Île de Micqueot – Bureau d'Erwin Dog

Quelqu'un toqua à la porte. Hope était assis dans le canapé, dans un coin de la pièce, lisant avec assiduité le journal qui était paru quelques jours plus tôt. Il regarda la personne qui entra dans la pièce, conviée par la voix chaleureuse du rouquin en train de remplir quelques dossiers. Ce dernier releva la tête en entendant la voix de son camarade vampire, arborant un sourire rayonnant à son égard. Cela faisait quelques temps que l'ancien chasseur de prime se montrait distant, alors le voir se rapprocher de lui-même, pour demander un service certes, mais dans l'optique de travailler en collaboration était l'idéal.

Le rouquin n'alla pas jusqu'à relever le taux très peu probable qu'une guêpe, même préhistorique, fasse du miel mais il préféra aller vérifier lui-même sur le terrain. Se levant, il lança avec une joie non dissimulée de quitter ses dossiers :

- Très bien, je suis de la partie !
- Moi aussi.

La voix de Hope s'était faite ferme tandis qu'il se levait de son fauteuil. Il était rare qu'il quitte l'île la plus éloignée des forces gouvernementales de North Blue, mais il était surtout encore plus rare qu'il s'impose quelque part où il n'était pas invité. Pourtant, en saisissant la main de son rouquin, il n'hésita pas à montrer la raison de sa venue : une pointe de jalousie sûrement. Erwin lui sourit sans émettre de rejet. Saisissant l'épaule du vampire, il les téléporta directement sur Little Garden.

Little Garden

L'île avait, dans le souvenir du rouquin, eut beaucoup moins de succès qu'à présent. Il s'y était retrouvé avec un T-Rex au cul, et aujourd'hui il pouvait montrer, sans soucis, qui était le patron. C'était un peu mesquin comme manière de penser, pourtant ça représentait bien son état d'esprit : il aimait l'idée de pouvoir tenir tête à la moindre bestiole qui lui chercherait des poux, à lui et à ses camarades. Hope, lui, était aussi apte à combattre dans cet environnement, mais il n'avait pas l'assurance pour le faire. Ses capacités martiales étaient bonnes, mais il présentait des signes d'ennui concernant les batailles.

En arrivant sur l'île, pourtant, il eut les mêmes réflexes qu'autre fois. Il gardait les sens alertes, la stature stable, et lorsqu'il sentait que quelque chose changeait dans son environnement, il adaptait son positionnement. Un vrai commando. Pourtant, la présence d'Erwin diminuait grandement ses inquiétudes. Il soupira finalement, lorgnant sur le rouquin qui le fixa dans les yeux.

- Tu peux arrêter de t'en faire s'il-te-plaît ?
- Tu sais comment je suis...

L'ancien marine affichait une moue vexée. Il n'aimait pas subir de remontrances du jeune homme, qui ne pensait pas à mal en faisant cela. Il fallait qu'ils soient tous deux opérationnels : à défaut des dinosaures, il devait y avoir un demi-millier de manières de mourir sur cette île. Ils n'étaient cependant pas là pour penser à cela. Leur objectif était de trouver les ingrédients dont Zayne avait besoin. Du miel et de la peau. Est-ce que ça pouvait muer les mantes religieuse ? Ça aurait alors été tellement plus facile de retirer de la peau...

- Où va-t-on maintenant, Zayne ?

La question posée était assez sérieuse : il ne savait pas comment se repérer ici, à l'intérieur de ces terres, et ce n'était pas Hope qui allait être d'un grand secours. Le cuisinier s'y connaissait peut-être en tartelettes à la fraise, mais il n'avait pas la moindre idée de comment se repérer sur une île munie de prédateurs. Si quelques astuces n'existaient pas, ils pourraient au pire chercher à l'aveuglette, ou demander à un diplodocus de leur indiquer le chemin... à condition que les prédateurs ne les aient pas tous mangés.

L'avancée sur l'île était relativement calme, et annonçait quelques heures de recherches. Les guêpes aimaient les endroits chauds, ainsi. Peut-être celles-ci en particulier, d'ailleurs : le rouquin ne connaissait rien de ces insectes, et il devait croire sur parole son camarade. Ce fut le son des crépitements au-dessus de sa tête qui finirent par l'inquiéter. Il mit à peine quelques secondes à comprendre la situation, mais il était déjà trop tard : le sol avait commencé à trembler et à s'ouvrir sous ses pieds. La crevasse déjà formée auparavant entraînait Zayne vers les tréfonds de l'île tandis que Hope semblait en passe de risquer sa vie devant un caillou d'une taille phénoménale. Il n'en fallut pas plus au garçon pour sortir ses dagues et scinder l'objet qui alla boucher des deux côtés les trous qui menaient vers les nappes souterraines.

Aussi courte fut cette incartade de la nature, aussi virulente fut-elle, elle ne perturba pas la faune bien longtemps. Lâchant un long soupir, le garçon se tourna vers l'ancien marine et lui sourit à moitié, soulagé qu'il ne lui soit rien arrivé. Ses sentiments l'avaient poussé à le placer en premier : une bien triste nouvelle pour l'Akimura qui avait à présent disparu.

