L'orage gronde comme bien souvent. Regardant outre une fenêtre, j'admire la pluie qui tombe dehors. Au loin, quelques lumières se dessinent dans l'horizon. Sans doute, la ville ou le petit village voisin. Est-ce qu'il y a une fête là-bas ? Je me le demande, mais je n'ai pas le droit d'avoir une réponse. Cet endroit est tout ce que j'ai. Ma " famille ", mes parents, ce manoir... C'est une prison qui n'en est pas une. Bien que je ne sort pas souvent, je me tiens au courant tant bien que mal des nouveautés. Je suis un fantôme de l'île comme mes parents. Je participe aux enlèvements quand les villageois approchent trop près de la vérité que renferme ce manoir. Par là, j'entends uniquement deux solutions. Ou bien la mise au silence de manière classique : la mort. Ou alors... La mise au silence par une autre méthode : surveillance et négociations et éventuellement quelques pressions. Bref, ce manoir abandonné restait depuis toutes ces années abandonnées aux yeux de tous et cela ne changera peut-être jamais.
Silencieusement, je repense à la leçon d'il y a quelques jours. Mon père a voulu m'apprendre quelques coups en usant principalement d'un animal. En effet, un assassin n'est pas forcément quelqu'un de seul. L'environnement est son allié. Mais... l'environnement ne se résume pas simplement à la nature elle-même. Elle regroupe tout ce qui est vie animal. Ainsi donc, c'est depuis cette leçon qu'il m'a montré son " compagnon ". Un chien de race. Plus précisément un chien de race dit " Tosa ". Ce chien en plus d'être un chien de garde du manoir passant pour un chien errant était donc le fameux compagnon de mon père.
Il m'avait appris qu'un " familier " comme il disait n'était pas forcément un allié en combat. Dans son cas, " Rufus " était un éclaireur. Son but étant simplement de faire de la reconnaissance et souvent prévenir en cas d'attaque ou autre. Bref, il était une seconde paire d'yeux de mon père. Cette leçon du jour m'avait fait réfléchir, mais quand je repense à ses paroles d'après, un terrible doute s'empare de moi.
" Fils... Malgré toutes mes paroles, n'oublie pas que ce compagnon que tu pourrais choisir plus tard ou maintenant, ce n'est pas qu'un animal. C'est... Une représentation de toi."Ces paroles appliquées sur mon père ne m'étonnaient pas. Il est fort, fier, puissant. Un chien lui va comme un gant. Mais dans mon cas, qu'est-ce que je peux bien être ? Une chauve-souris ? Un lion ? Un chien ? Un chat ? Moi-même, je ne me connais pas tant que ça étant quelqu'un d'abandonné. Alors comment choisir ? Si je ne me connais pas moi-même, comment pouvais-je faire pour m'identifier à un animal ou une bestiole de ce monde ? Réfléchissant, au final, je ne me faisais que du mal en cet instant. Ouvrant de nouveau les yeux, je tends ma main pour appuyer mes doigts sur cette vitre froide. Durant un instant, j'ai presque l'impression de passer à travers le verre froid et ressentir ces gouttes d'eau froides sur ma peau.
Un éclair illumine le lieu et durant quelques secondes, je vois une silhouette à la porte du manoir. Hm ? Qui est-ce ? Silencieux, doutant de bien des choses, je me dirige en silence dans l'escalier principal et je m'arme au passage d'une lame de rasoir. N'ayant pas de couteau à proprement parler et vu qu'il est hors de question d'emprunter une de mon père ou autre qui est absent pour le moment, je me dois de me préparer avec les moyens du bord. Je me dirige vers l'entrée et me cache dans l'ombre.
La silhouette en question pousse la lourde porte d'entrée qui grince sur le coup. Sifflant en admirant l'architecture intérieure, c'est en premier lieu un oiseau qui entre. Suite à un bref passage, voilà qu'une personne entre à son tour. Celui-ci semble grand comme mon père. Peut-être qu'il est plus jeune, mais il doit avoisiner son âge. Qui est-il ? L'oiseau qui est un petit oiseau se pose sur le chapeau de la personne. Celui-ci est habillé d'une simple chemise et d'un gilet. Le bas quant à lui est un pantalon classique de smoking et les chaussures sont évidemment cirées, bien que souillé par de la boue. L'homme tourne son regard à droite, puis à gauche avant de finalement s'avancer comme si de rien était.
" ... Pas là..."Sortant de l'ombre, je bondis vers l'homme la lame dans les mains. Je comptais tenter de lui trancher une partie de la gorge, mais voilà que d'un coup sec, il se retourne et m'attrape par la gorge avant de m'attraper le poignet tenant le lame de rasoir. Rapide, fort, l'homme ne perd pas de temps. Me regardant de haut en bas avec un regard sérieux au départ, voilà qu'il devient plus doux et presque innocent.
