Okalmoa. Que pouvait-il dire, au sujet de cette île ? A priori, seulement quelques semaines auparavant, il n'en connaissait même pas l'existence. C'était un endroit perdu, reculé, égaré aux fins fonds de North Blue, cet océan si gelé qu'il en devenait très généralement inintéressant au possible. Mis-à-part Luvneel, Seppen Town et éventuellement Micqueot, grâce à son vin, aucun Royaume local n'avait la possibilité de faire parler de lui et cette île pratiquement vierge n'y faisait habituellement pas exception... Sauf que récemment, une attaque de pirates de grande envergure s'y était déroulée et avait poussée la presse internationale à braquer son regard sur les gradés locaux afin de louer leur courage et de les ériger comme de brillants exemples à féliciter et à encourager. Les soldats dont les faits d'armes étaient les plus éclatants étaient souvent les mêmes, et l'immense majorité d'entre eux étaient rattachés au Quartier Général de la Marine, celui de Marineford : chose logique, puisqu'ils étaient ceux qui disposaient du meilleur équipement, de la plus grande liberté, et qui étaient généralement dotés des capacités les plus efficaces... Les gouvernementaux des Seas Blues, a fortiori ceux qui étaient attachés à l'entretien d'une petite base, avaient rarement l'opportunité de briller... Et à chaque fois que c'était le cas, la presse prenait un malin plaisir à médiatiser ces événements pour en tirer le maximum d'informations et de renseignements susceptible de hisser ces héros du quotidien au rang de héros. Ils courraient des risques monumentaux tout en demeurant au contact de la veuve et de l'orphelin... C'était à la fois louable et respectable, et nul ne pouvait décemment le nier ! Akis, lui-même, demeurait assez impressionné lorsqu'il avait l'occasion d'ouïr pareilles rumeurs. Il était fils, précisément, d'un gradé de Marineford : les derniers exploits de son paternel, colonel de son état, remontait à quelques années auparavant et il était ces derniers temps attaché à l'entretien et à la surveillance du Quartier Général plus qu'il ne sillonnait les mers à la recherche d'un fieffé forban à placer derrière les barreaux... Il était donc bien placé pour savoir que les justiciers qui remplissaient les fonctions les plus pénibles et les plus rébarbatives n'étaient pas forcément ceux que l'on plaçait le plus allégrement vers l'avant. Il avait donc un certain respect pour les marines locaux qui, en dépit de leur amateurisme évident, avaient su combattre et repousser cette menace intelligemment.
Sauf qu'entre tous les billets qui vantaient les mérites des officiers de leurs subordonnés extrêmement disciplinés, rigoureux et volontaires, quelques rumeurs courraient au sujet de personnes tierces qui avaient offert leurs services au colonel d'Okalmoa afin de lui fournir un coup de main non négligeable à cette occasion chaotique. On parlait à titre d'exemple d'un ancien mercenaire, devenu garde-du-corps, et du reste du contingent qu'il menait au combat et qui, s'ils étaient attachés à la protection des nobles locaux, avaient pris un malin plaisir à opposer résistance aux forbans pour leur rappeler que les mouettes n'étaient pas les seuls dangers. Mais on évoquait surtout une tête pensante, relativement énigmatique, apparemment plutôt jeune et féminine, qui avait su tirer un profit généreux de son incarcération afin de coordonner les efforts des justiciers en leur octroyant des données qu'ils n'avaient pas les moyens d'obtenir d'eux-mêmes... Des histoires à dormir debout, pour la plupart de ses collègues, mais que le Tokushi ne pouvait pas occulter d'un simple revers de la main nonchalant et hautain. Il avait vu trop d'étrangetés et considéré l'existence de trop d'inepties pour imaginer que le farfelu était nécessairement erroné... Problème : l'engouement autour de l'attaque d'Okalmoa et la popularité soudaine de cette île isolée commençaient à se tarir, et les civils ne tarderaient guère à oublier jusqu'à l'existence de cette dernière. Le Global Seken Information ne voyait donc aucune utilité à dépêcher un journaliste compétent et capable sur le terrain afin de couvrir cette histoire une fois de plus, afin de mener l'enquête pertinemment... Tout cela aurait donc dû tomber dans l'oubli, si Janmark Morendiny n'avait pas imaginé qu'il s'agissait du meilleur moyen de mettre des bâtons dans les roues de l'outsider Akis Tokushi. Il avait effectivement décidé d'envoyer la nouvelle recrue dans cette direction en imaginant que même s'il réussissait à construire un article digne de ce nom, permettant de lever le voile sur cet intrigant mystère, nul n'aurait réellement l'envie de le lire studieusement... De quoi le décourager et rendre caduc le travail qu'il allait assurément entreprendre !
