Friends Island… Une île volcanique en activité où la gorge éruptive crachait des nuages de cendres dans l’atmosphère. Terres où aucune vie ne semblait pouvoir proliférer, c’était l’antre des forges infernales à n’en pas douter vu la chaleur qui pouvait régner sur ces lieux maudits perdu au milieu de la mer méridionale au cœur d’un climat très estivale. Un paysage de désolation composait cette création de la Nature. Le Black Egg, sloop du Médixès, franchissait les eaux de cet océan qu’il découvrait en ce début d’année 1501 après avoir fui ses flots natals de North Blue, qui à l’opposée de ces eaux chaudes du sud était plongé dans le gel et la glace. Cette île inhospitalière était sa destination même s’il allait certainement le regretter. Lui qui adorait le climat polaire du Grand Nord supportait difficilement la douceur parfois tropicale de cette partie de l’hémisphère, alors traverser cette terre d’apocalypse serait une épreuve sans commune mesure. Néanmoins, il pensait qu’en s’exposant ainsi aux affres de la chaleur il supporterait à l’avenir bien mieux les températures élevées qu’il rencontrerait durant les quelques mois qu’il allait passer à South Blue. Ainsi, l’embarcation débarqua aux abords de cette contrée infernale. Le nobliau qui portait habituellement des tenues richement ouvragées, pouvant avoir plusieurs couches de vêtements, et des chapeaux sophistiqués étaient aujourd’hui contraint de se laisser aller à la turpide de dévoiler son torse afin d’évoluer plus librement sans avoir le fardeau des tissus se rajoutant à celui du climat insoutenable des lieux. La sueur perlait déjà aux quatre coins de son corps. Il avait des sués. Il ne sentait clairement pas bien, comme s’il était malade. Avançant, le mathématicien descendit du vaisseau et salua ses camarades qui l’attendraient là. C’est ainsi que la Médixès entama sa marche, son périple, son odyssée, au milieu de cette océan de chaleur et de vapeur qui venait percuter, lacérer et brûler sa peau à chaque pas, les cicatrices de ses dernières mutilations, qui avait presque disparut, le faisant souffrir comme si les plaies dont elles résultaient venaient juste d’être faite.

Dès les premiers mètres, il avait senti sa conscience vaciller. Tombant à quatre pattes, pour la plus grande inquiétude de ses trois camarades se trouvant sur le Black Egg, Aggaddon peina à se relever. Son faciès était traversé de rictus de douleur en disant beaucoup sur son état. Le savant se sentait partir, comme si son esprit quittait son corps entouré par un manteau ardent venant attaquer jusqu’aux tréfonds de sa psyché. Lamentablement, fébrilement, le Médixès franchit les mètres suivant, gémissant à chaque instant face aux miasmes incendiaires qui traversait son organisme pour remplir ses poumons d’un brasier pourtant intangible. La sueur jaillissait des pores de sa peau à une vitesse ahurissante. Pourtant, il devait économiser au maximum le précieux liquide qu’était l’eau afin de se maintenir en vie durant cette journée qu’il comptait passer là… Mays y arriverait-il ? Plus ça allait, plus ce doute l’envahissait. De temps à autres ses yeux n’effectuaient plus un focus sur un même point du champ de vision, l’un d’eux vrillant complétement pour aller dans une autre direction tandis que l’âme d’Aggaddon naviguait sur un fil de conscience au milieu du néant à la manière d’un funambule. Tombant à nouveau au sol, il expira lourdement, haletant lentement comme s’il s’étouffait. Combien de temps avait passé ? Dans quelle direction se trouvait le Black Egg ? Quelle quantité d’eau lui restait il ? Se redressant sur ses genoux en respirant avec toujours autant de poids, son regard parcourut les alentours en quête de compréhension alors que l’étau de chaleur éloignait encore davantage sa conscience en dévorant le contour de sa psyché. Même au niveau de sa vision, il avait l’impression de regarder l’univers au travers de deux trous dont il pouvait distinguer les bords flous.

-Je… parvint-il à dire avant de manquer de salive.

