Cela faisait déjà plusieurs jours que j'avais poursuivi cet impudent de marine jusqu'à Shivering Island. C'était là le résultat d'un contrat tout bête. Je me retrouvais sur une île hivernale, dans une auberge, en plein milieu de l'agitation, à attendre que le temps passe et que le vent arrête de souffler aussi violemment pour que je puisse enfin aller remplir la mission que l'on m'avait confié. Tout cela se passait un jour après la rencontre avec cette petite gamine musicienne. Je ne l'avais plus vu depuis, et il fallait dire que son innocence manquait cruellement à un lieu comme celui-là. Je ne m'étais qu'enfermé dans ma solitude, depuis son départ, et j'attendais tout simplement que le temps s'améliore, une chope de bière dans la main, assis sur mon banc dans un coin de la salle, le naginata posé contre la table, près du feu. Même si le froid ne me posait pas vraiment de soucis, il fallait avouer qu'un bon feu de bois était toujours préférable. Après tout, j'avais vécu la plus grande partie de ma vie à Shabondy, en tout cas d'aussi loin que je m'en souvenais, et sur l'archipel, les températures basculaient rarement dans le négatif.
Je patientais une heure supplémentaire avant d'entendre l'un des ivrognes sortir en déclarant que le temps s'était calmé et qu'il était temps pour lui de rejoindre sa femme. Je poussai un soupire en me redressant et en finissant ma chope avant de saisir mon naginata et de traverser l'allée. Les gens qui étaient présents se turent, comme à chaque fois que je passai entre eux. Sans doute avaient-ils secrètement peur de moi, de ma taille, de ma musculature... Dans tous les cas, je payais le barman, comme d'habitude une nouvelle fois, et je sortis de l'auberge en refermant la porte d'un coup sec derrière moi. A vrai dire, si j'étais seul, c'était non seulement parce que je ne cherchais pas à parler à d'autres personnes, mais aussi parce que ces autres personnes n'osaient pas m'approcher. Cela ne jouait donc clairement pas en ma faveur...
En bref, je n'étais pas venu ici pour me faire des amis et de toute façon, je ne faisais aucun effort de ce côté-là. Non, maintenant que je pouvais continuer ma mission, c'était ce foutu ancien gouvernemental qui m'intéressait... Il m'avait fait traversé Grand Line spécialement pour sa petite tête, je n'allais décemment pas le laisser survivre après un tel affront ! Sortant sa photo d'une petite sacoche accrochée à ma taille, je gravai ce visage, ce nez, cette bouche dans mon esprit afin de pouvoir l'arrêter tout de suite si je le voyais. Cependant, un problème se posait : s'il me voyait, même de loin, il se douterait que j'étais un mercenaire envoyé pour l'écorcher vif... Je devais donc particulièrement jouer sur la vigilance.
Je commençai donc à marcher au hasard, prenant les directions qui me paraissaient les meilleures. La triste réalité était que je ne connaissais absolument rien à cette île, et que la tempête de neige des jours précédents avait effacée toute trace susceptible de m'aider à trouver mon homme. Il me semblait donc que j'allais devoir user d'un peu de chance pour trouver ce type, mis-à-part si mon employeur me contactait et me donnait de nouvelles informations. En général, je me fichais pas mal des informations auxiliaires, d'ailleurs. Mais cette fois, cela aurait pu me sauver la mise... Chaque instant qui passait pouvait permettre à ce gars de trouver un moyen de contacter la marine et de leur dire ce que faisait mon employeur. Et s'ils avaient réussi à l'arrêter, tout ceci aurait été très mauvais pour mes affaires !
Mais apparemment, la chance décida de me sourire. En effet, alors que je marchai tranquillement dans une rue bondée, sans doute grâce au calme atmosphérique présent à ce moment-là, j'aperçus notre homme à quelques pas de moi. Il passa à mes côtés sans me remarquer, et derrière mon masque, un sourire vint s'afficher. Il n'avait sans doute pas pris la peine de me regarder, pensant que je n'étais qu'un type comme les autres au milieu de cette foule dense... Mais malheureusement pour moi, cette même foule dense m'empêchait particulièrement d'agir. Je ne pouvais décemment pas lui taper dessus au milieu de tous ces gars... Je me retournai cependant vivement et le suivais sans trop réfléchir jusqu'à une ruelle beaucoup plus calme.
