Mon épopée s’est terminée sur un lit, la plaie grande ouverte. Durant mon sommeil, la charmante serveuse était venue me nettoyer les plaies et me soignait. Je crois que j’étais bon pour rester encore un petit moment sur cet archipel de malheur. Depuis quelques temps, une idée me trottait dans la tête, enfin depuis que je venais de quitter le monde féérique du parc d’attraction de Shaboady. Mon projet était de reconstruire « Le monde d’Oz » par tous les moyens possibles, mais l’envergure du phénomène ne s’arrêtait pas là, « Le monde d’Oz » ne serait pas le seul à être construit, mon rêve ne se limitait pas à une simple attraction, mais à des dizaines et des dizaines d’attractions. Je voulais créer mon propre parc d’attraction, pour que tous les jours, je puisse contempler le bonheur émanant des visages des enfants épanouis. Ce rêve m’hantait depuis que j’avais détruit le plus beau manège du monde. Je ne dormais plus sur mes deux oreilles comme dans mon appartement rue des Lices. Je ne mangeais presque plus, la faim était pour moi un besoin auxiliaire. Je disposais d’autres préoccupations. Pour le moment ma quête était de récolter le plus d’argent possible, mais je ne savais pas comment, je devais monter une affaire, créer une entreprise, un fonds de commerce, qui me permettrait de faire affaire, cependant, quel secteur industriel pouvait me faire gagner de l’argent ? Toute la nuit, des idées et des projets me passait dans la tête, toute la nuit, je ne cessais de tourner et de me retourner de tous les côtés.
A force de ne pas dormir et de mijoter dans ma sauce, je me suis rendu compte que je n’étais plus le même, Daniel Strachleigh avait disparu dans l’incident de la Grande Roue, ainsi que son passé. Je n’étais plus le même, Daniel rimait avec originalité et nouveauté, désormais je ne rimais plus qu’avec hors-la-loi et atrocité. J’étais devenu comme eux, des êtres avides de sentiments, sans cœur et sans moral. J’étais devenu tout ce que je ne voulais pas, j’étais devenu la bête qui hantait mes cauchemars. Que se passait-il, pourquoi mon passé remontait à la surface ? Pourquoi ? Me jouait-il un tour de vengeance ? Je ne pouvais pas imaginer de telle atrocité, mais qu’allais-je devenir ? Après des heures et des heures de tourments, mes yeux se plissèrent, se fermèrent peu à peu et le marchand de sable prit peu à peu place dans mon esprit…
Un cheval au loin marche, court, ses cheveux volent dans le vent, ses sabots tapent tel un rythme de musique. Il est là, au loin, me regardant, son allure de grand seigneur me donne envie de le monter, de parcourir le monde avec lui. C’est ainsi qu’il s’approche, il me regarde avec ses grands yeux marrons, il me soumet sa confiance, je lui envoie un signe d’affection en lui décrochant un sourire, j’arrache de l’herbe fraiche sur la colline, son humidité donne à la plante un goût frais que tous les herbivores raffolent. Je lui tends, il la mange… Et puis /*PAN*/, un bruit sourd, un coup de tonnerre, un coup fusil. Le cheval me regarde, effrayé, peureux… Ses yeux mouillés, sa bouche dégustant l’herbe fraiche de la plaine. Il fait un mouvement, puis deux puis s’écroule… Un liquide des plus rouges s’écoule sur son flanc, un projectile l’a touché. Tout s’emballe, je ne sais pas quoi faire, je suis perdu, ma vision devient flou, tout, aux alentours devient que pure folie. Le cheval se métamorphose en un squelette muni d’une cape rouge, il se poste devant moi. Il me regard, il s’approche à vive allure et me plante son épée dans le ventre. Mon sang coule comme une fontaine à eaux, mon sang se disperse formant un lac, je me perds peu à peu. Mais le squelette soutint ; « Daniel Strachleigh, tu es perdu ! »
Je me réveille en sursaut, la peur, le stress et l’anxiété me guète. La sueur agglutine mon corps, mes cheveux si beaux et biens coiffés ne sont que chiffons et serpillères. Je ne suis décidément plus le même, la peur m’abrite, le doute me creuse… Qui suis-je !?!
