Octave de Thermopolis.

-Les géants sont dégoûtants... Bruce ? Nettoyez-moi donc tout ce sang, avant de lâcher cet ange...

Octave, désabusé, posa son regard sur les félins gargantuesques qu'il avait spécifiquement fait ramener du Nouveau Monde et qui, au sein de cette titanesque cage de granit marin, étaient les maîtres incontestés. Il y lançait ses esclaves, de temps à autres : ceux qui se targuaient de pouvoir tuer ces gros matous à mains nues afin de retrouver leur liberté. En règle générale, il était déçu, à l'instar de ce géant pathétique, autrefois grand guerrier, dont les prouesses avaient bien souvent été contées. Malheureusement, en devenant pirate, il s'était parjuré... Et en se parjurant, il avait fait une cible idéale pour les chasseurs de primes les moins scrupuleux, qui vendaient leurs services aux maisons d'enchère de Shabondy. Maintenant, c'était le tour de cet ange... Un pauvre bougre, qui disait connaître des styles de combats endémiques à ses îles lointaines sur le bout des doigts... Cela risquait d'être court, mais plutôt intense, si l'ange se débattait convenablement.

-Monseigneur ? Votre escargophone est prêt.
-Bien. Composez son numéro, et apportez-le moi.

L'ange venait tout juste d'être jeté dans la cage aux fauves que le combiné fut décroché et que la tonalité commença à résonner dans le palais titanesque des Thermopolis. Ghetis Archer n'avait toujours pas décroché que déjà les cris de cet ange se taisaient, égorgé par un coup de patte d'une vélocité effarante. Encore une fois, de la déception pour seul et unique résultat...

-Vice-amiral Archer ? C'est un plaisir. Je suis Octave de Thermopolis. J'ai entendu parler de vous...

Octave de Thermopolis.

-Ne soyez pas trop humble, vice-amiral. Vous insultez votre prestige. A moins que ce ne soit nos services de renseignements que vous insultiez de la sorte ?

Il exagérait, bien sûr : il savait pertinemment où Ghetis voulait en venir, mais il s'amusait à le confronter frontalement pour jauger ses réactions et comprendre quel type de personnage il était. Beaucoup de profils différents parvenaient au sommet de la Marine... mieux valait savoir, d'entrée de jeu, à qui il avait affaire. Car si, effectivement, bon nombre des Tenryubitos se contrefoutaient des affaires militaires du Gouvernement Mondial, Octave était un homme qui, très rapidement, avait bien compris que son existence céleste risquait d'être d'un ennui mortel s'il ne trouvait pas promptement de quoi la pimenter. C'était pour cela qu'il s'était octroyé des esclaves aux compétences martiales formidables, pour cela qu'il s'était entouré des meilleurs dompteurs au service de Mariejoa et pour cela qu'il avait mené d'innombrables expéditions jusque sur le Nouveau Monde afin de récupérer des créatures qui, à l'instar des tigres qui se disputaient la désormais dépouilles de l'ange, disposaient d'attributs hors normes qui les rendaient terriblement redoutables. Ces tigres, à titre d'exemple, étaient capable de se camoufler avec une efficacité telle qu'il devenait, dans un environnement propice à leur développement, impossible de les suivre parfaitement à l’œil nu. Pour garnir le tout, leurs griffes rétractables étaient plus longues et plus effilées qu'un poignard et leur célérité était telle qu'un homme adulte normalement constitué n'avait pas le temps d'apercevoir leur mouvement de patte que son sang jaillissait déjà... On trouvait décidément sur les mers bien des créatures susceptibles de se montrer divertissantes. Les Marines en étaient d'autres.

-C'est vrai. Je dispose d'un grand nombre de créatures et j'ai l'opportunité, si vous me laissez le temps nécessaire pour ce faire, d'en trouver certaines qui conviendraient parfaitement à l'opération que vous souhaitez entreprendre. J'ai entendu parler d'électricité... Pouvez-vous m'en dire plus ? Me préciser en détail ce que vous souhaitez réaliser ?

