L’air frais des hauteurs célestes du firmament vint caresser le visage enfantin de la jeune De Lérhane qui ouvrit grand la bouche afin de lâcher un bâillement somme tout théâtral avant de redresser son buste. Elle soupira, les paupières à moitiés closes, puis se laissa retomber en arrière en affichant un sourire de satisfaction tandis qu’elle en profitait pour aller rejoindre à nouveau Morphée, le matin étant à peine engagé.

-Alors mademoiselle ? On traine au lit ? lâcha Séphiran en pénétrant dans la pièce tandis que le visage d’Ishtar se crispait tout en lâchant un nouveau soupire. Je te rappel que c’est normalement aujourd’hui que Sakuga est libéré de sa punition pour votre escapade en forêt.

-Ah oui, c’est vrai, répondit-elle en se redressant et en passant sa main dans ses cheveux ébouriffés par la folle nuit de sommeil qu’elle venait de passer.

-Eva et Omnis sont normalement libre aussi donc vous devriez pouvoir vous voir. Faites attention hein ! Pas de bêtises cette fois-ci !

-Oui papa.

Leanne et Séphiran n’était pas des parents qui mettait le paquet au niveau des punitions. En effet, il savait pertinemment que leur fille était plus du genre à suivre ses camarades dans leurs bêtises que les initier. Ishtar étant une fille assez timide et réservé la majorité du temps qui essayait d’être la plus parfaite possible pour ne pas se retrouver dans une situation honteuse, même si elle savait malgré tout intervenir auprès de ses amis pour placer un bon mot, les deux parents de Lérhane ne s’en faisaient pas pour elle. Malheureusement, leurs esprits étaient préoccupés par la situation des Keigo. Le fils et la mère était soumis à la brutalité du colérique Rémus et la situation s’empirait de plus en plus au fil du temps. Leanne craignait qu’il ne finisse par commettre l’irréparable. C’est pour cela que Séphiran rodait régulièrement autour de la maison de la famille en plein danger.

Ishtar se dirigea vers la salle à manger pour prendre le petit déjeuner alors que les rayons de l’astre solaire se répandaient dans le ciel tandis qu’il se levait sur l’étendu sans fin de la mer blanche aux milliers de nuages. La fillette de six ans qui mesurait déjà un bon mètre et demi et qui arborait quatre ailes dans son dos, difformité provenant d’une malformation génétique, mangea tranquillement en se laissant bercer par le chant des petits oiseaux amicaux qui contrastaient avec les horribles volatiles qui faisait souvent régner la terreur chez les habitants de l’île céleste recluse du reste du monde. Ayant terminé, elle alla embrasser sa mère, puis son père, puis se dirigea vers l’extérieur afin d’aller retrouver ses camarades et ainsi reprendre les aventures qu’ils avaient mit de côté en raison de leurs punitions respectives.

-Je vais les garder à l’œil, déclara le paternel à sa femme qui, comme à l’accoutumé, était d’une pâleur à en faire rougir une poupée de porcelaine, objet très proche de la demoiselle angélique puisqu’on avait l’impression de pouvoir la briser très facilement, même s’il en était rien en réalité.

-Tu ne devrais pas plutôt t’occuper de la surveiller elle ?

-Je pense que les risques planent d’abord sur Sakuga et se répercutent ensuite sur Tenohira, répondit l’homme qui posait déjà les yeux sur sa claymore.

-Tu as sans doute raison. Je vais aller la voir, puis je ferai attention à ce qu’il se passe. Je te signalerais si je vois du mouvement pour qu’on aille voir ensemble.

-Cela me parait bien chérie, même si j’ai un mauvais pressentiment...

Le souffle du vent est un pouvoir sacré qui traverse les cœurs des habitants de ces contrées paisibles. Mélodie du bonheur dans la sérénité de la fable vivante et dans la cristallisation de l’enfance, la brise se meut en une anamnèse nostalgique et liliale pour des hordes d’adultes qui peuvent ainsi retrouver une âme d’enfant au milieu de ces paysages transcendants la réalité de leur être vieillissant. Cette fraicheur idoine aux champs de l’apaisement s’avère être le berceau de lumière ensorcelant les esprits naïfs des enfants natifs de ces landes sauvages afin de leur faire connaitre la félicité de la jeunesse ainsi que la béatitude de la nature souveraine. Cette onirique cadre idyllique était le décor parfait pour façonner des anges heureux… Néanmoins, les aléas de la destinée impliquaient d’innocents personnages sur le chemin de la tristesse. Jusqu’alors, Ishtar n’avait pas été impactée par une telle mise en difficulté par les Moires, mais ce n’était pas forcément le cas de Sakuga qui rencontré des problèmes avec son paternel, ce qui amorçait ainsi une nouvelle voie qu’il devrait peut-être emprunter sous peu. Les fils du temps s’entremêlaient en cette journée qui pouvait s’avérer être le pilier fondamental d’un futur difficile, que ce soit pour l’un ou pour l’autre des deux enfants qui seraient tout deux amenés à perdre leur innocence pour faire face aux terribles dangers arpentant le « monde d’en bas » qu’ils ne connaissaient, pour l’heure, absolument pas.

C’est détendue par la fraicheur de cette journée ensoleillé que la De Lérhane quitta sa demeure pour se diriger vers le lieu de réunion du groupe d’amis qu’ils formaient avec Sakuga, Eva et Omnis. Celle qui se faisait parfois appeler « Tour de guet » par ses camarades en raison de sa taille bien supérieure à la moyenne pour son âge, taille annonciatrice de se hauteur future, avait hâte de retrouver ses compagnons au grand complet, ce qui n’avait pas vraiment put se faire depuis leur mésaventure en forêt où ils avaient affronté un jeune représentant de l’espèce des volatiles tyrannisant la céleste Bilca avant d’être aidé par les pères Rémus et Icarus pour faire le retour. Autant dire qu’il était hors de question pour la jeune demoiselle assez réservée d’aller à l’encontre des instructions parentales, quitte à utiliser d’une méthode plus ferme pour retenir Sakuga et Eva, les tentatives d’Omnis et Ishtar ayant échouer la fois précédente, conduisant ainsi aux fâcheux événements avec le rapace. C’était certainement ce que prévoyait aussi Omnis, dont elle avait toujours été plus proche en termes de façon de penser, même si elle ne savait pas ce qu’il avait dit aux deux garnements avant qu’elle n’apparaisse dans leur champ de vision. Avançant à bonne allure grâce à ses jambes plus longues que les autres, elle se rapprochait petit à petit en saluant ses camarades, ses quatre ailes issues de malformations génétiques bien déployés dans son dos.