Je ne suis plus le même, mon ambition n’est plus la même, je ne sais plus quoi faire… je ne sais plus quoi penser. C’est alors que la serveuse frappa à la porte. Le bruit de frappement de la porte avec la fine main de la jeune femme retentit comme un marteau sur le plus gros des clous. Je me retournais comme un lièvre à l’affut, et le doux visage de la jeune fille me donna le sourire. Nos réactions firent contraires, dès qu’elle me vit son sourire se perdit et que dès que je la vis mon sourire se leva comme le soleil à l’aube. Un long discourt débuta, je devais rassurer l’ôte ;
- Bonjour… mais qu’est-ce qui se passe ? La douleur vous reprend ? Dite moi ?
Dès que je voyais cet être, toutes mes pensées moroses se dissipaient. Je ne connaissais pas ce sentiment encore, je ne savais pas ce que c’était que l’amour. Mais pour le moment, le lien n’était pas assez fort pour s’apparenter à de l’amour. Elle me mettait en confiance, c’est d’ailleurs ça qui me manque ces derniers temps. Elle s’assit à mon chevet, me déposa un plateau. Sur celui était déposé toutes les merveilles de ce monde, pain au chocolat, croissant, chocolat chaud, jus d’orange, épice, confiture. Ces merveilles excellaient la perfection au plus haut point, du fait, en ayant passé l’une des pires nuits de ma vie, à me retourner, à gigoter etc… Un petit déjeuner de la sorte était perçu comme une offrande des dieux, donnée par le dieu en personne. Cette femme, était pour moi comme un rayon de soleil. Je la contemplais, je la regardais. Je ne pus que placer cette phrase de gentleman ;
- Cette incroyable qu’il puisse exister des âmes aussi pures et sensibles que vous dans cette partie de l’archipel…
Elle me regarda, et sur ses pommettes je pus décerner un peu de rouge et ses yeux s’instillèrent. Je regardais alors ma plaie qui elle était guérie, on ne pouvait décerner qu’une simple cicatrice rougeâtre. La jeune femme essaya de placer quelques mots du fait que les regards que l’on se lâchait, étaient quelques peu dérangeants. Elle soutint ;
- Cela fait bientôt deux semaines que vous êtes cloitré dans votre logis, Monsieur Strachleigh, pourquoi ne voudriez-vous pas sortir prendre l’air un peu ?
Sa voix si douce, me pénétrait comme de l’eau dans les pores de ma peau. J’étais envouté par la personne qui était postée devant moi, elle était comme une déesse. Je ne voulais en aucun cas passer pour le dragueur, mais je lui sortis :
- Avec vous ? Les rues ne sont pas très sûres en ce moment surtout après mon escapade dans les rues, il y a quelques semaines…
Je me sentais minables d’avoir lancé une telle réplique, je voulais me taper sur le front tellement mon discours était pitoyable. Je me demandais des fois comment je pouvais être aussi con, oui c’est bien le mot con ! Mais elle me surprit…
- Cela serait avec un réel plaisir Monsieur Strachleigh…
Dit-elle avec le plus beau des sourires. Elle me regarda et se leva du lit et partit par la porte de ma chambre. Je la retins un moment pour lui dire.
- Appelez-moi Daniel…
Elle fit un pas en arrière, elle venait d’entendre mes dernières paroles, je ne savais pas si elle les avait entendues. Elle me prit par surprise et me dit dans l’embrassure de la porte.
- Appelez-moi Lily désormais et pour information, 18 heures devant l’entrée du bar et faîtes attention je n’aime pas les gens en retard.
