Le temps filait inexorablement, doux nectar glissant sur la chair avec fracas et extase. Perdu au cœur du tourment, l’heure viens, l’esprit se fend. Respiration haletante, esprit embrumé, l’être ailé se fait porte étendard d’un désespoir grandissant, succession de variations et de répétitions. La machine gronde dans le vide, l’empire du son s’éclatant sur les parois du monde. La mine triste, la De Lérhane écouta les paroles de sa jeune amie, hochant lascivement la tête avant d’observer cette dernière se diriger vers la bête pour tenter de l’examiner. Prêt à bondir pour attraper la vampire et la sauver d’un potentiel réveil spontané, Ishtar était assez perdue dans ses pensées. Qu’était ce monde de cruauté où le malheureux se faisait prédateurs et où le malheur s’abat en de si nombreux lieux ? Cependant, l’Archange du Typhon ne devait pas se laisser aller. Remobilisant progressivement ses forces, prenant son courage dans sa poigne absolue, elle se dressa, se hissant sur ses deux jambes pour observer de ses trois mètres de haut la carcasse encore vivante et organique de cet être venu d’ailleurs et aux propriétés si spécifiques. Dans la pénombre, un pas après l’autre, une seconde après l’autre, dans le silence sépulcral de cette caverne faisant office de cathédrale, l’ancienne révolutionnaire fit à son tour le contour de sa proie, l’observant sous diverses coutures avant de se tourner vers l’arrière de cette immense salle aux arcades rouges et aux parois froides. Plissant les yeux, la maudite revêtis ses yeux reptiliens en cherchant tout passage menant plus profondément dans la falaise.

-Je crois qu’il y a un chemin par là. S’il ne vivait que dans cette salle, cela ferait vraiment office de cellule pour lui.

Se dirigeant vers la Delalande, la blonde aux quatre ailes porteraient la jeune femme à la chevelure rose afin d’éviter que la situation de sa jambe n’empire. Se dirigeant encore plus profondément dans les tréfonds de Redline, la céleste reprendrait la parole.

-Il doit y avoir quelque chose avec Annoverzaire oui, mais difficile de savoir quoi et comment s’en servir pour que tout redevienne paisible. Si elle lui a volé quelque chose, il nous suffirait de le ramener et de condamner cette partie du dédale, si c’est l’amour qui a motivé sa réaction je ne sais pas vraiment si l’on peut ramener la configuration à un statu quo, réfléchissait à haute voix la bilcane qui avait toujours sa tête embrumée par un grésillement d’adrénaline retombant. Je t’aurais bien envoyé voir avec elle mais hors de question que tu fasse l’allé retour pendant que je continuerai seul. Cela pourrait malgré tout aggravé ta blessure actuel, expliqua l’Archange du Typhon qui tenait à la santé et l’état de sa camarade.

Les ténèbres s’intensifiaient alors qu’arrivant tout au fond de la pièce gigantesque se dessinait ce qui s’avérait être un passage. De loin, une des parois se terminait avant de rencontrer l’autre et créer donc une ouverture cachée, surtout vu l’obscurité. Les deux demoiselles pénétrèrent alors l’antre de la bête.

L’antre se dévoila progressivement derrière le passage large de quatre ou cinq mètres bien que difficilement visible de loin de par sa configuration géologique. Après un peu de temps, quelque chose émergea de l’obscurité, une chose qu’on ne s’attendait guère à voir dans un lieu pareil… Un premier meuble pénétra ainsi le champ visuel de la De Lérhane tout comme de la vampire. Puis un second se précisa et un troisième. Quelqu’un avait aménagé soit une cachette soit un lieu de vie… Cette personne surveillait-elle la bête ? Comptait-elle la dompter ? Depuis combien de temps les lieux avaient-ils étaient aménagés ? Tant de mystères qui ne trouvaient pas leur réponse dans l’immédiat. À moins que… La Delalande remarquait ce qui lui semblait de prime abord être une pile de dossiers. Les deux demoiselles se dirigèrent donc dans cette direction, à tâtons. C’est néanmoins Lucina qui s’en détourna pour observer ce qui apparut être un berceau de très grande taille.