" Oh ? .. Tu dois être le... petit Ren ? "Petit ? Non mais il rêve lui... J'ai dix-sept ans moi. Merde... Il me relâche d'un coup et moi, je retente ma chance. Mais alors que j'allais le frapper, sans que je voie venir le coup, un coup de feu presque silencieux retentit et je sens la lame de rasoir m'échapper d'entre les doigts. Il a tiré et rengainé déjà ? Un coup de pied dans le ventre m'envoie contre un mur et s'en est terminé pour moi. Il est trop fort. Le voyant simplement fourrer ses mains dans les poches de son gilet, il rajuste la position de son chapeau avant de finalement se pencher en face de moi.
" Navré... Mais je ne suis pas ce que tu crois que je suis... Alors... Restons calme veux-tu ? De plus... C'est pour toi que je suis venu à la base..."Ne comprenant rien, je perd conscience en entendant des paroles du genre " oups, j'y suis peut-être aller trop fort.. ". Le sommeil m'envahit et ce n'est que quelque heures que je me réveil.
Quelque chose d'humide passe sur ma joue. Oh ? J'ouvre doucement les yeux, et c'est Rufus que je croise en premier lieu. Le molosse faisant presque ma taille me lèche les joues et je me rends compte que je suis dans ma chambre. Et dans la pièce d'à côté, des rires me font tilter. Ce rire imposant, visiblement, mon père discute... Mais avec qui ? Intrigué, je me contente d'avancer jusqu'à la porte. Au passage, Rufus passe devant moi et laisse juste la porte entrouverte. Regardant par l'ouverture, je vois l'homme au chapeau en train de rigoler et discuter avec mon père, tel un vieil ami. Les écoutants doucement, ils rigolent et prennent un peu d'alcool en même temps. Jamais je n'avais vu mon père si... Humain. Moi qui l'ai toujours vu comme quelqu'un de froid. Un assassin parfait. Sans perdre dans mon estime, il gagnait quelques couleurs dans son personnage. Ne disant rien, je tendais l'oreille jusqu'à perdre le fil de la discussion. Ils parlent de tout et de rien. C'est ennuyant. Alors que je m'assoupis doucement, je ne remarque pas l'oiseau dans la pièce qui m'a vu et qui se dirige vers son propriétaire alors qu'ils parlent de je ne sais quoi. Les voix plus basses, cette fois, ils semblent parler de personnes. Je ne comprends pas tout, mais dans le discours actuel, il y a le mot " famille, pauvres, Shabaody ".
La suite, alors qu'ils veulent en discuter, voilà que l'homme au chapeau détourne son attention vers ma position. Sa voix retentit dans l'air et il ne se fait pas prier quant à ses envies.
" Allon Ren... Rejoins nous..."" Approche fils."Mais comment font-ils ? Sans piper mot, je passe le pas de la porte et j'approche en douceur. Les deux hommes me regardent. Me posant en face d'eux, mon père me présente la personne à côté de lui.
" Ren... Voici Jack. Jack est un ... ami de longue date si on peut dire. Si un jour tu as besoin d'alliés, n'hésite pas. Il fait partit de la famille."" Il m'a même bien souhaité la bienvenue comme tu le fait toujours si bien... Non, franchement, j'étais impressionné. Ton fils est doué."" Ne dit pas cela... Il ne dois pas relâcher ses efforts."" Toujours aussi dur envers toi-même et ta famille hm ?"Ne disant rien en me sentant piégé au milieu de ce moment, je restais là. Ils parlaient encore de tout et de rien, puis après avoir subi cela, ne me cachant plus derrière une porte, mon père me donne le droit de vaquer à mes occupations. Alors que tout semble terminé et que j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps, voilà que Jack s'exclame tranquillement.
" Oh Ren... Demain, viens me voir s'il te plait. Je serais proche du lac."Hm ? Il me veut quoi lui ? Le regardant d'un regard froid comme toujours, je me contente de lui faire un petit oui de la tête. La suite de la journée se passe normalement et c'est le lendemain matin que je me rends sur le lieu prévu. Un lac ? Pour quoi faire hein ?
Alors que je suis sur place, je ne remarque personne. Seule la présence d'un petit oiseau m'indique que l'homme est bien dans le coin. D'un geste soudain, je me recule évitant de peu une petite lame de rasoir. Celle de la veille. Redressant la tête, je regarde Jack qui est perché sur une branche et qui semble se marrer de la situation. Un petit compliment sur mon esquive et il se décide enfin à descendre de son perchoir. Hm ? Il me veut quoi bon sang ?
