Moi et la Logistique...

Dix-huit heures. Shindô passa la porte et siffla d’admiration en observant le bâtiment. Le chantier avait débuté depuis le retour de Dust. Entre temps, l’Organisation avait beaucoup bougé, mais continuait de superviser les travaux de loin. Quelques jours plut tôt, le responsable ouvrier avait passé un coup de fil à Jaya, signalant que l’établissement était fin prêt. Le timing avait été parfait. En effet, quelques heures plus tôt, le Corlenoe recevait un appel de Mad Rabbit, à propos d’un petit service demandé il y a quelques temps. L’idée était venue en même temps que celle de construire Villa Loca. Mais pour comprendre le contenu de cet appel, ou encore pour comprendre la raison de la présence de l’homme poisson ici, à Whiskey Peak, il était nécessaire de connaître toute l’histoire. C’est ce sur quoi nous allons nous attarder, en attendant que le rendez-vous se pointe dans les parages.

- Tu nous prépares la table du fond ? Et met moi un jus d’ananas bien frais, si tu as.

Le barman s’executa, tandis que Shindô se retourna en posant ses coudes sur le comptoir, afin de mieux observer la pièce. Il leva un instant les yeux vers le lustre accroché au plafond et son regard dévia rapidement vers la discrète escamera qui scrutait cette partie de la pièce. Enfin, perçut un faible tremblement, suivi d’une multitude de cris enjoués. Les gens avaient l’air de bien s’amuser derrière. Normalement, il n’aurait pas traîné au bar et les aurait déjà rejoint depuis longtemps. Entre la paperasse et les combats du Fight Club, le choix était vite fait. Il soupira en repensant à la manière dont tout cela avait commencé.

Quelques mois plus tôt, Renaissance se relevait et reprenait Whiskey Peak, recrutant à l’occasion un Noctis Archer qui passait dans le coin. Dans l’opération, le petit groupe avait endommagé le bâtiment qui servait de QG pour celui qui se prétendait leader de l’île. Dust eut alors son idée de génie : construire leur propre QG. Un endroit qui, à leur image, serait avant tout fait pour se détendre. Mais l’endroit devait aussi servir les intérêt de l’organisation. Il y eu un tri parmi les chasseurs de primes locaux et certains furent engagés comme employés, tandis que d’autres furent payer pour en gérer la construction.
Puis il y eu l’opération à Drum et l’usurpation du Phénix. Germa alors l’idée de créer un lieu pour y stocker les « objets », comme le canon démonté dérobé sur l’île enneigée. Cette idée s’accompagna naturellement d’une autre idée : « ajouter un endroit pour entasser l’argent, qui commençait à couler à flot ». Les travaux à la Villa progressaient, le groupe progressait également, sans oublier de retourner fréquemment sur leur île.

Mais Dust était méfiant et à juste titre. Pour l’instant, on ne connaissait pas trop Renaissance. Du moins, pas de la manière dont il voulait qu’on connaisse l’organisation. Se faire une place dans l’Underground n’était pas facile. Le Corleone restait focalisé sur ses objectifs à long terme, sachant pertinemment qu’il finirait par parvenir à ses fins. Et que le jour où il y parviendrait, ses amis se compteraient certainement sur le doigt de la main. Pour être plus explicite, il savait pertinemment que l’argent attirait les jalousies et que dans cette optique, pour éviter de se faire lyncher trop vite, il avait tout intérêt à couvrir ses arrières. Likamon Ishido, Shidoni Kakuzo, de très bon investissement. Mais le meilleur rapport qualité prix dans la région, était incontestablement le couple Mikami. Quelle ne fut pas la frustration lorsque la nouvelle tomba ce jour-là. Le duo bossait déjà pour quelqu’un d’autre.

*- Alala, quelle fourberie...*

C’est là qu’il s’était mis à cogiter. Pour qu’une simple boutique pharmaceutique s’octroie les services d’un tel duo, l’endroit devait cacher quelque chose de diablement efficace. D’une paire deux coups, Dust décida de proposer un bien meilleur salaire au Mikami, mais en plus, il décida de monter un plan contre cette boutique. Ce qui nous ramène dans notre bar, dans lequel un nouveau client venait de faire irruption.
Shindô jeta un œil sur son pense-bête. L’organisation avait contacté un certain Robin Noburo pour effectuer le sale boulot, lui faisant parvenir un Eternal pose pour qu’il puisse se rendre à Whiskey Peak. Bien sûr, tout travail mérite salaire.