C’est alors que finalement la raison lâcha prise. Ses paupières se refermèrent et son corps bascula vers l’avant. Aggaddon était là, quelque part au cœur de l’enfer, évanouie et déshydrater alors que sa gourde était encore pleine.

Les ombres dansaient sur les parois tandis que l’âme, perdu aux confins de l’abîme, errait en quête de conscience. Surgir du néant n’était pas chose aisé, ce qui contraignit un inconnu à tracter le corps du nobliau sur de nombreux mètres sans que ce dernier ne parvienne à recouvrer ses esprits. Les paupières s’entrouvrirent malgré tout de temps à autres, mais tout ce que le mathématicien, toujours étouffé par cette chaleur cataclysmique, put voire fut le sol de l’île. En effet, il replongeait quasiment immédiatement dans sa torpeur, son corps souple complétement mou. Le Médixès était véritablement dans un état comateux. C’était trop insupportable comme climat pour un homme habitué au froid du nord et aux glaces du pôle. Il demeura comme cela un bon moment, même après que Sakuga l’ait installé dans un endroit légèrement plus au frais dans un début de galerie. Les perles de sueurs étaient toujours aussi nombreuses, les vêtements du nobliau étant pratiquement complétement imbibé du liquide. Une légère sensation de fraicheur se répandait malgré tout à un endroit, sur le front du jeune homme. La serviette mouillée faisait son effet et permis à Aggaddon, après un certain temps, de revenir à lui. Il ouvrit d’abord un seul œil qu’il referma bien vite en se sentant très mal, comme lorsque l’on se réveille à la fois malade et fatigué. N’ayant pas toute sa tête sur ses épaules, il tenta de faire le point sur les derniers événements dont il se souvenait. C’est ainsi qu’il se rappela qu’il se trouvait à Friends Island. Sa décision n’était pourtant pas si imprudente vu les préparatifs minutieux qu’il avait faits, mais il fallait bien admettre que le métabolisme du Médixès n’était pas prêt à subir ce choc. Prenant son courage à deux mains malgré cette sensation de chaleur, moins présente mais toujours assez oppressante, pour bouger un peu avant d’ouvrir complétement les yeux et saisir la situation dans laquelle il était. Grommelant à cause de son état de souffrant, il ne tarda pas à identifier un autre être humain qui, semble-t-il, avait prit un minimum soin de lui en apposant ce doux baiser de froid sur son front, cette serviette.

-… Bonjour… Qu’est ce… Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qui êtes-vous ? commença à demander le mathématicien avant de sentir le manque de salive lui rapper la gorge.

Cherchant de l’eau, il en accepterait volontiers si le Keigo lui en tendait. Vu la situation, il ne pouvait pas se permettre d’être trop méfiant, cela pouvant s’avérer être mortel. Néanmoins, cela viendrait après. Même si cet étranger lui avait potentiellement sauvé la vie, certaines intentions pouvaient se cacher derrière un tel geste : espoir d’une récompense, que ce soit matériel ou un service à rendre, ou encore un désir de manipulation pour tirer parti du sauvé dans des affaires personnelles. Oui, la gentillesse apparente pouvait cacher de nombreuses motivations et Aggaddon était bien placé pour le savoir puisqu’il avait lui-même user d’un pareil procédé par le passé. Mais en l’état, le savant n’était pas en mesure de réfléchir clairement aux différentes conjectures et se contentait d’attendre les réponses à ses questions.

-Je me souviens que je ne me sentais pas très bien et que je perdais mes repères… s’expliqua-t-il en exposant les derniers souvenirs qu’il avait en mémoire avant le gros blanc.