Il était à la fois sérieux et concentré : il ne prenait pas la chose à la légère. Si un vice-amiral avait besoin d'une force de frappe maritime sous la forme de créatures marines, c'était nécessairement qu'il voulait mener à bien une opération d'une envergure gargantuesque... Sinon, Ghetis Archer ne se serait jamais embêté à susciter l'aide d'un Noble Céleste. Il y avait quelque chose derrière cette stratégie qui demeurait indéniablement haletant... Octave, donc, avait hâte d'en savoir un petit peu plus, d'autant que cela conditionnerait directement ce qu'il pourrait exiger en échange de ce coup de main. Car il allait sans dire qu'il n'allait pas offrir gracieusement les services de ses meilleurs dompteurs à ce soldat de la justice sans demander de rétribution. L'un comme l'autre le savaient et n'étaient plus des enfants...

Octave de Thermopolis.

Il avait de l'ambition. C'était respectable, effectivement, pour un vice-amiral : comme Ghetis Archer avait pu le souligner, il s'agissait bien souvent d'une fin de carrière pour les gradés qui parvenaient à ce titre prestigieux et qui n'arrivaient pas à l'outrepasser... Savoir qu'il prévoyait de s'élever au-dessus de cette fonction était intéressant : cela prouvait que certains marines demeuraient orgueilleux, et ça n'était pas vraiment un tort du point de vue d'Octave. Enfin, ils ne s'étaient pas contactés pour discutailler joyeusement du futur que ce soldat espérait obtenir... Le sujet de l'appel fut bientôt abordé et le Tenryubito écouta patiemment ce que son interlocuteur avait à lui dire. Des monstres marins susceptibles de résister à des chocs électriques, et qui pouvaient s'en prendre à des embarcations ou à des fuyards afin de les mettre à mort... C'était jouable. Complexe, mais jouable. Et si c'était pour tuer ces pourritures de révolutionnaires, le jeu en valait largement la chandelle... Non sans un brin de réflexion, le Noble Céleste articula lentement quelques mots, semblant songer aux options qui étaient les siennes et qui semblaient être les plus pertinentes.

-On pourrait miser sur les Muraenidae Petram... Ou bien les Electrophorus Electricus Immanemque...

Pleinement conscient du fait que ce charabia scientifique ne devait pas correspondre à grand chose, du point de vue de Ghetis, Octave ne tarda guère à reprendre plus audiblement et plus fortement, s'affalant davantage dans son fauteuil tout en caressant du regard les tigres à dents de sabre qui avaient fini de déchiqueter le pauvre ange et qui se partageaient désormais sa carcasse. Ils auraient tôt fait de le faire disparaître irrémédiablement : leurs crocs acérés broyaient même les os avec une facilité déconcertante et leurs systèmes digestifs étaient faits pour dissoudre même de l'acier, des cheveux ou des vêtements...

-Les premières sont des espèces de longues murènes. Elles font une trentaine de mètres de long et ont pour principale caractéristique leur peau couverte d'une large couche de pierre. Cela leur permet d'être absolument insensible à la foudre. Les secondes ressemblent davantage à des anguilles électriques. Elles adaptent la tension qui s'échappe de leur corps à leur environnement : si un éclair tombe non loin d'elles, elles en nullifient les conséquences en augmentant leur propre voltage, si l'on veut. Elle sont plus petites, par contre, et plus difficiles à manipuler. Cinq mètres de long pour les spécimens adultes.

Sur quelles créatures aquatiques le vice-amiral allait-il jeter son dévolu ? Les anguilles pouvaient être utiles afin d'achever les hommes-poissons, si certains réchappaient à la bombe ou s'ils revenaient à la charge par la suite. Les murènes, en revanche, seraient probablement plus utiles pour s'en prendre aux embarcation de grande taille, par exemple...

-Oh. Et je vous précise tout de suite : ces deux espèces ne s'apprécient... pas vraiment. Les murènes dévorent les anguilles, dans leur habitat naturel. C'est d'ailleurs pour cela qu'elles ont développées cette armure.