-Coucou ! Ça fait du bien de vous voir. Comment allez-vous ?

Elle les rejoindrait alors pour discuter de ce qu’ils allaient bien pouvoir faire aujourd’hui, préférant éviter d’aborder le sujet de leur précédente balade qu’elle préférait oublier en raison de son caractère illégal, enfin qui était tout du moins illégal aux yeux de cette « petite » blonde qui préférait éviter d’embêter les adultes ou de se faire mal voir par eux à cause d’un comportement inapproprié.

-Qu’est ce qu’on fait aujourd’hui alors ? Hors de question de quitter le village d’ailleurs cette fois-ci. Il ne faut pas refaire de bêtises ! déclara-t-elle en regardant à tour de rôle les deux plus jeunes de la petite troupe.

En réponse à la petite Eva, la jeune blonde aux iris lunaires orna ses lèvres d’un sourire joyeux alors qu’elle fermait ses paupières pour que son visage revête ainsi un jour favorable tout en répondant à la question tournée en affirmation de l’Icarus princière. Ses yeux virèrent de bord pour aller observer Omnis et comprendre qu’il était de son avis au sujet des bêtises à réfréner. Il ne rester plus qu’à voir si Sakuga saurait se contenir. Si son visage semblait contenir un certain mécontentement, cacher complétement ses véritables sentiments étant assez compliquer malgré tout pour les enfants, il ne s’opposa pas aux avis des deux plus âgés de la bande. Il finit même par proposer une destination pour leur journée. Un nouveau sourire vit le jour sur les lèvres de la grande fillette.

-Cela me convient parfaitement et vous ? lança-t-elle aux deux Icarus.

Elle tournerait alors ses prunelles argentées en direction de cette étendue blanche qui faisait office de surface aux « eaux » de cette océan céleste qui reliait toutes ces îles du firmament que les jeunes de Bilca connaissaient au final très peu. En effet, en dehors de leur propre village qui vivait pour ainsi dire en autarcie, ils n’avaient pas vraiment l’occasion de partir découvrir les autres peuples ailés vivants dans ces cieux fragmentés en ces différents pôles que sont les cités angéliques. Cet horizon qui se dessinait ainsi au terme de ces flots immaculés était donc en quelque sorte la frontière de leur monde, sa limite qu’il ne pouvait outrepasser quasiment que par l’imagination en allant des fantasmes aux récits leurs parvenant sur l’extérieur de ce monde, leur monde. La magnificence de tels paysages qui ne pouvaient être contemplé que par les habitants du ciel et les quelques voyageurs parvenant presque par miracle jusqu’à ces hauteurs était à couper le souffle et la jeune Ishtar aimait les contempler lorsqu’elle était seule. Si de jour comme de nuit la vue était splendide depuis un petit promontoire auquel la De Lérhane s’installer pour l’admirer, c’était vraiment le crépuscule qui serait un souvenir particulier et impérissable dans la mémoire de la demoiselle lorsqu’elle arpenteraient les eaux d’en bas. Pourtant, c’était également ce qui l’amènerait à un destin surprenant puisque dans un moment impromptu elle serait poussée à cet endroit précis par Taozaplitoca, qui en cette période de l’enfance lui volait ses affaires régulièrement, pour choir jusqu’aux mers bleues. Et dire que si elle chérissait particulièrement ce point de vu là c’était simplement car selon un conte que lui avait raconté Leanne lorsqu’elle était petite il s’agissait de l’endroit où s’était retrouvé le prince et la princesse du ciel après s’être recherchés l’un l’autre au travers de l’océan céleste durant pas moins de cinq longues années d’errance.

En tout cas, elle ne voyait pas vraiment pour l’instant comment jouer aux abords des flots de nuages pourrait être tourné en foire aux bêtises par Sakuga et Eva, ce qui la rassurait sur la suite de la journée. Omnis et elle n’auraient qu’à surveiller les deux plus jeunes pour s’assurer que tout se passe sans accrocs et éviter de nouvelles catastrophes. Voilà donc une après-midi qui s’annonçait radieuse pour le groupe d’enfants en quête d’aventures trépidantes. Néanmoins, le calme pouvait céder à la tempête en quelques instants et c’était d’autant plus vraie dans un microcosme comme celui-ci. Si les enfants insouciants n’envisageaient pas que les événements puissent tourner en une situation inextricable, le destin pourrait tout à fait le leur montrer. Faire virer le quotidien au tragique n’était pas une affaire difficile pour les Moires construisant la trame des vies humaines. Enfin, pour découvrir si un danger invisible approchait inexorablement des jeunes gens, il faudrait avancer dans le temps jusqu’au point voulut par les mères tisseuses, ce genre de croisements qui demeurait inconnu pour tous les mortels et que certains stratèges émérites tenter de tracer eux même en le transcendant en une victoire splendide.

La décision sembla donc collégiale puisqu’Omnis approuvait également l’idée du jeune Keigo. Néanmoins, Ishtar sentait que quelque chose clochait. C’était une désagréable impression dont elle ne trouva pas la cause immédiatement, mais cela lui apparut tout seul alors qu’elle entamait la plusieurs pas derrière les deux garçons. Elle sentit les doigts d’Eva indiquer qu’elle avait quelque chose à dire. C’est alors que la De Lérhane comprit ce qui l’avait gêné : elle avait remarqué qu’Eva n’était pas comme d’habitude sans que son intention soit focalisée dessus, lui donnant une impression vague pesant sur son esprit jusque-là. Ralentissant et tentant d’avancer à un rythme proche de celui de la jeune Icarus malgré ses grandes jambes

-Non. La seule chose que je sentais c’était toi. Peut-être que tu as remarqué quelque chose qui est différent à cause des punitions que nous avons subie ? Il faudrait que tu essayes de te détendre malgré tout je pense. Il n’est pas bon pour une princesse de montrer à ses sujets qu’elle est inquiète.