Les oreilles du Médixès captèrent la réponse de l’interlocuteur tandis que le nobliau clignait des yeux, ses fonctions visuelles s’habituant petit à petit à l’environnement. Ainsi il prétendait l’avoir sauvé… Cet inconnu semblait être un peu niais et bienheureux, de quoi faire rager intérieurement le seigneur en temps normal, mais il n’avait ni le luxe de le faire, ni celui de douter des paroles de l’étranger, rester éveiller malgré la chaleur drainant aussi bien ses forces mentales que physiques. Comme si tout ses muscles étaient des poids, Aggaddon mourrait d’envie de replonger dans le sommeil. Néanmoins, il ne laisserait pas la paresse triomphait et luttait malgré tout, alors qu’il ne faisait quasiment aucun geste. Alors ce prétendu sauveur se nommait Sakura ? … Sakuka ? Non c’était Sakuga. C’était difficile de rester concentré, mais le mathématicien essayait tant bien que mal de résister à la torpeur qui ne cessait de l’envahir tout en baissant sa concentration. Sakuga Keigo donc. Enfin, il fallait répondre à celui qui se disait beau parleur. Sa diction était assez perturbée par la chaleur, ce qui l’amena plusieurs fois à avaler sa salive durant sa prise de paroles.

-Bonjour alors… Je me nomme Aggaddon Médixès, lâcha-t-il en faisant bien attention de ne pas user de son nom complet ni de son ascendance noble par précaution, pour éviter des problèmes de vol ou autres. Quant aux raisons de ma présence ici, c’est en effet pour la volcanologie… Je suis un polymathe de North Blue, un homme de sciences et d’arts travaillant dans divers domaines… Je savais que le choc thermique entre mes terres glacés et cette île en feu serait violent, mais je n’imaginais pas que ce serait un tel enfer…

Malgré toute la fatigue mentale dû à la lutte contre l’air ambiant aussi sec qu’étouffant, le mathématicien savait qu’il y avait des choses à ne pas révéler pour augmenter ses chances de survies face à un inconnu qui pourrait vouloir se servir de nous. C’est pourquoi il évita de dire que la raison première de sa venue sur l’île était en fait qu’il souhaitait se cacher des hommes de l’organisation criminel South Blood, avec qui il avait eu des différents à Kawaii Kazan Shima en raison d’une expédition archéologique, le temps que ces derniers entament leurs recherches et pensent qu’il avait quitté l’océan méridional à l’instar des deux autres survivants du groupe de l’expédition. Une île aussi inhospitalière et non habité comme Friends Island était tout à fait un lieu parfait pour se faire oublier quelque temps et profité de cela pour tenter de s’acclimater à la chaleur estivale de cette mer. Ignorant ce qui pourrait bien motiver le Keigo, il valait mieux éviter d’aborder ce genre de sujets, éviter les gaffes à cause de la chaleur, puisque Sakuga pouvait tout à fait souhaiter récupérer une récompense en offrant leur proie à la petite organisation criminelle.

-Et vous ? Que faites-vous sur cette île ?

En glanant des informations, il pourrait être davantage serein durant le reste de la discussion en voyant que cet homme n’était pas une menace, même si le Keigo pouvait tout à fait mentir. Néanmoins, vu l’état déplorable du savant, ainsi qu’incapacité à pouvoir se défendre, il y avait fort à parier que pour l’instant il pouvait lui faire confiance et que sa vie n’était pas en danger dans l’immédiat. Les paupières du Médixès étaient lourdes alors qu’il acceptait le ragoût ainsi que le breuvage. C’était bien loin du luxe qu’il avait pu avoir jadis au château familiale, mais s’il avait voulu passer sa vie à manger exclusivement des mets raffinés il n’aurait pas pris cette voix. Il fallait se contenter de ce que l’on avait et il ne rechignerait donc pas à manger.

Le nobliau but langoureusement le breuvage tout en regardant l’ange s’étonner de la question, néanmoins il ne releva aucunement la goutte de sueur, jugeant qu’avec une chaleur qui le faisait transpirer comme jamais il n’y avait rien à voir dans l’émanation d’humidité de la part d’un autre être humain. Il écouta le bref récit du Keigo. S’il ne remettait pas cette histoire en cause, la Médixès était bien conscient qu’il pouvait s’agir d’un mensonge, mais, pour lui, même cette rencontre pouvait être au fond une manipulation. Il était loin d’être à un ou deux doutes prêts et ne changerait donc pas pour autant d’attitude, ne pouvant guère se permettre la méfiance hors d’une simple pensée alors qu’il était déjà assez difficile de rester concentré avec une telle chaleur.

