L'île de Micqueot me rappelait quelque chose. Premièrement, j'en avais déjà entendu parlé sur Grande Line. Elle était réputée pour son vin et un sommelier d'exception, à ce qu'il disait sur lui-même, s'était vanté d'avoir pu goûter l'un des meilleurs crus du Itelzbulger Stein. Je n'y connaissais rien dans tout ça. Pour dire, je trouvais que le vin n'était pas une boisson exceptionnelle, je préférais tourner à la bonne vieille eau aromatisée aux parfums variés et aux goûts exceptionnels.  Enfin, quand c'était bien dosé. La seconde raison pour laquelle je connaissais cet endroit, c'était à cause de ma rencontre, quelques mois plus tôt, avec une jeune fille. Elle m'avait dit qu'elle se souvenait de ces lieux, qu'elle y avait vécu des aventures exceptionnelles et perdu tout ce qu'elle possédait en ces lieux. Mais le pire, c'était qu'elle y avait aussi perdu ses souvenirs. Cette jeune demoiselle m'avait quitté rapidement, presque aussi vite que l'on s'était rencontré. En arrivant, je me dirigeai vers le cimetière. Il y avait eu un massacre récemment, un affrontement entre pirate. Tellement tragique. Tellement banal. Cette mer en était infestée, c'était la moins protégée des quatre à mon avis.

M'agenouillant devant les tombes, je pris soin d'adresser une prière à l'âme de ceux qui étaient partis. Il y avait sûrement parmi eux ses amis. Et s'ils avaient été là pour elle à un moment, j'espérais qu'ils reposaient en paix. Le son de sa voix, perdue dans les ténèbres, me revint en mémoire. Une si jeune fille égarée... Je me faisais encore du soucis pour elle. De ce qu'elle m'avait dit, elle avait été une pirate. Comme quoi, tous les bandits des mers n'avaient pas un mauvais fond, c'était l'une des raisons pour laquelle je n'avais jamais voulu rejoindre la marine. Je ne pouvais pas me battre contre une communauté en sachant que tous n'étaient pas pourris jusqu'à la moelle. En quittant le cimetière, je rencontrai un homme qui venait sur la tombe de son ami. Nous discutâmes un instant et il m'annonça qu'un équipage de pirate avait amarré sur l'île. Ils semblaient en possession d'un étrange fruit qu'ils exhibaient à la taverne, mais il n'en savait pas plus. Quelle bande d'imbécile. S'il s'agissait de ce que je pensais, il y avait de forte chances qu'ils risquent de se le faire voler sans vergogne.

Je me dirigeai vers la taverne dans le but d'assister au spectacle, profitant de la pente vers le village pour utiliser ma planche de skate. Miu volait au-dessus de moi, ses oreilles se déployaient empruntant les courants aériens et me dépassant sans trop de problèmes. Il arriva en ville avant moi, si bien qu'il se posa sur le toit d'un des bars en me narguant de loin. Je fis mine d'ignorer ses moqueries, profitant de la descente jusqu'à la fin et lui tirant la langue en arrivant au bout. La petite créature me sauta sur la tête et me frotta les cheveux. Il semblait s'amuser par ce simple geste, si bien que je le laissai faire.

La taverne était remplie à rebord quand j'y entrai. Tout un équipage y avait élu domicile et vidait les réserves de bière et de vin du patron. Celui-ci ne semblait pas s'en plaindre, il était au contraire content de cet état des choses, son chiffre d'affaire n'avait sûrement jamais été aussi bon. Je commandai un jus de fruit au comptoir et observai la salle pour localiser le capitaine... Facile, c'était celui qui s'était étalé, le cul sur une chaise et les pieds posés sur une malle en bois scellée. Il avait le regard ivre, deux épées à la ceinture et un pistolet rangé avec précaution dans son étui. Un vrai petit arsenal qui dissuaderait plus d'un voleur.

" - Encore de la bière ! Hurla l'homme à la voix imposante en posant une main sur l'un de ses fourreaux. "

Le patron, d'un calme inébranlable, apporta un pichet à son client et encaissa l'argent de suite.  On ne la le lui faisait pas à lui, de payer après avoir consommer. Trop dangereux pour son chiffre d'affaire.