Voici le Topo.

Une personne relativement grande entra dans le Bar. Shindô la remarqua de suite. Il n’était pas spécialement grand pour un homme poisson, mais avait pris l’habitude de dépasser la majorité des humains du haut de ses deux mètres. Alors il remarquait de suite les personnes plus grandes que lui, même quand la différence se jouait à quelques centimètres. Les pas de ce colosse faisaient grincer le parquet. Avant d’aller l’aborder, le Fugu échangea un rapide coup d’œil avec Likamon, qui hocha discrètement la tête, signifiant que tout allait bien. Adossé au comptoir, sirotant son jus d’ananas qu’il tenait dans sa main palmée, il laissa l’homme masqué arriver jusqu’au comptoir, à côté de lui et répondit à sa petite question sur un ton faussement enjoué.

- Lui-même. Tu dois donc être Robin Noburo. Bienvenu à la Villa Loca…

Il avait brandit son verre en l’air en prononçant le nom de l’établissement, accompagné dans son geste par un groupe d’ivrognes qui hurla : « Villa Loca » en même temps. Après un soupir significatif, il incita son invité à prendre place à une table dans un coin de la pièce, visiblement préparée pour ce face à face. Alors qu’ils allèrent prendre place, le sol trembla de manière inquiétant, ce qui fut immédiatement suivi d’un brouhaha indescriptible. Heureusement, les murs presque insonorisés évitaient au client du bar d’endurer le bruit du Fight Club. Tout de même préoccupé par le sort de son terrain de jeu favori, Shindô demanda discrètement au sabreur de passer vérifier l’état des lieux, avant de se concentrer à nouveau sur son hôte.

- Désolé pour ça, un lapin des neiges combat se soir, ils sont excités. Donc, Robin Noburo, si nous avons sollicité tes services, c’est pour tes talents, mais surtout pour ta discrétion. Tu n’es pas dans le milieu depuis longtemps et nous non plus. Surtout, il n’y a pas de prime sur ta tête…

Pas d’intro pompeuse, pas de présentation, pas de vouvoiement. Shindô n’était pas dans son domaine et être ici plutôt que de l’autre côté l’ennuyait. Mais il devait assurer. Cette étape nécessaire serait probablement le tremplin qui propulserait Renaissance sur les devant de la scène, mais marquerait également l’arrivée du groupe dans le vaste, impitoyable, mais au combien profitable monde souterrain : l’Underground. Le Fugu posa sur la table une série de photo et de documents, résultat du laborieux travail de recherche de Mad Rabbit. Les explications allaient pouvoir commencer.

- Voici le topo. Ceci est une photo du Chirurgien Rugissant, une boutique pharmaceutique située à Logue Town, sur East Blue. On ne connaît pas l’identité du propriétaire, mais ce dernier dépensait une somme plutôt importante pour s’offrir les services de gardes particulièrement doués. Nous avons de bonnes raisons de penser que sa petite boutique cache quelque chose bien plus intéressant que de simples anti-inflammatoires.

Le barman s’approcha de la table et apporta un nouveau verre de jus d’ananas à l’homme poisson, qui lui rendit son premier verre vide. Il se tourna ensuite vers Robin au cas où ce dernier désirerait boire quelque chose. Shindô plaça sa paille dans le verre et aspira quelques gorgées avant de reprendre.

- Et c’est là que tu interviens. On veut que tu ailles … « rendre une petite visite », si tu vois ce que je veux dire. Mais il ne faut pas se contenter de voler. Il faut marquer le coup. Normalement, si tout se passe bien, la Marine n’aura pas le temps de rappliquer et l’affaire sera sans suite.

Shindô se massa la nuque, pressé d’en finir. Il laissa à son interlocuteur le temps de digérer les informations et but directement dans son verre sans passer par la paille.

- Si tu acceptes et que tu réussis, tu recevras dix millions de Berry. La réussite inclut le vol de toutes les marchandises, au moins un exemplaire de chaque, ainsi que la destruction, totale ou partielle de l’établissement. La somme sera divisée de moitié si l’une de ces deux conditions n'est pas respectée. Donc même en cas de semi échec, l’offre reste intéressante. Des questions ?