-Je ne sais pas si vous allez pouvoir trouver grand-chose pour réparer un navire sur une telle île. Et oui bien sûr, je connais l’histoire de Norland comme pas mal d’originaires de l’océan septentrional. Si vous connaissez son nom, j’imagine que vous connaissez déjà sa légende. C’est bien sûr, l’une des histoires les plus connus, mais nous avons quelques autres mythes populaires, certains plus abracadabrants que d’autres, et provenant de plusieurs îles, que ce soit de Shivering, Yakoutie, Dwarf Town, Micqueot, Luvneel ou même de coins plus méconnus, voir anodins, comme la Gorge Polaire, le Roncier, l’île aux prières, InventoriaLand, l’archipel de Kaïross ou même la tout à fait banale ville d’Okalmoa. Certaines sont tellement exubérantes que l’on sent bien que cela doit se baser sur une histoire vraie tellement modifié par du bouche à oreille que c’est devenu un récit fantastique. C’est vrai que lorsque l’on parle d’un monstre mi-chèvre mi-cochon vivant dans la paille qui ne supporterait pas la lumière de la lune qui lui donnerait envie de faire ses besoins qui se serait caché dans une ferme pour échapper à un lieutenant de la Marine le pourchassant depuis West Blue, on se demande ce que certains ont bien pu faire avant de raconter ça. C’est vrai que comparé à pas mal histoire de comptoir, le mythe de Montblanc Norland est assez cohérent, déclara le mathématicien en buvant régulièrement et en faisant quelques pauses. Néanmoins j’imagine que c’est pareil pour d’autres océans, il doit y avoir des ragots que les locaux se transmettent tandis qu’il découvre de la nouveauté via ce que les marchands et anciens marins peuvent dire sur leurs divers voyages. D’ailleurs, je me demande à quel point Puerto Havana est un nid à rumeurs de comptoir vu le point névralgique de commerce que cette cité peut être.

La majorité des noms de lieux qu’il avait donné ne devait rien dire à Sakuga, mais le savant ne parvenait pas à rester assez concentré pour prendre en compte ce genre de choses ou même essayer d’arrêter de dériver à l’oral sur une interrogation qu’il aurait pu porter intérieurement.

-Norland c’est quoi pour vous ? Une idole ? Le modèle de l’aventurier ? Ou vous pensez que ce qu’il disait était vrai ? Pour moi, c’est tout à fait envisageable que ce soit le cas. Il y a des choses biens plus absurdes qui existe.

Il n’y avait pas besoin d’être un fin connaisseur en psychologie pour remarquer l’admiration marqué sur le visage du Keigo lorsque celui-ci prononçait le nom de l’aventurier malchanceux de Luvneel. Une fascination enracinée dans son être qui lui donnait un air rêveur lorsqu’il parlait de lui. C’était bien d’avoir des idoles, mais cela faisait perdre l’objectivité et ainsi que l’implacabilité d’un raisonnement. Il ne faut jamais faire d’exception pour tel ou tel raison et donc les héros inspirateurs étaient tout autant à bannir de l’esprit que l’amitié aux yeux du Médixès. De manière général, les sentiments entravent les prises de décision, mais pas seulement ceux qui ont une part d’altruisme, également ceux qui sont tourné vers l’égoïsme comme l’ambition et le désir de contrôler. Pour diriger de manière efficace, il ne faut pas désirer le pouvoir, mais l’appliquer dans l’intérêt du plus grand nombre, peu importe ce que la population en pense. Enfin, ce n’était pas le moment de penser à tout ça avec cette chaleur éreintante qui s’abattait en permanence sur sa peau.