-Tu as sûrement raison, répondit la fillette sans avoir l’air totalement convaincu, persuadé qu’un truc clochait vraiment.

-Tu veux monter sur mes épaules ? demanda alors la Tour de Guet en espérant ainsi pouvoir changer les idées de sa camarade de jeu en lui offrant une meilleure vue et lui épargnant de marcher jusqu’au lieu fixé comme terrain de jeu pour la journée.

C’est un hochement de tête assez timide qui fut offert en réponse, preuve que l’appréhension de la Icarus ne la quittait pas. S’arrêtant, Ishtar posa un genou au sol et aida son amie à monter pour la porter comme un parent qui voudrait que son enfant voit quelque chose malgré une foule assez dense. Si la conversation entre les deux garçons se tournait sur leurs points de vue sur les qualités que doivent posséder les guerriers bilcans, la De Lérhane et Eva parlait de chose plus simple… Ou tout du moins, la fille de Séphiran et Leanne tentait de changer les idées à son acolyte réellement troubler par son ressentit, chaque sujet abordé par la Tour de Guet ne trouvant que des réponses assez courtes. C’est alors que la voix de Sakuga atteignit les deux demoiselles pour indiquer qu’ils avaient rejoint leur destination du jour.




Les perles de lumière solaire pénétraient l’océan laineux pour faire ressortir la blancheur éburnéenne de ces structures naturelles, à la fois légères et denses sur lesquelles naviguaient les pêcheurs célestes. C’était bien ce genre de spectacle fabuleux que les habitants des mers bleues pourraient envier aux êtres du firmament, mais une vue similaire sur un océan azuré ne serait-il pas tout aussi magnifique ? En tout cas, certaines personnes du monde d’en bas ne s’attendaient pas à ce qu’il y ait de la vie dans les nuages, alors pouvaient-ils concevoir de tels paysages ? Ce qui était sûr en revanche, c’est que chaque génération d’enfants bilcans pouvaient profiter de cette magnificence transcendante pour marquer leur enfance et leur développement, un genre d’héritage qui permettait aux jeunes gens de pouvoir comprendre la notion de beauté et de peut-être y trouver là une source de joie pour la vie quotidienne rude d’une communauté vivant par elle-même de façon autarcique. Un sourire apparut sur le visage d’Ishtar tandis qu’elle contemplait les arcades aériennes de nuages s’effondrant sur eux même, formant un mouvement similaire à des vagues. Levant légèrement la tête, elle regarda comment allait Eva qui semblait encore être rongé par l’inquiétude. Se retenant de soupiré de tristesse, la De Lérhane fit descendre la fillette Icarus de ses épaules avant de s’approcher d’Omnis et Sakuga avec elle.

-On fait quoi en premier ?demanda-t-elle.

Le sifflement lointain de ces landes laineuses s’harmonisait avec l’écho des paroles infantiles du groupe de garnements qui se figeaient dans l’instant présent, définissant du contour de leurs silhouettes la marche des cieux arqués par le foisonnement insensé du périple sacré se levant en soleil sur l’horizon clairvoyant des platitudes éternelles du marbre et de l’acier dans cette fresque de vie et de temps. Confinant la moralité sur des versants poivrés des intentions néfastes d’un esprit sombre planant en ombre sur les pantins de son châtiments, les ustensiles invraisemblables cherchant dans la lucidité de l’instant une porte vers d’autres pays merveilleux qui ne trouve aucune substance tangible sur leur doigts crispés par les aléas du glissement tonitruant de la marche virulente d’une menace invisible et muette qui défile en un corbeau dévorant la colombe devant la vision pure de la vierge assassiné à l’aube d’une vie de piété ivoirienne sous le regard oranger du crépuscule naissant. C’est ainsi qu’Omnis offrit à la troupe l’idée qui lui traversa l’esprit, la matérialisant par mouvement vibratoire via la parole afin de quérir l’avis de ses camarades sur une expédition en radeau, proposition qu’il semblait adresser en premier lieu à Ishtar puisque c’est vers cette dernière qu’il avait tourné son corps pour la formuler. Néanmoins, tandis que Sakuga répondait par une approbation, les yeux argentés de la jeune archange se tournèrent vers la jeune fille Icarus qui, ne semblant toujours pas dans son assiette, demeurait dans une position différente de celles des aventures tant recherchés en temps normal. Un flux empathique s’étendit dans le corps de la De Lérhane qui apporta ainsi sa réponse.

-Je pense que vous devriez y aller à deux en faisant attention, Eva et moi allons rester là entre filles en attendant pour regarder la mer.

Néanmoins, Sakuga ne perdit pas de temps pour s’ouvrir aux autres en posant une question au sujet des rêves de chacun. Ishtar se retrouva désarçonné par cette demande atypique et surprenante. Elle demeura ainsi muette quelques longs instants, faisant un, puis deux pas vers la mer céleste en regardant la limite entre les deux étendus se rencontrant en une unique ligne coupant le paysage lointain en deux hémisphères immatériels tandis que les deux Icarus donnaient leurs propres ambitions.

-Je ne me suis jamais posé la question. Tout ce qui m’intéressait jusqu’à maintenant était d’être avec les personnes que j’aime, rester au sein du village et observer le monde qui l’entourait.

