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Race : Humaine
Équipage : Badlands Outlaws / Kujas
| Sam 5 Oct - 16:11
Réflexions et définitions.
Cela ne faisait à peine que quelques minutes que je n'avais pas vu le Phénix et, déjà, j'avais comme l'impression que cette écharpe qui serrait ma taille était en train de m'étouffer. Je résistais tant bien que mal à l'envie de l'arracher et de la jeter dans les flammes de la géhenne, lieu qui lui seyait bien. D'un rouge aussi écarlate que celui de mes cheveux, elle était plus pour moi synonyme de sang, de douleur et de mort que toute autre chose. Le pourpre était une belle couleur, certes, mais qui symbolisait tant de désespoir que j'avais du mal à la supporter. Passer cette chose sous l'eau de javel réglerait probablement le problème, mais pourquoi faire cela alors que je persistais à garder mes cheveux aussi long ? Cela n'aurait aucun sens.
Poussant un soupire, j'arrêtais soudainement de marcher -car oui, j'étais en pleine promenade- sans raison évidente. Le premier passant aurait probablement cru que je venais de me heurter à un mur invisible car mon arrêt avait été sec et au milieu d'une ruelle. Un autre m'aurait plutôt prit pour une folle. À cet instant, chanceuse comme je l'étais, personne ne semblait m'avoir aperçu et je reprenais, comme si rien ne s'était passé ma marche. Pourquoi avoir fait cela ? Une très bonne question. Même pour moi. Je n'aurais su l'expliquer toute seule. Une réaction de mon subconscient probablement. J'étais en train de penser à tout et à rien. Je songeais en permanence à tout et à rien et cela restait toujours dans mon esprit trop petit pour pouvoir tout contenir. Il y avait toujours ces questions de partout, ces réflexions et jamais aucune réponse. Si je m'étais arrêtée, c'était bien parce que soudainement, l'idée de ne pas garder tout cela pour moi avait fusé. Cela n'avait duré qu'un instant et pourtant cela était suffisant.
Lorsque je repris ma marche, je cherchais autour de moi un endroit où j'aurais pu m'acheter quelque chose à lire, quelque chose pour m'occuper et quelque chose pour mettre à l’œuvre ce que je souhaitais. Je ne tardais pas à trouver une petite librairie à l'intérieur de laquelle je trouvais assez rapidement mon bonheur. Je n'avais pas particulièrement envie de tourner en rond non plus. Rangeant mes achats dans mon sac – que j'avais bien évidemment payé – je sortis de l'échoppe, espérant ne plus croiser la route du Phénix que, de toute façon, j'ignorerais tout bonnement. La tête encore dans les nuages, je repris ma promenade dans ces étranges lieux qui, ce qui était très rare, ne me fascinait pas plus que cela, malgré le fait qu'il soit dans une espèce de grotte. Je m'intéresserais probablement à tout cela une autre fois. Pour le moment, je cherchais principalement un endroit paisible. Je ne tardais plus à le trouver et à m'installer contre la pierre de la grotte quelque part où je ne risquais pas de croiser grand monde. Sortant mes achats, je me retrouvais vite en possession d'un gros bouquin qui s'organisait comme un carnet d'adresse. Vous savez, ces trucs qui commencent par les noms en « A » et terminent par le « Z ». Je saisis également au passage un stylo. Cela faisait quelque temps que je n'avais pas écris, et cela ne me ferait pas beaucoup de mal de reprendre cette activité passionnante et enivrante.
J'ouvris dans le petit carnet à la première page du « A » et laissais le stylo tracer des lettres, puis des mots, puis des phrases, puis un paragraphe bien visible. Je stoppais ma main, admirant ce que je venais d'écrire :
Amour - Sentiment dérisoire, désuet et par lequel un individu se rend coupable d'une grande faiblesse. L'amour mène à la guerre, à la mort et au désespoir. Cet émotion n'est, d'ailleurs, que le fruit d'un réaction chimique rabaissant tout être vivant. Synonyme : Haine.