Octave de Thermopolis.

Il semblait donc préférer les anguilles électriques... C'était un choix comme un autre. Dans les faits, cela ne changeait pas grand chose à Octave : c'était peut-être même légèrement plus facile, d'un point de vue pratique, que d'amener les murènes gigantesques jusqu'à Kaiten-Su. Enfin, dans tous les cas, lui n'aurait pas à s'encombrer des formalités et des nécessités quant au voyage et au transport de ces hideuses créatures. Il possédait bien suffisamment de subordonnés et de servants capables de l'épauler, sur ce plan... En revanche, Ghetis commençait à aborder un point intéressant : celui de la contrepartie. Le vice-amiral n'était pas sot, et semblait savoir pertinemment que les montagnes de richesses dont disposaient les Tenryubitos ne pouvaient même pas être complétées. Ce n'était pas un simple agent du Gouvernement Mondial qui allait lui faire miroiter une fortune quelconque... En revanche, force était d'admettre que ce soldat surpuissant pouvait éventuellement lui rapporter des choses que l'argent n'achetait pas nécessairement. Avoir des militaires en tant qu'alliés, c'était toujours une bonne chose pour régler les quelques petites affaires pénibles qui pouvaient encrasser votre quotidien... Ou, à défaut, l'émerveiller d'autant plus. Une paire de bras... C'était peu ou prou tout ce que ce marine représentait, aux yeux d'Octave. Mais une paire de bras rompue à l'exercice du combat, et suffisamment douée, il l'imaginait sans peine, pour terrasser tout un tas d'ennemis aussi virulents qu'efficaces.

-Bien. Recontactez-moi lorsque vous mettre votre opération sur pied. Mes subordonnés amèneront les anguilles à l'endroit décidé. Quant à la contrepartie... J'ai bien une petite idée, mais je préfère encore conserver la surprise, si cela ne vous gêne pas.

Pour le commun des mortels, c'était un risque que de procéder de cette manière. On pouvait effectivement imaginer qu'une fois qu'il aurait obtenu l'aide qu'il espérait si ardemment trouver, Ghetis se rétracterait et refuserait catégoriquement d'apporter au Thermopolis l'aide qu'il allait promettre à présent... Sauf que les Tenryubitos ne craignaient pas vraiment ce type de refus a posteriori. Si le vice-amiral voulait bénéficier de son aide et de la férocité de ses créatures marines, il allait devoir jouer le jeu. Les Nobles Célestes possédaient largement l'influence nécessaire pour forcer les contreparties, de toute manière... Enfin, il restait la question du nombre à aborder. Pour agir sur le périmètre de l'île révolutionnaire et pour couler les navires susceptibles de tenter de s'enfuir, il allait en falloir un certain nombre... Une poignée ne suffiraient pas. Dix ? Quinze ? Non, plus que ça... Après un instant de réflexion, Octave se contenta de hausser les épaules. De combien en disposait-il, actuellement ? Ces créatures marines étaient fascinantes et intéressantes, sans nul doute, mais elles ne représentaient rien, à ses yeux. Il avait largement plus d'admiration pour les tigres qu'il lorgnait paresseusement depuis le début de l'échange... Les monstres marins étaient plus brutaux, plus triviaux, plus primitifs. Moins nobles, moins altiers... Il pouvait donc se permettre de les envoyer tous, quitte à tous les voir mourir. Il n'appartiendrait qu'à lui de rendre la contrepartie adéquate, si Ghetis acceptait de jouer le jeu et de se réserver le secret jusqu'au moment opportun.

-J'en ai actuellement vingt-cinq en réserve, dans mes principaux aquariums. Si cela vous convient, elles seront acheminées les vingt-cinq jusqu'à Kaiten-Su.

