Le Commandant Dorian Karmon avait été contacté par Den-Den Mushi quelques jours après son dernier entretien avec le Docker. Certains bateaux marines traversant la mer de l'Est auraient assurés voir un bateau avec à son bord une seule personne de sexe féminin et très méfiante se diriger vers Mirror Ball. Sur place, certains marines déguisés en civil auraient confirmés voir cette personne ; décrite sur le portrait robot fais par ceux qui avaient vu les deux lieutenants mourir sous leurs yeux. Elle était bien là, celle que le Karmon traquait. Et il s'y serait naturellement rendu avec ses troupes, désormais complètement soignées grâce au temps qui s'était écoulé depuis la course-poursuite sur l'Archipel Orgao.

La troupe Marine accosterait sur le port en fin d'après-midi, un samedi. Ils pourraient très certainement déjà sentir l'ambiance de la fête s'installer. S'ils exploraient un peu la ville, ils remarqueraient aisément que tout le monde s'affairait pour ce soir. Une nouvelle tenue, un nouveau parfum, il ne fallait pas stagner pour plaire dans un milieu comme celui-ci. La Décima elle, était bel et bien là, dans une chambre miteuse d'un hôtel tout aussi moisit. Mais peu importait, bientôt, elle serait riche. Bientôt ? Ce soir, pour être on ne peut plus précis. Et elle n'attendait que ça. Elle avait passé ces derniers jours stressée, acculée. Mais dans quelques heures, elle serait tranquille.

Le Commandant en charge de la traque lui aurait pu recevoir des informations sur la position de la Fuumi, l'hôtel en question avait été localisé. En fait, ils avaient juste suivis Anastasia jusqu'au dit endroit mais n'auraient pas osés rentrés ou s'approcher de plus près par peur qu'elle se méfie de trop. Le chemin vers l'hôtel lui aurait été donné et le portrait de la Décima également.

Anastasia Fuumi

Rapport n°265, Tuco.

Cela fait encore plusieurs semaines qu'on remarque des échanges dans les rues, ruelles. Et le pire c'est le samedi soir. Des échanges rapides entre les habitants ou les passagers sur l'île et des individus, souvent de type masculin. Tout le monde sait que c'est de la drogue, mais on intervient pas. Pourquoi ? Voilà pourquoi, car ces gars qui vendent les produits illégaux, ce ne sont que des petits poissons. On a déjà procédé à des arrestations il y a quelques mois, et ça avait plutôt bien fonctionné même. Certains faisaient les durs mais d'autres ont parlé. Ils nous ont avoués qu'ils achetaient ça à des gars, dont le patron s'appelait Tuco, apparemment. Il n'y avait jamais de lieu de rendez-vous précis, les échanges se faisaient souvent discrètement dans des ruelles ou des habitations. Et ensuite, les revendeurs vendaient leurs produits. Sauf que quand ils sont ressortis, ils ont tous disparu une semaine, à peu près. Tous ceux qui s'étaient fait interrogés sont revenus avec des marques, visiblement torturés. On a essayé de mener d'autres interrogatoires, mais tous les revendeurs étaient paralysés par la peur.

Le plus commun d'entre eux ? C'est une petite pilule rose. Pour les tafioles hein ? N'empêche que ce truc, c'est un boost d'énergie de dingue. Et je l'ai vu, on la tous vu ici. Et encore une fois, ça se vends le samedi soir le plus souvent. Tu danses, t'as plus d'énergie, pilule rose, tu danses de nouveau. On a donc mené notre petite enquête, et on a remarqué qu'au Seventh Sky, c'est là où il y a la plus grosse concentration de cette drogue. Ils l'appellent la "Fever Turner". On a essayé de savoir d'où venait les pilules, mais on s'est tous fait jetés dehors par les vigiles comme quoi "on gênait". Si c'est bien Tuco qui dirige le réseau de drogue, alors il a la main mise sur le plus gros club de l'île. Que dire des autres alors... ce gars contrôle toute la ville, et on peux rien faire sans y aller en force. Le soucis, c'est qu'on a pas assez d'informations sur l'identité de Tuco, de ses acolytes et de son réseau.

Voici un des rapports que le Commandant Karmon avait pu lire, tous les autres précédant celui-ci détaillaient exactement les propos du rapport 265. Et s'il continuait à chercher des détails dans les rapports, il ne trouverait rien de plus croquant... jusqu'à être appelé sur son Den-Den Mushi.

- Commandant, ici l'équipe de surveillance. Nous venons de voir la suspecte sortir de l’hôtel. En la suivant, nous l'avons vue échanger avec un homme au physique assez dur. Il lui a donné un papier qu'elle a rangé dans l'une de ses poches puis est retournée à l'hôtel. Un homme est en route pour vous donner le portrait robot de l'homme.

Lorsque le matelot arriverait afin de donner le bout de papier sur lequel était dessiné l'homme, le Den-Den Mushi sonnerait de nouveau.

- Commandant, excusez-moi de vous déranger de nouveau mais, la suspecte vient de sortir de l'établissement. Elle est en robe, nous la suivons actuellement et...