Quel spectacle ! Je ne croyais pas que quelqu’un dans cette taverne aurait assez de couilles pour s’opposer au capitaine. Mes yeux étaient captivés, bien que mon esprit s’attacha surtout à détailler les deux individus. Miu semblait attirer par le spectacle de la flamme si bien qu’il se hissa sur le sommet de ma tête et applaudit quand tout fut fini, attirant l’attention de quelques pirates auxquels j’envoyai un regard noir. ‘Pas touche’. Me dirigeant vers l’amoncellement autour du capitaine je pus observer deux choses : Il semblait fou de rage et avait totalement délaissé sa caisse en bois. Mauvaise idée, ce village n’était pas réputé pour son honnêteté. Enfin, ce n’était pas mon problème et je n’allais pas m’en causer, je n’étais là qu’en tant que spectateur. Un sourire sur mes lèvres s’étira lorsqu’il sortit son revolver en titubant. Bien, peut-être qu’il allait commencer à se battre.

« - Pas de ça dans mon bar ! Hurla le gérant en sautant au-dessus de son comptoir pour prendre un air menaçant. »

Sûrement un ancien pirate. Après tout, soit il était comme ça, soit il était fou. Lorsqu’il finit avec une balle dans la tête, quelques secondes plus tard, je reconsidérai mes pensées. Il était certainement fou. La serveuse, seule garante des lieux à présent, se tira aussi vite que le coup de feu fut tiré. Elle ne semblait pas plus atteinte que ça – bien sûr pour la forme elle mit une main devant sa bouche, écarquilla grand les yeux et les ferma en se retournant, de telle sorte qu’elle se prit une chaise en partant, mais rien qui sortait de l’ordinaire.

A présent j’étais captivé par le cops sans vie de celui qui était étalé à terre. Un silence de mort régnait. Le capitaine avait de grosses gouttes de sueurs qui lui coulaient sur le visage. Sûrement avait-il peur de ce qui était en train de se passer. Il avait merdé, c’était sûr. Des pirates qui ne faisaient pas partis de son équipage sortirent du bar pour aller alerter leur capitaine. Bientôt ce serait l’émeute et il risquait de se faire éviscérer sur place. Son regard croisa le mien alors qu’il cherchait du soutien dans la salle, mais il se dirigea rapidement sur d’autres personnes.

« - Les gars, hurla-t-il d’une voix incertaine à laquelle une cacophonie de ‘Ouais !’ répondit immédiatement. »

Maintenant, il ne savait plus quoi dire. Il semblait réfléchir à toute vitesse mais c’était difficile avec un pois chiche dans la tête. Miu me tapota l’épaule en descendant pour m’indiquer que ça sentait le roussi, mais au pire je pourrais m’éclipser comme d’habitude. J’avais envie d’assister à la scène, de voir quelle genre d’histoire allait s’écrire ici. Quel rôle aurait le pyromane dans tout ça aussi, parce que j’imaginais mal qu’il en finisse comme ça. Et les autres équipages de pirates, allaient-ils venir pour lui casser la gueule ? Mes yeux pétillaient malgré la mort du gérant. Le sang qui s’écoulait hors de sa tête s’infiltrait entre les dalles en bois. Il coulait comme la rivière des morts dans quelques mythologies de Grande Line.

Mes doigts caressèrent ma planche tandis que le capitaine essayait toujours de trouver ses mots. Je m’avançai un peu plus pour avoir une vue d’ensemble sur la scène. Miu, loin de partager la même curiosité que moi, s’enfuit du bar et prit la sortie. Je le retrouverai plus tard. Ou il me retrouverait.

Effectivement, maintenant qu’il était mort le gérant n’aurait plus besoin de son alcool. Le gars qui s’était avancé vers moi n’avait pas l’air très commode, il s’était amusé avec le feu un peu plus tôt ce qui ne m’inspirait pas confiance. En plus de cela, il venait de voler avec une discrétion hasardée le fruit à l’intérieur du coffre. Vu l’apparence de celui-ci, il y avait peu de doutes quant à sa nature. Le capitaine cherchait toujours ses mots si bien qu’il ne faisait pas attention au chapardeur. Je soupirai, cette situation était trop sujette à la chance.