Cela me plaisait bien. Sans attendre, je soulignais certains mots tel que « individu » ; « faiblesse » et « animal ». Sautant quelques lignes, je passais au prochain mot qui n'était autre que « animal ». Prenant une profonde inspiration, je me remis à laisser couleur l'encre.
Animal – Être vivant peuplant ce monde. Synonyme : Humain.
Puis allant respectivement au « I » et au « F » pour écrire les mots Individu et Faiblesse, je rédigeais, noir sur blanc, les mots suivants :
Individualité – Idéologie de l'être humain selon laquelle chaque être aurait sa propre conscience et sa propre identité. L'individu n'existe pas, mais pour une meilleure compréhension des esprits simplets, nous dirons que le synonyme de l'individu est l'Homme.
Faiblesse – Se traduit par la mort immédiate et inéluctable.
L'idée d'écrire mes propres définitions m'était venue, sans prévenir, et pourtant elle me semblait la meilleure de toute celle que j'avais eu jusqu'à présent. Car, si j'avais ma propre vision des choses, pourquoi ne pas en laisser une trace ? Non pas pour que d'autres la voit, mais pour que moi je puisse me rendre compte de mes propres pensées. Les mettre sur le papier étant donc la meilleure des solutions. Je me mis alors au niveau du « V » et écris :
Vie – Fatale vérité qui nous lie tous dans un même monde et dans une même destiné. Chose que nous sommes tous forcés de vivre et qui mène forcément à notre perte. Synonyme : Mort.
Dans la foulée, je me mis à écrire d'autres mots, tout ce qui pouvait me passer par la tête, même l'espace d'une seconde, finissait retranscrit sur le papier. C'est ainsi que je rédigeais :
Sacrifice – Idée la moins sensée qu’ait crée l'être humain par laquelle un homme meure pour un autre par amour, gentillesse, courage. Synonyme : Bêtise.
Courage – Acte qui naît chez les hommes souhaitant mettre fin à leurs jours. Synonymes : Suicide.
Gentillesse – Faiblesse de l'être humain qui arrange sa conscience en offrant un bonheur hypocrite à son prochain. Synonyme : Fourberie.
Vérité – C'est ainsi ce que l'on nomme ce qui n'existe pas. Synonyme : Néant.
Naïveté – État de celui qui ne veut savoir et ne cherche à savoir. Faiblesse de l'Homme qui ne voit que le Bien et ne concède pas que le Mal est partout. Synonyme : Optimisme excessif.
Solitude – Liberté de l'âme et de l'Homme. Synonyme : Salut.
Liberté – État de celui qui a tout abandonné pour vivre seul. L'Homme libre n'est attaché à personne, à rien. La liberté est le but ultime de l'Homme, but inaccessible car nous sommes tous rattachés à quelque chose, inéluctablement. Synonyme : Inaccessible.
Âme – Inconscient de l'Homme qui lui fait réaliser certaines choses qui ne lui sont pas habituel. Après la mort charnelle de l'humain, cette âme est condamnée à errer éternellement dans le néant. Certains pensent que l'âme s'envole au Paradis, d'autres aux Enfers.
Néant – Le néant est un tout. Tout se retrouve dans le néant.
À vous qui lisez tout ceci, n'allez pas croire que je venais tout bonnement de perdre ma tête car, si vous continuez à lire ses lignes, cela signifie que vous l'avez tout autant perdu que moi. Et si vous pensez que j'allais m'arrêter à ces pauvres définitions, vous faisiez une grossière erreur, car me voilà déjà en train de reprendre mon stylo et de tracer mes lettres de façon plus agile et détendu que précédemment.
Pirate – Hors-la-loi profitant de son statut pour se permettre toutes les libertés et se prétendre libre. Un pirate se rend coupable de tous les crimes, meurtres, pillages et viols de ses compères. Il n'existe pas de différence entre le Bon et le Mauvais forban, aucune distinction ne peut être faite car le Bon entraîne le Mauvais et vice-versa. Toutes personnes ayant été au moins une fois dans sa vie un flibustier le reste éternellement. Synonyme : Mal.
