Shabondy fut un succès. Des journaux locaux avaient relaté la mystérieuse disparition de trois Groves, ces immenses arbres censés soutenir l’archipel. Zora avait ainsi passé le mois entier à les étudier de fond en comble depuis l’une des côtes de Bartigo, séjour qu’elle avait malheureusement dû écourter pour mener à bien une mission relativement simple sur South Blue. L’un des vaisseaux dérobés à Marineford la déposa ainsi de l’autre côté de Calm Belt, sur Friends Island.

« Austère » retranscrivait parfaitement l’ambiance qui régnait sur cette île qui, hormis la lointaine silhouette du volcan, n’avait rien à proposer à ses visiteurs. Le majestueux Friends, toujours en activité, accueillit ainsi Zora et son équipe en leur soufflant sa fumée cendrée au visage.

— On les appelle pour qu’ils viennent nous livrer les provisions ?
— Non, il y a quelque chose que j’aimerais vérifier. Carmello avec moi, les autres, restez ici.
— D’accord, mais je m’appelle Yu…
Réveillé par la soudaine montée de chaleur, Golbat quitta le sac en toile dans lequel il roupillait habituellement pour aller se hisser sur l’épaule de sa maitresse, constatant alors avec surprise que cette dernière évoluait à travers une série de galeries souterraines. Très à l’aise dans l’obscurité, la chauve-souris se mit donc à voleter autour du duo de révolutionnaire, qui finit par atteindre une massive porte en acier empêchant toute progression.

— Commandant Harlock, je viens pour le réapprovisionnement, dit-elle en se tournant vers le petit escargophone suspendu au mur.
Après une longue minute d’attente, une série de rouages mécaniques résonnèrent à travers les galeries, puis soudain, une porte plus petite s’ouvrit au milieu de l’immense bloc d’acier, laissant apparaître un homme mince et barbu, vêtu d’une blouse – qui avait dû être blanche à une époque – et d’un casque du genre de ce que portaient les ouvriers dans les mines. Il en tenait deux autres, que Yu et Zora ne tardèrent pas à enfiler sur leur tête, tandis qu’on les conduisit vers les galeries principales.

— On pensait que vous seriez seulement de passage sur l’île.
— C’est le cas, je profite simplement de l’occasion pour me renseigner sur une affaire. Vous savez où se trouve l’ancien bureau de Daisuke Nagami ?

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C'est monsieur, hors-rp...

La pièce était très spacieuse et étonnement bien rangée pour un bureau qui n’avait plus servi depuis plusieurs mois. Zora en fit rapidement le tour, avant de s’attarder sur une petite étagère. Après l’avoir déplacée au centre de la pièce, la demoiselle la fouilla de fond en comble, ne tombant la plupart du temps que sur de la paperasse administrative sans grand intérêt, compte de stock, rapports de communications, archives de réunions, etc… Mais le contenu d’un tiroir en particulier retint son attention.

Alors, sans considération aucune pour celui ou celle qui avait dû passer des heures à ranger la pièce, Zora déballa le contenu du tiroir, jetant par-dessus son épaule tout ce qui n’était pas pertinent, redondant, inutile. Ce dossier estampillé « top-secret » contenait une série de preuves amassées par Daisuke Nagami, à l’encontre du CP6. Bien que ne l’ayant jamais consulté, la commandante en connaissait déjà vaguement le contenu. Une voix se manifesta soudain dans son dos, l’interrompant au beau milieu de ses recherches.

— Harlock Zora, enchantée. dit-elle en lui tendant une main amicale.
Passé les présentations, elle se remit à saccager la pièce, faisant voler les dossiers un peu partout. Zora était à South Blue pour une opération importante. Son escale à Friends permettrait simplement à l’équipage de se renflouer, après quoi ils partiraient vers la véritable raison de leur présence dans cette mer : traquer les traîtres.

— Je connaissais ton père. Il était un agent double, censé avoir infiltré la Révolution pour le compte du Cipher Pol, mais travaillant en réalité pour nous.
Le jeune Nagami n’entendait probablement rien de nouveau. C’était surtout pour Zora l’occasion de lui montrer qu’elle connaissait bel et bien son paternel, qu’elle avait eu l’occasion de croiser pour quelques missions. En tant qu’agent gouvernemental, Daisuke Nagami avait une représentation très carrée de l’armée et des institutions guerrières en général, contrastant avec le côté « amateur » qu’avait parfois la Révolution. Ainsi, dans l’optique de la rendre plus « sérieuse » et moins vulnérable, il avait tenté de mettre au point un projet ; principal responsable du problème qu’était venue régler Zora, aujourd’hui.

—Que peux-tu me dire sur le projet Aegis ?

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C'est monsieur, hors-rp...

Zora écouta avec attention le discours du jeune Nagami, fermant même les yeux pour mieux s’imprégner de ce qu’il lui racontait. Aegis, rôle interne et externe, traque, espionnage, sanction, capture, sabotage, etc... Elle associait chacun de ces mots à une représentation mentale, une image ou un schéma. Ce n’était par contre pas la première fois qu’elle entendait parler d’un projet de la sorte ; officiellement, Oulanov était en charge des opérations secrètes dans le genre de ce que cet « Aegis » était censé effectuer, mais d’après certaines rumeurs, certains commandants comme Kiru ou Kira semblaient également intéressés par l’idée d’une Révolution qui s’espionnerait elle-même.