Elle ouvrit sa main et en observa la paume avant de refermer ses doigts comme des serres pour serrer le poing sans bouger pourtant des pupilles, réfléchissant à cet affrontement exaltant contre le jeune oiseau pour sauver le Keigo, événement aboutissant aux fameuses punitions respectives de chaque membre du groupe à l’arrivée des paternelles d’Eva, Omnis et Sakuga. La sensation qu’elle avait ressentit à ce moment là était une joie particulière qu’elle avait jusqu’alors jamais connu. Et si jamais elle affrontait un à un les volatiles tyrannisant le village pour mettre fin à leur existence et libérer tout le monde de l’oppression, ce ne serait pas beau ? Peut-être. Mais elle passerait pour une personne violente aux yeux des adultes, cela ne devrait pas leur plaire… Peut-être quand le disant d’une manière détournée cela passerait mieux ?

-J’aimerai agir pour que les attaques d’oiseaux cessent définitivement. Je pense qu’on pourrait dire que c’est un rêve pour moi.

C’est alors que le jeune fils d’Octavius Rémus se munit de bout de bois qu’il transforma en artefacts d’enfance en y nouant des mèches de cheveux afin de sceller d’une certainement façon leurs promesses de lutter pour leurs ambitions en un serment matériel. Tandis que chacun chercherait à faire ceci, Ishtar tournerait à nouveau ses iris vers l’horizon, adressant ses doutes au monde extérieur avant de sourire dans un rayon de satisfaction du présent s’écoulant alors. Elle se pencha donc pour imiter ses camarades.

La foudre se déchaîna dans les cieux, les torrents diluviens du déluge se jetant dans l’espace pour fendre la réalité et asservir ses concepts dans un mélange occulte de vérité et de clémence. La furie du ciel ne laissait aucune place à l’interprétation. Le courroux était total et le chaos régnait en maître sur la Destinée pour le plus grand plaisir des architectes de la destruction, ces vautours sanglants nés de l’humanité, pervertis par les ténèbres et le sang que la vie déploya sur leur visage, qui à jamais ne chercheront rien d’autres que l’anéantissement et la puissance, comme si cet artefact intangible serait le catalyseur salvateur délivrant leur esprit des ombres les ancrant au cœur de la géhenne pour des siècles et des siècles sous les montagnes de cadavres de ceux à qui ils ont arraché le cœur encore palpitant. Pour eux, le châtiment de l’humanité est sa quiétude éphémère à laquelle ils mettent un terme en révélant le terme de l’existence d’un geste mortel, apportant la vérité et la connaissance par leurs doigts acérés, outils de la Faucheuse récoltant avec cupidité et avarice ces damnés qui n’ont put goutter aux plaisirs du trépas serein qu’offre le calme absolu régnant dans le futile bonheur que ce construise toute une vie durant ces parias désirant cette relique inutile avec autant d’ardeur qu’un adolescent désire fendre les putrides conduits intérieurs d’où peuvent jaillir l’enfant. Dans cette éternité cendrée, les lames virevoltantes de ces hommes sacrifiant toutes forme d'allégresse sur l’autel du démoniaque souverain des landes de la mort s’enroulent en une seule symphonie résonnant à travers les âges pour sonner le glas de ceux qui vivent leur éveil, que ce soit l’explosion de la moitié d’une île ou l’ingurgitation d’un des fruits maudits aux pouvoirs sataniques. C’est le sourire de la malversation qui rompt le cycle originel pour imposer son rythme et sa cadence aux vestiges de la consécration glorieuse de la plénitude. Nulle apothéose ne saurait faire face aux vices de la colère et les terres nuageuses de Bilca se souviendraient longtemps de la folie totale ayant ravagé leur constance.




Les prunelles d’Ishtar se posèrent sur la voute céleste. Une étrange sensation se répandit en elle. Un sentiment mystérieux qui ne correspondait en fait que très peu à la situation. Depuis sa confrontation avec l’oiseau dans la forêt, les histoires de batailles la fascinaient de plus en plus tant et si bien que cette puissance écrasante qui déferlait la faisait frémir d’excitation. Elle ne l’eut pas compris sur le coup, mais c’était clairement ce qui la traversait de part en part. Elle savait que quelque chose d’incroyable aller se passer. Une chose tout aussi terrible qu’impressionnante. Cela serait peut-être d’une certaine façon un spectacle dont la finalité déciderait de bien des choses, mais la fascination ayant prit le contrôle de la blonde, cette dernière n’eut pas l’occasion de résister au désir de voir ce qui aller se passer, cette œuvre incroyable de cruauté et de puissance qui allait la bouleverser et se graver dans son esprit pour faire partit intrinsèque de sa passion future pour les affrontements martiaux qui trouvait là une de ses racines ainsi que dans ses réflexions ultérieurs l’amenant à la sagesse de l’honneur et du respect à l’opposé du diable qui avait agit en ce jour sombre.

Serrant le poing, elle répondit d’un signe de la tête à Omnis alors qu’un étrange sourire naissait sur son faciès pour croître durant la course pour rejoindre le village tandis que le Keigo était tombé à genoux, paralyser par la même grandeur qui avait exalté les sens bestiaux de la jeune bilcane aux quatre ailes plongé dans une hypnose surnaturelle alors même que tout ses camarades voyaient là la terreur envelopper l’île céleste pour les saisir au cou, prêt à les étrangler tandis que l’ombre s’avançait au lointain pour rejoindre le paternel Icarus qui mènerait là certainement le plus rude combat de toute sa vie, cette fameuse œuvre d’art que la De Lérhane allait contempler les yeux grands ouverts pour découvrir les sensations brutes que pouvaient offrir le combat, ceux-là même qu’elle devrait maîtriser pour empêcher le plaisir de prendre le dessus sur la raison et ainsi perdre toute forme de concentration. Avec ses grandes jambes, et certainement le retour en arrière d’Omnis qui devrait sans aucun doute s’occuper de Sakuga resté à terre, elle serait la première arrivée au village pour être l’un des témoins de la bataille gargantuesque.




Le regard sévère, les sourcils froncés, Séphiran observait l’extérieur de la demeure en découvrant le déchaînement des éléments qui avait lieu. Le mauvais pressentiment se transforma en bourrasque et, sans attendre, l’homme saisit Ashunera, sa claymore longue de pas moins de deux mètres, alors qu’il savait que depuis qu’il avait eu sa blessure au bras il n’était plus en mesure de la brandir avec autant de puissance qu’autrefois où il pouvait la manier à une main à l’aide de la force physique qu’il avait développé et entrainé. Le destin était parfois bien funeste, là preuve en été qu’il l’avait privé de sa maîtrise de cette arme hors-norme. Il lança à sa compagne à l’apparence fragile :

-Je vais voir si Tenohira va bien !