N’ayant aucune envie de finir catalogué comme voleur, je ne touchai pas à l’alcool. Il n’avait de toutes les manières pas besoin de mon aide, la situation était encore confuse. Ce fameux capitaine n’avait pas grand-chose pour lui à part son impulsivité. Un de ses mousses lui proposa de se carapater avant que ça ne dégénère et il fut appuyé par des marmonnements craintifs. D’un pas habile, je me dirigeai vers le coffre et refermai. Il ne remarquerait la disparition de son fruit qu’une fois arrivé dans sa cabine. Enfin, j’espérais.

Agités, les pirates sortirent en trombe du bar et se dirigèrent vers le port. Je m’attardai un instant sur le cadavre du gérant pour lui fermer les yeux. C’était un signe de respect pour les morts. Dans quel culte baignait-il ? Je ne pouvais pas lui rendre efficacement hommage sans connaître celui-ci. Après tout, ce n’était pas moi qui étais étalé sur le sol, sans vie. Miu devait se balader dehors, j’espérais qu’il n’avait pas été pris dans toute cette agitation. En sortant, je vis le voleur.

Il avait toujours le fruit et ses bouteilles, et personne ne l’avait remarqué. Décidément, ces pirates étaient de véritables imbéciles. Je lui souris poliment tout en attardant mon regard sur son butin. Il m’avait tout l’air de n’avoir aucune appartenance, mais je pouvais fort bien me tromper. Dans ma main gauche, je tenais ma planche de skate par la petite barre qui reliait les des roues arrières.

« - Tu as vraiment la main habile, dis-je en pointant du doigt le fruit qu’il venait de voler. Sais-tu au moins sur quoi tu viens de mettre la main ? Un fruit du démon ! Une petite merveille de l’océan. Une bénédiction et une malédiction réunis en un seul petit aliment au gout infect. »

Je n’avais pas eu besoin de faire de grands gestes pour appuyer mes propos mais ma voix s’était faite magistrale. Un couple de personnes âgées passa à côté de nous sans faire attention à notre conversation, ni à la porte du bar grande ouverte qui donnait directement sur le cadavre du gérant. Ils avaient l’air de vivre une vie paisible sur cette petite île d’ivrognes et de malfrats. Naturellement, après ce petit speech, il se pourrait qu’il veuille croquer dans le fruit défendu. C’était une mauvaise idée, mais je l’avais assez averti. Bien sûr j’aurais pu continuer mon explication, j’étais moi-même possesseur d’une de ces malédictions. Mais c’était plus distrayant s’il le découvrait par lui-même. Au pire, je lui viendrais en aide. Malgré tout, il y avait une faible probabilité qu’il s’agisse d’un fruit banal venant de Grande Line ou du Nouveau Monde. Un fruit que je n’aurais jamais vu. Peu probable, mais possible. Je sortis un petit carnet de ma poche droite et tournai les pages rapidement. Décidément, je n’avais jamais vu celui-ci.

« - Au fait, je m’appelle Erwin, me présentai-je en fermant mon livret et en le rangeant dans ma poche. Enchanté ! »

Bon, j’exagérais peut-être un peu. Mais je n’avais pas l’intention de m’attirer les foudres de ce gars, surtout s’il allait manger ce fruit.

Décidément, ce gars se posait pas mal de questions. Il était très probable qu'il appréhende le pouvoir qu'il allait obtenir, mais le goût... C'était pour le moins surprenant. Lorsque j'avais mangé le mien, je ne m'étais pas demandé quelles saveurs allaient envahir mes papilles. Je n'étais pas vraiment au courant de ce dont il s'agissait, du pétrin dans lequel j'allais me fourrer. A présent, je n'avais aucune envie de dévoiler mon statut d'utilisateur de fruit du démon. Il se pourrait que le garder secret face à cet homme me soit utile plus tard, au risque de faire de lui un ennemi. Au pire, je pouvais éluder sa question et laisser le doute planer, c'était toujours mieux que de mentir. J'acquiesçai intérieurement. Cette solution était la bienvenue.