-Il l’était certainement, comme beaucoup d’autres qui eux sont moins connu ou tomber dans l’oubli. M’est avis que dans un monde comme le nôtre où de nombreuses parts du passé nous sont inconnu, même si certaines plus que d’autres en fonction des îles, certaines personnes ayant été au sommet de leur domaine ont été complétement oublier du monde. Peut-être quelqu’un il y a mille cinq cents ans avait découvert le One Piece et aujourd’hui nous n’en savons rien. Pareil : si ça se trouve il y a plusieurs siècles il pouvait y avoir l’un des plus beaux palais qui ait existé sur une île comme Tezcatlipoca, avec des techniques architecturales hors du commun et des méthodes inventives inconnus, mais que le temps aurait happé à notre connaissance, la structure se transformant en ruine avant que l’érosion ne termine de faire disparaitre ce qui aurait put être encore dressé.

Sakuga était vraiment hypnotisé par le sujet de la conversation. Néanmoins, il en était à priori à la conclusion puisqu’il commençait à faire le lien avec son passé et il y avait ainsi matière à bifurquer. Le Keigo était parti de chez lui dans l’espoir de devenir un fier aventurier, mais où était ce chez lui ?

-Et d’où viens-tu toi ? Moi je t’ai dis venir de North Blue, mais toi tu ne m’as quasiment rien révélé. Tu es un natif de South Blue ou tu viens d’une autre mer comme moi ?

Bien sûr, il fallait considérer que son interlocuteur allait mentir pour répondre, mais à un moment il fallait un peu renouveler la conversation histoire de passé un peu le temps, quitte à prendre ce qui était dit comme véridique durant ces moments ci. Il n’y avait de manière général aucunes garanties sur rien, alors autant considérer pour ce genre d’information non vital que c’était potentiellement vraie.

Le Médixès arqua un sourcil en premier lieu, cherchant à savoir de quel océan l’originaire de l’étendue céleste blanche pouvait bien venir à partir de ce qu’il disait. Le Nouveau Monde ? Grandline ? … Quand même pas la légendaire All Blue ? Non, ce n’était guère possible. Néanmoins, il ne s’était pas trompé dans ses conjectures, c’était bien de la route de tous les périls dont il était question dans la description du Keigo.

-Oui, j’ai déjà entendu beaucoup de choses sur Grandline, dont certaines de la bouche de personnes qui s’y sont rendu. Cependant, je n’ai pas encore eu le privilège de m’y rendre. J’ai tout un tas de choses à faire avant de pouvoir m’engager sur ce genre de voie, des affaires à régler… Aussi bien familial que professionnel, expliqua-t-il tout en se disant qu’au final dans sa relation avec sa fratrie, le professionnel et le familial se mélangeait à de bien nombreuses reprises, ce qui ressortait notamment dans l’affaire avec l’organisation South Blood dont l’un des dirigeants était un ami de l’un de ses frères.

Néanmoins, il ne commenta pas davantage les propos de son interlocuteur, préférant éviter de le froisser. En effet, Aggaddon n’aimant pas vraiment l’aventure. Si cela pouvait être utile pour effectuer quelques découvertes, aspirer simplement à cela lui semblait être une hérésie digne de tous ces ignorants avides de liberté qui ne jurait que par des ambitions et des envies à combler pour prétendre à un bonheur illusoire. Une infamie. Malgré tout, en ce qui concernait son œuvre, son arme, le mathématicien pouvait comprendre sur le plan scientifique l’intérêt que cela pouvait avoir. Il était naturel de vouloir développer au maximum ce que son esprit avait put pondre. Même si la polymathe admettait que c’était pour lui un plaisir de faire des mathématiques, petite entorse qu’il se permettait en attendant de réussir à suffisamment perdre en humanité pour supprimer cet aspect de sa personnalité, l’objectif du Médixès était avant tout de pouvoir faire évoluer la science de manière général pour que continuer la marche de l’évolution et ainsi faire davantage fleurir l’humanité.

-Oui, ça va si on mets de côté cette chaleur étouffante. Et oui on peut dire ça.