Déterminé, Leanne s’approcha de son mari et déposa un tendre baiser sur ses lèvres avant de hocher la tête pour répondre.

-Je vais vérifier si tout va bien pour les enfants.

D’un geste, la tendre mère aimante détacha ses cheveux qui flottèrent autour d’elle tandis qu’elle prenait une tout autre dimension. La douceur et la fragilité qui émanaient d’elle disparurent, l’ombre semblant l’encercler pour mieux s’intégrer à elle dans une aura mystique qui ne fut aucunement chassé par la caresse que Séphiran fit sur la joue de sa bien aimé qu’il n’avait plus vu comme cela hors de moments intimes depuis bien longtemps. Il s’éclipsa alors, cherchant à rejoindre la maisonnée des Keigo-Rémus en espérant que ses peurs ne soient pas fondées. De son côté, Leanne inspira un grand coup avant de s’élancer dans le village en direction de la plage où elle avait vu le petit groupe se diriger alors qu’elle observait sa fille par la fenêtre, plus pour voir comment aller les autres garnements ayant souffert de punitions. Ecrasant le sol à chacun de ses pas, elle ne tarderait pas à apercevoir l’Icarus, prêt au combat, tout en étant encore à une certaine distance de celui-ci. Sentant l’ambiance pesante, elle tourna la tête et vit la silhouette dessinée entre les arbres. Elle resta là de long instant afin de tenter d’aider Janus et ainsi protéger les enfants de la fureur du monstre, prête à foncer les protéger et faire bouclier s’il y avait besoin.

Ishtar sentait ce déferlement de puissance irradier complétement l’espace autour d’elle, chaque choc produisant des rafales qu’elle serait incapable de reproduire et qui la plongerait immédiatement dans l’inconscient si une seule de ces attaques lui parvenait. Le regard longeant les formes de ces deux opposants, la jeune De Lérhane vit sa mère se rapprocher d’elle tout en étant tourné vers la bataille qui avait lieu près du village. Nul doute que les autres membres de la communauté restreinte qui formait le village de Bilca étaient eux aussi là à regarder, espérant bien évidemment une fin plutôt qu’une autre. Leanne se tenait ainsi non loin de sa fille et des enfants qui arrivèrent peu après, faisant barrage pour intercepter la bête et tenter par tous les moyens de sauver ceux qui représentaient l’avenir de Bilca, ceux qui n’avait pas encore put vivre pleinement leur existence, la mère au foyer sachant pertinemment que dans son état de transe actuelle était bien plus forte que la majorité des habitants du village. Si elle était prête à agir pour les fils et filles d’autres familles, elle était bien évidemment bien plus concentrée à se préparer à intervenir pour sa fille, Sakuga et, dans une moindre mesure que les deux premiers, les Icarus. Le jeune Keigo était bien évidemment celui qui était le plus menacé par la monstruosité de par son ascendance et le traitement que le Rémus lui avait offert des années durant, filiation qui fut prouvé lorsque le nuage de poussière emplit les airs et que la voix de Janus résonna pour faire tinter la nouvelle aux oreilles de l’assemblé de spectateur de ce spectacle ahurissant qui trouvait pourtant dans Ishtar un écho particulier, une résonnance d’appréciation anormale en raison du caractère apocalyptique de la scène qui se jouait devant elle. Pourtant, elle demeurait là, les yeux exorbités à attendre que cela se passe, que cela avance, que son rythme cardiaque s’accélère encore, que la puissance brute qui émanait de la confrontation l’atteigne pour la bercer dans un nuage d’irréalité surnaturelle lui faisant perdre momentanément conscience de la présence d’autres personnes dans l’assistance, ce qui n’eut aucun effet particulier puisqu’elle ne bougeait pas, figé dans le temps. Le courroux du firmament se perpétuait au cœur des âmes, vivant certainement cela comme un déchirement, la fatalité incarnée par cet architecte de la destruction s’apprêtant à semer la fin de leur monde, une fin sanguinaire qui leur volerait tout repos dans l’au-delà.

Un instant de stupeur maintenait le temps en suspension, délivrant en message la victoire se tenant fébrilement au cœur du nuage de poussière. Janus avait triomphé du Malin au prix de bien nombreux efforts réclamant sueur et sang. L’esprit d’Ishtar s’ancra alors à nouveau dans la réalité pour comprendre que tout ceci était fini. Leanne, quant à elle, demeurait sur ses gardes, craignant un triste retournement de situation. Si Octavius avait put se métamorphoser en une créature aussi ignoble, il pouvait très bien le refaire à nouveau. La perte de son apparence d’envoyé des enfers ne signifiait absolument pas qu’il l’avait perdu à jamais. La scène avait pourtant tout pour apporter le bonheur de la victoire du bien aux spectateurs. C’était une peinture faites des corps de la matière pour se graver dans la mémoire de tout le monde comme la mise à l’écart d’un terrible danger qui aurait put frapper Bilca avec une grande violence digne des Architectes de la Destruction. Néanmoins, ce moment de joie céda bientôt sa place à un drame horrible.

Tandis que le sourire des enfants Icarus s’étendait sur leurs faciès et que leur paternel demander l’assistance des autres hommes du village, la folie du Rémus, à la manière d’un phénix, revit le jour en pensant à son fils. Comme le craignait Leanne, une transformation eu à nouveau lieu, mais elle ne s’attendait pas à ce que cela scelle le destin de Janus. La félicité des enfants se retrouva brisée, le gouffre entre l’extase extrême et la souffrance absolu d’une réalité cruelle créant sans aucun doute en eux un bouleversement dès plus intenses tenant à leur âme en un poids qui ne disparaîtrait jamais, le deuil pouvant l’alléger mais jamais le faire disparaître. Oui, l’Icarus trépassait. Transpercé par un appendice surgissant du corps d’Octavius qui reprenait son enveloppe apocalyptique. Serrant les dents en priant pour l’âme de celui qui venait de donner sa vie en combattant le monstre, l’engeance qui avait d’une certaine façon toujours dormie en lui selon elle, la brave mère De Lérhane s’interposa entre Sakuga et son père déformé par la rage et la malédiction. Ne sachant pas si elle tiendrait suffisamment de temps, elle prit quand même le pari de crier aux enfants derrières une instruction dans l’espoir de leur offrir au moins une poigné de secondes d’avance.