-Le géant me parait trop âgé pour avoir été enfanté par Annoverzaire et elle aurait su le danger qu’il y avait à s’approcher de là-bas pour elle avec sa famille, répondit sur un ton calme la bilcane qui cherchait à calmer sa jeune amie tout en continuant d’approcher la pile de dossiers. Cependant, elle ressemble peut-être à la personne qui l’a fait grandir ici. Ce n’est pas à exclure.

Au final, il s’agissait de quelques livres et quelques feuilles jaunis par le temps qui se battaient en duels entre les différents ouvrages tandis qu’un bureau se dessinait un peu plus à gauche.

[b]-Je vais voir s’il n’y a pas des informations dans ces documents. Tu peux regarder le bureau si tu veux.

Peut-être y avait-il une photographie de la personne à l’origine de tout ceci avec son bébé géant poilus, même si Ishtar ne comptait pas totalement là-dessus pour résoudre les problèmes qui se posaient. L’originaire de la mer blanche ouvrit un premier livre. Constance et éducation, d’Emmanuelle Folk… Puis Contes des Terres Salamandes de Ash Tig’Y’Gur Vo-Ruh Tashi… Shavir et les Maudits d’Evrest Van Kly, Psychologie Animal d’Uty Val Assy, L’Enfance en Cinq Grandes Etapes d’Okobo Nashigawaki… C’était donc des livres sur l’éducation d’enfant ou d’animaux et ensuite des contes du genre qu’on lisait justement pour endormir des enfants.

-Visiblement la personne qui a installer tout ceci cherchait à savoir comment élever un enfant ou un animal et devait raconter des histoires à notre ami le géant, ce qui ne semble pas lui avoir octroyé la parole pour autant… Tu trouve quelque chose de ton côté ?

La demoiselle ailée leva un sourcil en observant la clé que lui montrait la vampire. Ouvragé, peu importe si c’était en matériau précieux ou non… Cela devait être important pour la personne qui s’en servait. On ne voulait pas une clé décorée sans raison généralement.

-Assurément, la personne qui a amené le géant ici et à installer ces meubles devaient faire des recherches pour réussir à éduquer la bête… Peut-être pour en faire une arme ou pour réellement lui offrir une vie d’animal de compagnie bien plus paisible. Aucun moyen d’en être sûr sans le ou la rencontrer ou tomber sur un journal intime. En tout cas, l’éducation a peut-être porter ses fruits si le village n’a pas eu à vivre d’accident impliquant notre poilus jusqu’à ce jour… À moins qu’au contraire cela ait échouer, qu’il ait tuer son « maître », si je puis dire ainsi, et qu’il ne faisait qu’hiberner pendant de longues années. Nous ne pouvons pas trancher en vérité…

La De Lérhane réfléchit à nouveau au sujet de la clé et émit de nouvelles hypothèses.

-Cette clé doit avoir un usage particulier. Si nous la rapportons au village, peut-être découvrirons nous qu’un contenant a été fermé il y a bien longtemps et que cette clé pourrait la solution pour découvrir ce qui se cache à l’intérieur. Cela pourrait aussi également ouvrir une cassette ou un petit coffre qui contiendrait des choses précieuses pour le propriétaire qui ne voudrait pas les perdre… Ou carrément un coffre. Cela pourrait aussi être un souvenir ou la clé d’un trésor que ne pouvait pas aller chercher la personne. Il nous faut en tout cas déterminer en priorité si ce qu’ouvre la clé n’est pas ici.

