Pour une fois, elle avait quitté son masque, ce personnage qu’elle jouait pour se donner un air froid, distant. Pour ne pas souffrir sans doute. Pour une fois, elle était démunie face à une situation et réclamait de l’aide. Oui, pour une fois, on pouvait dire qu’elle redevenait vraiment humaine. Son cri lui en avait coûté, mais pire avait été le fait de se retourner et de voir ces bestioles aussi proches d’elle. Reculant contre la paroi –après avoir vérifié qu’il n’y avait aucun trou de ce côté-ci- la blonde se mit à prier pour que Mike ne la laisse pas tomber, qu’il n’ait pas prononcé que des paroles en l’air. Et dire qu’il comptait sur elle pour sortir du labyrinthe. Ah ! Elle était belle la représentante de la Révolution là. Le rouquin devait rire sous cape de voir le personnage s’effondrer, de découvrir une simple fille terrorisée. Ou alors il était simplement mortifié, dégoûté et souhaitait ne plus entendre parler d’elle. Et si la dernière proposition était la bonne, alors elle était mal, très mal même. Klara tira une nouvelle fois, visant toujours la tête pour éviter de gâcher ses balles. Ces arachnides étaient coriaces, surtout après avoir vu tomber plusieurs des leurs. Est-ce que les araignées pouvaient digérer le métal ? Une question bête, mais que la cyborg se posait. Après tout, dans un état de panique, ce sont souvent les choses bêtes qui viennent en premier à l’esprit. On n’est plus rationnel dans ces moments-là.

Un mouvement au-dessus d’elle lui fit à nouveau lever la tête, remarquant par la même occasion le rouquin. Bien, il ne l’avait pas abandonné. Esquissant un sourire crispé dû à la situation quelque peu effrayante, selon elle, la blonde tendit son bras, effleurant simplement les doigts de son sauveur. Lâchant un juron face à la situation, la blonde sursauta en sentant quelque chose l’agripper. Tournant la tête la tête vivement, elle aperçut l’une de ces araignées s’accrocher à elle avec ses longues pattes poilues. Retenant difficilement un cri, une simple balle suffit à mettre hors d’état de nuire l’arachnide, attisant la colère des autres. Elle était mal. Désespérée, Klara regarda la tête rousse disparaitre de son champ de vision, implorant intérieurement sa clémence et qu’il la sorte de là. De longues secondes passèrent, jusqu’à ce qu’elle revoit cette tête, cette main salvatrice. Sur la pointe de pieds, la cyborg tenta une nouvelle fois de l’attraper, de se sortir de là. Il ne manquait que deux ou trois centimètres. Deux ou trois centimètres pour tout changer. Alors elle se permit un petit saut, s’accrochant désespérément à cette main, se faisant remonter en espérant qu’il ne lâche pas prise, qu’il ne la laisse pas retomber dans ce maudit trou. Quand la paroi ne se fit plus sentir, quand son champ de vision s’agrandit jusqu’aux murs du labyrinthe, elle s’accorda un petit rire. Un rire nerveux, pouvant passer pour de la démence. Un rire assez similaire à celui qu’avait eu le forain avant. Un rire qui s’arrêta lorsqu’elle se rendit compte de sa position, de l’endroit où elle était couchée : son sauveur lui servait de matelas. Un matelas pas si inconfortable certes, mais plutôt gênant. Ecarquillant les yeux, elle le regarda quelques secondes, se décalant prestement après, tombant sur le sol à côté. Klara tourna la tête, observant le feuillage du labyrinthe, cherchant un truc intelligent à dire.

- Merci.

Ce simple mot, dit dans un murmure, était un supplice. La jeune fille n’avait plus l’habitude après tout. Plus l’habitude de se faire aider, de remercier ensuite. Des choses primaires, difficiles pour elle. C’était stupide, totalement stupide. Se relevant doucement en époussetant sa jupe, la demoiselle se tourna vers Mike, les sourcils froncés.

- On peut dire que j’ai choisis la mauvaise direction cette fois. Il va falloir faire demi-tour et …

Pourtant bien partie sur sa lancée, Klara fut coupée par une détonation. Se tournant vivement vers la source du bruit, qu’elle devinait derrière elle, ses yeux s’écarquillèrent à nouveau à la vue des flammes qui s’élevaient dans le ciel. Mal, ils étaient très mal. La nature contre le feu ? Trouver le gagnant était chose aisée et là, de par leur position, ils étaient très mal. Le feu, l’élément qu’elle ne supportait pas, lui rappelant des mauvais souvenirs. L’espace d’une seconde, elle avait dû paraitre hésitante, effrayée à nouveau, avant de reprendre un masque plus froid, plus décidé. Il fallait qu’ils partent et maintenant. Attrapant Mike par la main, la blonde se mit à courir, faisant marche arrière jusqu’à l’intersection où ils avaient laissés le reste du groupe. Il fallait fuir et rapidement. Les paroles de l’aristo lui arrivèrent aux oreilles et d’une rage sourde, elle pointa son pistolet dans la direction d'où semblait venir la voix, lâchant par la même occasion la main de Mike.