- Zayne a disparu, constata à haute voix le cuisinier. Et merde !

Il frappa le rocher devant lui avec son poing et le fissura sans mal, sans même y mettre toute sa force. Un véritable combattant au corps à corps. Affichant sa main sur l'épaule du châtain, Erwin se voulut rassurant. Il savait qu'il n'avait pas disparu bien loin, et même s'il n'était plus à portée de son Haki, les courants souterrains le mèneraient vers lui.

- On le retrouvera... Ne t'en fais pas, tout va bien se passer.

Alors qu'il s'apprêtait à suivre le courant, le rouquin sentit la présence de nouveaux visiteurs qui semblaient... fuir. Un autre T-Rex... Il fronça les sourcils, releva le regard et vit apparaître devant lui une joyeuse bande de pirates, de toute évidence, en pleurs et en panique. Le dinosaure qui les poursuivait hurlait, criait à plein gosier. Il montrait de terrifiants crocs prêts à s'abattre dans la chair de ses proies, et il en fallut de peu pour qu'il n'en chope un. Heureusement, le révolutionnaire fut bien plus réactif et arrêta le mouvement de dents avec ses dagues, bandant ses muscles pour résister à la pression exercée.

Hope n'hésita pas un instant pour s'élancer dans les airs, optant pour un salto maîtrisé qui se termina en un coup de pied retourné sur le crâne du pauvre bougre, alors à terre. Assommé, la créature était à présent inoffensive. Un bon point qui n'était pas là pour rassurer un Erwin inquiet de la disparition du vampire. Quelle idée de venir sur cette île préhistorique ! Tsss.

- Bonjour messieurs, au revoir messieurs, nous n'avons pas de temps à perdre.

Le rouquin regarda le groupe de pirates apeurés, un peu plus confiant qu'auparavant mais toujours décontenancés. Il les avait identifié comme des pirates à cause du pavillon cousu sur chacun de leurs habits : il se demanda même s'ils en avaient un sur leurs sous-vêtements. Par ailleurs, si le duo n'avait aucune envie de traînasser, le groupuscule était beaucoup moins enjoué à l'idée de les voir partir. S'en suivirent cris de supplication, prières et compagnie. Se mordillant la lèvre, le jeune homme lança sèchement :

- Nous avons d'autres chats à fouetter.
- Mais... nous pouvons vous aider, s'il-vous-plaît ! On n'arrête pas de se faire poursuivre depuis qu'on a fait naufrage ici... Des dinosaures, des lémuriens, et même une créature qui ressemble à une mante-religieuse géante !

Pourquoi avait-il fallu qu'ils poursuivent ? À présent ils avaient attisé sa curiosité. Comprenant l'enjeu de la situation, le côté altruiste de Hope reprit le dessus. Il se mordilla la lèvre : à présent que l'éruption était passée, il leur suffisait de s'éloigner du volcan pour éviter qu'une heure plus tard ils ne soient aux prises d'une nouvelle catastrophe.

- Va chercher Zayne, je m'occupe d'eux... Vas-y !

Acquiesçant, le rouquin disparut pour prendre de la hauteur.

Erwin avait commencé à parcourir l'île de fond en comble, ce qu'il n'aurait osé faire en toute impunité des années auparavant. À présent les dinosaures le laissaient tranquille, d'abord parce qu'il était insaisissable, mais aussi, et surtout, à cause de sa flexibilité dans ses gestes qui le rendait dangereux. L'instinct de survie des bêtes était en état d'alerte, et s'ils ne semblaient pas changer d'attitude, ils n'en étaient pas moins prudents. Vivre dans la peur, ça ressemblait très peu à l'idée qu'on se faisait des dinosaures, et pourtant le système de proies et de prédateurs était bien installé ici. Les proies connaissaient cette peur, ils avaient conscience du système dans lequel ils évoluaient. Les prédateurs n'étaient que dans de rares cas mis dans cette situation.

Arborant un regard déterminé, le rouquin s'empressait de gravir la cime des arbres avec son pouvoir. Les longues branches effilées devenaient un obstacle lorsque des touffes de feuilles venaient les habiller. Il frémissait à l'idée que quelque chose ait pu arriver à Zayne, rendant ses actions parfois désordonnées. Son sang-froid était une vague conception qu'il abandonnait à certains instants, et celui-ci était un de ceux qui le privaient de cette énergie qui le rendait capable des plus grandes prouesses. Il commençait à considérer le vampire comme un membre de l'Inquisition plutôt proche, au point d'augmenter progressivement la confiance qu'il avait en lui. Il ne le questionnait pas sur ses motivations, pas plus qu'il ne tentait de pénétrer dans son esprit. Ce n'était pas le cas d'autres membres de son organisation, qui étaient parfois soumis à une vérification ponctuelle tant leur rôle était essentiel et la confiance qu'on pouvait leur concéder trop maigre.