La bilcane commença à faire un nouveau tour des lieux, soulevant chaque objet et l’observant, même lorsqu’il semblait anodin. Cherchant à se mettre dans la tête de quelqu’un qui voudrait cacher quelque chose ici, l’ancienne révolutionnaire passa à plusieurs reprises devant le bureau en l’observant. Elle s’allongea pour regarder en dessous s’il n’y avait pas une serrure secrète. Elle ouvrit les tiroirs, farfouilla à nouveau à la recherche d’une serrure… Soupirant, la blonde aux quatre ailes s’arrêta sur le dessus du bureau et fronça les sourcils. Elle débarrassa le dessus des protections et des divers objets qui se trouvait dessus pour caresser le bois du bout des doigts.

-On dirait que le milieu du bureau est un genre de couvercle scellé…

C’est alors qu’Ishtar enleva complétement les tiroirs et plongea son regard là où ils se trouvaient juste avant, sa vision thermique activé. Caressant à nouveau la matière, elle arriva jusqu’à l’encoche qu’elle cherchait.

-Trouvé ! sourit-elle.

Enfonçant la clé dedans elle la tourna… Rien ne se passa. Fronçant les sourcils, Ishtar se plaça au niveau des autres tiroirs, devinant assez rapidement pourquoi cela ne fonctionnait pas.

-Par symétrie… Oui, il y a une deuxième serrure là. Il faut une seconde clé…

Peut-être que pendant ce temps de son côté Lucina avait réussi à tomber sur cette fameuse seconde clé.

Poursuivant ses recherches minutieuses, mais faites à l’aveuglette, l’Archange du Typhon tourna finalement la tête lorsqu’un bruit sourd s’éleva. La De Lérhane observa la vampiresse qui était en partie passé à travers la paroi, clignant des yeux pour essayer de comprendre mais commença par s’enquérir de l’état de la demoiselle.

-Ça va, rien de cassé ?

La réponse qui lui parvenu mis en lumière la nature secrète d’un compartiment ou même possiblement d’une pièce supplémentaire. Ishtar pensait que la demoiselle à la chevelure rose avait simplement trouvé une cavité, mais en réalité c’était donc une fausse cloison rocheuse qui avait été installé. La personne derrière tout cela avait tant eu besoin de cachettes ? Ce bureau recelant apparemment un compartiment secret, une pièce secrète, le tout au fond d’une grotte dans Redline difficilement explorable de part son aspect labyrinthique. Cela faisait beaucoup de précautions.

-J’aimerais bien la voir à ta place pour voir, commenta la De Lérhane tout en s’approchant et en parlant d’Eleona lorsque Lucina révéla que le pinceau se moquait de celle qui le manipulait.

Cherchant à aller aussi découvrir ce que recelait le faux mur, l’Archange du Typhon se mit sur le ventre et rampa pour rejoindre sa camarade dont le cri se mit subitement à résonner. Haussant les sourcils, l’originaire de la mer blanche tourna sa tête vers le squelette qui lui était apparu. L’ancien maître des lieux ? Ou un prisonnier de celui-ci ? En tout cas, il n’était plus vivant depuis longtemps, remarque tout à fait évidente aux vues de son état. La demoiselle ailée pense ainsi dans un premier temps que c’était le mort lui-même qui était à l’origine du cri de la jeune à la peau éburnéenne. Néanmoins, avec sa vision thermique, Ishtar observa les araignées qui descendaient le long des os, arachnides qui auraient échappés à sa vue normale sinon.

-Oh tu as peur des araignées ? nota oralement l’ancienne révolutionnaire qui demandait en même temps la confirmation. C’est quoi ça ? s’interrogeant la bilcane en tendant sa main pour attraper le collier, ignorant que c’était ce que la Delalande comptait faire avant que les petites bêtes ne surgissent.

Triturant entre ses doigts le mystérieux symbole ayant une forme globalement verticale, la maudite céleste fronça les sourcils et sortie de la cachette pour retourner au bureau et essayer de s’en servir comme clé. L’objet entra dans la serrure et un cliquetis se fit entendre. La trappe située sur le bureau s’ouvrit et dévoila enfin les secrets du lieu.