- Indique-nous la sortie maintenant, aristo de mes deux. Ou on ne sera pas les seuls à crever dans ce trou à rats.

Clair, net et précis. Klara avait perdue patience, devant l’urgence de la situation. Et s’il ne décidait pas de coopérer rapidement, elle allait se faire un plaisir de vider son chargeur sur lui, jusqu’à ce que sa tête ne soit plus qu’un vague souvenir.

Impatience. Un sentiment qui l’habitait depuis maintenant quelques secondes. Enfin, ce sentiment avait toujours été en elle depuis le début de ce labyrinthe, mais là, il était plus présent encore. Le feu se rapprochait, brûlant avec facilité les murs. C’était maintenant une situation d’urgence. Ils se devaient de partir pour ne pas finir brûlés vifs. Elle n’avait jamais expérimenté –et heureusement d’ailleurs-, mais la cyborg pouvait facilement s’imaginer la douleur qui devait résulter de ça. Ou tout du moins s’imaginer jusqu’à un certain degré de douleur. Pourtant, la réponse de l’aristo ne se fit pas attendre, ou tout simplement c’est elle qui ne l’entendit pas. Mike l’avait attrapé par la main, la forçant à courir derrière lui sans qu’elle ne comprenne le pourquoi du comment. Clignant des yeux à plusieurs reprises, Klara le regarda, ou tout du moins regarda son dos, fixement. Il avait peur, ça se sentait. Elle le reconnaissait aisément, ce sentiment de peur qui habitait le rouquin. Après tout, elle l’avait côtoyé, surtout avant de devenir Révolutionnaire. Intriguée, la blonde se laissa faire, mettant néanmoins un point d’honneur à ne plus se faire traîner lamentablement, mais à le suivre convenablement. Elle ne voulait pas être un vulgaire boulet, un simple poids mort. Sa question la sortit de ses pensées et la demoiselle le regarda, d’un air intrigué. Qu’est-ce qu’il voulait dire par « prête » ? Son instinct le lui dictait, lui hurlait même : ça sentait mauvais. D’un coup, elle se retrouva collée à Mike, sans vraiment comprendre de quoi il en retournait, avant de sentir sa main lui tapoter les fesses. Prête à s’insurger face à un pareil affront, la blonde se tût, retenant son souffle face à la vitesse qu’ils avaient pris, fermant les yeux jusqu’à ce qu’un choc se fasse sentir et que ses pieds retrouvent difficilement le sol.

Clignant des yeux à plusieurs reprises, la demoiselle reporta son attention sur le rouquin, son regard signifiant aisément la colère qu’elle ressentait. N’avait-il jamais appris les bonnes manières celui-là ? Pourtant, la suite la fit soupirer. Il avait fait ça pour leur bien, de ce qu’elle avait compris de ses explications. Et vu la couleur de ses joues, il n’avait pas fait exprès. Son esprit n’était pas si pervers que ça apparemment. Bien, elle n’aurait pas à lui faire payer ça et pourrait le garder en vie. C’était une bonne chose. Un vague sourire apparut sur son visage. Il était mignon, à s’embrouiller, chercher ses mots et rougir. Il réagissait comme un enfant prit la main dans le bocal à bonbons avant de manger. Un peu comme James. Un court instant, son regard se vida, tandis qu’elle repensait à lui. James et Sarah. Qu’est-ce qu’ils faisaient maintenant ? Est-ce qu’ils étaient heureux ? Elle irait les voir après tout ça, après être sortie de ce labyrinthe. Il fallait qu’elle les voie. Secouant légèrement la tête, Klara haussa les épaules face à l’affirmation de Mike. Certes, il fallait avancer, mais songer à revoir les autres était quelque chose d’utopique. Surtout qu’en les abandonnant ainsi, ils risquaient de s’être fait des ennemis. Chose aisément compréhensible.