Il n'eut, dès lors, plus qu'à attendre patiemment une hypothétique réponse de Ghetis. Il jubilait d'ores et déjà, toutefois. L'attaque sur Kaiten-Su promettait d'être divertissante et, qu'elle échoue ou qu'elle réussisse, il savait qu'il pourrait en récupérer un certain bénéfice... A moins que le vice-amiral n'y laisse sa peau, bien sûr. Mais c'était un risque qu'Octave était prêt à courir : sans un brin d'incertitude, la vie était fade et insipide, après tout...

Octave de Thermopolis.

Il refusait. Audacieux... Ou inconscient. Octave tiqua, et prit une mine agacée avant d'écouter les dires qui suivirent. Au moins, on ne pouvait pas lui retirer une certaine adresse... Qui détonnait, d'ailleurs, avec la réputation sulfureuse qu'on lui prêtait. Même à Mariejoa, ils avaient pu, à certaines occasions, entendre parler du tempérament assez indiscipliné de ce gradé hors norme, fraîchement débarqué des rangs miséreux des chasseurs de primes afin de se tailler une place parmi les plus hautes strates de la Marine. Les propos intolérables et irrévérencieux qu'il avait pu tenir à une époque, en tout cas, ne semblait plus désormais être d'actualité... A moins qu'il ne sache différencier ses interlocuteurs afin de conserver sa langue dans sa poche lorsqu'il n'était pas envisageable de se montrer irrespectueux ? Dans un cas comme dans l'autre, il avait donc pris des pincettes afin d'expliciter sa demande et sa curiosité. Il voulait savoir d'entrée de jeu ce dans quoi il s'impliquait... C'était un souhait légitime, en fin de compte : même un Tenryubito pouvait s'en rendre compte. Pour autant, le maître des bêtes rechignait à l'idée de lui en parler dès à présent. Il aurait pu avoir une meilleure idée à l'avenir, ou affiner cette dernière, et forcer le vice-amiral à agir selon ses ambitions, quelles qu'elles furent alors... Tant pis ! Il allait devoir se contenter de son premier désir, qu'il ne tarda guère à assumer, soudain pensif et rêveur.

-Je collectionne les créatures... Surprenantes, et puissantes. Qu'elles soient humaines, humanoïdes, amphibiennes, terrestres ou volantes m'importe peu. Et je les fais combattre pour ne conserver que les meilleures... Les plus redoutables, celles dont la nature a doté du meilleur arsenal de défense. Le problème, c'est que cela me contraint à la patience. Mettre des milliards de berrys sur la table afin de monter des expéditions pour remplir ma collection, ça n'est pas compliqué. Mais il est lassant de devoir attendre... Et comme, actuellement, le taux de mortalité de mes chérubins est trop élevé, il va sans dire que je passe le plus clair de mon temps à m'ennuyer.

A cela, deux possibilités s'étaient offertes à lui. Trouver un moyen de remplir son stock plus promptement, par l'usage de mercenaires taillés sur mesure où d'agents de la pègre qu'il aurait pu réussir à contacter d'une manière ou d'une autre, ou faire en sorte que ses créatures succombent moins souvent de leurs affrontements. La première technique, il avait souvent tenté de la mettre à profit, sans franc succès jusqu'à présent car il n'avait de cesse d'en vouloir plus. L'hémoglobine cessait tout juste de couler qu'il souhaitait observer à nouveau ces délicieuses effusions s'étaler à ses pieds... La seconde technique, donc, était celle qu'il voulait mettre à profit à partir de maintenant. Mais comment ? Plusieurs possibilités. Faire appel à des esclaves, par exemple, comme il venait de le faire : ils étaient plus faciles à dénicher, et généralement moins chers que des créatures hors normes. Souci, ils étaient souvent fragiles et frêles... Tenter de développer les soins et de travailler en collaboration avec la Section Scientifique, éventuellement. Cela l'avait amené à converser, en de parcimonieuses occasions, avec ce fameux Isaac Turing... Malheureusement, tout compétent qu'ils étaient, les scientifiques étaient incapables de réparer une carotide arrachée ou un cœur déchiqueté. Et comme ses animaux prenaient rarement des pincettes, une fois lancés dans les cages où seule l'adversité leur permettait de tirer leur épingle du jeu, les vétérinaires improvisés n'avaient pas le temps d'intervenir que les moins vigoureuses de ses créatures avaient déjà passé l'arme à gauche. Mais il en restait encore une, d'option... Longtemps fantasmée, bien sûr, mais qu'il n'avait jamais pu mettre en oeuvre. Et qui ressemblait, concrètement, à celle qui impliquait des esclaves...