« Ça a l'air plutôt calme, effectivement... J'espère que je trouverai un endroit où dormir. Il doit bien y avoir une auberge, non ? »
Mais le rouquin se contrefoutait, pour l'heure, des objectifs sadiques et vaniteux de son supérieur. Lui, il aimait l'idée de se confronter à une énigme afin de la résoudre... Et il aimait également l'idée d'être aussi loin que possible d'Enies Lobby, là où son supérieur demeurait habituellement. Bon, courir le monde en long, en large et en travers finirait assurément par l'exaspérer, a fortiori si c'était pour couvrir des affaires aussi inintéressantes et aussi anecdotiques, mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser ardemment à cette jeune femme ambitieuse et courageuse dont la seule présence avait suffi à faire capoter l'offensive organisée et méthodique des criminels. Si cette fille existait, elle ne devait clairement pas avoir froid aux yeux... Et il n'en fallait pas plus pour que le rédacteur n'en vienne à l'idéaliser ! S'il imaginait comme à son habitude des courbes romanesques à rendre jalouse les plus lascives des silhouettes, il tâchait de conserver son sang froid en faisant les choses dans l'ordre. D'abord, déceler une place pour dormir, une fois que la nuit serait venue : ensuite, seulement, interroger les locaux afin de connaître le fin mot de cette histoire, et, éventuellement, afin de rencontrer la demoiselle dont il était question si cette dernière acceptait cette entrevue. Le Tokushi n'allait bien entendu pas se montrer envahissant, mais il gardait à l'esprit qu'un témoignage directement mêlé à l'affaire serait plus crédible que les mots reportés par la bouche d'un badaud quelconque, lequel avait pris ses jambes à son cou dès les premières pétarades. Peut-être ferait-il mieux d'aller chercher sans plus tarder du côté de la base locale de la Marine ? Ou peut-être devrait-il plus raisonnablement miser sur les gardes-du-corps des nobles endémiques, certainement plus loquaces et moins tenus au silence par le prestige de leur uniforme ? De toute manière, l'envoyé spécial allait probablement avoir le temps de retourner ce village côtier de fond en comble : il allait rester ici trois jours durant, puisque son départ de ferait avec le navire de marchands qui l'avait porté jusqu'ici et qui devrait s'en aller porter une cargaison de fruits de mer à Seppen Town, escale incontournable avant de s'en retourner sur Grand Line, d'où il venait. Trois jours... S'il s'en sortait bien, il pourrait probablement même profiter de l'île en tant que touriste ! Même s'il craignait qu'aucune occupation ne suffise à le tirer de l'ennui morose qui risquait de le gagner, au fil des heures...