En silence, elle le suivit d’un pas rapide, repensant à ses propos. Si son pouvoir était de repousser les choses immatérielles comme les choses matérielles, il pouvait se rendre utile. Il fallait lui trouver un rôle à sa mesure maintenant. Une nouvelle intersection la sortie de ses pensées et inconsciemment la jeune femme se remit devant. Depuis le début, elle avait pris les décisions, il était hors de question  de rester derrière maintenant, pas lorsque le feu était entré dans la partie et que les décisions se devaient d’être prises rapidement.

- On va tout droit, on s’éloignera du feu comme ça, d’accord ?

Lui demander son avis était venu comme ça, sans qu’elle n’y réfléchisse. Ils étaient deux maintenant, ils se devaient donc de coopérer le plus efficacement possible.

- On accélère le mouvement, je préfère garder le plus de distance possible entre cet incendie et moi, personnellement.

Un peu d’ironie ne faisait pas de mal et la blonde sourit avant de se mettre à courir. Ils étaient sur la bonne voie, elle le sentait. Et son instinct était l’une des choses en laquelle elle avait le plus confiance.

Courir, courir, toujours courir. Ils se devaient de courir pour survivre, pour fuir ces flammes, cette fumée dangereuse. Pour la première fois depuis longtemps, Klara se sentait anxieuse. C’était comme ça, de jouer dans la cour des « Grands » ? Ses actions sur les Seas Blues étaient biens misérables et d’un niveau minable comparé à ça. Là, il y avait du challenge, un vrai risque de mourir. Et au final, la cyborg n’arrivait pas trop à savoir si elle aimait ça. La demoiselle avait bien été prétentieuse au départ, tout comme pour ses actions antérieures. La petite garce était remise à sa place en quelque sorte, et ça faisait du bien.

Klara courait, tirant par la main Mike. Elle courrait pour sa survie et celle de son partenaire. Finalement, elle l’aimait bien ce rouquin. Elle qui, au début, voulait se débrouiller seule, devait bien avouer que sans lui, elle serait encore dans le trou avec les araignées. Et sans lui, elle n’aurait toujours pas passé les fossés. Oui, il était utile lui, et il avait au moins le mérite de la supporter, tout en gardant tout de même une certaine volonté propre. Ce n’était pas un petit chien, pas comme la fille accompagnant l’autre fou. Etaient-ils morts d’ailleurs ? Et où était passé le type à la blouse blanche ? Au fond d’elle, Klara espérait que ce dernier ait survécu. Après tout, il avait eu de bonnes idées pour sortir de ce labyrinthe, contrairement à elle qui jouait la « chef » autoritaire, le rouquin qui avait eu les idées de manière tardive et le forain qui s’était contenté de faire une crise d’on-ne-sait-quoi au mauvais moment. Ce Zeke méritait de survivre. La vision d’une intersection la sortit de ses pensées et la cyborg s’arrêta, observant le chemin. La longue ligne droite ou tout simplement prendre l’autre ? Un sourire satisfait s’afficha sur son visage, tandis qu’elle optait pour la ligne droite, lâchant par la même occasion la main de Mike. Elle en était certaine, c’était la sortie qu’elle pouvait voir. La fin de ce calvaire. La fin de la peur de mourir dans les flammes.

Pourtant, il fallait s’en douter, une ligne droite comme ça était louche, surtout avec un fou parcourant le labyrinthe et s’amusant à leurs mettre des bâtons dans les roues. A nouveau, elle eut la vague sensation de tomber, avant de se reprendre rapidement, battant misérablement des bras pour récupérer son équilibre et reculer. Sous ses yeux, un nouveau trou était apparu, dévoilant des araignées, plus grosses que les précédentes. Piégé. Ce chemin était piégé. Les mains moites, la demoiselle essuya celles-ci prestement, essayant de garder un semblant de calme. Alors elle se tourna vers Mike, prenant la parole pour dire une chose qu’il avait dû deviner de lui-même.

- Ce chemin est piégé. Il va falloir avancer avec prudence.

Avancer avec prudence quand un feu risquait de vous engloutir ? Quand un fou risquait de fermer la sortie ? Quand le risque d’être pris au piège était là, bien présent ? La prudence était une sottise, mais permettrait sans doute de gagner du temps. Fermant les yeux un court instant, la demoiselle contourna alors le trou, examinant le sol, les murs, pour deviner un quelconque piège, une quelconque anomalie. Et alors que le poids de l’angoisse s’enlevait peu à peu, au fur et à mesure qu’elle approchait de la sortie, un mur se dressa, cristallisant ainsi sa peur. Klara se figea, ne prêtant plus attention où elle posait son pied, refermant sur sa cheville droite un piège à loup.

