- Bien entendu, le contrôle de l’information est également l’un des axes opératoires du Gouvernement Mondial afin d’orienter les faits selon ses désirs. Il serait étonnant que des dignitaires corrompus et découverts soient mentionnés sur les quotidiens. J’étudierai le chemin à prendre pour atteindre la Route de tous les Périls même si l’avenir pourrait me contraindre à changer mes plans car je doute qu’il soit très avisé de s’aventurer seul à moins d’être particulièrement bien préparé. Je dois donc également m’atteler à cette question. Au moins, j’ai déjà l’expérience de la traversée. Entre Armageddon Town et le Royaume Torino, j’ai fait une halte sur un navire, ce qui n’a pas manqué de les surprendre lorsqu’ils ont réalisé qu’un volatile aux dimensions démesurées se servait de la misaine comme d’un perchoir.

L’herboriste s’amusa du souvenir de ces visages déconfits.

- Néanmoins, cette présence que j’eu imposé ne marqua pas de créer quelques réactions potentiellement dangereuses que je fus dans l’obligation de désamorcer. En tout cas, savoir que des compagnies osent emprunter le passage a quelque chose de rassurant et ce sera également une voie à exploiter au besoin. Comme dit je vais visiter ces, je l’espère, braves gens en espérant qu’ils disposent de certaines commodités dont un commerce. Tu as raison, un voile de brume même de courte durée vous dissimulera suffisamment d’éventuels observateurs.

L’archange ne souhaitait pas alléger le médecin de ses composantes, mais celui-ci insista.

- Je t’en prie, ce n’est pas comme si j’étais pressé par le temps, contrairement à toi qui dois subvenir aux besoins d’un équipage, en fuite et vulnérable en cas d’attaque. Vois donc cette forêt luxuriante, il n’y a qu’à se pencher pour trouver de quoi. Ainsi que je le disais, il ne s’agit que de temps qui est bien la seule denrée dont je suis certain de ne pas manquer. Il ne s’agit pas d’une récompense prévue pour satisfaire un besoin vénal, mais d’une simple attention d’un ami à un autre.

Le médecin flanqua la besace bien garnie dans les bras de la reptilienne et s’écarta, se doutant que dans le temps qui lui était imparti, elle ne tarderait pas à faire démonstration d’un envol fougueux. Cela ne manqua pas, car, conservant un aspect à mi-chemin entre l’archange et la créature de légendes, la bilcane tira sa révérence.

- A notre prochaine rencontre, chère Ishtar, puisse le zéphyr te porter bon augure !

En s’envolant, l’archange répandit une nappe de brume surnaturelle, traçant un élégant sillon sur son passage s’étiolant aussi brusquement qu’elle traversa la canopée et rejoignit l’azur. Bientôt, le paysage déjà chargé devint d’autant plus impraticable, le brouillard, implacablement épanoui au sein même de la forêt. Comme prévu, Duncan prit le chemin de l’Est dans le but d’atteindre l’un des points d’intérêts de l’île. Il avançait cependant avec grande prudence, ne souhaitant prendre le risque de s’envoler dans ces conditions, tâtant la voie à l’aide du reliquat d’une racine éteinte et décrépite, toujours humide malgré le temps passé. Régulièrement, un morceau de la canne de fortune se disloquait, contraignant l’aveugle de circonstance à évoluer comme un bossu désarticulé. Il butta sur une grosse branche, lui occasionnant le désir de s’égosiller sous la douleur du moment, mais n’en fit rien, serrant les points et sautillant comme si cela allait atténuer le mal. Au moins, il trouva une remplaçante durable à la racine qu’il abandonna sans regret. Evitant ronces et arbres, et après plusieurs heures d’évolution, la brume se retira lentement, laissant au médecin tout le loisir de constater qu’il avait atteint le village espéré.

Sur place, il constata le caractère peu impressionnant des constructions, mais ne bouda pas son plaisir. Les résidents, à sa grande surprise étaient des hommes et femmes de taille très modeste au corps majoritairement à nu, le pagne faisant figure d’exception et très bien portants, aux cheveux noirs noués et aux mines patibulaires, le tout constituant un style tribal très marqué. Il remarqua cependant très vite que les armes qu’ils portaient fièrement avaient une apparence étonnamment évoluée. Duncan s’approcha, affichant une certaine décontraction dissimulant son appréhension et se présenta à un homme en faction en bordure de la bourgade. A son grand étonnement, l’homme l’accueillit assez naturellement et lui fit faire un tour rapide de l’endroit, lui permettant de confirmer la présence d’une boutique dans laquelle il acquit un escargophone. De surcroit, et pour son plus grand bonheur, lorsque Duncan mentionna sa passion pour les plantes poussant dans la région, son guide improvisé lui révéla la présence d’une vaste bibliothèque sur l’île, resellant d’ouvrages dédiés aux herbes médicinales. Le médecin éprouva des difficultés à réaliser qu’un ensemble de tribus tel que celles-ci disposent finalement d’une culture si avancée. Ainsi qu’il le prévoyait, le maudit resterait quelques temps de plus sur l’île pour s’abreuver de nouvelles connaissances.