— Tu en parles avec un air béat, comme s’il s’agissait d’un plan génial, dit-elle en posant sa main sur son menton, pensive. Mais un tel groupe, s’il existait, aurait bien trop de pouvoir. Pense au Cipher Pol et à ce qu’il est prêt à faire au nom d’une prétendue Justice.
Elle tendit les bras et consulta alors le fameux dossier, plus petit que ce qu’elle pensait. Ses yeux parcoururent chaque page à la recherche de noms ou de photos précises lorsque soudain, se rendant compte que le jeune Nagami n’avait toujours pas quitté la pièce – car probablement curieux quant à la raison de sa présence – Zora fouilla son sac pour en sortir un dial, qu’elle activa en le posant sur la table, avant de reprendre ses recherches. La pièce fut aussitôt envahie de paroles presque indéchiffrables, entrecoupées de nombreux bruits sourds et autres crépitements sonores. L’enregistrement de mauvaise qualité contenu dans le coquillage céleste reprit ainsi le contenu d’une communication parvenue à Baltigo, quelques jours auparavant. On pouvait y entendre :

« … Ricky … Base Flottante à South …. de renforts … délais ! Ils … feu aux … exécuté le commandant ! … rébellion … tuer les traitres ! Toute la … Oh non.… NON PITIÉ … TOUT CE QUE VOUS... »
Message suivi d’un inquiétant silence, brisé une poignée de secondes plus tard par une voix caverneuse :
« Nous sommes Aegis, nous sommes Légions. Nous ne pardonnons pas. Nous n'oublions pas. Redoutez-nous.»
Yu manifesta sa présence au moment où l’enregistrement prit fin, signifiant ainsi à sa supérieur qu’ils devaient se dépêcher. Zora, contrainte à arrêter ses fouilles remit le dossier à son propriétaire.

— Baltigo m’a fait livrer le dial il y a deux jours. Comme tu as pu l’entendre, un groupe qui se revendique du projet de ton père tue des révolutionnaires. Ils m’ont envoyé régler cette histoire, problème : la Base Flottante est difficile à localiser, surtout s’ils l’ont déplacée, expliqua la demoiselle, les yeux soudains illuminés par une idée toute fraîche. D’une manière ou d’une autre, ceux qui font ça ont été en contact avec ton père. S’ils sont bel et bien membres de ce projet, alors avec ta connaissance du dossier, tu vas pouvoir nous aider à les coincer. Il faut que tu viennes avec nous.
Elle l’invitait donc à la joindre dans cette expédition punitive. Suite à quoi ils embarqueraient à bord d’un navire mis à disposition par Friends – histoire de ne pas éveiller les soupçons en voguant sur cette mer, à la recherche de la Base Flottante.

— La base flottante de South Blue est une base militaire construite sur une imposante plateforme. Elle combine résistance des bâtiments et mobilité des navires.
Selon les dires du jeune Nagami, Zora et son groupe quitta donc l’île à bord d’une caravelle – à peine suffisante pour contenir la vingtaine de révolutionnaires à son bord – empruntée pour l’occasion, pour naviguer sur South Blue à la recherche de la Base flottante. Voguer sur South Blue devenait trivial pour tout navigateur ayant séjourné sur Grand Line, raison pour laquelle notre demoiselle put se permettre de déléguer cette tâche à ses subalternes. Cloitrée dans un coin du pont supérieur, sur lequel elle avait convié Kitchiro pour éviter le bruit ambiant sur le pont principal, Zora repassait en boucle l’enregistrement à sa disposition afin d’y déceler d’éventuelles informations.

— J’imagine mal une dizaine de personne venir à bout d’un centre fortifié.Alors qu’elle relançait l’enregistrement pour la dixième fois, Zora eut alors une idée. Ils ont dû passer énormément de temps avec ton père pour que ce dernier leur accorde sa confiance. Comme tu dis, leurs idéaux ne doivent pas être si éloigné du sien… Peut-être que tu devrais essayer de leur parler.
Déterminée à tirer cette histoire au clair, elle ordonna donc à Zehir, l’un de ses subalternes, de directement contacter la base flottante. Et tandis que l’escargophone sonnait, la commandante fournissait au jeune Nagami des indications.

— Évoque ton père et leur passé commun. Et essaye de les faire parler un maximum, qu’on puisse avoir des indices sur leur localisation exacte et sur ce qu’ils ont fait dans cette base.

Il avait été bien trop direct et pas suffisamment subtil à ses yeux, mais étonnement, son interlocutrice à l’autre bout du fil ne semblait pas s’être méfiée outre mesure. A moins qu’elle n’ait lu entre les lignes, devinant l’objectif de l’appel de Kitchiro et donnant volontairement de fausses indications à celles et ceux qui voguaient pour l’arrêter. Zora n’était pas satisfaite et, en dépit de tout l’enthousiasme de son nouveau subordonné du jour, elle commençait à regretter d’avoir passé cet appel.