Dans le village portuaire d'Okalmoa, l'agitation matinale s'élevait tranquillement. Si tant est qu'on puisse appeler cela une agitation. Ce n'était que le village qui s'éveillait. Mais aussi banale que paraisse cette scène, il existait dans la répétition de ces gestes du quotidien, une beauté simple et primaire apparente pour celui qui prenait le temps de l'apprécier, que ce soit d'une hauteur pour pouvoir embrasser une vue d'ensemble et plus détachée, ou en allant au contact de ce tableau en traversant les rues et s'entourer de cette atmosphère si anodine et pourtant si particulière. Dans les deux cas, l'observateur s'il était présent avant l'aurore, assisterait à mesure que le soleil se hissait dans le ciel, aux différentes étapes d'un début de journée sur Okalmoa. Dans la semi-obscurité précédant l'aube, il verrait quelques lumières aux fenêtres ici et là. C'étaient notamment celles des ouvriers dont la profession exigeait de se mettre au travail de bonne heure ou de se mettre en route pour ceux exerçant en dehors de la ville. Les différents corps de métiers selon leurs horaires allaient petit à petit pointer le bout de leurs nez dans les rues. Plus tard, lorsque le soleil serait levé, ce serait au tour des enfants de quitter les maisons pour s'en aller en direction de l'école, rejoignant en cours de chemin leurs amis pour faire route ensemble. Après avoir laissé leurs enfants s'en aller, quelques mères se regroupaient parfois et entamaient un brin de conversation. Après quoi, chacune s'en retournait à ses affaires, les unes devant se rendre à leur propre travail, les autres allant aux courses ou s'occupant de leur demeure. Tout au long de la matinée, ces vies interagiraient les unes avec les autres, sur cette île que nombre connaissaient depuis leur enfance.
À voir cet engrenage bien huilé, on ne s'imaginerait pas que peu de temps auparavant, quelques grains de sables s'étaient glissés et avaient perturbés le quotidien de ces gens. Un assaut venant de pirates, encore frais dans les mémoires. Certaines traces subsistaient comme les patrouilles de marines dont la fréquence n'avait pas encore totalement diminué. Certes, les marines de cette île avaient toujours pris à cœur la protection d'Okalmoa qui était pour plusieurs, leur lieu de naissance ou devenu leur chez eux. Les rondes au sein du village étaient choses normales et très bien accueillies par la population. La seule différence étant que depuis l'attaque, ils avaient augmenté, au grand soulagement des civils la sécurité pour s'assurer que toute menace était écartée. Mais c'est également leur présence qui avait permis au habitants de reprendre leur train de vie coutumier assez rapidement.
Malheureusement, ce n'était pas le cas pour tout le monde. En dehors de la ville, basé sur les hauteurs, se trouvait le manoir des nobles dirigeant l'île. Ces derniers avaient été occupés ces derniers temps à résoudre les problèmes qu'avaient occasionnés les pirates. Et quand ils ne le faisaient pas, ils devaient avec leurs domestiques restaurer la demeure qui avait subi des dégâts suite à l'incendie provoqué lors de l'attaque des bandits. Les dégâts matériels n'étaient cependant pas la seule conséquence aux exactions des pirates.
À l'étage, une fenêtre avait encore les épais rideaux tirés plongeant malgré la journée ensoleillée, la pièce dans une semi-pénombre. Dans la chambre, une jeune fille se trouvait encore dans son lit. Elle était réveillée depuis longtemps, mais pourtant refusait de sortir de sa chambre, se sentant d'humeur plus morose qu'à l'accoutumée. Lorsque les forbans avaient pris d'assaut la ville, la demoiselle s'y trouvait en compagnie de ses gardes du corps. Les évènements l'ayant isolée, elle avait été prise en otage. Elle avait réussi à s'en sortir mais l'histoire aurait pu mal finir. Alexander, le chef des gardes du corps n'avait d'ailleurs pas manqué par la suite de prendre les deux personnes chargées de la protection de Natsumi, à part. Mais pour cette dernière, cela n'y changeait pas grand chose. Ils avaient ni plus ni moins priorisé la sécurité de ses parents. C'est un choix qu'ils avaient fait avec les informations qu'ils avaient sur le moment. On pourrait débattre longuement à savoir s'ils avaient pris une bonne ou une mauvaise décision. Certains diraient qu'ils n'auraient pas dû laisser une adolescente même âgée de quinze ans, seule sur un champ de bataille. Et alors ? Dans le monde dans lequel la jeune Kudo vivait, il n'y avait pas ou très peu de place pour le sentimentalisme. Avoir été "abandonnée", la poupée aux cheveux sable considérait parfaitement de pouvoir vivre avec. En revanche, depuis ce qu'il s'était passé, on avait, le temps que les choses se calment, restreint sa liberté de mouvement. Même accompagnée, elle ne pouvait pas sortir à sa guise. Le seul endroit dans lequel, elle avait réussi à convaincre son entourage de la laisser se rendre, était au QG des marines, parce qu'on jugeait qu'elle y serait en sécurité.
