| Jeu 8 Nov - 16:12 Missandei, primée à 130.000.000 berrys et Bernon, primé à 80.000.000 berrys.
-On s'en est très bien tirés, une fois de plus... Tu es d'un pessimisme... -Très bien tirés ? Bon sang ! La moitié de leur putain d'amirauté était présente, Missandei ! S'ils avaient ne serait-ce que suspecté notre présence, nous serions en train de croupir dans les geôles les plus crasseuses d'Impel Down ! -Mais ça n'est pas le cas ! Et regarde tout ce qu'on a pu récupérer ! Shabondy était un petit coin de paradis, pour tout brigand qui se respectait. Si une personne mal intentionnée décidait d'y élire domicile, elle savait qu'elle pouvait y demeurer constamment sans courir le moindre risque... A condition bien sûr de conserver un semblant d'instinct de survie. Jasmine veillait au grain, dans le coin, et elle n'était jamais très loin. Même les groves de non-droit faisaient partie de son terrain de chasse... Surtout les groves de non-droit, d'ailleurs, où elle interceptait l'immense majorité de ses proies qui avaient le culot et la crétinerie de se croire hors de portée de la justice et de son courroux vindicatif. Effectivement, les Marines ne se pointaient jamais jusqu'ici, à moins d'y être contraint par un événement détonnant et hors du commun... Précisément le type d'événements que Missandei et Bernon évitaient religieusement, donc. En somme, comme ils avaient réussi à dénicher une bicoque aussi charmante que poussiéreuse, ils pouvaient entasser l'ensemble des recherches de la donzelle sans craindre que tout cela ne se volatilise d'une manière ou d'une autre. Bien sûr, tout était planqué : ils avaient à de multiples reprises découverts des squatteurs, venus se loger là en leur absence... Le vieil homme, combattant exemplaire de son état, avait généralement tôt fait les déloger, mais le risque était trop grand : si un ahuri de seconde zone tombait sur les croquis ou les esquisses nébuleuses et décidait d'en discuter autour de lui, ce serait l'archipel tout entier qui finirait par partir en fumée, en guise de précaution. Les deux primés ne connaissaient que trop bien le sort funeste d'Ohara... Et ils ne pouvaient souhaiter à personne de subir le même. Même à la population de Shabondy, pourtant constituée d'un certain nombre de malfrats ou d'entrepreneurs sans morale ni amour-propre. Le genre de personnes qui pouvaient tout vous vendre, à condition d'y mettre un prix alléchant, et d'être protégés par la loi... -Bon sang, jeune fille, écoute ça ! Le vieil homme avait distraitement décroché son escargophone, lorsque celui-ci s'était mis à sonner : il s'était promptement rendu compte du fait que l'appel ne lui était pas adressé personnellement, et qu'il ne pouvait lui-même pas y répondre. En vérité, l'appel était un discours... Le discours de l'une des plus influentes militaires au monde. L'amirale-en-chef Chairoka déclarait la guerre, et les deux criminels échangèrent un regard où s'entrelaçait l'inquiétude et la surprise. Ils ne vouaient pas la moindre affection à Centes, pas plus qu'à Chairoka d'ailleurs, mais savoir que le conflit allait dégénérer et revêtir un aspect plus frontal avait de quoi les déboussoler grièvement. Les répercussions risquaient fort d'être énormes... Ils allaient tous devoir faire profil bas dans les jours à venir. Lorsque les mots de la gouvernementale moururent finalement, Missandei, légèrement blême, se dirigea vers une étagère où elle commença à sélectionner précieusement quelques ouvrages, qu'elle traitait manifestement avec la plus grande des délicatesses. Devant son changement de comportement pour le moins inopiné, le vieux Bernon arqua un sourcil interrogatif et ne tarda guère à se montrer inquisiteur : elle lui répondit sans lui jeter une seule œillade, apparemment trop concentrée sur les livres qu'elle traitait avec cette affable diligence. -Qu'est-ce que tu fiches, bon sang ? -Si la guerre éclate, cet endroit peut disparaître. Si cet endroit disparaît, j'ai tout intérêt à faire des copies de mes meilleurs écrits... -Pas bête. -Plutôt malin, même. La surenchère ne provenait guère de Missandei, mais plutôt d'une voix masculine, présente dans l'encadrement de la porte situé derrière Bernon. Ce dernier, sachant parfaitement à qui il avait à faire, ne se retourna nullement : il se contenta de lever les yeux au ciel et d'imiter grossièrement les traits du nouvel intervenant en répétant ses dires comme s'il s'était agi