De prime abord, la verte avait pensé de son interlocuteur qu’il devait être un homme fier et morne, le cliché de l’épéiste de base en somme. Pourtant, il s’avérait que ce rouquin était largement différent de ce que les idées de chacun pouvaient révélées.

Les filles accompagnant la Toupex le considérait comme un boulet, Norok comme un rival qui pourrait séduire ses précieuses chérie, Arnold le voyait comme un gratteur de première classe bon à dépanner si Sayara n’était pas dans le coin et Kanäe voyait en lui un idéaliste un peu trop léger. Pourtant, elle s’était trompée apparemment, enfin … en partie.

Ce caractère léger se retrouvait effectivement dans le comportement du roux envers l’ours géant. Il le papouillait dans tous les sens et semblait se complaire dans le manteau poilu de la monture du duo. Aimer les animaux n’était absolument pas une faiblesse pour la révolutionnaire ; heureusement car sinon elle serait la première des faibles. Mais si l’engouement de cet inconnu était plaisant à voir, il était aussi, dans une certaine mesure, un peu gênant. Enfin, l’attendrissant fan d’ours se transforma en philosophe de sa propre pensée, tout en arrosant un petit coup au passage la maudite en lui reparlant de sa traitrise. Pour autant, cette évocation ne froissa absolument pas la principale intéressée qui ne regrettait pas ses années gouvernementales. C’étaient ces années qui lui avaient permis d’en arriver au stade où elle était aujourd’hui.

Pourtant au milieu de son discours presque ennuyant, une phrase fit écho dans le cœur de la chasseresse ; celle parlant de la personne prête à être blesser avant de blesser. Intéressant lorsque l’on y réfléchissait. Puis vint sa tirade sur son état face à la mort. Avant qu’il ne puisse continuer, Kanäe intervint immédiatement.



Vint ensuite la question cruciale, une question de recrutement indirecte. Kanäe répondit alors avec un grand naturel.



Enfin, plus pressé que depuis le début de leur entrevue, il en vint à se questionner sur le temps de trajet. Kanäe n’avait pas la moindre idée du temps de traversée et le notifia à son allié inconnu avant de descendre du dos d’Arnold qui venait de poser les pattes sur l’îlot de Bulle.

Sous ses airs de roux un peu bizarre, l’épéiste avait un peu d’humour. Aussi, la remarque concernant sa prochaine mésaventure fit sourire, la verte qui ne releva pas ; ne cette remarque, ni celle concernant la raison de l’inquiétude claustrophobe de ce potentiel futur acolyte. Si elle pouvait comprendre la source de l’inquiétude, elle ne comprenait pas qu’un amoureux des animaux comme lui puisse stresser à l’idée de voyager au sein d’une baleine-île. D’autant plus que dans son cas, ce n’était pas la première fois que Bulle lui servait de moyen de locomotion. La Toupex, grande amoureuse de la faune elle-même, se sentait plus qu’à l’aise dans l’immense corps de de sa fidèle Bulle. L’immense cétacé était, au même titre que tous ses autres animaux, son petit bébé.

Quoiqu’il en soit, délaissant le rouquin, la verte se présenta devant la façade de sa villa pour demander un complément d’information à la professionnelle de la navigation.



Par une fenêtre ouverte, la voix féminine de la brune se laissa entendre, bien que relativement fluette du fait de l’éloignement.



De l’étage supérieur, ce fut maintenant la voix de la rouge qui vint prendre le relai. Elle semblait effectivement irritée mais était trop timide, et un peu trop fière pour l’avouer.



La chienne-louve était donc l’excuse de l’ex-mouette spécialiste en explosif pour ne pas voir celui qu’elle avait envie de faire exploser. Elle était certes un peu excessive mais c’était pour le bien de son groupe : ne jamais se laisser faire face à des individus qui cherchaient à endiguer nos principes. Elle n’avait pas supporté le fait que cet homme ait empêché l’explosion de sa belle doll, ces petites chéries éphémères méritaient de partir en apothéose.

En bon cheffe qui se respecte, la révolutionnaire tira sa révérence et entra dans sa maison tout en précisant à son compagnon de route une chose tout à fait logique.



Si la remarque relavait plus de la boutade que de la réalité, Sayara étant en principe incapable de prendre une vie innocente aussi légèrement, il existait toujours un risque de blessure involontaire. Kanäe disparut donc dans la maison et retrouva ses deux acolytes avec qui elle resta quelques petites heures, en vérifiant à rythme constant par la fenêtre que leur invité ne foutait pas le feu ou ne plaçait pas des escargophones espion. Dehors, en plus de Shiki, se trouvaient les animaux de la maudite, celui-ci pourrait donc passer les dites heures en jouant ou s’occupant de ces derniers. Il fallait dénombrer à ce titre l’ours géant, le sprinteur à collerette, le lézard géant et, sur le toit, l’inaccessible Norok. Cela laisserait au roux tout le loisir de s’occuper ; les reptiles et l’ours semblant bien apprécier l’inconnu.

Une fois les heures passées, la verte redescendit pour prévenir l’invité de leur arrivée imminente.



Il n’y avait pas vraiment plus de chose à dire, elle ne s’en voulait pas vraiment et avait de toute façon du s’occuper des affaires courantes, et notamment de la rencontre qui se profilait avec Ghetis Archer. Elle recueillerait donc les impressions de Shiki et le raccompagnerait une fois la baleine-île proche de leur destination de dépôt.