Time End avait vu un lot conséquents de péripéties subvenir ces dernières heures durant. En les affrontant, en les bravant avec l'ardeur que tous lui connaissait, le Phoenix s'était rendu compte de l'urgence de la situation : les Decimas prenaient en puissance et en efficacité, malgré tout le mal que lui et ses alliés du Gouvernement Mondial avaient pu se donner à les endiguer. Les événements d'Alabasta n'avaient fait qu'entamer en surface la puissante armée du Monarque, et de trop nombreux brillants éléments continuaient à servir sa cause... Et ce sans parler des alliances qu'il tentait apparemment de tisser aux quatre coins du globe. La situation était trop préoccupante pour qu'il ne la garde pour lui : il décida donc de composer le numéro de Marineford, bien déterminé à l'idée de joindre Chairoka en personne. Dès lors que quelqu'un lui répondrait, il ne perdrait pas la moindre seconde et s’annoncerait d'une voix à la fois claire et grave :

-Capitaine Corsaire Fenice Nakata. Appel de la plus haute importance, passez moi Chairoka.

Les forces de la marine avaient été bien promptes à répondre à sa demande, au contraire de ce qu'il aurait pu envisager de prime abord. Agréablement surpris, le jeune pirate écouta la réponse de son interlocutrice tandis que celle-ci déclinait son identité. L'amirale en chef lui répondait, et il n'avait plus qu'à lui exposer les faits qu'il venait de constater. Non sans un léger ton bercé d'impertinence et de malice, le Schichibukai prit donc la parole sans plus attendre, conscient du fait qu'elle avait aussi peu de temps à perdre que lui.

-Amirale-en-chef, ravi de vous entendre. J'ai deux trois nouvelles à vous conter. Pas des moindres, évidemment.

Il poussa un léger soupir et s'appuya plus fermement sur le dossier de son fauteuil tout en réfléchissant à ce qu'il avait à lui livrer comme informations. Autant simplifier les choses au maximum, et omettre volontairement les interventions de Mewi Taggle ou de Mori Ranmaru... La Marine n'avait pas besoin de connaître l'affaire dans les moindres détails, juste de posséder une vue d'ensemble. Il poursuivit donc, plus guilleret que la situation n'aurait dû le laisser paraître :

-J'ai une excellente et une très, très mauvaise nouvelle. Laquelle en première ?

Chairoka était toujours aussi sèche et directe qu'à l'accoutumée, et cela, ironiquement, lui faisait plaisir à entendre. Nakata appréciait l'amirale en chef, quoi qu'elle en pense et quoi qu'il en montre : elle était une véritable militaire, dévouée à sa cause, certes d'un pragmatisme froid et mécanique, mais d'un courage exemplaire et respectable. Elle ne semblait de surcroît pas véreuse... C'était une qualité rare lorsque l'on remontait jusqu'à d'aussi hautes fonctions au sein du Gouvernement Mondial. Sans attendre, le capitaine corsaire s'exécuta donc, déclarant avec un sourire triomphant :

-Red, le chevalier Decima. Il est mort. Kyoshiro et moi-même l'avons tué, sur Time End.

C'était une belle prise, pour le coup... Personne ne pouvait nier que cela allait avoir un impact certain sur Centes. Cela allait potentiellement le pousser à se montrer plus brutal et plus virulent dans les jours à venir... Le pousser à manquer de prudence, autrement dit. Une situation dont l'amirale pouvait largement profité, si elle se montrait aussi intelligente qu'elle ne l'était autrefois. Toutefois, un masque plus sombre et plus grave vint rapidement reprendre place sur le visage du Fenice, qui n'attendit pas plus pour poursuivre.

-Nous avons interrompu une tentative d'alliance entre Konan et les Decimas. Alana Vigor semblait être de leur côté, mais Kyoshiro a fini par la vaincre, et ils l'ont abandonné : je pense qu'elle cessera de servir leur cause. En revanche... J'ai moi-même affronté William Lancaster, et, je vous préviens, la nouvelle n'est pas du tout aussi brillante que le reste de notre petit parcours.

Avec un soupir de lassitude, le musicien ferma les paupières, calme et serein, avant de les ouvrir à nouveau, plus déterminé, sérieux et franc que jamais. Dans son regard brillait une lueur de regret, assurément : la marine devait faire une croix définitive sur l'un de ses plus puissants et prodigieux éléments.

-Il était libre, amirale-en-chef. William Lancaster est un Decima, dorénavant. Non par force, mais par choix.

Le sourire et les félicitations de l'amirale en chef eurent le don de décontenancer légèrement le capitaine corsaire, qui ne s'attendait guère à un acte de sympathie de la part d'une telle pointure de la marine. Enfin, il était vrai qu'elle devait travailler de concert avec les Schichibukais et qu'à ce titre, la victoire des uns facilitait grandement celle des autres : elle n'avait par conséquent que peu de raisons de se montrer froide et professionnelle dans ce genre de circonstances. Néanmoins, la très éphémère délicatesse de son interlocutrice se mua promptement lorsque l'annonce de la trahison d'Akainu se fit entendre. C'était logique, après tout... Lorsqu'elle le remercia, suite à un instant de silence, le Fenice ne répondit pas. Il se contenta d'arborer à l'égard de la jeune femme un sourire franc et, en quelque sorte, honoré.

Il le savait : c'était la dernière fois qu'elle lui parlerait comme à un allié.

Lorsqu'elle eut raccroché, le Phoenix s'adossa à nouveau plus lourdement sur le dos de son fauteuil et poussa une expiration profonde et à demi enjouée. La suite des événements allait être ardente, oh que oui...