Hébétée, la blonde regarda celle-ci un court instant, sortant son pistolet pour tirer dans le mécanisme, dans le vain espoir de se dépêtrer de là. Alors, à bout de nerfs, elle se mit à crier.

- Viens te battre l’aristo ! Viens si t’es un homme !

Elle était misérable.

Marre. Elle en avait marre de ce labyrinthe sans queue ni tête, de cet aristo même pas capable de sortir de son trou pour faire face à ses adversaires. Ce type était un spécimen rare de pure lâcheté et serait intéressant à étudier, pour les plus détraqués. Essoufflée après avoir vociféré ses menaces, Klara regarda d’un air hagard Mike qui la tenait par les épaules, essayant de la calmer avec des paroles « rassurantes ». L’envie de lui mettre une tarte démangea un court instant la blonde, avant que celle-ci ne se retienne, préférant rester en bons termes avec son coéquipier. Il valait mieux éviter les conflits entre eux, surtout qu’ils n’étaient plus que deux. Inspirant un grand coup, elle hocha simplement la tête lorsqu’il parla de les pousser jusqu’à la sortie, ne s’inquiétant pas du mur qui était apparu et du fait qu’elle risquait de voir sa jambe arrachée par ce piège à loup. Klara s’en fichait, elle lui faisait tout simplement confiance. Une confiance presque aveugle. Fermant les yeux, la cyborg nota que l’emprise sur sa cheville se relâchait, preuve qu’elle était libre. Un vague sourire satisfait sur le visage, celui-ci se dissipa lorsque Mike l’attrapa, les poussant un peu vers la sortie grâce à son pouvoir. Pouvoir des plus intéressants, il fallait bien l’avouer.

Une sensation désagréable dans son dos lui fit ouvrir les yeux, tandis qu’elle se retrouvait à nouveau à sourire. Il l’avait entendu et avait décidé de répondre à sa provocation. Cet aristo était maintenant à elle et la jolie blonde se ferait un plaisir de le tuer de ses propres mains. Se courbant en arrière, Klara évita de justesse les branches visant ses yeux, récoltant simplement deux égratignures peu profondes sur ses joues. Toutefois, ce n’était pas fini et il continua, visant son cou cette fois-ci, espérant sans doute la tuer comme ça. Fronçant les sourcils, elle se déroba à l’attaque grâce à une pirouette, reculant de quelques pas avant de sortir son pistolet, le braquant sur sa proie. Proie qui s’en prenait maintenant au rouquin. Serrant les dents, Klara cherchait un angle de tir, voulant éviter de toucher son acolyte à cause de l’autre idiot. Elle s’apprêtait à tirer lorsqu’une voix se fit entendre, une voix qu’elle reconnaissait malgré le peu de fois qu’elle l’avait entendu : Zeke. Il était là, pas très loin. Et il pouvait peut-être les aider, mais ce serait sans doute trop tard.

- Le chemin était piégé ! Mais cet abruti est venu, on s’occupe de lui avant de sortir.

Sa voix avait porté, même si elle espérait avoir parlé assez fort pour être entendu de la blouse blanche. D’ailleurs, qu’est-ce qu’il faisait, pourquoi n’était-il pas avec eux ? Fronçant les sourcils, la blonde secoua la tête, chassant ses idées avant de se remettre à viser. Une erreur, une simple petite erreur et elle pouvait l’abattre. Concentrée, elle se mit soudain à crier.

- Pousse-le !

Un cri, une détonation, suivit de plusieurs autres, jusqu’au bruit signifiant la fin. Fin du chargeur, fin du combat sans doute. Klara avait visée du mieux qu’elle pouvait, espérant atteindre la tête ou le cœur. Quelques secondes s’écoulèrent, lui semblant interminables. Son souffle, haché, lui faisait mal. La chaleur, plus forte, montrait que le feu se rapprochait encore, qu’il n’était plus très loin. Alors, tandis qu’un bruit sourd derrière elle retentissait, son regard se porta vers le ciel, entaché par cette fumée noire, épaisse, dangereuse. Un sourire sur son visage, elle changea machinalement de chargeur, son regard se portant vers le rouquin.

- On a réussi ! Maintenant faut courir pour être totalement à l’abri !

N’attendant pas une quelconque réponse avant de se mettre à courir. Une course un peu chaotique à cause de sa cheville endommagée, mais une course tout de même, pour la survie. Et à ce moment-là, elle ne se doutait pas qu’il y aurait un nouveau boss avant le château. Monde cruel.