On lui avait demandé de comprendre. Évidemment, la joueuse d'échec comprenait très bien ces réactions. Toutefois, cela avait rendu ces journées bien grises et depuis quelques jours, elle se renfermait de plus en plus. Lorsqu'elle ne se distrayait pas d'un livre ou d'une partie d'échec contre sa propre personne, elle restait sur son lit, repassant dans sa tête les évènements survenus, réfléchissant à plusieurs sujets concernant ce qu'il s'était passé ce jour-là. Il y avait quelque chose à tirer de tout vécu, et cette expérience lui donnait matière à penser.
Natsumi Kudo
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Sam 7 Juil - 15:08
« Pfffr, on dirait une gamine ! »
Qu'est-ce qu'être jeune ?
Cette île lui tendait les bras, et cette aventure s'annonçait a minima plutôt distrayante : si ce n'était pas la première fois qu'il échouait sur une île de cette envergure tout de même plutôt modeste, Akis ne savait que trop bien qu'un calme apparent pouvait parfois camoufler une vérité des plus palpitantes. A titre d'exemples, beaucoup de personnes dotées de capacités merveilleuses ou d'une force titanesque continuaient à mener des existences paisibles de lambdas pacifiques, lors même qu'elles auraient pu s'offrir gloire et fortune si elles avaient pris la décision, à un moment donné de leur vie, de s'en aller courir les champs de bataille. Pour ce que le journaliste en savait, North Blue demeurait néanmoins généralement bien plus banale et moins désarçonnante que Grand Line, dont il était issu. Autrement dit, il avait toutes les raisons du monde d'être optimiste : il croyait fermement qu'il allait pouvoir profiter d'une expérience enthousiasmante sans avoir à se confronter à des montagnes de dangers et de périls, à des océans déchaînés de tourments et de marasmes en tout genre. Ce fut toutefois avec l'ambition de réaliser dûment son travail, pour une fois, que le garçonnet se mit finalement à se promener au gré du hasard et des vents, le long des pavés que les ruelles semblaient disposer devant ses pieds. L'endroit était effectivement charmant, plutôt bucolique, et possédait une authenticité marquée, comme si les gens du coin se contentaient de peu et qu'ils accordaient davantage d'importance à leur bien-être qu'à leurs désirs matériels. Le rouquin était trop métrosexuel pour s'émanciper véritablement dans un tel environnement, mais il n'en respectait pas moins la modestie et l'humilité des quelques personnes qu'ils croisaient et qui tantôt le dévisageaient avec un faciès entremêlé d'appréhension et d'inquiétude, tantôt le gratifiaient d'un sourire et d'un bonjour enjoué. Les plus craintifs avaient été marqués par l'expérience désastreuse qui avait été la leur, et les autres demeuraient assez observateurs pour remarquer le badge qui brillait à la poitrine du Tokushi : comme d'habitude, ce dernier affichait ostensiblement son appartenance au célèbre Global Seken Information, de sorte que tout un chacun puisse l'identifier promptement. C'était une astuce qui avait souvent permis de lui éviter bien des déboires, dans l'absolu...