S’il était d’accord sur le fait qu’il était primordiale de savoir se débrouiller seul, car on ne peut faire véritablement confiance à personne, il tiqua sur l’aspect « excitant » que Sakuga mettait en avant. Les sciences étaient excitantes oui, mais dire du monde qu’il l’est, c’était une aberration montrant une fois de plus un trop fort attachement à la liberté, un désir que le mathématicien jugeait malsain comme tous les autres sentiments possibles. Enfin, Aggaddon n’en voulait pas spécifiquement au Keigo, mais à l’humanité tout entière, à ses fondements et à sa construction progressive.

Aggaddon leva un sourcil en constatant la précipitation de Sakuga. Il était donc pressé de partir. Soit, le Médixès attendrait encore un peu ici avant de chercher à retrouver le chemin de son navire. Visiblement, la chaleur ici était trop forte pour l’endurcir d’une quelconque façon. C’était beaucoup trop violent pour lui, clairement. Il prenait conscience qu’il devrait y aller plus progressivement pour tenter de supporter la chaleur. En l’état, il n’était qu’une loque sans doute à peine capable de se mouvoir.

-Bien… Alors je vais chercher ma route afin de retrouver mes amis qui m’attende sur mon navire… Est-ce que cela t’embêterait que je t’accompagne et que tu longe un peu l’île pour trouver mon sloop et m’y déposer ? En l’état je ne suis pas certain de parvenir à m’orienter correctement pour les rejoindre. Ce serai fort aimable de ta part si tu acceptais.

Suite à cela, le nobliau tenta péniblement de se relever, manquant de trébucher à plusieurs reprises dans le mouvement. La chaleur pesait sur tout son corps tant et si bien qu’il lui semblait que tout ses muscles frémissaient en même temps, semblant cuire sous le coup du climat absolument infernal de cette île volcanique. Quel idée brillante il avait eu de s’exposer aux affres de la chaleur. Ça lui apprendrait tiens. Enfin debout, le savant posa sa main contre la paroi pour tenter de reprendre son souffle. L’air bouillonnant rentrer dans sa gorge en l’asséchant avant de brûler l’intérieur de ses poumons tandis que la sueur se faisait toujours plus abondante sur son corps. Son monde pour le froid de North Blue. C’était un vœu qui le traversa en cet instant avant qu’il ne tente marchait. Il manqua de peu de rouler par terre et se retrouver les quatre membres en l’air, mais se rattrapa grâce à la paroi. Sa respiration était lourde et son regard tremblait. Il n’était clairement pas en état de marcher seul et encore moins de combattre. De plus, si le Keigo ne l’aidait pas à marcher, il y avait très peu de chance que le Médixès parviennent à continuer à se mouvoir au bout d’une dizaine de minutes, arrivant difficilement à avancer à quatre pattes avant d’abandonner au moment où il lui faudrait ramper pour continuer à évoluer en dépit de cet étau immatériel qui se refermait sur lui. Ce ne serai guère facile pour lui de rencontrer les deux poursuivants du Keigo, mais il si cela arrivait, il ferait de son mieux.

L’eau, le sang, la terre, le tonnerre. Mille lieux en un seul. Qui sont les croyants qui élèvent en leurs sanctuaires les stèles du désespoir ? Les flammes de la pénitence s’étire-t-elle en geyser de magma sous les cieux impétueux qui forment le plafond de déréliction ? Ô roi pécheur, ouvre ton cœur aux pleurs ondulants, larme de la roche et de l’écorce qui dans une communion sacrée s’unissent pour donner naissance aux flots de l’éternel et du commencement. En ces contrées arides, là où la raison disparaissait au profit d’une démence pure et simple induite par une chaleur souveraine, est ce que les mots avaient une véritable signification ou ces relents de sagesses insondables n’étaient qu’un agglomérat d’illusions sans vérité ni pardon ? La seconde option était certainement la plus juste, mais l’âme tourmenté pouvait-elle entrapercevoir la raison au travers des volutes difformes d’hallucinations et mirages causés par une chaleur extrême ? Le monde tout entier semblait tournoyer en une symphonie de corpuscules et de spirales psychédéliques formant une voûte céleste aux couleurs multiples et étoiles inconstantes. Lutter contre les fléaux n’était pas une question de principe mais une question de temps. Arraché à l’existence sa saveur n’était-il pas la suprême conjoncture d’une lame qui transcendait ses lois pour porter la compréhension à l’absurde ? Au-delà de ces prismes intangibles, ces points de vue ouvrant sur d’autres existences et autres réalités, se tenait le chemin vers le renouveau. Sakuga Keigo se tenait aux portes du royaume de la folie et en maintenait les portes closes par sa générosité apparente dans laquelle le Médixès ne pouvait plus voir que les traits déformés d’un corps évoluant dans son espace proche, ne pouvant plus déterminer où se situer le haut par rapport au bas, la gauche vis-à-vis de la droite, l’avant de l’arrière, l’ana face au kata.