Justice – Idéologique d'un humain ou d'une partie de la populace d'après laquelle chacun pourrait être égal. La Justice perd généralement de son sens lorsque le pouvoir aveugle celui qui la tient dans ses mains. La Justice est synonyme de la mort de tous. Tout le monde est égal dans la mort.
Espoir – Vivre avec est un danger, vivre sans est mortel.
Poussant un soupire, je finis par lâcher mon stylo et le poser à côté de moi puis ferma le bouquin d'un geste sec. J'avais, soudainement, comme l'impression que quelqu'un commençait tout doucement à me comprendre. Que ce livre-là était comme une personne avec laquelle je conversais et qui acquiesçait docilement à mes paroles. Enfin comprise. Terminé la solitude. Désormais, j'avais trouvé le meilleur moyen d'y échapper. Plus besoin d'amis, plus besoins de camarades. Rien. Je n'avais plus besoin de rien à présent. Moi-même. Cela suffisait amplement. Les autres n'étaient qu'une décoration me servant dans ce monde. Des petits arbres, des buissons, des poupées dont je pouvais faire ce que je voulais.
Sursautant soudainement, je pris conscience des pensées qui venaient de me traverser. Cela faisait des années que je pensais ainsi et pourtant jamais, ô grand jamais, je n'avais réalisé l'ampleur que cela prenait. Avais-je seulement encore une conscience ? Non, cela paraissait une évidence indéniable. Après tout, j'étais depuis longtemps convaincu que tout le monde était foncièrement mauvais et que je l'étais encore plus que les autres. Pourtant, voilà des années que je faisais tout pour cacher cela derrière un morceau de tissu des plus grossiers. Je faisais même tout pour ne pas avoir à regarder cette marque. Il fallait bien que je fasse un choix. Rester ancrée avec mon passé ou l'abandonner définitivement. Pourquoi devais-je être obligée de laisser cette couleur horrible sur mes cheveux, montrant au monde entier qui j'étais vraiment, tandis que je dissimulais le reste ? Poussant un long soupire, je rouvris mon bouquin et écrit :
Rouge – Couleur du sang, de l'amour, de la passion, du désespoir, de la violence et de Lucifer.
Cachette – Lieu où toutes les tristesses du monde sont dissimulées. Tôt ou tard, il faudra les retrouver et les affronter car mourir sans l'avoir fait reviendrait à n'avoir jamais vécu.
Refermant à nouveau mon œuvre, je finis par la ranger dans mon baluchon et glissais mon stylo dans une poche, toujours tranquillement installée contre le roc. Mon esprit n'était plus vraiment là, il s'était certainement envolé vers un lieu inconnu. Sans vraiment m'en rendre compte, j'avais commencé à retirer la bande de tissu qui couvre cette ancienne marque. Cela faisait bien des années que je ne l'avais pas regardé. Je me demandais même si je l'avais déjà fait. Probablement. Néanmoins, elle me paraissait étrangement étrangère. Comme si elle n'avait jamais été là, comme si elle n'était pas là, qu'elle n'avait jamais existé. C'était une drôle de sensation. Elle n'était pas agréable. Car ce n'était pas quelque chose de réjouissant que je voyais. C'était la preuve que, malgré moi, je restais ce que j'étais. Je restais ce que je suis et serais pour toujours.
Je me rappelais alors soudainement que la première raison pour laquelle je pensais cacher cette marque était le fait qu'elle avait pour cause de me rendre coupable de piraterie. Cela représentait la réalité, certes, mais je ne l'avais jamais fais de mon plein gré. Pourtant, d'un autre côté, je restais convaincu que ma véritable identité se traduisait là-dedans. N'était-ce pas un peu contradictoire ? Si, bien évidemment. Je le savais bien. J'étais embrouillée depuis trop longtemps. Je n'avais jamais réellement cherché à comprendre le pourquoi du comment. Le comment du pourquoi.