Il tourna à droite, une nouvelle fois sans faire attention à moi. Par chance, il semblait plongé dans ses pensées... Je le poursuivais donc furtivement, malgré ma taille imposante. Avec l'agilité digne d'un acrobate, je montais sur les toits et réussissais à me plaquer sur les tuiles pendant qu'il jetait un regard à ma position d'antan. J'avais fais un peu de bruit, et ma cible semblait particulièrement nerveuse, mais avait du penser qu'il s'agissait là d'un quelconque animal. De mon côté, sur le toit, je le regardai, le dépassant de quelques mètres. J'adorais cette île, finalement : le soleil ne posait aucun problème d'ombres, qui sont pourtant des contraintes importantes pour un traqueur de mon style.
Je le suivais donc depuis les toits jusqu'à atteindre un endroit particulièrement calme. Nous étions assez écartés de la civilisation, et personne ne me verrait commettre mon larcin, ici. Je bondissais donc, tel un félin, et m'accrochais à une main à une poutre suspendue entre les deux bâtiments. Je l'utilisais pour ralentir ma chute, tout en gardant mon autre main serrée autour de mon naginata. Je fis un tour autour de la poutre et la lâchai subitement, m'envoyant droit vers le pauvre ex gouvernemental qui n'eut pas le temps de me voir et de m'éviter. Nous roulâmes sur quelques mètres et, dans le feu de l'action, je lâchai mon arme. Nous finîmes notre course contre un mur, et c'était, à mon grand malheur, lui qui était sur moi. Il se redressa et me donna une droite violente au niveau de la joue, et mon masque sembla laisser une trace sur ma peau trop pâle. Mais le pauvre humain manquait clairement de force pour me dominer au corps-à-corps, et j'attrapai son poing avant qu'il ne retombe une seconde fois. Après avoir serré copieusement à lui en péter les doigts, je l'envoyai valdinguer un peu plus loin. Il heurta un mur et glissa le long de celui-ci mais se redressa rapidement. Pendant que je me relevai, il vint me donner un nouveau coup de pied en pleine tête. Je roulais sur le sol sous la force du choc, et admettais volontiers qu'il savait se battre, pour un homme.
Mais il sembla également comprendre que si je me relevai, ce serait fini de lui. Dans le même sens, il ne pouvait pas revenir m'affronter inconsciemment, puisque j'avais déjà failli lui briser la main et que ma force était clairement supérieur à la sienne. Il sortit donc un pistolet et me visa en tremblant pendant que je me remettais en position assise en m'adossant contre le mur. Avec un air peureux, il visa mon coeur et prit la parole :
-Qui t'envoie ici ?!
-Tu le sais déjà, pas vrai ?
Il sembla se renfrogner l'espace d'un instant et répondit en serrant les dents :
-Va t'en et je te laisserais la vie sauve ! Tu n'as rien à voir avec ça !
-Je ne peux malheureusement pas obéir aussi facilement...
Il sembla commencer à perdre son sang froid, comprenant que j'étais plus tenace que le premier abruti venu. En même temps, mon appartenance à la race des hommes-cornus y était pour beaucoup : nous n'étions pas aussi peureux que les humains, tout en étant plus forts également. Ceci dit, je devais, une nouvelle fois, admettre que j'étais dos au mur, et c'était le cas de le dire. Si ce type tirait, je ne donnais pas cher de ma peau...
Mais je décidai subitement de ne pas me laisser vaincre aussi simplement. Je me relevai d'un coup sec et bondis dans la direction de l'adversaire qui semblait être surpris et tira sans réfléchir. La balle me toucha en pleine épaule gauche, mais mon crâne vint heurter son abdomen d'un coup sec et il tomba au sol avant de rouler un peu. Il se tordit de douleur pendant quelques secondes pendant que de mon côté, je posais ma main droite sur la blessure par balle en serrant les dents. Il ne m'avait pas raté, le salop... Mais cette fois, il avait lâché son arme, et nous nous retrouvions dans la même situation que précédemment. Il le comprit, visiblement, et se releva après un instant en essayant de courir jusqu'à mon naginata. Malheureusement pour lui, une pierre traînait à côté de moi. Je l'attrapai et la lançai avec force. Elle heurta son crâne et ma cible s'effondra lourdement, immobile, inconsciente.
-Voilà qui est fait...
Après cette épopée, je l'achevai et livrai son cadavre à mon employeur qui, une fois de plus, me transmit ses plus grandes félicitations. Je reçus les berrys qu'il m'avait proposé et je rentrai aussi sec à Shabondy où je profitai pleinement de la chaleur et des rayons du soleil. Jusqu'à mon prochain boulot, du moins...