Un léger choc se fit entendre dans le Den-Den Mushi, comme un heurtement et en tendant l'oreille, Dorian pourrait entendre un " Toi, suis-moi. " d'une voix grave et masculine avant que le combiné ne soit raccroché.

Suspect ayant discuté avec Anastasia

Le Commandant avait donné ses ordres. Le portrait robot du suspect serait donc resté sur l'une des tables de la petite caserne Marine de l'île, afin que la Sergente et plusieurs hommes s’imprègnent du visage dur du suspect. Elle aurait prise avec elle le bout de papier afin de mieux pouvoir identifier l'homme sur place, l'enroulant sur lui-même et plaçant le bout de papier dans une de ses poches. Elle aurait donc divisé les effectifs en trois. L'un irait directement là où était l'équipe de surveillance, et balayerait la zone, tandis que les deux autres iraient en ville afin de chercher dans les ruelles et rues. Si un homme avait été capturé, c'est peut-être que les affaires avaient été compromises, et que les brigands souhaitaient s'assurer une monnaie d'échange. Si c'était le cas, il était fort probable que le soldat se soit fait caché, ou soit amené pour être dissimulé. La Sergente avait également pensé à une cachette de Tuco, mais elle avait été informée que le Commandant s'y rendait déjà, elle lui laissait donc s'occuper de cet endroit et ratisserait large avec les deux autres tiers, dont un qu'elle mènerait.

Le capitaine de la base lui, accorda quelques hommes au Commandant sans hésiter. Si le Karmon pouvait faire d'une pierre deux coups le gérant de la base de Mirror Ball lui serait extrêmement reconnaissant, malgré l'image qu'il s'était faite il n'y a pas si longtemps.

En parlant du maudit, il ne lui fallut que quelques minutes à pied pour arriver au Seventh Sky. Les néons et lumières n'étaient pas activés, mais la structure était là. Il était à l'entrée d'une paire de jambes ouvertes, mais aux portes fermées. Même s'il toquerait, il n'y aurait pas de réponse. La soirée approchait certes, mais il n'était pas encore temps pour le club d'ouvrir. Et si la mouette décidait de révéler son identité, et de demander qu'on lui ouvre, une voix féminine lui répondrait après quelques instants. Elle s'excuserait et lui dirait que l'endroit est entrain d'être lavé pour la nuit qui arrive, que la dame a beaucoup de boulot et surtout, qu'elle n'a pas les droits pour lui ouvrir. Les portes étaient de toute façon fermées. Autrement dit, il s'agissait là d'une impasse totale. En faisant le tour, le Karmon pouvait apercevoir une entrée par l'arrière du bâtiment, mais en observant rien qu'un peu il ne s'agissait là que de livreurs d'alcools qui déchargeaient leurs véhicules pour les amener à l'intérieur. Ils faisaient des aller-retours, et semblaient ouvert à la discussion.

Il y avait une certitude pour Dorian, c'est que celle qu'il cherchait n'était pas là. La base était plus proche du club que l'hôtel ne l'était, et il était difficile de courir en talons et en robe. Il ne l'avait pas vue arriver après lui, et il ne faisait aucun doute que celui en charge de la traque et de la capture de la Décima aurait eût l’œil ouvert, si elle était arrivée par quelconque endroit, il l'aurait aperçue. Alors, où était-elle ?

Quant aux troupes qui ratissaient la ville, il n'y eût aucun rapport. Aucun ? Après une quinzaine de minutes -en comptant leur départ de la caserne- le Commandant aurait reçu un appel de sa Sergente.

- Commandant Karmon, Sergente Nelly à l'appareil. Nous avons croiser l'homme du portrait-robot, il est seul, pas de traces de notre homme, voulez vous qu'on l'interpelle ou qu'on le suive ?"

Suspect ayant discuté avec Anastasia

Après avoir signalé sa position à son supérieur, la sergente continuerait à surveiller le suspect à distance respectable. Le commandant ne mettrait pas bien longtemps à les rejoindre, et poserait ses yeux sur l’homme en question. Il était âgé, mais effectivement imposant : près de deux mètres de haut, pour une carrure d’armoire à glace ; sa mâchoire carrée et crispée comme son regard glacial mais vif criaient à gorge déployée qu’il n’était pas fréquentable. Les marines ne pourraient sans doute – peut-être – pas se tromper, en l’associant à la criminalité.

Il n’avait pas été difficile à suivre. Quelques secondes après l’appel passé par la sergente, il s’était arrêté brusquement en face d’une petite épicerie. Depuis, il se tenait les mains dans les poches, presque immobile, devant la vitrine du magasin, se contentant de lancer des coups d’oeil visiblement impatients en direction de la rue. Il semblait de toute évidence attendre quelque chose, ou quelqu’un.

Suspect ayant discuté avec Anastasia

La sergente le salua à son arrivée :

- Commandant. Il n’a pas bougé depuis une dizaine de minutes. Nous avons surveillé les passants, mais personne n’a semblé faire attention à lui. Nous n’avons pas eu de nouvelles pistes concernant la cible.

L’homme semblait perdre patience, ou gagner en nervosité, c’était difficile à déterminer. Il commençait à tapoter du pied sur le sol, regardant de plus en plus souvent dans la direction dans dont il semblait attendre une arrivée.