Don’t Worry

 

 
Robin Noburo. Il n’était pas du genre bavard. Il n’avait pas non plus chercher à connaitre les raisons de ceci, un bon point. Employer des personnes trop curieuses n’était pas bon pour le business. Shindô était fier de lui, ce qu’il venait de réaliser ici était peut-être anodin, mais il venait de se prouver qu’il était également capable de tenir ce genre de rencontre.  Faire dans le social et communiquer avec les mots, ce n’était vraiment pas dans ses habitudes. Il laissait volontiers ce genre de tâche à Dust, d’habitude. L’exercice lui avait donc été bénéfique. D’un œil avisé, il jaugea son interlocuteur, son arme, sa posture et arrêta son regard sur l’étrange masque qu’il arborait. Le portait-il par peur d’être reconnu ou par pudeur ?   
*- Sera-t-il  à la hauteur ? *
Malheureux, il était trop tard pour commencer à douter. A présent, il ne restait plus qu’à croire, croire que l’argent sera un moteur suffisant que pour pousser ce « mercenaire » à se consacrer corps et âmes à sa tâche,  croire que la Marine ne sera pas prise d’un élan de perspicacité.  Le sol trembla à nouveau et les clameurs de la pièce voisine emplirent le bar l’espace d’un instant, juste le temps que Likamon referme la porte  derrière lui. Tapit dans un coin, à observer la discussion depuis son début, l’un des employé de la Villa s’approcha poliment de l’homme poisson avant de lui susurrer quelques mots à l’oreille. Le visage de Shindô prit un air amusé et il remercia le jeune humain avant de se lever.  
 
 

- Je n’ai plus rien à ajouter, tu peux donc y aller. Par contre, on vient de m’informer que je ne pourrai pas me rendre sur les Blues, j’ai une autre affaire importante à régler ici. Je ne pourrai donc pas d’attendre là-bas comme initialement prévu, mais j’imagine que ça ne te posera pas de souci.

Il tendit machinalement sa main palmée vers le masqué. Il avait accepté le deal, à présent c’était à lui de jouer
 

- Ne tarde pas trop. Notre Boss pourrait subitement ne plus trouver le moindre intérêt pour cette boutique de Logue Town, auquel cas notre accord tomberait à l’eau.  

 
[…]
 
L’entretien était déjà terminé depuis un moment. Mais Shindô était toujours là, assis à cette même table. Devant lui étaient étalés l’ensemble des informations liées à cette opération, cependant il ne les regardait pas. Non, son esprit divaguait et il fut brusquement tiré de ses pensées lorsqu’une main rugueuse, abimée par l’abus de détergeant, se posa sur son épaule.  Le Barman avait assisté à toute la scène et paraissait préocupé.
 

- Loin de moi l’idée de remettre en question votre manière de faire Shindô, mais… éclairez moi. Vous engagez un illustre inconnu, lui donnez l’adresse de votre QG et vous entretenez avec lui totalement à découvert, pour votre première rencontre ?  
 
- C’est exact. Un problème avec ça ?
 
- Si ce Robin trouve meilleur ailleurs ? S’il se faisait attraper et que la Marine l’interrogeait ? C’est que… je m’inquiète, ce bar, c’est le seul boulot que j’ai pu trouver. Avec mes antécédents, si on me choppe j’irais droit vers Impel Down… Je ne peux pas faire ça à ma fille.

Sans tenir compte de ses gémissent, sans même le regarder, Shin’ soupira et lui répondit, d’une voix calme, emprunte d’une certaine nostalgie.
 

- Quand j’ai quitté le Royaume Ryugu, il y a un peu plus de quatre ans et qu’il m’arrivait de ne pas avoir attrapé le moindre pirate, il m’arrivait d’offrir mes services au plus offrant. Mais j’étais plutôt méfiant… Tu vois, c’est difficile d’accorder sa confiance à un employeur qui fait dans le mystère.

Il termina calmement son troisième verre de jus de la soirée, avant de poursuivre sur le même ton.
 

- Enfin, pour ce qui est du Gouvernement Mondial,  même si la Marine parvenait à arrêter ce type, elle n’aurait aucune preuve concrète. Robin Noburo n’est jamais venu à Whiskey Peak et la Villa Loca n’est qu’un établissement de divertissement, comme il en existe des centaines à travers le monde… Inutile de s’inquiéter.