« - Il n'y a pas besoin d'avoir mangé un Fruit du Démon pour être informé dessus, répondis-je en me posant le dos contre un mur et les bras croisés sur mon torse, ma planche de skate déposée avec précaution à côté de moi. A ce que j'en sais, le goût est horrible mais n'a jamais dégoûté personne de manger. Les utilisateurs de Fruit du Démon voient leur appétit décuplé du fait de leurs capacités. Ce serait embêtant de ne plus pouvoir se sustenter dans ces conditions, ajoutai-je en souriant. »

J'étais fier d'avoir utilisé le terme 'Sustenter'. C'était rare de pouvoir l'employer à l'oral et non à l'écrit. Mon sourire amical n'arrivait pas à quitter mon visage, si bien que je décidai de détourner la tête. D'une certaine manière, ça pouvait être mal vu ce genre de petites familiarités. J'essayais en même temps de réfléchir à sa dernière question. Il y avait un risque qu'il tombe sur un fruit qui le rende insensible. Ce serait d'ailleurs idiot, cela imiterait les effets d'une maladie qui existe réellement. Cependant, on ne pouvait pas le savoir d'entrée de jeu, et le mettre au courant de ce genre de petits désagréments... Je me raclai la gorge en comprenant qu'il allait quand même falloir le lui expliquer.

« - Il y a un risque... à ce que j'en sais, les pouvoirs des Fruits du Démon peuvent être surprenants, ils peuvent te donner une toute autre vision du monde. Imaginons que tu tombes sur un de type Zoan, c'est à dire qui puisse le transformer en homme-animal, tes sens pourraient être bouleversés et tu pourrais... vivre d'une façon différente. Ce n'est pas le fruit qui te dira qui tu es, mais tu prendras certaines de ses caractéristiques de façon plus ou moins permanentes. Avant de manger celui-ci, tu dois savoir que tout pouvoir amène de grandes responsabilités. Tu peux choisir de faire le bien... ou de faire le mal. Tu peux aussi rester spectateur du monde qui t'entoure. Mais dans tous les cas tu auras une plus grande influence que ceux qui restent cloîtrer sur leur île. »

Je parlais autant à lui qu'à moi. J'étais le spectateur. Je n'intervenais pas dans les grands événements du monde, je ne louais pas mes services aux plus offrants alors que mon pouvoir aurait pu me permettre d'être un voleur d'exception. Ce que je faisais n'avait pas une influence à grande échelle. Je sauvais une jeune fille en danger, voyageais à travers le monde, observais les gens qui m'entouraient. Mais je n'intervenais pas face aux grands du monde. J'espérais que mes paroles lui donneraient à réfléchir et qu'il ferait le bon choix, mais je ne pouvais pas l'influencer plus que cela. Il poursuivrait ses propres objectifs. Je l'observai avec un regard attentif, comme pour essayer de percer ses intentions puis je rougis en détournant le regard. C'était très mal vu de fixer les autres dans la plupart des civilisations. Ou alors c'était considéré comme de la drague. J'étais allé sur une île de Grande Line où un homme avait voulu me marier à sa fille parce que je l'avais regardé plus de huit secondes dans les yeux. Heureusement, je n'étais pas riche et elle en aimait déjà un autre, les charges contre moi furent donc rapidement abandonnées. Si je n'avais pas eu mon pouvoir, ce genre d'aventures auraient pu ne jamais m'arriver. Je serais sûrement mort avant. A cette pensée, je remis en question ma malédiction. En était-ce vraiment une ? Ou était-ce juste le fruit du destin qui m'avait mené à croquer dans la pomme ?

Je n’avais jamais vu ce genre de réaction chez un utilisateur de fruit du démon, si bien que je me demandai si je ne m’étais pas trompé. Il s’agissait peut-être d’un cadeau empoisonné du capitaine pour une autre personne. Si c’était le cas, ce serait plutôt gênant. Je l’avais un peu incité à le manger après tout, même si je n’étais pas responsable de ses actes. Dans un soupir exaspéré que je pris soin de cacher, je tentai de m’approcher du malade… Avant de m’éloigner un peu, de peur d’aggraver les choses. Il y avait un peu de sang, c’était tellement visible que ça me semblait briser son intimité, la zone dangereuse dans laquelle les hommes ne laissaient pas les autres pénétrer.

M’écartant un petit peu plus, je vis que Miu s’était lui aussi mis à observer la scène de loin. Il était monté sur le toit de l’une de ces petites maisons qui habitaient l’île par leur présence à la fois conviviale et close. C’était dangereux d’ouvrir sa porte à des inconnus, surtout quand les trois quarts étaient des pirates sanguinaires assoiffés de sang et de butin. Je m’imaginais mal m’installer dans ce genre d’endroits, mais ça devait bien plaire à certains pour qu’ils restent ici. Bien qu’il existe aussi des personnes qui ne devaient pas avoir le choix.