Soudain, l’escargophone de la petite troupe de marines se mit à beugler bruyamment, indiquant de façon fort peu discrète l’arrivée d’un nouvel appel. La surprise fit sursauter la sergente, mais elle n’était pas la seule.

Interpellé par le bruit, l’homme tourna la tête en direction du petit groupe. Son regard se posa sur la basse gradée, puis sur son supérieur, et ses yeux s’écarquillèrent. Avec une vivacité impressionnante pour son volume, il s’élança dans la direction opposée à eux. En dépassant l’étalage devant la vitrine de l’épicerie, il l’attrapa d’une main vive pour le renverser derrière lui ; plusieurs kilogrammes d’oranges et de pommes se déversèrent sur le trottoir, rendant plus difficile la poursuite.

L’homme courrait vite, mais le Karmon pourrait sans doute le suivre, s’il choisissait de le faire. Durant sa course, il bousculerait quelques passants et tenterait de renverser d’autres obstacles sur la route de ses poursuivants. Après quelques dizaines de mètres, il bifurquerait brutalement dans une ruelle sur sa droite, quittant la rue modérément fréquentée, pour répandre encore le contenu d’une grande poubelle sur ses sillons. Un autre virage, puis un troisième, l’homme tentait de perdre son poursuivant dans les étroites ruelles.

Suspect ayant discuté avec Anastasia

L’homme se figea net lorsque le marine posa le pied au sol devant lui. Un fruit du démon et de techniques empruntées aux Cipher Pol ? Le Commandant Karmon n’avait pas volé son rang prestigieux. Une découverte bien désagréable : les Paramecias étaient du point de vue du vieil homme les fruits les plus dangereux, de loin, en raison de leur imprévisibilité.

Soupirant, il se remit droit, toisant le Karmon de toute sa hauteur. Il semblait résigné, et finit au bout de quelques instants de réflexion par ouvrir la bouche… Pour être interrompu par une main large attrapant son épaule. Derrière leur suspect, Dorian pourrait reconnaître l’un des soldats locaux qui lui avaient été assignés par le capitaine. Celui-ci avait accouru aussi vite qu’il l’avait pu, et triomphait tout en tentant de reprendre sa respiration.

- On le tient, Commandant ! Bien joué, c’était dingue !

Le suspect n’hésita pas une seule seconde ; l’occasion était inespérée. Il pivota sur lui-même, à une vitesse impressionnante. Sa main gauche agrippa le poignet du pauvre marine, le tordant violement pour ramener le jeune homme devant lui, tandis que la droite plongeait dans une poche de son manteau pour en tirer un couteau d’acier brillant qui remonta jusqu’à sa pomme d’Adam.

En un instant, d’un seul mouvement à la rapidité et à la fluidité exemplaire, le grand homme avait pu reculer d’un pas, pour coller son dos à la façade du bâtiment qu’il avait longé, tandis que contre son torse était maintenu fermement un pauvre matelot qui n’avait rien pu faire, et qui osait à peine respirer avec la lame pressée contre sa trachée. L’homme inconnu replongea son regard dans celui du Commandant. Sa résolution ne faisait aucun doute. Il fit un mouvement de tête à l’intention du gradé, lui indiquant une direction. Sa voix était grave et rauque, témoin d’une vie d’excès.

- Les mains à la normale. Dans la ruelle, là. Et sans faire d’histoire. Ordonnez à vos hommes de rester bien sagement à leur place. A la moindre tentative...

Comme pour appuyer sa menace, la main tenant la lame appuya un peu plus fort. La peau céda, et une minuscule goutte de sang coula le long de la gorge du pauvre marine horrifié, dont le regard cherchait désespérément l’aide de son supérieur.

Suspect ayant discuté avec Anastasia

L’homme hocha la tête, son regard grave ne décollant pas de Dorian. Ainsi, le Commandant savait donc se montrer raisonnable. Dommage qu’il ait été si borné, sans quoi les deux hommes auraient probablement pu trouver un terrain d’entente.

Sans quitter le marine des yeux, le vieil homme se déplaça lentement, entrant dans la ruelle indiquée, sans lâcher son otage, attendant que le gradé se déplace avec lui. S’il obtempérait, il continuerait à reculer d’un pas prudent, prenant un autre tournant pour se retrouver dans une nouvelle impasse étroite, où le criminel s’arrêta après un regard aux alentours. Faisant signe au Karmon de cesser sa route également à quelques mètres de lui, il lâcha le bras du matelot pour plonger à nouveau l’une de ses mains dans une poche de la veste, l’autre maintenant toujours fermement la lame du poignard sur la gorge du pauvre soldat, l’empêchant de bouger. Il en sortit un petit sachet de tissu de quelques centimètres de côté qu’il lança en direction du Karmon, qui pourrait l’intercepter au vol. Il y découvrirait une pilule ovale bleu pâle.

- Vous avez raison Commandant, on ne va pas jouer au chat et à la souris. Avalez ça gentiment, et je relâche le petit. Vous avez ma parole qu’il ne lui arrivera rien de plus. C’est vous qui m’intéressez.