Au-delà des déboires, le garnement avait surtout l'espoir infini qu'un spectateur éventuel des exactions commises par les criminels et de la rétorque virulente qui avait été apportée par les locaux viendrait à sa rencontre afin de s'entretenir et de lui livrer sa propre version des faits. Cela n'arriva jamais, mais cela n'empêcha guère Akis de se balader d'autant plus gaiement jusqu'à ce que ses mirettes n'en viennent à se poser sur la silhouette charnue et imposante d'une bâtisse qui, perchée sur les hauteurs, semblait transpirer le prestige et le faste dans un environnement aussi trivial et simpliste. C'était probablement par là-bas que les gardes-du-corps à la réputation désormais solidement bâtie séjournaient : ils étaient fort certainement au service de la noblesse endémique à Okalmoa... Allait-il y découvrir de quoi satisfaire son insatiable curiosité ? Difficile à dire mais il ne perdait rien à tenter sa chance : la promenade promettait de la sorte de s'éterniser quelque peu et l'écrivain n'avait pas encore la moindre raison de l'écouter. Certes, il lui fallait encore trouver un endroit où se sustenter et où passer la nuit qui finirait par s'annoncer de manière plus ou moins imminente, mais arpenter les ruelles ne pouvait jamais s'avérer bien nocif. Cela lui permettait au moins de s'imprégner de l'âme de cette île et des valeurs apparentes que ses habitants affichaient... C'était maigre, bien sûr, mais cela demeurait plutôt incontournable pour le travail qu'il entendait mener à bien. Un article qualitatif, c'était un article qui établissait aussi judicieusement les circonstances, et pas seulement les faits en eux-mêmes ou les conclusions sur lesquelles ils avaient pu aboutir, qu'elles soient appréciables ou regrettables...
« Comment ça, interdit au public ? Je suis journaliste ! Mais vous pouvez au moins me parler de l'attaque des pirates, non ? »
Quelle bande de rustres ! Le journaliste venait de se heurter à une barrière infranchissable, plus encore que les hautes clôtures qui encerclaient le manoir en lui-même. Ces gardes-du-corps étaient aussi muets et patibulaires que les forbans qui avaient dû semer le chaos sur Okalmoa, des jours auparavant : ils se montraient d'une fermeté exemplaire, et refusaient catégoriquement d'ouvrir leurs grilles ou même d'offrir au Tokushi ce qu'il était venu chercher : des témoignages et des informations qui auraient pu échapper à l’œil acéré de ses confrères et rivaux d'autres journaux. Voilà qu'on le repoussait simplement comme un vulgaire manant, comme un malpropre... Frustré, l'écrivain capitula, non sans gratifier le responsable de cet éloignement subit de quelques insultes grommelées que l'autre type ne prit pas la peine de soulever, pareil à son austérité et à son professionnalisme assumé. Les règles de sécurité avaient dû être puissamment renforcées pour prévenir toute intrusion musclée qui aurait pu avoir lieu en représailles à l'aide que ces gars avaient parait-il octroyée gracieusement à la Marine pour l'occasion. Le rédacteur allait-il devoir se contenter d'un torchon en guise d'article ? Des témoignages croisés de quelques quidams qui avaient certainement déployé plus d'énergie à sauver leur peau, réaction légitime, qu'à observer le déroulement des événements, pourtant précisément ce que le rouquin tentait vainement de retracer fidèlement ? Non... Il ne saurait s'en satisfaire. Sa carrière risquait de battre de l'aile prématurément s'il s'autorisait ce genre de facilités. A sa manière, il devait se battre pour découvrir la vérité !
La solution lui fut apportée quelques minutes plus tard : après s'être précautionneusement éloigné du portail et avoir longuement scruté les barrières, il se surprit à songer qu'il se songeait capable de les escalader. Il s'y attela donc, non sans lorgner une dernière fois en direction du manoir et des environs pour s'assurer que personne ne l'épiait. Lorsqu'il parvint enfin à retomber lourdement de l'autre côté, sur l'herbe verte, à quelques dizaines de mètres de la bâtisse seulement, il expira puissamment et se mit à chercher une direction vers laquelle s'engouffrer promptement : il devait faire en sorte de se planquer avant qu'on ne le découvre... Il était certain qu'il trouverait ici des secrets vis-à-vis de cette attaque pirate, et que les exploiter lui permettrait de générer un billet d'une qualité indiscutable !
Un index tapota l'épaule du journaliste. Derrière lui, une jeune femme aux cheveux blonds tirant sur le châtain, ondulant autour de son visage. Des yeux verts, intenses, le fixaient avec une certaine sévérité. L'inconnue était vêtue d'un pantalon crème et d'une chemise vert d'eau dont elle avait retroussé les manches au-dessus de ses coudes, laissant apercevoir une peau lisse et claire. Elle croisa les bras, attendant visiblement une explication sur la présence de ce jeune homme en ces terres.