Miu s’approcha de moi en sautant du toit et en déployant ses oreilles, atterrissant sur mon épaule après avoir plané sur quelques mètres. Ma planche de skate à nouveau dans ma main gauche, je m’accroupis et observai avec attention le jeune ténébreux. Pas du tout le genre de personnes que je côtoyais habituellement, à l’observer de près on voyait qu’il gardait enfoui en lui quelque chose qui le rongeait. Comme chacun d’entre nous, bien que cela semblait particulièrement sombre pour lui.

« - Fais attention, lui dis-je en m’avançant à nouveau un peu vers lui. Tu dois sentir quelque chose en toi… Un instinct nouveau, tu verras, ça vient naturellement. »

Pour moi, c’était venu très naturellement. Je l’avais mangé et j’avais activé mon pouvoir juste après. Certaines personnes pouvaient être moins réactives que d’autres, mais je n’avais pas rencontré un grand nombre de possesseurs de fruit… Et j’avais eu encore moins d’occasions d’en parler avec eux. Quelque chose me disait qu’on allait de toutes les manières en avoir très vite le cœur net.

Un nouveau groupe de pirate se dirigeait vers le bar où gisait le cadavre du gérant. Ils semblaient être les personnes qui faisaient peur à la première troupe… et à la vue de leurs armes ensanglantées, ils l’avaient trouvé. Et merde, ça n’annonçait rien de bon. On était devant le bar, un cadavre qui devait leur tenir à cœur juste derrière nous, qui plus est on était présent au moment de la mort et vu la jeune femme auprès d’eux, la serveuse qui s’était enfuie, on ne pourrait pas nier notre présence. Et j’imaginais mal qu’ils aient envie de savoir si on était impliqué ou non. Leur regard, leur attitude, tout en eux était à la recherche de sang. Pour moi, c’était une situation compliquée.

« - Je crois que si t’as gagné des pouvoirs, c’est le moment de les dévoiler, lançai-je à mon camarade d’infortune. »

Surprenant ! Incroyable ! Je sursautai en le voyant mais en réalité c’était passionnant. Un Zoan de type volant. C’était rare et très recherché, on les considérait étrangement à un niveau plus élevé que les Zoan normaux pour une raison très simple : ils pouvaient s’élancer dans les airs, s’abattre sur leur proie, capturer les nuages… Ils avaient surtout la possibilité unique de se rendre sur Skypea. Du moins, si la chance était de leur côté. Ils étaient régis par les mêmes lois que les oiseaux : le vent pouvait être leur ennemi nature s’il s’opposait à leur volonté. Je me demandais quel genre d’utilisation il allait faire de cette toute nouvelle capacité. L’animal qu’il représentait, un faucon, abordait le ciel avec un air majestueux. Miu lui-même s’excitait devant le spectacle et passait d’une de mes épaules à l’autre avec une certaine vivacité.

Les pirates quant à eux étaient restés cloués sur place, la bouche grande ouverte, captivés. Ils n’avaient sûrement pas l’habitude de voir ce genre de choses – ou alors c’était pour cette raison qu’ils étaient venus. Je me demandais s’il avait été aussi écœuré que moi par le goût du fruit. Quelle sensation lui avait envahi les papilles. Quel genre de dégoût s’était immiscé en lui tandis que son corps tentait de rejeter le pouvoir qui le transformait. Ou l’avait-il accepté sans soucis ? Cela aurait été une chance pour lui. Lutter était épuisant. Lutter contre soi-même surtout.

Lorsqu’il me posa sa question, je ne pouvais qu’acquiescer. Il s’agissait bien sûr du fruit du faucon, ou alors d’un animal qui en était tellement proche qu’on ne pouvait pas donner la différence.