Durant ce temps, parmi les marines perturbés sur la grande rue, l’escargophone de la troupe sonnerait à nouveau. S’ils prenaient la peine de le décrocher, le gastéropode prendrait un teint pâle et une expression fébrile malgré ses tentatives visibles de garder l’air professionnel et stable, avant de faire passer une voix que la meneuse actuelle de l’escouade n’aurait aucun mal à reconnaître : il s’agissait de son subordonné capturé un peu plus tôt pour s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

- Sergente ? C’est moi, je… je suis dans un sous-sol, je sais pas exactement où. Je vais bien pour l’instant, juste un mal de tête… Ils disent que je dois vous demander de rentrer à la base. Si vous les laissez tranquilles ils me libéreront demain matin… Sergente, je fais quoi ?

Une tension serra les lèvres du quinquagénaire, tandis qu’il levait un sourcil. Il parut soupeser la question quelques instants, puis hocha la tête. Ce fut pourtant le marine qui prit la parole, bégayant.

- Mais Commandant, je… V-vous devez… Il…
-Silence soldat, le coupa le cirminel. Ton Commandant a fait son choix. En revanche, vous n’allez pas retourner auprès de vos hommes. Vous pouvez tout à fait garder votre Den-Den Mushi avec vous, ne vous en faites donc pas.

Il fit un autre signe de tête en direction de la ruelle qui prolongeait la leur.

- Après vous, Commandant. Ne vous en faites pas, je vous guide et vous suis de près. Allez, avance soldat.

Bien sûr, le Commandant avait encore bien des cordes à son arc. Toutefois, s’il choisissait de se plier aux indications du hors-la-loi, il serait guidé dans les étroites allées de la ville, et aurait à prendre encore deux tournants ; il s’agissait en réalité de la route que le grand homme avait prévu d’emprunter durant sa fuite, avant d’être rattrapé de façon bien trop expéditive. Le Karmon se verrait alors indiquer de cesser sa route devant une large porte cochère en métal. Le bâtiment en question était d’apparence tout à fait banale, si ce n’était qu’il se démarquait par sa façade en briques rouges, là où la très large majorité des constructions aux alentours étaient dans des tons plus neutres, variantes de beige et de brun. Sur le fer ouvragé qui ornait la porte, un large « E » apparaissait.

S’approchant de la construction sans quitter Dorian des yeux, le criminel se placerait sur le coin de la porte pour y donner un léger coup de la botte tout en laissant le champ de vision libre à son « invité ». Aussitôt, le double battant s’ouvrirait largement, révélant un certain nombre d’hommes, assis sur des chaises ou des bancs en bois, qui semblaient passer le temps. Lorsqu’ils verraient la porte s’ouvrir, ils bondiraient sur leurs pieds, attrapant précipitamment leurs armes que la plupart avaient posé devant eux. Tant bien que mal, dans une chorégraphie maladroite, une dizaine de pistolets se pointeraient sur le Karmon.

- Calmez vous, tout va bien. Le Commandant Karmon est notre invité de marque.
- Patron, vous avez mis plein de temps, s’inquiéta l’un des hommes, un gaillard chauve à la face aussi ronde que son ventre. On commençait à avoir peur.
- Le Commandant s’est avéré plus… Digne de respect que nous le pensions. Les informations à son sujet étaient incomplètes, nous discuterons de cela plus tard. Nous avons du… nous adapter. Commandant, si vous voulez bien ?

Sans plus de cérémonie, l’homme pénétrerait dans la pièce, son otage avec lui. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur qu’il relâcherait le jeune soldat, qui tomberait à terre en frottant sa gorge endolorie.

S’il s’approchait de l’embrasure de la porte, Dorian pourrait observer l’intérieur du bâtiment. Il s’agissait d’un large hangar aux murs nus, qui semblait avoir été aménagé en taverne de fortune. Des bancs et des tabourets avaient été disposés, et un longue table en bois brut faisait office de comptoir, derrière lequel de nombreuses bouteilles aux contenus variés étaient entreposées. Sur l’un des deux seuls canapés confortables de la pièce, une jeune femme aux cheveux noirs et à la robe rouge attendait d’un air digne, les jambes croisées et le dos droit. Elle serait la seule à n’avoir pas bougé en les voyant arriver en tenterait de paraître calme et détachée, mais un regard observateur n’aurait nul mal à remarquer le tapotement de ses doigts sur ses genoux ou la crispation de sa mâchoire. A vrai dire même sans ça, ses paroles ne laisseraient pas de doute.

- Qu’est ce que vous attendez pour le tuer, Tex ?

L’interpellé lui accorderait un regard noir sans équivoque, et la jeune femme se reculerait de quelques centimètres dans son fauteuil.

- Je vous l’ai dit, Anastasia. Le Commandant Karmon est notre invité… Au même titre que vous. Il n’est là que pour discuter, entre gens raisonnables.

Tandis que la Decima déglutirait, cachant mal sa fureur, le chef de la petite troupe se tournerait à nouveau vers le marine, cette fois-ci avec un large sourire. Il lui était bien curieux de guetter les réactions du Commandant, dans cette nouvelle situation.