" Bien... Tu dois te demander ce que je veux de toi hm ? ... Je vais être franc, hier je suis venu pour parler à ton père de quelque chose d'important. Mais au final, le sujet de discussion, ce sera à toi de le deviner et me demander en personne ce que tu veux savoir en temps et en heure.
Et en attendant... Je suis là pour une petite leçon. Tu es prêt ?"" ... Ais-je vraiment le choix."" Héhé... Bonne réponse. Non, évidemment que non..."Suite à cela, l'homme se contente de siffler. Aussitôt, son petit oiseau revient à lui. Il blablate avec lui quelques instants comme si celui-ci connaissait le langage humain. N'importe quoi... Haussant les épaules, je le laisse préparer ce qu'il désire avant de simplement le voir saisir une petite clochette.
" Tu as... quinze minutes pour l'arracher de ma possession."Quinze minutes ? Il se fiche de moi ? Alors que je me sens comme sous-estimé, l'homme disparait de ma vue s'enfonçant dans la petite forêt qui entoure ce lac. Tentant de le suivre, voilà que je ne ressens plus rien. J'ai perdu sa trace. J'ai beau user de tout ce que j'ai appris comme regarder l'environnement, rien ne marche. Je cherche pendant quelques minutes et de temps à autre, un bruit d'oiseau se fait entendre. Je cherche encore et encore, puis finalement, treize minutes passent.
Ce n'est qu'au bout d'un instant que je le remarque au loin. L'air de m'attendre, il me nargue à sa façon. Approchant en silence, je le contourne pour alors tenter de chopper sa personne par l'arrière, mais il esquive sans mal. Je n'ai même pas fait attention au bruit que son oiseau a fait tandis que celui-ci se trouve dans les airs. Tch... Tentant ma chance au corps-à-corps, il n'a aucun mal à me mettre hors-jeu en me repoussant de coups de paume qui m'envoient toujours plus loin. Le temps réglementaire passe et finalement, c'est avec un air fier qu'il me lance la clochette.
" As tu compris comment j'ai fait ou bien ? "" ... Non..."" C'est simple pourtant..."" ... " " Je te présente... Buck."Tendant sa main, voilà que le petit oiseau semblant être un faucon encore jeune, il le laisse émettre un bruit typique d'oiseau. Le fixant un instant, j'écoute son explication. Ainsi donc, il use d'un oiseau, car malgré sa maîtrise du corps-à-corps poussé, il est très mauvais en repérage d'ennemis. De plus, il se permet de dire que mon père a beau être discret à ses heures et très redoutable en face à face, il n'est pas toujours capable de s'infiltrer dans certains endroits ou s'approcher suffisamment pour obtenir des informations. Tandis qu'un chien lui en est capable. C'est là que tout s'éclaircit pour moi.
Je crois comprendre sa leçon du jour. Ainsi donc, voilà ce que mon père voulait dire en m'affirmant qu'un familier est non pas un simple compagnon, mais une autre partie de soit. Ne montrant pas une certaine joie du fait d'avoir compris cela, je me contente de le remercier poliment et brièvement. Suite à cela, il semble vouloir partir puisque son " job " est terminé.
" Attendez..."" Hm ? "" ... Pour quoi êtes vous venu à la base ? Cette discussion avec mon père... Qu'est-ce qu'il y a à Shabaody ? " " ... Toi seul peux le deviner Ren..."Je refusais de croire à une quelconque vérité. Ayant jusqu'à aujourd'hui refusé mon abandon, j'enfermais cette possibilité au fond de mon esprit. Je n'ai pas besoin de cela. Pourquoi devrais-je tenter de savoir cette vérité là ? Pourquoi au plus profond de mon être, il y a cette curiosité maladive qui me dit d'insister pour en savoir plus ? Non, je ne dois pas céder. Me mordant la lèvre jusqu'au sang, je laisse le jeune homme répondant au nom de Jack s'en aller. Il me redit encore ces mots comme quoi je devrais lui demander quand le jour sera venu. Je ne comprends toujours pas ce qu'il veut dire par là, mais peut-être que la signification est tout dites. Je me devrais d'aller le voir quand je le voudrais vraiment. Pas juste quand cela sera de la pure curiosité enfantine.
Avec pleins de questions en tête et une envie d'oublier tout cela, je vins à regagner le manoir et c'est là que je croise mon père. Celui-ci me demande si j'ai trouvé une réponse au possible famillier que je choisirais dans le futur. Hm ? Pas vraiment. Mais en regardant dehors, je vois un thunderbird rôder dans le ciel. L'admirant voler, je retourne dans ma chambre pour m'y enfermer un moment.
Le sommeil vient à moi et j'enferme cet épisode de ma vie au fond de mon esprit. Cela me trouble certes, mais au fond de moi, peut-être que j'ai trouvé la pièce d'un puzzle que je devrais construire plus tard. Qui sait...