Après de nombreux mois d’échanges entre la Ligue Egéenne de Milon sur l’archipel Tír na Crann et les gérants du Parc Dépinces de l’Île des Hommes-Poissons, une collaboration unique était née afin de donner un nouvel essor à la discipline de l’Ironblitz. Le sport illicite, propulsé par une organisation telle que celle-ci, espérait trouver une certaine légitimité et s’étendre sur toutes les mers. De cette collaboration, était née une nouvelle arène sur l’archipel susnommé au sein même de l’Amphithéatrion. L’endroit était une création très sophistiquée, bien plus que l’arène illicite des hommes-poissons, et surtout à l’air libre. Une bâtisse aux proportions démesurées de forme circulaire où de nombreux gradins se succédaient pour enrober l’arène et ainsi créer un microcosme vivant au rythme de ceux qui s’exprimaient en son sein. Les spectateurs pénétraient par de larges arcades surplombées de statues de pierre érigées en l’honneur des vaillants tandis que tout en haut flottaient fièrement des fanions colorés, ajoutant au caractère de l’ensemble. C’est ainsi que quelques jours avant la cérémonie d’inauguration de la nouvelle arène, qui serait ponctuée de festivités et d’un match d’ouverture de la toute première Ironblitz Aegean Cup, Gyurao, son équipe ainsi que le staff en responsabilités dans leur île, furent invités à constater la fidélité des infrastructures afin de garantir que celles-ci feraient honneur à la discipline tout en respectant ses codes. La traversée s’était déroulée sans accroc grâce à un équipage expert dépêché pour l’occasion. Au débarquement, à leur grande surprise, quelques badauds interpelèrent les joueurs, apparemment déjà bien renseignés. A ce qu’on leur apprit, la construction s’était jumelée à une campagne de communication forte pour assurer autant d’attrait que possible, une notoriété publique qui ne manqua pas de décontenancer les arrivants, habitués à exercer leur pratique dans un anonymat assumé. Ils dédicacèrent la réplique d’un boulet de nickel amené pour l’occasion en gravant littéralement leur signature sur l’objet.

Ils traversèrent les allées animées jusqu’à atteindre l’improbable édifice, se dressant solitairement sur une grande place la mettant tout autant en valeur et dont de nombreux ouvriers s’extirpaient dans un balai incessant. Ce fut en pénétrant réellement l’arène que chacun constata la richesse de celle-ci et l’excellence de son acoustique. Si elle avait été prête, les joueurs se seraient certainement adonnés à des essais plus approfondis, cependant l’eau n’y avait pas encore été acheminée. Le reste de la journée fut néanmoins dédiée à l’inspection générale des installations, finalement très respectueuse des principes fondateurs de ce sport si particulier.

Lorsque vint le grand jour, la population locale sembla tripler, les rues se gonflèrent tandis que des festivités battaient leur plein, riches de stands à ciel ouvert disséminés dans toutes les artères menant à l’Amphithéatrion. Le bâtiment attirait manifestement les foules car la grande place, il y a quelques jours encore semblait bien dénudée pour laisser place à la présence impérieuse de l’édifice. Cette fois, l’on constatait sans peine pourquoi autant d’espace lui avait été accordée. Les supputations concernant la capacité d’accueil des tribunes étaient bien en deçà de ce que l’imaginaire des visiteurs pouvait estimer, habitués aux représentations accueillant quelques centaines de parieurs survoltés. En ce jour, des milliers de non-initiés s’agglutinaient devant les guichets répartis tout autour de la structure et dont les files, par vue aérienne auraient sans nul doute constitué un spectacle à part entière. On escorta l’équipe visiteur directement dans la palestre, dans laquelle vrombissait l’air chargé des clameurs de milliers d’aficionados excités par la nouveauté et la promesse d’un riche divertissement. Sans doute les paris avaient déjà commencé.

Malgré le tumulte, les joueurs profitèrent de leurs derniers instants dans l’ombre de la structure principale avant qu’on les mande. Les couloirs les menèrent traditionnellement de la salle d’arme à la Galerie des Gladiateurs, d’où l’on entendait les détonations d’artifices aériens, complètement impensables dans leur propre arène. A leur annonce, les immenses portes à battants pivotèrent sur leurs gonds, intimant aux protagonistes le privilège de fouler les premiers un nouveau haut-lieu de l’Ironblitz. Le polémarque local, en ce jour très spécial, jouait les annonceurs, et sa présence seule semblait attirer une forme de sympathie ou d’engouement. Gyurao s’avança avec le reste des joueurs, et attendit que chacun se place de part et d’autre du terrain pour le tour habituel des joueurs. L’homme-poisson attendit que l’arbitre passe devant lui pour lui subtiliser sans discrétion aucune le boulet. Pour ajouter au spectacle, il attendrait que le polémarque ait son attention pour lui lancer avec force le projectile. Quitte à rendre l’événement plus mémorable, l’image d’une pareille figure locale donnant le coup d’envoi serait une arme de communication supplémentaire.

Le polémarque local réceptionna le projectile sans grande difficulté, observant une courte pause comme pour saisir le sens du geste. Il dressa un bras en l’air et, par un vif geste de balancier, envoya le boulet saluer le firmament, s’élevant jusqu’à quitter la vue des spectateurs. Alors que tous attendaient le retour du projectile, les joueurs quittèrent le pourtour de l’arène pour rejoindre l’eau cristalline. Tous étaient parés, patientant fébrilement à l’idée du retour du boulet tant convoité. Enfin, après un long instant d’attente, l’objet se dessina de nouveau dans le ciel, approchant rapidement du stade aquatique. L’engin incandescent luisait fiévreusement, semblant croître alors qu’il approcha davantage l’arène. Les blitzeurs se retinrent de sauter hors de l’eau pour réceptionner le projectile, conscients qu’une approche trop précipitée leur occasionnerait d’inutiles blessures dès le début du match. Lorsque l’objet vint enfin au contact de l’eau, celle-ci entra en ébullition autour du boulet dont la surface sembla s’oxyder laissant une sombre trainée dans son sillage et perdant en vélocité.