Tex Tulhor ; Anastasia Fuumi

Tex Tulhor ; Anastasia Fuumi

Le jeune marine originaire de Mirror Ball se tourna vers le Karmon. La goutte de sang qui maculait sa gorge avait déjà séché. Il leva un sourcil, l’air perplexe ; son expression alarmée avait disparu. Son regard oscilla durant quelques secondes entre le Commandant et le criminel qui se trouvait derrière lui. Finalement il hocha la tête, esquissa un demi-sourire, et ouvrit la bouche… Pour se faire couper avant d’avoir pu prendre la parole.

- Il est vrai que les circonstances ne nous ont pas permis de nous introduire comme il se doit. Je me nomme Tex Tulhor, je suis… ce que vous pourriez appeler le « responsable des ressources humaines », par ici. Voici mes associés, et je n’ai pas besoin de vous présenter mademoiselle Fuumi.

Il écouta le discours du jeune gradé avec une expression mêlant étrangement le respect à l’amusement. Croisant les bras sur son torse, il étudia alors durant un moment la décima qui retenait de plus en plus mal sa colère, avant de hausser les épaules d’un air désinvolte.

- Allons, allons, Commandant. N’avons-nous pas tous commis des erreurs de jeunesse ? Tout le monde a droit à une seconde chance, ne croyez-vous pas ? Mademoiselle Fuumi a décidé de saisir la sienne, à nos côtés… un choix que je ne peux que respecter.

La protection qu’assurait ce groupe inconnu envers la Decima ne faisait aucun doute, mais de nombreuses questions restaient ouvertes ; à certaines d’entre elles, le Tulhor serait ravi de répondre si Dorian continuait à se montrer si raisonnable, tandis que d’autres devaient rester aussi floues que possible.

- Je suis un homme d’affaires, Commandant, la discussion fait partie de mon métier. Vous seriez surpris du nombre de problèmes épineux qui peuvent être résolus par une simple conversation honnête autour d’un verre de Brandy. Mais je pense que l’on peut faire cela dans un cadre plus confortable… et plus calme.

Se dirigeant vers le comptoir de fortune, il désigna une porte noire qui se trouvait derrière celui-ci. Il attrapa ensuite une bouteille de liquide cuivré, qu’il déboucha avec un plaisir non dissimulé.

- Que buvez-vous, cher ami ?

Tex Tulhor

Tex hocha la tête, l’air distrait. Un si jeune homme, si sérieux, si volontaire… Il monterait haut, le commerçant n’avait pas le moindre doute là-dessus. Refermant la bouteille, il souleva son verre en direction du commandant, comme pour trinquer avec lui, puis lui proposa d’un mouvement de la tête de le suivre, ouvrant la porte qu’il avait approché quelques secondes plus tôt. Celle-ci donnait sur un simple escalier en bois, faiblement éclairé. Commençant à gravir les marches, il s’adressa à ses hommes.

- Appelez mon frère, prévenez-le que j’aurai un peu de retard au dîner ce soir mais que je ferai préparer une omelette. Et servez donc un verre au petit matelot, il a fait du bon boulot aujourd’hui !

A l’étage, plusieurs portes fermées encadraient les deux côtés d’un couloir étroit. Ouvrant sans ménagement la deuxième porte sur la droite, le criminel dévoila un petit salon dont l’ambiance jurait sévèrement avec celle du rez-de-chaussée. Un épais tapis rouge recouvrait le sol, et un papier peint crème remplaçait les briques nues. Une commode vernie faisait face à un petit bureau de bois clair et sa chaise capitonnée. L’endroit était clairement fait pour servir de cabinet, mais un regard attentif pourrait facilement déterminer qu’il n’était que peu, voire pas du tout utilisé, en tout cas pas à cette fin : la commode tout comme le bureau étaient complètement vides.

Près de la seule fenêtre, qui donnait sur la ruelle, deux fauteuils de cuir étaient séparés par une table basse en verre. L’endroit était luxueux, et sentait le cigare et l’alcool.

S’installant dans l’un des fauteuils et invitant le marine à en faire de même, le quinquagénaire trempa les lèvres dans sa boisson d’un air satisfait. Plusieurs secondes se passèrent en silence, avant qu’il ne prenne finalement la parole.

- Vous vous trompez commandant, je ne vais pas vous demander d’épargner Miss Fuumi. Je n’ai pas à le faire. Vous comprenez, en tant que responsable du personnel, cette nouvelle recrue fort prometteuse est sous ma protection… Et vous n’êtes actuellement pas en position d’y remédier. Je pourrais vous faire tuer maintenant, cela ferait fort plaisir à la dame. Je pourrais aussi vous laisser repartir, et je n’aurais rien à craindre de vous. Ce bâtiment est déjà vide, et si vous y revenez avec vos troupes vous n’y trouverez rien de plus que votre sympathique subordonné confortablement installé dans la pièce d’en face.

Il ne mentait pas ; si Dorian quittait son siège maintenant, usant de son Soru, il trouverait en ouvrant une simple porte le pauvre marine enlevé plus tôt dans la journée, légèrement secoué mais en bonne santé. Les deux hommes qui le gardaient ne pourraient rien faire, face au Commandant.