Fuyumi travaillait dans son bureau, les dossiers s'étant empilés à cause de la venue récente des pirates sur l'île. Il fallait gérer les dégâts occasionnés, venir en aide aux personnes qui avaient subi des pertes, cela pouvant aller d'une simple équipe que l'on envoyait pour quelques réparations, jusqu'à reloger certains familles se trouvant dans l'incapacité de regagner leur habitation. Ajouté à cela, conserver un contact très régulier avec les marines pour s'informer en permanence de l'évolution de la situation concernant les criminels. Selon le colonel Detrakov dont les équipes patrouillaient la ville en tout sens, il ne restait pratiquement aucune de ces fripouilles. Le dernier fuyard qu'ils avaient trouvé, s’enfonçant sur les routes de campagnes en direction des champs, fut arrêté il y a trois jours de cela. La population semblait retrouver ses habitudes tranquillement. La dirigeante d'Okalmoa avait put s'en assurer de ses propres yeux en s'y rendant en personne. À chaque problème sa solution et Fuyumi Kudo, comme à l'accoutumée menait tout le monde avec une énergie débordante et un sourire lumineux. Sourire qu'elle refusait présentement à Akis qu'elle surprenait en pleine violation de propriété.
Okalmoa était encore dans sa saison estivale et les journées assez chaudes pour que la maîtresse du manoir travaille, fenêtres grandes ouvertes. Elle revoyait un budget quand quelques coups discrets se firent entendre à la porte. L'une des domestiques ouvrit la porte d'une main, portant son plateau de l'autre, après avoir eut l'autorisation d'entrée. L'employée, un peu plus jeune que sa maîtresse, venait porter du thé. Tout en s'activant à préparer une tasse, la brune entama la conversation.
- Vous ne devinerez jamais ce qui vient d'arriver.
- Laisse-moi deviner. Gwen s'est rendue compte que c'était vous qui aviez envoyé le mot au palefrenier en son nom ? Hasarda la femme un sourire aux lèvres sans lever les yeux de ses papiers.
- Oh non ! Ça, elle l'a découvert hier. Elle nous a promis une belle vengeance par ailleurs. Vous en entendrez certainement parler dans les jours à venir. Mais là, je vous parle de quelque chose de plus récent !
- Allons, dis-mois donc.
- Alors que je préparais votre plateau, l'un des gardes du corps en pause nous racontait qu'un jeune homme plutôt bruyant avait voulu entrer au manoir. Visiblement, il chercherait des informations sur l'attaque des pirates.
- Un journaliste ? Questionna la Kudo en levant finalement les yeux sur sa domestique.
- C'est ce qu'il semblerait. Mais il a abandonné plutôt vite.
Un journaliste ? Que voulait-il de plus qui ne soit déjà connu ? Fuyumi en avait bien une idée. Après tout, dénicher LA perle là où les collègues ont été aveugles, tous avait cet espoir. Et en l'occurrence, il était ici une perle qui n'avait pas encore été dévoilée. Une rumeur discrète qui se partageaient entre les quelques yeux qui avaient été témoins de quelque chose, entre les oreilles qui avaient entendu. Ceux sachant tout de l'histoire et qui pouvaient être à peu près sûr de la véracité des faits ou des témoignages n'étaient finalement qu'une poignée. Et si ce journaliste était à la recherche de cette vérité, sa progéniture allait se retrouver impliquée. Aussi, la dirigeante de l'île, et surtout la mère ne pouvait restée sourde à cette donnée. Qui savait quel genre de type était ce reporter ? Délaissant le thé qu'on venait de lui préparer, la femme aux yeux émeraudes quitta son bureau et se dirigea vers sa propre chambre. Abandonner aussi vite ? De la part d'un journaliste ? C'était presque trop beau. Refermant les portes derrière elle, la noble se dirigea vers les fenêtres et s'aida du rebord pour se hisser, cheminant agilement jusqu'au toit. Même si elle s'était retirée, cette ancienne chasseuse de prime avait conservé son corps en parfaite condition. Depuis le toit de cette maison située en hauteur, elle avait en se déplaçant, une vue sur son domaine, et sur la ville, sur les forêts et les chemins. Les yeux plissés, Fuyumi se mit en quête de sa proie, se servant de capacités d'observation qu'elle avait affûté avec le temps et l'expérience.