Fixant encore durant de longues secondes la marque, je me mis à penser que, de toute façon, personne ne risquait vraiment de la reconnaître. Après tout, cela pouvait bien s'apparenter à quelque chose de banal. Mais prendre ce risque en valait-il vraiment la peine ? Cela n'était pas certain. Après tout, je tenais tout de même à mon statut de chasseuse de primes qui m'octroyait une certaine liberté pour me déplacer, vivre et évoluer. Pourtant, je le savais, j'en étais convaincue, je ne pourrais rester éternellement ainsi. Tôt ou tard, mes origines devraient me ramener à la réalité et, envers et contre tout, je finirais par devenir une hors-la-loi aux yeux de tous. C'était inévitable. Et le fait de savoir que je ne pouvais rien faire contre cela me mettait en colère. À quoi me servait cette étoffe dans ce cas ? Pourquoi m'entêtais-je à la garder ? J'en venais à croire que j'avais perdu toute intelligence. Ou plutôt, que j'avais complètement perdu la tête.
Je repris une nouvelle fois mon bouquin et écrivit cette fois-ci, avec vélocité, les définitions ci-dessous :
Colère – Sentiment qui ne mène qu'à la perte, qui est voué à l'échec et qui ne peut être comblé par autre chose. La colère peut servir à faire grandir et progresser, mais n'apporte jamais le bonheur, ni le contentement.
Infini – Nom donné à ce qui n'existe pas. Symbole de l'éternité maudite. Synonyme : Néant.
Sourire – Élargissement de bouche hypocrite visant à piéger son adversaire dans le sentiment de la sympathie et de l'amour. Ne jamais s'en fier.
Larme – Défaite
Hors-la-loi – Personne étant considéré, aux yeux du Gouvernement, comme un criminel. À ne pas confondre avec le Pirate qui, lui, est coupable dans tous les cas.
Gouvernement – Institution qui ne sert que sa Justice et use de son pouvoir pour persécuter la population, la réduire à l'esclavage et offrir une vie meilleure à la classe sociale la plus élevée de la Société tandis que le peuple pleure.
Je fixais, un peu étonné, ce que je venais d'écrire. Si quelqu'un tombait sur cela, il était certain que je serais faite comme un rat. Après tout, je critiquais ouvertement le Gouvernement Mondial qui, dans l'état actuel des choses, ne pourrait se permettre de laisser passer ce genre de choses. La chose qui me surprit encore plus à la suite fut le haussement d'épaule qui suivit cette pensée. Et, j'écrivis donc :
Ignorance – Décision de celui qui souhaite continuer à voir un monde parfait et idéal autour de lui. L'ignorance est le plus grand poison du monde. Synonyme : Naïveté.
Douleur – Sensation de l'âme sur le corps ou du corps sur l'âme désagréable. La douleur nous rappelle que nous sommes vivant et nous ramène à la réalité. Elle est capable de rendre fou comme lucide. Se manifeste à la fois sur le plan physique et psychologique.
Plaisir – Sensation du fou qui oublie la réalité du monde l'espace d'un instant pour avoir à y revenir ensuite. Se manifeste à la fois sur le plan physique et psychologique. Synonyme : Douleur.
Psychologie – Esprit.
Corps – Enveloppe charnelle qui protège le cœur et l'âme.
J'écrivis encore une dernière définition sur mon carnet. Elle était brève. Elle était nette. Je ne mettais pas immédiatement rendu compte de son sens. Lorsque je la relus, mon stylo commença à la barrer, la griffonner, la faire disparaître instinctivement. Je ne savais qu'en penser. Etait-ce vraiment moi qui avait écrit ces mots ? Comment le pouvais-je seulement ? Je n'étais pas comme ça. Je ne l'avais jamais été et j'espérais ne jamais le devenir.
Je rangeais donc le bouquin dans le sac et le stylo dans ma poche, un nouvelle fois. Mais, cette fois-ci, je me levai, décidée à partir de cet endroit. J’abandonnais là le morceau d'étoffe qui avait couvert, jusque là, mon poignet. J'abandonnais ce tissu et j'en récupérais un autre. Une écharpe. Rouge. Cela me ramenait encore à cette dernière définition qui, même si barré dans mon « dictionnaire », restait ancré dans mon esprit. Je revoyais encore ces mots...
_________________ >> Dans la vie, il ne s'agit pas nécessairement d'avoir un beau jeu, mais de bien jouer de mauvaises cartes. << |