-Yorkshire Mendela. On dit de lui qu'il est invulnérable, grâce à un fruit du démon... Il me permettrait de tester la virulence de mes créatures sans le moindre risque. C'est lui qu'il me faut... Je suis prêt à patienter après votre attaque sur Kaiten-Su, bien sûr. Mais si vous échouez, c'est vous qui devrez mettre votre corps à l'épreuve des crocs, des poisons et des griffes...

Il voulait savoir dans quoi il mettait les pieds ? C'était désormais chose faite et il n'aurait plus l'occasion de feindre l'ignorance. Il encourrait des risques, en acceptant cette proposition... Mais c'était le principe de la vie. On n'a rien sans rien... De plus, si le vice-amiral Archer était arrivé à un tel niveau de prestige, c'était forcément parce qu'il avait eu l'occasion de se rendre compte que la prudence ne menait que très rarement à la victoire. Il était des moments où il fallait accepter de mettre jusqu'à son existence propre en péril...

Octave de Thermopolis.

Envisageait-il sérieusement de prendre la place de Mendela Yorkshire, dans le cas de figure où il ne parviendrait pas à lui mettre le grappin dessus ? Était-il complètement fou à lié, ou n'avait-il simplement pas compris ce qu'Octave entendait l'instant précédent ? Il ne s'agissait pas de simples combats comme un gladiateur pouvait les mener : il s'agissait d'une vie d'esclave, durant laquelle il n'aurait d'autre choix que celui de s'exposer aux bestioles qu'on enverrait à sa rencontre. L'issue de ces combats, Octave, en fin de compte, s'en fichait bien : le vice-amiral pourrait tout-à-fait mourir dramatiquement et malencontreusement lors de l'un de ces affrontements... Le Tenryubito, donc, se contenta d'arquer un sourcil interrogatif et hésita à lui rétorquer quelques mots afin de le pousser à la réflexion mais, finalement, se ravisa simplement. Que ce marine soit ou non conscient des enjeux de cette affaire et du destin funeste qui pouvait éventuellement devenir sien, ça ne faisait aucune espèce de différence... L'avenir à lui seul leur donnerait peut-être l'occasion de mettre cette promesse sur le devant de la scène. En attendant, tout cela ne reposait que sur un tissu d'hypothèses et de probabilités qui demeuraient relativement incertaines... L'assaut sur Kaiten-Su n'était pas vraiment prévu le lendemain, et le militaire pouvait tout-à-fait y rester, s'il s'y prenait mal. Restait à voir s'il était à la hauteur de sa réputation. Lorsque l'Archer demanda si une rencontre était envisageable entre les deux hommes, le Noble Céleste, une fois de plus, arqua un sourcil avant de rétorquer, sans montrer la moindre conviction ni le moindre réel intérêt face à cette perspective.

-Si vous le souhaitez. Cela m'importe peu.

De toute manière, ils risquaient effectivement fort de finir par se rencontrer lorsque le marine viendrait lui livrer le Nebula... Ou, à défaut, lorsqu'il se présenterait de lui-même pour affronter les monstres les plus terrifiants et les plus gargantuesques que les services d'Octave seraient en mesure de dénicher et de rapatrier jusqu'à Mariejoa. Quant à savoir quand cette rencontre aurait lieu, le Thermopolis n'en avait pas grand chose à faire et les affabulations de l'Archer au sujet des croyances ridicules et risibles des peuples barbares des Mers Blanches ne l'intéressaient guère davantage. Ces types arriérés possédaient peut-être des rites mystérieux et obscurs, il n'en avait que cure : ils étaient encore plus bas que les humains, à ses yeux, au même titre que toutes ces créatures dégoûtantes qui pullulaient sur les îles sous-marines ou dans les contrées lointaines de Grand Line...