Le doyen de la compétition, Agmys, s’élança, suivi de près par l’opposant. L’homme-raie n’étant pas aussi gracile que l’adversaire, ce dernier parvint en premier sur l’objet de convoitises, encore doté d’une puissante inertie. De ses deux mains, il fit bloc pour amortir le projectile dont la force l’entraina vers le fond, suivi de près par Agmys qui profita qu’il ralentisse pour aller jusqu’à lui et le frapper au visage à l’aide de son pied. L’opposant, déjà affairé sur sa tâche du moment ne put se permettre de contrer l’offensive et tenta de limiter au possible l’impact en accompagnant le mouvement avec le cou. Légèrement hébété malgré sa tentative, ses bras fléchirent avec fébrilité alors que sa concentration s’étiola, le menant tout au fond avec le boulet qu’il ne put en conséquence contrôler avec succès. Finalement, ses membres manuels faiblirent et la sphère métallique s’extirpa des paumes de son receveur avant d’aller s’enfoncer dans son abdomen tout en poursuivant ses rotations frénétiques.

Les autres joueurs se repositionnèrent tout autour tandis que la raie attendit un cours instant que la boule ralentisse, labourant généreusement au passage la peau pourtant résistante de sa victime, s’enveloppant de volutes rougeâtres qui tourbillonnaient paresseusement autour d’elle. Tiscra s’élança à son tour en constatant que deux joueurs adverses fondaient sur Agmys dont le bras s’appropriait le précieux, signal du droit incontestable à l’opposition musclée. Le doyen peu agile était en manque d’option dans cette situation, aussi attendit-il qu’adversaires et coéquipiers se rapprochent pour effectuer une passe, malheureusement interceptée par un gaillard très rapide, immédiatement ciblé par Gyurao qui se décala en conséquence pour lui faire face. L’opposant entama une série de mouvements brusques pour préparer une esquive, mais employa un schéma quelque peu répétitif ; ce à quoi l’abyssal put répondre avec anticipation en employant l’un de ses mouvements signature, s’octroyant une brève, mais puissante impulsion, le propulsant à grande vitesse sur la trajectoire de sa cible et l’emportant au fond de l’arène en le maintenant fermement en usant de l’avantage de ses bras multiple. Il maintint effectivement l’autre homme-poisson à la fois par la gorge, le bras libre et le bassin et employa son dernier membre à la saisie du boulet. Lorsque l’impact se produisit, le porteur lâcha un gros gargarisme sous la pression exercée sur son diaphragme, évacuant un nuage de bulles mêlées au fluide vital. Dès lors, Gyurao se saisit du précieux et s’apprêta à repartir à la charge lorsque le sifflet retentit.

- On évite d’abimer le nouveau revêtement, le boulet revient aux Extreme Dash Swordsfish ! hurla l’arbitre tout en agitant avec satisfaction une liasse de billets.

Bien entendu, l’aspect interne du bassin n’avait aucune importance en cours de match et n’était qu’un prétexte visant à justifier son intervention. Grommelant, l’abyssal abandonna le précieux tandis qu’un adversaire relança le match en s’élançant immédiatement. En tant que porteur, il visa délibérément Agmys, ayant remarqué son manque de vélocité et souhaitant profiter de ce désavantage pour affaiblir la composition d’en face. L’homme-espadon, à l’image de toute son équipe, fondit littéralement sur le doyen, l’atteignant sans difficulté et à grande vitesse, son rostre pénétrant dans la chair tendre de son adversaire, grimaçant sa douleur alors que l’agresseur prit appui pour s’extirper sans précaution du corps endolori qui participa bientôt à l’expression de la renommée de la ligue pourpre. Bô, qui était le plus proche intervint, son agilité lui permettant de rivaliser avec ces joueurs mobiles en coupant les trajectoires de celui-ci. Le membre des Extreme Dash Swordfish tenta un passage en force, et parvint à se faire, ne réalisant que trop tard la manœuvre alors que Tiscra l’assaillit et lui mordit fiévreusement le bras, permettant de rééquilibrer le jeu et offrir une nouvelle dynamique à l’équipe visiteuse.

Les équipes se rendirent coup pour coup durant la première demi-heure, appelant chaque équipe à contribuer une fois au score, tous arborant des blessures impressionnantes pour les non-initiés mais sans impact sur le long terme. Le sport était avant tout un spectacle et se contenter de mettre à terre l’adversaire dès les premiers instants ne permettait pas de créer suffisamment de tension pour encourager la tenue des paris. Au son du sifflet marquant mi-temps, l’eau avait pris une couleur rosée, moins marquée que lors de précédents matchs alors que les organisateurs tâtaient les réactions du public, réceptif et visiblement demandeur de davantage d’action. Au sortir de l’eau, l’arbitre fit un signe à destination des joueurs, leur autorisant officieusement l’emploi des méthodes plus violentes usuelles pour la deuxième partie de la rencontre, ce à quoi certains ne purent se retenir de montrer leur enthousiasme. Les blitzeurs rejoignirent les bancs destinés à leur staff pour récupérer et panser leurs blessures durant ces quelques instants de répit tandis tandis que Gyurao manipulait une petite quantité d’eau pour se recentrer et exercer cet aspect du Gyojin Karate qui lui faisait défaut.