Elle sortit cette réplique, puis rigola, puis descendit les escaliers. Le bruit de ses talons sur les marches raisonnait comme une musicalité. C’était doux. Je pris mon petit déjeuner, je le savourais et me goinfrait de toutes les gâteries qu’elle venait de m’apporter. Je passais le reste de ma journée dans mon logis. La journée semblait tellement longue et tellement paisible. Dans les eaux de 17 heures, je commençais à me préparer, à mettre mon plus beau costume, mon plus beau chapeau, mon parfum favori et mes bottes bien cirées. J’étais le plus beau pour la plus belle des demoiselles. Il était dès lors, 17 h 53 à la fin de mes préparatifs, je ne perdis pas de temps et descendis les marches une à une. J’étais devant l’entrée et j’attendais la venue de ma mis. Dix-sept heures cinquante-quatre, dix-sept heures cinquante-cinq, dix-sept heures cinquante-six, dix-sept heures cinquante-sept, dix-sept heures cinquante-huit, dix-sept heures cinquante-neuf, dix-huit heures et dix-huit heures un ! Elle arriva, elle se posta devant moi d’une robe des plus jolies et des plus audacieuses. Des chaussures à talons, une coiffe des plus jolies, je ne pouvais que contempler la bouche ouverte, elle dit en ricanant :
- Fermez la bouche Daniel, on dirait que vous gober les mouches.
Sa voix encore une fois était merveilleuse, je ne pus dire que :
- Vous êtes ravissante !
J’étais époustouflé. Elle me prit par le bras et m’emmena vers le centre-ville. Une marche en sa compagnie me faisait le plus grand bien, elle avait tout ce qu’on pouvait rechercher, glamour, sensualité et beauté. J’étais le plus heureux des hommes dans les plus beaux des mondes utopiques. Nous marchions dans les rues de Shabondy, nous dégustions des pommes d’amour et des glaces, nous nous prêtions aux jeux et par vulgaire coïncidence elle choisit le manège de Monsieur Spoke… Des souvenirs remontaient, des cauchemars naissaient peu à peu. Le forain qui tenait le stand avait un étrange air de ressemblance avec son ancien prédécesseur. Peut-être un cousin, un lien de parenté. Celui-ci tendit à ma miss un fusil, le forain gueula que le cadeau et le plus beau des cadeaux pour le plus belle des femmes. Il jouait au charmeur, cela ne me plaisait guère. Je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais. Elle m’obligea à tirer en premier, mon tir ne fit pas le plus précis. Dans sa gestuelle, des plus douces et des plus belles. Elle arma le fusil, le déposa sur son épaule, le cala bien et tira, une fois, deux fois, trois fois… Le forain s’exclama :
- Le gros lot, il est ici c’est pour mademoiselle !
Une peluche géante, un lapin exactement, elle me le tendit en guise de présent. Je le pris, elle me donna un baiser sur la joue… Je peux encore aujourd’hui me rappeler la sensation de ses lèvres sur ma joue. Un rêve, la sensation était si bonne… Cependant, il y a comme dans tous mes récits, un ou des éléments perturbateurs… Je sentais la foule se mouvoir. Plus le temps passait plus je sentais l’embuscade à plein nez. Dès lors qu’elle me donna le lapin, je la pris par la main. Je lui fis signe de courir. En courant, je devais de lui dire la vérité.
- Lily, je suis désolé de vous le dire comme ça, mais sachez que je suis recherché par le gouvernement, je comptais vous le dire, mais je ne savais pas comment vous le dire…
Elle me coupa la chique, elle me lança un clin d’œil et une bise puis elle me sortit.
- Taisez-vous donc Daniel, pourquoi croyez-vous que je tiens un motel dans les mangroves les plus pourries de l’archipel ?
Un grand sourire se figea sur mon visage, on courrait vers le bar. Je venais de rencontrer l’âme sœur, une fille que l’on ne pouvait rencontrer qu’une seule fois. On se mit à courir et courir, fuyant à toute allure. On arriva au Motel, elle avait ses chaussures à talon dans la main droite. Elle me regarda droit dans les yeux et me dit.
- J’ai passé une merveilleuse après-midi en votre compagnie. Ce fut un réel plaisir, je fais regagner ma chambre, je suis exténué, bonne nuit Monsieur Strachle… Daniel pardon…
Elle s’avança vers moi et me tendit une bise que je n’étais pas prêt d’oublier !