En sondant la zone avec son Haki, le rouquin aurait du être en mesure de trouver la voix familière de son ami. Il n'avait cependant aucun indice, aucune façon de le retrouver sinon le hasard d'une rencontre. C'était un challenge : s'arrêtant un instant sur une branche, il observait la coulée souterraine, visible de sa position grâce à une nouvelle crevasse, qui avait emmenée Zayne. Il lui fallait aller en son sens, et essayer de le retrouver de cette manière. C'était la première bonne décision qu'il pourrait prendre. Ainsi, en s'élançant vers l'endroit où devait se trouver le médecin, Erwin s'empressa de saisir son escargophone pour tenter d'appeler le vampire. Son action pourrait être faite en vain, si celui-ci ne l'avait pas amené avec lui, ou s'il l'avait perdu dans sa chute.

Hope regarda les pirates. Ils étaient dans une position assez délicate à présent. Non content de s'être éloignés du volcan et de la position où se trouvait Erwin, il avaient déjà repéré le second ingrédient nécessaire à la potion de Zayne : le miel. Toute une ruche à vrai dire. Et elle était loin d'être petite. Aurait-il oublié de préciser que les abeilles préhistoriques étaient des créatures qui faisaient la taille d'un humain lambda, avec un dard aussi grand que l'avant-bras ? En déglutissant, le cuisinier regarda avec un air assez mitigé le groupe de pirates. Ces derniers semblaient assez peu convaincus de la position dans laquelle ils se trouvaient : ce n'était pas le moment de faire de l'entomologie.

- Des guêpes préhistoriques, marmonna un des pirates. Il s'agit d'une espèce très prisée pour les propriétés de leur miel... Il pourrait foutre des indigestions à n'importe qui. On ferait mieux de se barrer...

« Bonne idée ! » se dit Hope avec sarcasme en soupirant. Il ne prêta pas attention aux paroles de son interlocuteur, préférant concentrer ses efforts sur une seule et unique chose : échafauder un plan pour se procurer une dose suffisante de ce miel pour Zayne, sans en mourir.

Course-poursuite entre des abeilles géantes et engueulade avec une femme mante-religieuse. La situation avait bien dégénéré en quelques minutes. Le rouquin avait retrouvé son compagnon à force de recherche et, le voyant attaché à sa cible, s'était demandé ce qui avait pu se produire. Celle-ci, loin d'apprécier les étrangers et surtout pas les étrangers ayant une couleur de cheveux particulière, avait sorti ses faucilles pour repousser le jeune révolutionnaire. Erwin ne l'avait pas pris pour lui, personnellement, cependant il n'aimait pas la situation dans laquelle il était poussé. C'est ainsi que ses gestes parlèrent plus vite que son esprit, et qu'il répliqua en arrêtant son opposante et l'éjecta d'un coup de pied violent dans le flanc. Il déglutit en sentant qu'il avait fait une bêtise, et comprit qu'il allait avoir du mal à obtenir cette peau de manière totalement consentante. Il sourit bêtement en tentant de ne pas la froisser plus qu'auparavant, et lorsqu'il comprit que c'était peine perdu, une seule option se présenta : la fuite.

Encore eut-il fallu qu'elle leur laisse cette occasion. À coup de lames d'air, elle visa le rouquin sans faire réellement attention à Zayne. Le jeune homme sortit ses dagues pour défendre son compagnon, ne craignant pas quelques égratignures qui ne viendraient de toute façon pas : sur Grand Line, il n'avait pas de réel ennemi tangible qui puisse le blesser. Enfin, quoique, il ne connaissait pas toutes les personnes qui étaient sur ces mers, et surtout il avait pu avoir l'exemple d'une opposante qui lui avait donné du fil à retordre, sur l'île au Trésor...

Lorsqu'il eut fini de tergiverser, le rouquin prit simplement Zayne et le téléporta avec lui. Il l'emmena jusqu'à l'endroit où ils avaient atterri sur l'île et lui fit ordre de ne pas bouger. Il allait chercher Hope et ils pourraient repartir de ces lieux maudits. En quelques instants, il put par ailleurs localiser sa moitié : ce n'était pas très difficile. Celui-ci se situait là où les abeilles avaient décidé de s'agglutiner. Il les avait attirées, éloignées de leur ruche, et les pirates étaient allés récupérer le miel en échange d'un moyen de voyager rapidement à leur destination. Une promesse sur le dos de son futur conjoint.

- Erwin ! Hurla-t-il, acculé au pied d'un arbre. C'est le moment de te montrer ! Erwin !

Il ferma les yeux, utilisant son Tekkai pour prévoir les coups des abeilles préhistoriques qui n'arrivèrent jamais. Une vingtaine de lames d'air vinrent frayer une chemin, effrayant plus que blessant. Les ennemies se contentèrent de regarder le nouvel arrivant, de le jauger, avant de prendre la sage décision de se retirer. Elles n'avaient pas peur, mais un combat perdu d'avance ne devait pas les intéresser. Soupir de soulagement, tandis que les pirates venaient de s'extraire de la ruche avec le bien que cherchait Zayne. Au moins un sur deux. Ils reviendraient pour le second, si le besoin s'en faisait ressentir, ou il y avait sûrement un moyen de trouver un substitut. Auprès du médecin, Erwin trouverait une solution pour combler au manque d'ingrédients...