- Vous avez cependant raison sur un point : je ne me serais pas fatigué à vous amener ici si je ne pensais pas que nous pouvions nous aider mutuellement. J’ai effectivement un marché à vous proposer. Vous souhaitez arrêter une femme qui rapportera beaucoup d’argent à mon employeur ; il serait juste que vous me rendiez un service en échange.

Plongeant la main à l’intérieur il en ressortit un bout de papier plié qu’il tendit au Karmon. Il s’agissait d’un tract publicitaire orné d’un félin montrant les crocs et de diverses inscriptions.

- Le Purple Leopard, une boîte de nuit de plus en plus populaire, et un repère de débauche, de prostitution et de drogue. Son propriétaire, Chest Gold, est à la tête d’un petit réseau qui verse dans le trafic, l’extorsion et le meurtre. C’est un homme dangereux, et mauvais.

Et surtout, un concurrent impitoyable qui commençait à prendre une place trop importante dans le commerce illégal de Mirror Ball. Mais cela n’avait pas besoin d’être précisé au Commandant.

- Ce soir, ils vont recevoir une importante livraison de Fever Turner, une nouvelle drogue dont vous avez probablement entendu parler. Gold et ses principaux associés seront présents. Une occasion parfaite pour les mettre aux arrêts. Voilà ce que je vous propose : un double coup d’éclat pour votre carrière. Rassemblez votre sergente et vos hommes, abattez cette opération… Et Anastasia Fuumi sera à vous.

D’une pierre deux coups, le Karmon aurait non seulement obtenu sa cible, mais aurait aussi mis fin à une organisation mafieuse montante, le tout en un seul soir. Effectivement de belles lignes à ajouter à son CV… restait à savoir s’il était prêt à conclure un tel accord, aussi profitable soit-il.

Tex Tulhor

Une fois de plus, l’approbation se verrait dans les yeux du criminel. Le Commandant Karmon était d’un pragmatisme rare pour ceux de son espèce. Une qualité certaine, et une aubaine pour tous ceux qui sauraient en faire usage… Si bien que cet atout pourrait très vite coûter cher au jeune officier.

Les deux gardes se tendirent en voyant l’ouverture de la porte, et s’ils esquissèrent un geste, tendant chacun la main ver la crosse de leur arme, ils se stoppèrent brusquement sur un signe de tête de leur imposant supérieur qui avait emboîté le pas à Dorian. Souriant froidement, l’homme se détourna alors, retournant à son fauteuil pour continuer sa proposition et écouter la réponse du Karmon.

Réponse qui ne manqua pas de le satisfaire, lui arrachant un nouveau sourire qui aurait presque pu sembler chaleureux. Le Tulhor était, comme il l’avait dit, un homme d’affaire avant tout, et conclure des accords juteux était l’une des rares choses qui lui procuraient un plaisir véritable.

- Vingt heures précises, à cette adresse, précisa-t-il en désignant le dépliant. Gold pêche par excès de confiance, et ni lui ni son bras droit ne savent se défendre seuls. Ses deux gardes du corps, quant à eux, ne seront nullement une gêne pour un jeune soldat aussi prometteur que vous, tout comme ses hommes de main. S’il n’a pas mis à jour son mode opératoire, une quinzaine de personnes devraient suffire. Une action discrète et rapide vous offrira un succès assuré… Enfin, pour autant que vous ne lui offriez pas d’otage pour couvrir sa fuite.

Un rire grinçant sortit de sa gorge à ces mots, la moquerie étant facile même si le commandant n’était nullement responsable de l’initiative du matelot.

- A votre place, j’éviterais toutefois de prévenir qui que ce soit d’autre que vos hommes de confiance. Il serait ennuyeux que Gold ait vent de votre arrivée un peu trop tôt...

A vrai dire, Tex ignorait si ce nouveau concurrent comptait déjà parmi ses fidèles des taupes dans la marine locale, mais mieux valait ne pas prendre le risque. S’il restait un peu plus longtemps sur Mirror Ball, le Commandant Karmon apprendrait bien vite qu’ici les apparences étaient trompeuses, et que les allégeances dépendaient plus de quelques billets bien placés que de profondes considérations éthiques ou morales. Ce marché était bien trop intéressant aux yeux du quinquagénaire pour qu’il ne permette au jeune marine d’ignorer cette réalité.

- Pour le reste, nous vous contacterons une fois votre part du marché remplie… C’est en tout cas un véritable plaisir de faire affaire avec vous, Commandant.

Il leva son verre, trinquant à leur entente nouvelle. S’il n’y avait rien de plus, il serait prêt à l’accompagner en bas, le laissant sortir du bâtiment, lui concédant la libération de son subordonné enfermé dans la pièce adjacente s’il le demandait.

Chest Gold

Sa chaussure cirée cessa brusquement de tapoter le sol lorsqu’il vit l’homme arriver. D’un geste sec, il redressa sa cravate, et le commentaire qu’il fit n’avait que peu de conviction. Si le retard l’horripilait, ce soir, sa frustration s’était envolée à l’instant où il avait posé les yeux sur l’autre… et sur ce sac.