-Faites ce que vous voulez d'eux. Tuez-les, étripez-les, revendez-les comme esclaves, torturez-les... Peu me chaut.

Les pirates ne l'intéressaient pas vraiment. C'était l'invulnérabilité louée de Yorkshire Mendela qui en faisait une possession de valeur... Le genre d'esclave qui ne possédait pas réellement de prix. Le reste de ses compagnons étaient sans nul doute clairement plus quelconques, alors Octave n'en avait pas grand chose à faire... Maintenant que l'affaire semblait être entendue, en tout cas, le Tenryubito commençait à se lasser de cet appel. Il le communiqua à son interlocuteur en prenant la parole promptement, d'un ton monocorde et tranquille.

-Bien. Dans ce cas, tout est entendu. Je ferai préparer les anguilles pour votre petite sauterie...

Octave de Thermopolis.

-Si vous parvenez à ramener Mendela vivant et entier... Je vous céderai les anguilles volontiers. En attendant, elles ne sont qu'un prêt.

Il n'était pas magnanime mais d'un autre côté, il ne voyait pas l'intérêt de s'encombrer de ce type de monstres marins, pas spécialement rares, et que ses meilleurs dresseurs pouvaient dénicher assez aisément en fin de compte. Il avait bien d'autres créatures plus rares, plus intéressantes, plus dangereuses, plus instables... Avec un léger sourire, Octave songea par conséquent que le Nebula, ancien Schichibukai, était autrement plus attrayant de son point de vue... Si cette récompense inattendue pouvait permettre à Ghetis de redoubler de motivation afin de mettre la main sur ce fieffé pirate, connu à travers le Monde pour être l'un des plus fameux esprits trappeurs dont la criminalité recelait actuellement, c'était un maigre sacrifice auquel il recourrait sans la moindre hésitation.
La proposition qui suivit lui fit arquer un sourcil et, une fois de plus, le Thermopolis offrit un sourire amusé à son interlocuteur par l'intermédiaire de son escargophone. Des esclaves contre d'autres créatures insolites ? Il avait déjà quelques idées malsaines, mais terriblement distrayantes... Ses soldats et ses mercenaires étaient compétents, bien sûr, mais bien loin de l'expertise d'un vice-amiral : pouvoir utiliser un tel gradé sur le terrain, c'était l'assurance de pouvoir s'octroyer des esclaves d'un prestige incommensurable, d'une qualité rare... Combien de Nobles Célestes pouvaient se targuer d'avoir parmi leurs domestiques et leurs serfs ne fut-ce qu'un seul pirate primé à plus de cent millions de berrys ? Yorkshire Mendela, à lui seul, suffirait amplement pour mettre Octave sur le devant de la scène... D'autres grands capitaines pirates ne feraient qu'accentuer ce décalage entre le Tenryubito et les autres représentants de la Noblesse Mondiale. Il ne lui en fallait pas plus pour être convaincu qu'il s'agissait de la meilleure affaire du siècle...

-Très bien ! Dans ce cas, si vous ramenez Mendela indemne, je serai ravi de vous offrir d'autres opportunités de faire parler de vous à Mariejoa, vice-amiral. En attendant, je vous souhaite bon courage...

Ils n'avaient plus rien à se dire, pour l'heure : aussi Octave se permit-il de raccrocher, non sans claquer des doigts d'un air altier et autoritaire. Deux frères, des petites frappes de l'Empire criminel de Konan Harishigawa, furent à leur tour balancé dans la cage aux fauves où leur résistance fut encore plus fébrile et pâle que celle de l'ange. Cette faiblesse apparente, toutefois, ne suffit pas à ôter le sourire du visage du Tenryubito : peut-être qu'il venait de mettre la main sur un filon des plus juteux...