Toutefois, la cible ne se trouvait pas bien loin, encore à proximité du manoir. Plus que cela, il pénétrait illégalement leur propriété. Aussi adroite et silencieuse qu'un chat, elle se laissa glisser du toit, redescendit la demeure en quelques habiles mouvements pour atterrir agilement non loin du rouquin. Achevant la distance qui les séparait d'une poignée gracieuses enjambées, la mère de Natsumi tapota l'épaule du fouineur, du doigt. Elle n'avait pas encore rompu le silence, ses prunelles jetant un rapide regard en direction de son insigne. Un insigne qui confirmait peut-être son appartenance au monde du journalisme mais qui ne lui donnait pas plus les droits qu'il s'était octroyé en s'infiltrant de la sorte.
Natsumi Kudo
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Mer 11 Juil - 21:53
« Pfffr, on dirait une gamine ! »
Qu'est-ce qu'être jeune ?
Il s'apprêtait à bondir prestement en direction d'une planque susceptible de l'abriter efficacement jusqu'à ce qu'il ait établi un plan de bataille quand il sentit quelque chose se déposer sur son épaule, dans le but manifeste d'attirer son attention. Si ce contact, anodin au demeurant, fut suffisant pour l'immobiliser momentanément, du moins le journaliste eut-il besoin d'une poignée d'instants à retenir son souffle pour comprendre tout ce qu'il impliquait et tout ce qu'il risquait de signifier. Ce n'était pas une brise maligne et espiègle qui était venue déranger son haut, pas plus qu'un animal quelconque qui s'était décidé à lui taquiner le buste avec une maladresse attendrissante... A dire vrai, Akis aurait même préféré qu'il s'agisse là d'un oiseau moqueur, lequel aurait, depuis son perchoir céleste, décidé de l'arroser généreusement de fientes peu ragoûtantes. Car la vérité était au moins aussi glaçante que le plus terrible des enfers... C'était une main, bien humaine, qui venait d'attirer son attention. On se tenait derrière lui et on l'épiait, en l'attente d'explications susceptibles de satisfaire la curiosité des gardes et des propriétaires de cette bien charmante bâtisse. Foutredieu... Il était foutu. Le journaliste se mit à déglutir bruyamment et, livide comme jamais, les yeux écarquillés et un sourire sans âme gravé aux lèvres, se mit à pivoter le haut de son buste pour faire face à la silhouette qui le dominait largement, sans pour autant chercher à réviser ses appuis. Il ne voulait pas qu'un geste brusque soit mal interprété : après tout, il n'avait rien à se reprocher... N'est-ce pas ? Ou presque rien, en tout cas. Il avait travaillé à Enies Lobby et avait relayé suffisamment d'affaires judiciaires, lors de son premier emploi, pour savoir qu'il était actuellement coupable d'une infraction évidente. Non respect de la propriété privée... Certes, il n'y jouait pas sa tête, mais le Tokushi était suffisamment sain d'esprit pour comprendre toute la portée d'un délit de ce calibre dans une période aussi troublée. Okalmoa venait tout juste d'endurer une attaque de pirates sanguinaires, sans foi ni loi, et bien des habitants avaient été secoués par cette expérience qu'il devinait traumatisante et qu'il n'avait nulle envie de relativiser. En d'autres termes, c'était probablement le pire moment qu'il aurait pu mettre à profit pour ce type de sottises décérébrées dont seul lui avait le secret...