Ce soir, c’était son soir. Depuis près de six mois que le Purple Leopard avait ouvert ses portes, il s’était battu becs et ongles pour se faire une place parmi les grands. Son club était rapidement devenu une référence sur Mirror Ball, l’un des lieux de sortie les plus populaires pour tuer ses samedis soirs. Certains n’avaient pas apprécié ce nouveau visage. Le renommé gérant du Seventh Sky avait tenté de le racheter, lui offrant une somme plus qu’alléchante. Il l’avait envoyé chier. « Chest Gold est un entrepreneur, un vrai », qu’il lui avait dit. «Un self-made man ! Il se vend pas aussi facilement. Attends quelques mois, c’est Chest Gold qui te rachètera, vieil homme ! » Il n’avait pas été peu fier. La fureur qui avait brillé dans les yeux du vieux était jubilatoire. Celui-là savait que Chest Gold était meilleur que lui, ça ne faisait aucun doute. A peine trente ans, et bientôt déjà entrepreneur de l’année !

Les affaires avaient été bon train, mais pas autant qu’attendu. Il n’était pas encore en mesure de racheter le Seventh Sky. C’était la drogue. La drogue était le commerce le plus juteux possible sur Mirror Ball, de loin. Et elle régulait les autres marchés : les clients allaient là où la concentration de poudres ou de pilules étaient la plus avantageuse. Si Chest avait bien quelques doigts dans l’affaire, il n’avait pas encore réussi à s’y plonger entièrement. A cause du Fever Turner. Le produit le plus propre, le plus addictif, le plus profitable… et un monopole absolu de Tuco. Impossible de mettre la main sur le moindre stock… Jusqu’à aujourd’hui.

Cela faisait des semaines qu’il essayait, en vain. Il avait pratiquement abandonné l’idée, et commencé à réfléchir à des substituts. Et finalement, l’inespéré. Un des revendeurs de Tuco avait contre toute attente accepté de retourner sa veste, et de revoir son contrat. Il n’était pas certain de comprendre ce qui avait fini par le convaincre, mais il s’en moquait : Chest Gold s’était dégotté un fournisseur… et ça changeait tout.

Avec ce nouveau marché à ses pieds, il devenait inarrêtable. Avec ce nouveau marché, il prenait la place qui était sienne de droit. Il voyait déjà le vieux, comprenant sa défaite inévitable, contraint de descendre de son trône d’ivoire. Car après tout, ce n’était que de cela dont il était question : l’argent, et le statut. Bientôt, toute la nightlife de Mirror Ball ne répondrait plus qu’à un seul nom : Chest Gold. East Blue toute entière saurait qui il est, car en ce bas monde le commerce était roi, et l’argent était Dieu ; n’en déplaise à ces grenouilles de bénitier qui pullulaient de plus en plus.

-  Tiens Jeff, va amener ça en sécurité.

Le grand homme en costume noir à côté de lui se saisit du sac, hochant la tête avec un sourire satisfait, tendu que le revendeur binoclard empochait son enveloppe.

Aussi simple que ça. L’ère Chest Gold venait de commencer…

Et elle ne dura pas longtemps. Il se figea, écarquillant les yeux, son cœur manquant plusieurs battements. La stupeur était totale, mais l’explication était simple, évidente même. Il ferma les yeux un instant, laissant échapper un soupir douloureux. Il s’était fait berner sur toute la ligne. Comment avait-il pu ? Peut-être était-il trop pur pour ce monde, après tout ?

Tandis que les quelques hommes de mains décidément surpayés couraient, s’en allant à la panique, Chest Gold tomba à genoux, levant les mains en l’air. Il regarda le fournisseur tenter de s’enfuir à son tour, montant sur une benne à ordure pour tenter de rejoindre les toits. Chest le fixa quelques instants, avec un calme étonnant, comme si rien de cela n’était réel et qu’il assistait à une scène de théâtre, de loin. Il se surprit à se demander ce que le petit dealer à lunettes avait bien pu faire à Tuco pour se retrouver envoyé dans ce piège odieux. Ca n’avait plus d’importance. Il s’était fait avoir. Jamais le nom de Chest Gold ne ferait la une. Il pouvait voir le sourire carnassier du vieux, ses petits yeux meurtriers, ses doigts tordus se frottant de satisfaction. Quel idiot.

Ce fut Jeff qui le tira de sa torpeur. Jeff, le seul véritable ami qu’il avait. Le seul qui lui était loyal, parmi tous ces imbéciles inutiles. Le grand homme avait fait preuve d’une présence d’esprit remarquable, à l’arrivée de la Marine. Un mouvement de bras, et le sac maudit avait volé, traversant l’air pour passer le muret au fond de l’impasse. Un mur en briques haut de trois mètres, tout à fait ordinaire, qui donnait de l’autre côté sur une cour privée. Si rien n’était fait, le sac tomberait dans ce coin sans doute inaccessible, empêchant de les incriminer… même si l’on pouvait supposer que les marines ne s’encombreraient pas tant que ça des preuves physiques.

A présent, Jeff le tirait par le bras, le suppliant de se ressaisir… mais c’était trop tard. Ils avaient perdu. Chest Gold avait perdu.

Chest Gold, Jeff Voln Kobe

-Regarde-moi Chest, je vais te prouver qu'en gardant espoir on peut toujours s'en sortir, déclara le vampire avant de passer à l'attaque.