— Military Island est une zone pratiquement inhabitable bardée de ruines ; l’endroit idéal pour tendre un piège.
Il fallait y aller préparés, mais ils avaient une limite de trois personnes. Le reste de l’équipage interviendrait bien évidemment par la suite, mais pour la première partie de la mission, il fallait envoyer un petit comité d’élite. Kitchiro insinua ainsi que Yu et Zora l’accompagnent, mais la quadragénaire avait une meilleure idée. Elle demanda qu’on lui amène Zehir, un jeune révolutionnaire prometteur affecté sous peu à son commandement. Sa mémoire phénoménale serait un atout indéniable.

Une poignée de minutes plus tard, Military Island se profilait clairement à l’horizon. Comme prévu, la Base Flottante mouillait dans les eaux environnantes de la berge. Le navire révolutionnaire jeta ainsi l’ancre au large de l’île, affrétant alors une plus petite embarcation sur laquelle les trois invités de Kaylie navigueraient jusqu’à l’imposante forteresse. C’est ainsi que Zehir, Kitchiro et Zora posèrent pieds sur la plateforme en bois qui entourait la base, une vingtaine de minutes plus tard. Tous trois étaient vêtus des larges manteaux sombres caractéristiques de la Révolution, principalement pour éviter à Zora d’être reconnue par l’Aegis. Notre demoiselle se tenait d’ailleurs en retrait, histoire de faire apparaitre le jeune Nagami auprès de ses cibles comme le leader de cette petite délégation.

Zehir

— Il va falloir que tu gères la discussion, lui avait-elle dit alors qu’ils s’apprêtaient à partir. Tu devras agir comme si nous étions tes subordonnés, n’hésite pas dans un premier temps à leur dire ce qu’ils veulent entendre, le temps qu’on comprenne ce qu’il s’est passé. Elle ajusta la rapière accrochée à sa ceinture, avant d’ajouter : enfin, tiens toi prêt à passer à l’action dès que l’occasion se présentera.
Le trio pénétra donc dans la base avec cette configuration, escortée par un groupe de gardes, visiblement eux aussi des révolutionnaires soumis à l’Aegis. Chaque nouveau pas dans l’impressionnant complexe était une série de données fraiches enregistrées par la mémoire de Zehir, qui au fur à mesure de leur progression put établir un schéma mental des lieux. Zora de son côté commençait à comprendre ce qu’il s’était passé ici… et elle n’aimait pas ça.

Zehir

En pénétrant au sein de la base maritime, Zora s'attendait à y trouver un bain de sang ou à la rigueur des traces de lutte, mais les trois rebelles ne virent rien de tout ça alors qu'ils déambulaient parmi les couloirs déserts.

Un révolutionnaire était mort sur Lunas. Des années plus tard, le groupe secret fondé par ce dernier apparaissait comme principal suspect concernant l'attaque d'une base à South Blue. Par l'hypothèse d'un lien entre les deux évènements était apparu un dénominateur commun : Kaylie O'Brien. Elle connaissait le défunt de son vivant et avait visiblement repris ses activités. De là, il n'était pas difficile de faire les liens et tandis que le trio arpentait les coursives de la Base Flottante, escortés par le présumé Aegis, seule une question demeurait sans response : "Pourquoi ?".

Vint alors le temps des réponses. Le jeune Kitchiro, avide de vérité, se lança dans un échange dont l'issue ne changerait probablement pas grand chose au sort réservé aux occupants de cette forteresse de bois et d'acier. Zehir, qui s'était rapproché de la porte par laquelles ils étaient entrés dans le bureau, avait déjà la main sur son arme prêt à abattre l'homme posté à l'extérieur alors que Zora, en retrait par rapport à la conversation s'était postée dans un coin de la pièce de façon à pouvoir intercepter quiconque surgirait depuis l'un des accès latéraux, sans toutefois perdre une miettre de ce qui se disait. Aussi haussa-t-elle un sourcil intrigué lorsque son acolyte du jour prononça l'état d'arrestation de la coupable pour : "meutre de révolutionnaire innocent", oxymore douloureux à l'image de l'ensemble de la discussion.

—Certaines personnes seraient ravies de vous cuisiner à longueur de journée pour obtenir des informations sur le Cipher Pol.
Ce n'était en revanche pas le cas de la dizaine de sbires approchant la pièce. Sans autre forme de procès, Zehir vida les chambres de son barillet dans le couloir précédemment emprunté alors que Zora projeta aux abords des accès latéraux de la pièce des sphères qui, au contact avec le sol, se brisèrent pour laisser place à un amas de branches et de feuilles croissants à une vitesse telle qu'elles obstruèrent rapidement les éventuelles issues de secours.

Dès lors, il n'était pas difficile d'anticiper la suite des évènements. Le rebelles à bord de la caravelle, en retrait jusqu'alors, débarquèrent sur la Base Flottante. Mission accomplie.