-Fuyez-vite ! Allez-vous cachez !

Déployant la force funèbre qu’elle avait déployé, elle tenterait de contrer tout assaut du Rémus même si ceux-ci risquaient d’être plus puissant que les siens. Si personne ne bougeait, les deux Icarus venant de perdre leur père et Sakuga se trouvant certainement tétanisé face au châtiment organique qui désirait s’approchait de lui, c’était à Ishtar de prendre les devants. Alors que des larmes coulaient de ses joues depuis le choc de la mort de Janus, elle entendit l’ordre de sa mère et compris qu’il fallait obéir sur le champ. Sombrer à cause de la disparition d’un être cher les mènerait à leur perte, il fallait impérativement tenter d’oublier, ne serait-ce que temporairement. C’est ce que comprit, en tout cas partiellement car elle n’était encore qu’une enfant, la blonde en voyant sa mère agir, malgré la tristesse qui devait s’emparer d’elle. Elle luttait contre ses sentiments pour ne pas se laisser abattre et remettait à plus tard le deuil, l’important dans l’immédiat étant tout autre part. Elle ferait donc volteface pour attraper Sakuga et l’emmener le plus loin possible, en espérant que les Icarus la suivraient après qu’elle les eut appelés.

-Venez ! avait-elle lancé, continuant de pleurer tout en avançant.

Elle n’avait alors aucune idée de ce qu’elle allait faire, mais cela lui vint en cours de route. Ishtar allait cachait le Keigo dans une maison et faire diversion pour l’écarter de lui. Elle ne savait pas si cela calmerait son papa, mais vu qu’Octavius avait crié le nom de son fils avec rage avant de se retransformer, elle supposait que pour avoir une chance de le calmer il fallait les séparer. Le tout était d’espérer que Leanne tiendrait suffisamment de temps pour que le Rémus ne la rattrape pas avant qu’elle trouve une maison. De toute manière, dans une telle situation, il fallait se raccrocher au moindre espoir pour ne pas baisser les bras, même si la peur leur tenait les entrailles.

Octavius était terrifiant. Une aura sombre émanait du corps de l’Architecte de la Destruction, de cet occulte monstruosité cauchemardesque qui avait soif de chaos et représentait actuellement la plus grande menace pour Bilca. Néanmoins, Leanne ne ploya pas sous la virulence et la puissance de la demande qui lui fut envoyé par cet opposant apocalyptique. La force funèbre émanant de ses plus noirs pulsions abandonnées au pouvoir du sceau qu’elle avait ouvert ici insufflait en elle une résistance mentale suffisante, se livrant elle-même aux ténèbres dans ce but puisqu’elle devait servir de rempart à la protection des enfants. Seule la noirceur des vices permettait de ne pas être soumis à une terreur extrême avec une différence de force aussi grande lorsque l’on était au final qu’une mère de foyer qui n’avait presque aucune expérience au combat. Elle demeurait donc stoïque, ne semblant pas craindre la fureur de l’assassin de Janus, la colère se mêlant au flux global de la part obscur sans pour autant être en mesure de prendre le pas sur les autres sentiments négatifs hantant le sombre pouvoir dont la De Lérhane jouissait pour la défense du village, pour la protection de l’avenir, pour que la vie subsiste au Fléau. Inspirant, un instant, elle répondit à ce bilcan déchu dans un langage incompréhensible.

-Ognus prata causa glomnus chora da rythona cloth ty el rahane glacium trificum darculas Octavius Rémus.

Ces paroles prononcés froidement avait un sens profond pour la mère au foyer, une parole ancienne oublié qui était transmise de génération en génération dans la famille de Leanne sans que cela n’est de véritable importance. Les formules d’un royaume théocratique ayant sombré il y a plus de deux millénaires n’était au final que peu utile, mais cela permettait à la jeune femme d’accabler son opposant d’une malédiction dû à sa traîtrise, ce qui demeurait un appui moral bien que totalement superflu dans les faits. Rien ne transparu non plus sur son visage lorsque le corps du brave Icarus fut profané par la souillure de la poigne infernale pour la faire exploser, alors que la rage grouillait en elle en gagnant en intensité, commençant à prendre le pas sur le reste. Tandis que Rémus s’avançait vers elle, la De Lérhane commença un court monologue qui offrait à Ishtar le temps nécessaire pour trouver une maison où cacher le Keigo, ce qui se fit dès que la petite archange atteignit une seconde rangée d’habitations.

-Je ne vois pas en quoi Janus a été pauvre. Celui qui ne connait que l’ombre ne peut espérer la joie. L’homme qui avance sans jamais désirer connaître le bonheur, voilà celui qui est pauvre, voilà celui qui est à plaindre et qui ne peut connaître la rédemption sans que la fleur de l’empathie naisse en lui. La richesse de l’âme ne peut croître que dans le respect de la vie et le désir d’écrire sa propre félicité avec son temps, son être et son sang. Janus est mort comme il a vécu, en homme pourvu de la noblesse de l’épanouissement. Ses derniers instants cerclés de sérénité et apaisés sont la preuve que tu as échoué dans ton désir de destruction. Tu lui as offert la paix au lieu de répandre le chaos. En t’en prenant à des gens résolus à mourir pour leurs convictions, tu ne mesure pas l’étendu de l’échec de l’œuvre que tu veux mettre en place aujourd’hui. Viens. Je t’attends, Octavius Rémus, le Cataclysme de Bilca.