Il était hors de question que leur ascension s’arrête ici. Ils allaient démêler les intrigues de Tuco et le renverser. Ils n’étaient pas partis de presque rien il y a des années pour faire chou blanc à quelques mètres de la ligne d’arrivé. C’est avec la rage de vaincre que le vampire décida d’éliminer toutes les mouettes présentes. Sans attendre, il déploya son florilège d’illusions tout droit sortie du don que lui conférait sa race. Dorian n’allait certainement pas triompher aisément. Une confrontation rude s’engagea, un duel durant lequel Chest repris peut à peu du poil de la bête en voyant son subordonné se donner à fond et surpasser ses limites. Une vague d’espoir le traversa alors et il se jeta sur la sergente, la chargeant avec un coup d’épaule maladroit. Il n’était pas un combattant, mais si son ami se battait avec tant d’ardeur pour lui, le Gold ne pouvait pas renoncer. Se serait insulté son ami. Se serai rendre ses efforts inutiles. Malheureusement, cet élan fut bien vite stoppé car il ne disposait pas des ressources nécessaires pour triompher. C’était un homme d’affaire et il avait normalement ses hommes de mains pour exécuter ces besognes. Même lorsqu’il ne possédait qu’une taverne à Logue Town où il était revendeur de drogue, c’était Jeff qui s’occupait de gérer les débordements. C’est impuissant que Chest fut contraint de demeurer spectateur de la défaire du Voln Kobe. En effet, le vampire s’inclina finalement contre le commandant au terme d’une lourde confrontation.

-On ne se rend ! cria le patron pour vraiment mettre un terme à la confrontation et éviter que la mouette, qu’il ne connaissait guère, ne s’acharne sur son camarade qui lui aura été fidèle jusqu’au bout.

Unter Coda

À peine quelques minutes étaient passés. Les deux individus étaient conduit tranquillement vers la base de l'île quand un murmure issue d'une ruelle interpellerait le Karmon.

-Commandant !

La demoiselle caché dans une ruelle envoya une boulette de papier à l'aide d'une sarbacane en direction de la main du gradé de la Marine. Il lui suffit ensuite de quelques instants pour disparaître dans les ombres. En déroulant le papier, Dorian verrait le message que lui transmettait Tex.

Rendez-vous dans deux heures là où l'on s'est quitté. La porte sera ouverte.

Tex Tulhor ; Anastasia Fuumi

Lorsqu’il ouvrit la porte, le commandant prononça ses quelques mots avant que ses yeux ne s’habituent à la faible luminosité de la pièce qui était décidément bien peu éclairé et assez vide comparé à précédemment. Il suffirait ainsi que de quelques instants avant que le Karmon ne découvre sa proie attachée à une chaise au milieu de la pièce. Elle tentait tant bien que mal de se débattre et de hurler, mais ses liens étaient extrêmement serrés et un foulard était enfoncé dans sa bouche qui elle-même était bloqué par un bâillon, de quoi être certains qu’elle ne puisse pas s’exprimer. À force de s’agiter, la décima chuta sur le côté et se retrouva face contre terre, le regard dirigé vers la position de la mouette qu’elle observait avec crainte. C’est donc comme ça qu’elle allait finir ? Sur une banquette à côté d’une table situé au niveau du mur, le marine kidnapper précédemment se leva en apercevant le gradé arrivé. Il attendait certainement là de recevoir l’autorisation de partir, autorisation qu’incarnait Dorian en revenant ici. Des bruits de pas se firent entendre et le fameux Tex émergea de l’ombre pour allumer une lanterne qui permit de voir plus correctement les lieux.

-Je suis désolé d’avoir dû vous faire patienter mon cher. Vous comprenez j’espère que j’ai d’autre affaires à gérer parallèlement à la nôtre et que j’avais également besoin de temps pour vérifier que vous ne nous entourloupiez pas avec un coup monté. On n’est jamais trop prudent. Ce renard aurait pu vous engagez au préalable et faire semblant de se faire attraper précisément pour que vous ayez une ouverture. Néanmoins, tout semble conforme alors voilà votre part. Elle est à vous. Faites-en ce que vous voulez.

À ces paroles, la concernée se mis à se débattre de plus belle pour protester, mais cela était clairement en vain. De son côté, la mouette ayant servi d’otage osa questionner le ravisseur.

-Et pour moi ?

-Ah oui. Tout naturellement vous pouvez repartir avec le commandant. Votre « participation » à la capture d’une telle criminelle vous vaudra peut-être une promotion qui sait… Bien entendu, nous n’avons jamais eu cet échange et vous êtes parvenu à capturer mademoiselle Fuumi seul, ou avec l’aide de l’otage qui est parvenu à se libérer par lui-même… Enfin, c’est à vous de voir ce que vous écrirez dans le rapport. Je suis sûr que vous trouverez un moyen de rendre le tout cohérent. Si nous avons régler nos affaires messieurs, je n’ai plus qu’à vous dire bon courage pour la suite.

Si Dorian n’avait plus rien à dire et ne tentait rien contre le quinquagénaire, il pourrait s’en aller sans problème avec sa proie comme trophée et mettre un terme à cette traque…