-Glasmaroputribud bruthdikjuldas, furent les mots prononcés par une forme lointaine de la manière que l’eut comprit Aggaddon dans son royaume de l’insolation.

-Fsgazrfgserd jhfdfbfjtiy hgtyepoimlkdur dasqerthjikbde vitgadhfarsdurt hfgfehfugtoyjlkndzhsfjq fhkgreposzebnfrhvk wmzpzzgtrehnqhdge, ajouta apparemment le Keigo.

-Quoi ? tenta péniblement d’articuler le nobliau pratiquement amorphe alors que sa tête tomba vers l’arrière, à moins qu’il ne s’agisse de la gauche ou du sud en fonction de comment l’esprit troublé de l’originaire de North Blue abordait les choses dans cette crise de folie dû à la douleur de cette chaleur infernal.

Cependant, ne comprenant aucunement qu’on voulait lui venir en aide, si l’un des deux lascars venu trouver leur justice en ayant pour proie le Keigo s’approchait du Médixès pour tenter de l’aider, ce dernier penserait que l’ombre difforme dont l’étau semble de refermer sur lui n’est qu’un monstre venu tenter de le terrasser. Ainsi, arriver au moment de se faire transporterait, l’une des mains frêle d’Aggaddon irait chercher l’un de ses pistolets à silex pour tirer sur la personne venue à son secours sans même comprendre ce qu’il se passait, ayant oublié complétement qu’il se trouvait sur une île, qui il était ou encore ce qu’il était censé faire.

Le nobliau ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait. Le monde tournoyait autour de lui dans un déluge d’effets visuels et de sons incompréhensibles. La chaleur lui faisait vraiment perdre la tête et il décrochait avec la réalité. Complétement déconnecté de l’existence, les couleurs valsaient devant lui, se mélangeant sans avoir de forme précise et se transformant donc en une tapisserie frivole dont la consistance n’était clairement pas accessible à la compréhension simple de cet humain. Les mots que pouvaient prononcer le Keigo n’atteignaient plus sa conscience. Est-ce qu’il sentait au moins avec sa peau qu’il était en train d’être porté ? Peu probable. Ainsi, quand il fut déposé sur le pont du navire, le Médixès était encore plus malade qu’au moment de le quitter. Il ne percevait pas grand-chose de la troupe autour de lui et n’eut pas la force de faire ses aurevoirs au Keigo. Ses camarades de navigation eurent beaucoup de mal a ramené le noble à lui-même tant et si bien qu’il fallut s’écarter de l’île volcanique afin de lui offrir un peu d’air frais. Les embruns marins vivifiant le ramenèrent progressivement à la raison, mais ne le soulagèrent pas totalement de son état de mal-être. Il fut ainsi troublé pendant plusieurs jours avant d’être suffisamment en forme pour tenir à nouveau debout sur le pont du sloop malgré le tangage provoqué par l’océan. Il n’avait que peu de souvenirs des péripéties qu’il avait vécu ce jour-là sur Friends Island, néanmoins sa chair gardait en mémoire la douleur d’avoir été soumise à de telles températures. Il se jura des lors de ne plus remettre les pieds sur une pareille île qui pourrait être un véritable enfer pour lui, mais Aggaddon ignorait la brutalité que ce monde pouvait réserver à ceux qui s’aventurer sur Grandline et, donc, les chaleurs apocalyptiques qu’il n’avait toujours pas rencontrées.