Elle se mit en garde, sachant pertinemment qu’elle ne faisait pas le poids, et lança une ultime parole avant la potentielle confrontation, qui s’avérerait assurément unilatéral, mais dans laquelle elle jetterait toutes ses forces.

-Je suis Leanne De Lérhane. Que le trépas vienne cueillir ma joie !

La frêle femme au foyer s’était belle et bien éclipser pour devenir une fière guerrière de Bilca, le temps d’un unique combat.

Ishtar s’arrêta soudainement alors qu’elle était si proche du but. Qu’était cette sensation ? Où plutôt cette absence de sensations ? Sakuga… Il n’était plus là. Elle ne le portait plus. La blonde aux prunelles lunaires fit volteface, catastrophée, pour observer la silhouette du Keigo faire le chemin inverse pour retourner sur les lieux où le courroux d’Octavius pleuvait comme des météores. Une certitude s’installa alors dans son cœur : le Keigo se jetait droit dans la faux de la Mort. Elle ne pouvait pas le laisser faire comme ça ! Janus avait déjà perdu la vie et bien d’autres personnes étaient menacées, ses propres parents dans le lot. La De Lérhane serra les dents, puis le poing avant de hurler en direction de son camarade, attirant par la même occasion l’attention des Icarus.

-SAKUGA ! REVIENS ICI !

Elle jeta un regard vers Eva et Omnis, puis ferma les yeux.

-Je vais essayé de le rattraper… Continuez. Si l’on ne…

Ne voulant pas finir sa phrase, la fillette s’interrompit avant d’avaler sa salive en réprimant un gémissement lié à la nouvelle vague de larmes qui affluait à ses yeux.

-Non rien.

Elle se mit alors à courir de toutes ses forces, espérant que ses grandes jambes lui permettrait de franchir la distance qui la séparait du Keigo avant que ce dernier ne parvienne à son objectif. Tout ce chaos… C’était insupportable. Être ainsi confronté à la mort et devoir fuir la Faucheuse qui menace de rayer tout ce que l’on a connu de l’existence. Les deux Icarus avaient déjà perdu leur père et ne s’en remettrait sûrement pas. L’image de Leanne prête à les protéger se plaça dans l’esprit de la blonde qui craignait la fin de sa mère. Bilca allait-elle entièrement tomber ? Il n’y avait de toute manière aucune place pour des raisonnements logique dans un tel moment. La peur au ventre, la fascination du combat se trouvant encore en un écho lointain qui faisait trembler ses membres, Ishtar donnait tout pour tenter de rattraper Sakuga…


Leanne avait bien cru que son heure était arrivée. Pourtant, elle n’avait aucunement tressailli quand la massive créature s’était levée devant elle dans le but de la décapiter. La guerrière, comme elle l’avait annoncé, accueillait la mort avec une certaine joie. Persuadée que les enfants survivraient et que le Rémus ne trouverait pas la satisfaction de faire naître la peur, la rage ou la vengeance dans l’âme d’autrui, la mère à la force funèbre demeurait debout, le sourire aux lèvres tandis qu’elle entrapercevait déjà le long tunnel blanc qui menait à l’au-delà. Néanmoins, une voix stoppa Octavius dans son action. Leanne tourna donc la tête pour en connaître la source et fut étonnée de découvrir Tenohira, prête à se confronter elle-même à l’incarnation de la fureur. Pensait-elle réellement pouvoir le calmer ? En était-elle seulement capable ? Comptait-elle se sacrifier dans ce but ? Même si elle comprenait un tel geste, la de Lérhane n’était pas certaine que cela suffirait… Sakuga était toujours dans les parages après tout… En tout le regard de la mère croisa celui de son mari qui accompagnait la Keigo, la claymore dans le dos. Elle parvenait à lire la résignation dans les yeux de son homme qui n’avait pas put empêcher la femme de rejoindre le monstre.

Aucun d’eux bougea, craignant que cela n’éveille quelques pulsions dans le corps de celui qui c’était momentanément stoppé. Même s’ils s’élançaient, il serait de toute manière trop tard et périraient en vain puisqu’Octavius parviendrait dans tous les cas à Tenohira, cette nouvelle forme le rendant encore plus inarrêtable, surtout maintenant que Janus avait rendu son dernier souffle. Les larmes couleraient en temps et en heure pour Leanne qui déchargeait toujours ses sentiments négatifs, mais Séphiran, quant à lui, ne pouvait s’empêcher de laisser perler quelques pleurs en découvrant le corps de l’Icarus qu’il avait pu reconnaître à la tenue, comprenant avec un certain dégout pour Octavius que son crâne avait été réduit en miettes.

Ishtar courrait de toutes ses forces alors que les gouttes d’eau s’immisçaient dans sa chevelure dorée pendant que les cieux s’embrasaient dans des explosions lumineuses virulentes qui ferait trembler la rétine de celui qui les fixerait tandis que leurs répercussions sonores formaient une cacophonie dramatique servant de décor à la pièce de théâtre absolument pas fictive qui se jouait en ces lieux. Son pied glissa au milieu d’une flaque, la faisant tomber à genou. Elle reprit sa respiration, haletante, le regard perdu dans le vague, l’ombre planant sur le dessus de son visage tandis qu’elle récupérait quelques forces. Ne souhaitant pas perdre davantage de temps, elle enfonça son pied dans le sol de Bilca et s’appuya dessus avec toute sa force brute pour se propulser directement debout en reprenant sa course à pleine puissance bien. Elle était bien plus épuisée que pouvait l’être Sakuga qu’elle avait transporté à l’aller. Serrant de plus en plus les dents, la jeune archange hurla tout en forçant un peu plus sur ses jambes tandis qu’elle voyait la silhouette du Keigo se dessiner. Elle se rapprochait. Plus que quelques pas. Quelques pas… Quelques… pas.