Et alors, il la vit. Une femme d'un âge certain qui, pour autant, semblait bien conservée : eut-il été dans des circonstances plus légères et plus insouciantes qu'il aurait même probablement tenté de lui faire la cour et de s'attirer ses faveurs. Toutefois, pour l'heure, sa mine sévère interdisait formellement au rouquin de tenter ce type d'approches déplacées, qui risquaient fort de lui nuire cruellement et de précipiter une fin regrettable quant à sa terne existence. Déstabilisé, et ayant désormais un équilibre des plus précaires, le journaliste n'eut d'autre choix que celui de choir sur son postérieur en achevant son demi-tour, amortissant le choc en interposant ses mains tout en conservant son regard effaré braqué sur cette dame intransigeante et sévère. Bordel de merde... Il avait rarement eu aussi peur ! Pourtant, ses méninges, qui n'en finissaient plus de surchauffer tant il les mettait à contribution, tâchaient de le réconforter et de l'apaiser quelque peu. Il pouvait s'en sortir : il avait du bagout, on le lui avait souvent fait remarquer, et le badge qui seyait si bien à son cher torse prouvait son appartenance à un journal gouvernemental, et donc sa condition de simple civil. Ouais... Juste quelques mots, une excuse bien trouvé, et Akis pourrait probablement s'en retourner gambader joyeusement dans les ruelles, loin de l'anxiété qui commençait d'ores et déjà à lui ronger les neurones...
« C'est... C'est que... Je m'entraîne à un championnat océanique d'escalade et cette clôture avait l'air... Particulièrement... Abrupte... Haha. »
Et merde. Une fois de plus, son sens de l'improvisation assurément défaillant l'enfonçait au bout du gouffre : il était au bord du ravin, et son mensonge venait de l'y précipiter à grands renforts de coups de battes de baseball. Le Tokushi se mit dès lors à déglutir d'autant plus violemment, imaginant d'ores et déjà le sort que cette dame allait bien pouvoir lui réserver. Il était foutu, damné, terminé : on allait probablement retrouver son cadavre à l'ombre d'une ruelle, ou on allait, dans le meilleur des cas, l'envoyer au trou pour association de malfaiteurs. Ouais... On allait sans doute imaginer qu'il avait filé un coup de main aux pirates et qu'il était sur le point de réitérer en usant de son attribution de civil pour effectuer des missions de repérage ! Merde... C'était la merde ! Soucieux du fait qu'il était soudainement devenu encore plus suspect qu'auparavant, le pauvre hère, qui s'était mis à déraillé complètement, fut soudainement secouée d'une hilarité qui était si grossièrement simulée qu'il en eut quasiment l'envie de pleurer. Bordel de merde, voilà qu'il n'arrivait même plus à mentir... Il était vraiment foutu ! Espérant toutefois que cette manœuvre toucherait au but ou qu'il pourrait a minima attendrir cette inconnue, le jeune homme se mit à balbutier quelques mots d'une voix véritablement peu assurée, comme si une montagne de regrets l'accablaient d'ores et déjà.
« Enfin... Je vous dire... Je suis pas méchant, hein, promis... C'est juste que... Je voulais discuter et... Enfin... J'ai vu la clôture alors... Bon... »
Raaaah ! Il s'enfonçait, encore ! S'il avait été en pleine possession de ses moyens, le civil se serait probablement fracassé le front contre les grilles à tout va, jusqu'à s'effondrer, emporté par une inconscience salvatrice et secoureuse. Malheureusement, il n'en fit rien, car il n'était pas en moyen le réaliser une telle action : il était tout bonnement tétanisé. Cette femme était-il une gorgone ? Venait-elle de le pétrifier, et allait-elle se repaître de ses boyaux afin de le punir pour son impudence ? Bordel de merde, il se surprenait même à songer que cela aurait été franchement mérité... Ce n'était pas la première fois, après tout, qu'Akis se plaçait dans une situation précaire et décidément inconfortable. Sa bonne étoile, jusqu'à présent, avait toujours pu l'en ôter... Mais cette fois-ci, elle risquait fort d'être plus désespérée et atterrée par ses mésaventures qu'il ne pouvait l'être lui-même. Et dire qu'il aurait pu devenir fleuriste...