de celui qui trônait au centre de ce royaume flamboyant. Les flammes continuaient de lécher mon épiderme sans parvenir à creuser davantage mes balafres tandis que leur incandescence se confondait à mes yeux. Les voix des malfrats s’éteignaient une à une alors que les déflagrations continuaient de rugir.
Edward Lawrence "The Unburnt" Nébula.
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Les poutres calcinées finiraient par céder dans un fracas, instiguant l’effondrement de toute la bâtisse sur elle-même.
« Si les meilleurs partent en premiers… »
L’écho étouffé de la supplique interrompue résonna au-delà des décombres calcinés, tel un murmure traversant l’air à l’arôme cendré. La silhouette finit par émerger, s’extirpant des ruines flambantes, tel un reliquat de cet incendie aussi soudain que meurtrier.
Alors que la nuit avait englouti les cris et les flammes, un survivant demeurait pourtant, tel un immortel parmi les cendres. À sa vue, les quelques témoins de la scène renoncèrent à lui porter quelconque assistance, plus concernée par leur propre survie ou concernés par la catastrophe : le rescapé dégageait quelque chose de funeste, de dangereux.
Et puis, surtout, les flammes continuaient de danser à ses côtés, étreignant son corps de leur brasier. Il leur faudrait quelques instants pour s’atténuer, une fois privés de combustibles, dévoilant peu à peu les contours taciturnes d’un être que les braises n’avaient su éroder. Et, bien que l’incendie s’étouffât progressivement, l’incandescence de ses yeux, elle, ne semblait faiblir. D’un geste las, il épousseta ses apparats noircis par les cendres et s’éloigna de son œuvre, déjà tourné vers son prochain objectif.
« … Pourquoi suis-je toujours en vie ? »
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