« - Le Tori Tori no Mi… Modèle Faucon, un Zoan volant, chuchotai-je en continuant de fixer les sanguinaires adversaires qui semblaient déterminés à reprendre ce qui leur était due… Preuve qu’ils ne connaissaient pas le fonctionnement des Fruits du Démon. »

L’un d’entre eux s’avança vers nous avec une hache à double tranchant, une lame des deux côtés pour être sûr de ne pas se tromper. Quelle drôle d’attention. S’il touchait ma planche de skate, elle serait foutue ! Hors de question ! Je fronçai les sourcils et me demandai s’il était temps d’utiliser mes propres pouvoirs. Non, ce n’était pas encore nécessaire. D’une manière ou d’une autre, les choses allaient s’arranger, j’en étais certain. Que ce soit un massacre de la part du nouvel utilisateur de Fruit – encore une personne maudite – ou l’intervention de ce vieux couple que nous avions vu tout à l’heure.

Je n’avais qu’à le souhaiter fort et cela arriverait. Ou pas. La hache s’abattit à quelques centimètres de moi grâce au cri de dernière minute de Miu. J’avais reculé en urgence, le regard tétanisé mais le corps agile. Il avait sa hache plantée dans le sol ! Je profitai de cet instant pour prendre ma planche par le bout et lui envoyer un coup dans les côtes, le faisant souffrir un peu et surtout l’envoyant à terre. Magnifique !

« - Ce n’est pas dans notre intérêt de nous battre alors que dirais-tu de fuir ? Proposai-je avec un sourire crispé. »

« - On se reverra un jour ! m'exclamais-je en pointant mon pouce son mon torse et en affichant sur mes lèvres un sourire amusé. »

Du ciel, tout semblait plus jolie. Je ne connaissais pas la sensation de voler, juste de chuter. Mon pouvoir ne me permettait pas d'observer le paysage comme je l'aurais voulu, même si je pouvais voyager dans le ciel d'une certaine manière. D'un geste simple de la main je répondis à son 'A la prochaine' et le regardai partir. C'était une drôle de personne, je me demandais comment il allait tourner maintenant qu'il avait obtenu les pouvoirs d'un Fruit.

Cet endroit me semblait dangereux. Les vieilles personnes que j'avais vu plus tôt arrivaient tout juste sur le port. Plus loin, à côté d'un bateau pirate, des dizaines de cadavres étaient étalés à terre dont celui du capitaine de la taverne. On aurait pu penser qu'il n'avait eu que ce qu'il méritait, et c'était peut-être le cas, mais dans mon esprit je les dédaignai juste et oubliai mon existence. Posant ma planche à terre, je m'amusai sur les bords de la mer à pratiquer quelques figures que je maîtrisais bien. Certes, on ne m'attribuait pas beaucoup de talent mais au moins on ne pourrait pas dire que je n'avais pas celui-ci. Miu n'aimait pas particulièrement que je fasse du skate, il ne pouvait pas tenir suffisamment à mon épaule et était obligé d’attendre que j’ai fini.

Dans mon esprit, les choses étaient claires, la fin de la journée s’annonçait et cela ne présageait rien de bon pour moi. Les pirates allaient finir vite fait les funérailles du gérant du bar, revenir sur les quais et peut-être fouiller la ville pour retrouver celui qui avait mangé le Fruit. Comme ils avaient vu ma tête, j’étais une cible potentielle. Pas sûr que ce genre de choses me plaise vraiment.

Comme je l’avais prévu, deux heures plus tard, alors que je finissais de mettre des pansements sur les égratignures que je m’étais fait en faisant des figures plus ou moins suspicieuses, le groupe de marin d’eau de mer commença à renverser les marchandises du port et à interroger les pêcheurs tout justes revenus de leur besogne. Même si j’aurais aimé les aider, il valait mieux que je reste cacher. Sur le court terme ça aurait pu améliorer la situation, mais dans le futur, les choses deviendraient dangereuses et beaucoup de civils pourraient y perdre la vie.

Soupirant, j’arrêtai de m’amuser avec ma planche et me cachai dans la forêt jusqu’à l’aube, moment de la journée où la vie reprend son cours. Les forbans étaient partis, ou du moins ils semblaient avoir en grande partie désertés les lieux. Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, un bateau de touriste s’apprêtait à quitter ce trou paumé. Bel acte que de me permettre de m’évader au milieu de civils inconscients qui venaient se faire eux-mêmes les futures proies des pirates. Leur souriant en montant dans le bateau, je leur fis signe de faire attention. Un signe que, de toutes les manières, seul moi pouvais comprendre.