d'un insondable débile. Si Missandei se rendit compte de ce spectacle particulièrement peu glorieux, elle n'en tint pas compte : elle se contenta de contourner son vieux garde du corps pour se rapprocher promptement de son amant, dans les bras duquel elle se jeta. Narseh, "le faiseur de Coups D'États", primé à 712.000.000 berrys. -Narseh ! Tu es là ! Bernon a dit que tu ne reviendrais pas... -Je n'ai qu'une seule parole, avec toi. Tu le sais bien... -N'écoute pas ce serpent, jeune fille. Tu mérites mieux que lui. -Vous m'en voulez toujours, Bernon ? Pour cette histoire de Tesk, n'est-ce pas ? -Exactement, morveux. On aurait pu tous y rester. Qu'est-ce qui t'es passé par la tête, bon dieu ? -Personne n'y est resté. Il n'y a donc aucune raison de m'en tenir rigueur. Tu ne crois pas, Missandei ? -Si ! Tu vois, Bernon, quand je te dis que Narseh s'occupe de tout... C'est le cas ! Le vieillard capitula, une fois de plus : la niaiserie qui se dégageait de ce couple angélique le débectait au plus haut point. Il se contenta de hausser les épaules et de s'installer à une chaise nonchalamment, non sans croiser les bras. Il connaissait la réputation sordide que Narseh se traînait et il savait, contrairement à ce que la demoiselle imaginait, qu'elle était bien plus véridique que le principal intéressé ne l'admettait. C'était une crapule : l'une des pires crapules, d'ailleurs, de celles qui auraient pu le foudroyer instantanément s'il avait eu un comportement plus problématique que fructueux. Sauf que le faiseur de Coups d'États avait grand besoin de lui : parce qu'il était le seul homme qui pouvait constamment veiller sur Missandei, et le seul homme, par ailleurs, qu'elle tolérait à ses côtés de manière quasiment constante. Ils étaient des compagnons de voyage depuis belle lurette, maintenant, et pour une raison ou pour une autre, l'homme au chapeau avait besoin d'eux : voilà pourquoi il ne l'exécutait pas. Toutefois, Bernon ne se berçait pas d'illusions : il savait très bien qu'un jour viendrait où il n'aurait plus d'utilité suffisante aux yeux de Narseh, où il lui apparaîtrait comme étant une nuisance plutôt qu'un allié... A cet instant, il ferait en sorte d'être loin, très loin. A son âge, il était impensable de tenir tête à un criminel aussi mondialement réputé : ce serait courir à sa perte. Cela, et rien d'autre. Mais en attendant, il pouvait s'empêtrer encore davantage dans l'impertinence : tout lui était pardonné. Voilà pourquoi il s'en donnait à cœur joie... -Tu l'as entendue, gamin ? L'amirale-en-chef. Qu'est-ce que tu vas faire ? -La question, c'est qu'est-ce que vous allez faire vous. -Comment ça ? -Shabondy va devenir un champ de bataille, à n'en pas douter. Cet archipel est trop stratégique. Attendez quelques heures encore, et une opération d'évacuation d'une envergure jusqu'alors inégalée sera annoncée. Vous avez encore le temps de vous enfuir sereinement, pour le moment, et d'aller vous planquer sur une île que les forces gouvernementales déserteront pendant le gros du conflit. Narseh était sans doute un immondice putride comme on en croisait rarement, mais il était malin : c'est précisément parce qu'il avait su s'en rendre compte que Bernon n'était pas encore mort. Il eut un instant de réflexion, durant lequel il tira légèrement sur sa moustache par le biais de son index et de son pouce droits, puis il acquiesça sèchement. Il se redressa d'un bond et s'approcha du couple encore soudé. Il attrapa le poignet de Missandei, qui commença à protester, mais la coupa dans son élan, encouragé par le sourire cauteleux de l'autre homme. -On se tire. Je veux pas être ici si les Decimas et les Marines décident de se la mettre dans le coin. Prends tes clics et tes clacs, et on fout le camp. -Mais... Et toi, Narseh ? -Lui ? Putain, mais t'es aveugle à ce point, ma pauvre fille ? Non sans tapoter sur le sommet de la tête de Missandei, Narseh fit volte face, ajusta son chapeau, et s'en alla d'un pas souple et silencieux, si délicat qu'il semblait être plus lent qu'il ne l'était réellement. Si les deux autres criminels le lorgnèrent tandis qu'il s'éloignait, aucun d'entre eux ne tenta de l'interpeller : le vieil homme, simplement, composa quelques mots qu'il articula à grand peine, une goutte de sueur perlant sur sa tempe gauche. -C'est parce qu'il va rester qu'il faut à tout prix qu'on se casse urgemment.
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