La De Lérhane s’arrêta net alors qu’elle touchait au but, pour la simple et bonne raison que ce but n’avait plus aucune importance. Elle avait échoué. Il était revenu au point de départ. Sa mère se trouvait là, encore en vie heureusement, et ne semblait pas céder face à l’imposant monstre même si Ishtar était capable de voir que dernière cette impassibilité se cachait bien une peur cachée, même si elle ignorait qu’il s’agissait de la mort des enfants. Séphiran était là aussi, avec Tenohira. Il semblait prêt à la protéger, néanmoins personne ne bougeait pendant qu’Octavius s’attelait à choisir ce qu’il allait faire. Alors que des paroles étaient échangés entre les différents membres de la famille Keigo-Rémus, la fillette attendait le jugement de la créature apocalyptique qui déciderait d’ici peu du sort de tous. C’est alors que Sakuga fit une proposition, il voulait se sacrifier. Leanne haussa les sourcils de surprise tandis que les mains de Séphiran se crispèrent d’impuissance. Ishtar était dans l’incompréhension. Tandis qu’Octavius s’approchait de son fils, elle laissa s’échapper un cri.

-SAKUGA !

Tremblante suite à sa dépense d’énergie pour le rattraper, elle sanglota à nouveau à l’idée de perdre encore quelqu’un d’autre aujourd’hui, ce qui allait lui permettre de forger plus tard son tempérament de guerrière jugeant froidement que la mort faisait partit intégrante de la guerre mais aussi peut-être son idéologie que les civils et innocents ne s’impliquant pas dans la confrontation des factions ne devaient pas souffrir de la Faucheuse.

-Tu n’es qu’un imbécile, chuchota-t-elle avant qu’elle ne remarque une ombre s’approcher d’elle.

L’archange leva alors la tête et reconnu bien vite sa mère qui avait abandonné la force sombre pour en conserver suffisamment pour faire barrage si malgré tout ce qu’il allait faire à Sakuga ne suffirait pas. Leanne comprenait bien sûr l’injustice qu’était cette décision, mais face au mal et à la souffrance il n’y avait rarement d’équité ou de justice. Posant un genou au sol, la mère enlaça sa fille et la serra fort contre elle, acceptant les flots de larmes pour commencer à émettre les siennes, autant pour Janus que pour le brave Keigo qui voulait offrir dignement sa vie pour les habitants de Bilca. Séphiran, quant à lui, partagea la peine de sa famille, mais préférait demeurait aux côtés de Tenohira dans cette épreuve plus que douloureuse. Le temps d’un instant, la mère et la fille retinrent leur souffle en voyant l’ombre d’Octavius soulevant Sakuga et furent témoins de la scène par l’intermédiaire de ce reflet de la réalité.

Les yeux de la fillette bilcane quittèrent la danse des ombres pour petit à petit se lever en direction du corps souillé et du petit être déchu qui tenait fébrilement à la seule force de la créature monstrueuse qui venait de ravager plusieurs vies en un seul coup. La souffrance qui avait dû traverser le corps du jeune garçon devait être insupportable et la De Lérhane craignait désormais pour sa vie. Qu’il soit épargné ou non, est ce que ces blessures béantes marquant l’ancienne présence des ailes dans son dos ne s’infecteraient pas et ne le conduirait pas à une mort douloureuse dans la maladie. En fin de compte, ce serait peut-être ce qu’Octavius choisirait de faire pour qu’il vive mille souffrances plutôt qu’une fin des plus courtes. C’est alors qu’à la surprise de Séphiran et Ishtar, la bête s’éleva dans le ciel, abandonnant réellement la destruction de l’île céleste. Il allait donc vraiment tenir la promesse qu’il avait fait à son fils ? Pourquoi ? Le père de la famille De Lérhane pensait qu’il s’agissait là d’un mensonge pour que son fils s’écroule de chagrin face à son impuissance et à la trahison de son père face à sa demande. Leanne desserra l’étreinte sur sa fille pour elle-même découvrir ce fait ahurissant, cette conclusion triste mais salvatrice. Finalement, Sakuga avait sauvé Bilca. Son sacrifice serait ainsi honoré pendant bien des années, notamment par les de Lérhane et les survivants de la famille Icarus qui étaient assurément les plus touchés par ce drame.

Ishtar se leva en entendant Omnis prendre courageusement la parole. Cela la poussa à faire de même, pour réconforter un minimum Sakuga, pour qu’il ait quelque chose auquel se raccrocher durant ces années qu’il allait passer loin de ces terres célestes qui l’avait vu naître. Elle plia les jambes et se mit à courir, déployant toute sa force à chaque pas qui faisait trembler l’eau ruisselant sur les courbes du sol. Montant sur une maison via le tronc d’un arbre qui menait au toit, elle s’élança dans les airs en déployant ses ailes d’archange pour gagner quelques centimètres de plus tout en hurlant. Terasserai

-JE TERRASSERAI CES OISEAUX DE MALHEUR ET ON LA FERA CETTE CABANE !

La blonde fut alors entrainée dans la partie descendante de la courbe de son saut. Ne se laissant pas aller, effaçant les larmes de son visage pour laisser sa place à une certaine rage ainsi qu’à une grande détermination, elle se rattrapa en une roulade, puis continua sa course, encore et encore. Les muscles de ses cuisses la tiraient, ses genoux la faisait trembler un peu plus à chaque mouvement, mais elle ne faiblissait pas et continuait d’avancer, frénétiquement, machinalement, énergiquement. Elle engloutit ainsi petit à petit la distance qui la séparait de l’extrémité de l’île, là où naissait la mer blanche pour s’étendre jusqu’à l’horizon. Gagnant son fameux promontoire, elle s’arrêta alors que la créature continuait son vol. C’était le dernier instant que le jeune Keigo avait pour observait Bilca, alors il n’était pas question qu’il voit une ville qui avait été vaincu par son paternel. Non, il fallait montrer que Bilca était prête à se relever et à aller de l’avant pour se battre et résister au désespoir, pour qu’il puisse revenir un jour avec la certitude de retrouver un fier bastion de la vie. Inspirant une dernière fois, elle leva le poing droit dans les airs.

-ON T’ATTENDRA ! NOUS SERONS PLUS FORT QUE JAMAIS !

Immobile, telle une statue, elle demeura là sans bouger jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus percevoir le père et le fils.