-Trois cartes… Des îles que je ne connais pas. Un livre… Avec un peu de chance un journal qui raconte le pourquoi du comment de tout cela... Un nécessaire de navigation… Et un… diamant ?

Ouvrant le bouquin, l’incarnation du Serpent à Plumes se prépara à lire les premières phrases.

-J’espère que le poilu va pas se réveiller… Bon. Chroniques de l’Expédition de Pedro de la Riviera… Nous arrivons sur Grandline en cette belle journée d’été et je commence à écrire le récit de nos aventures. Le passage de Reverse Mountain fut périlleux mais la Riviera est confiant quant à nos chances de réussite… lâcha l’angélique avant de tourner rapidement les pages pour feuilleter.

La musique de la fête résonnait non loin dans le dos de la Bilcane. Après toute cette aventure, l’originaire de la mer blanche s’était assise au bord du promontoire et observait la rencontre entre l’horizon horizontal marin et l’horizon verticale pourpre des immenses falaises de Redline. Tandis qu’elle avait Féliora avec Lucina, certainement avec les villageois, la fille des cieux proposait de ce repos pour se refermer sur elle-même. Ses sens en ébullition, elle laissa le rythme flamboyant de la musique irradié les pulsations de son cœur pour en devenir une percussion. Aux confins de ce monde, à la frontière entre deux univers perpendiculaire, l’océan liquide et le continent rocheux, le calme s’imposait à nouveau à son esprit et ouvrait les portes de la méditation. Des souvenirs provenant de toutes ces années passées à voyager aux quatre coins du monde venait étreindre son âme, lui apporter autant mélancolie et nostalgie. Les visages se succédaient et les scènes d’aventures, de rencontres et de discussions se succédaient. Mais pour une fois, ce n’était pas avec tristesse que la De Lérhane embrassait ce passé virevoltant, c’était avec une certaine joie et avec de l’espoir. Elle avait grandement profité de cette odyssée. L’instant présent s’était perpétuellement montré palpitant et ce n’était pas car elle s’approchait de la fin, du moment de faire le deuil de toute cette énorme partie de sa vie, que la blonde aux quatre ailes devait laisser le désespoir de ne plus pouvoir vivre ces moments l’emporter. Elle avait eu la chance d’avoir toutes ces expériences, de faire toutes ces rencontres. Des moments de partages. Des combats exaltants. Des ennemis incroyablement dangereux. Des gens sauvés. Des esprits réconfortés. Le sang versé. Les sourires créés. L’harmonie rétablit. Les criminels arrêtés. Oui, elle avait bien œuvré et n’avait rien à regretter. Encore aujourd’hui, ce qu’il s’était passé était un évènement notable à rajouter à la liste.

La bilcane tourna la tête afin de chercher Lucina. La jeune damoiselle avait encore plus d’années devant elle pour vivre de nouvelles aventures. Cette dernière n’était quant à elle qu’aux prémices de ses périples. Nul doute, vu sa curiosité et sa motivation, qu’elle aussi vivrait des aventures incroyables à son tour. L’originaire de la mer blanche se disait que finalement il était peut-être tant pour la justicière itinérante qu’elle était, la sage portant des conseils aux gens qui croisaient sa route quitte à jouer les professeurs, de raccrocher. Encore quelques mois à profiter et l’heure de retrouver cette vie si ancienne, aux côtés de ses proches et sa famille, viendrait. Il n’était pas temps de s’apitoyer sur cela. Il fallait profiter. Délaissant la méditation, l’ancienne révolutionnaire se redressa et rejoignit les habitants de cette ville à l’ambiance particulière et, depuis la première fois depuis un moment, se mit à danser. Elle ne suivait pas l’environnement, la nature, pour décrire ces mouvements, contrairement aux fois où elle pratiquait des mouvements dans un esprit martial, mais bel et bien la musique. Finalement, un sourire s’inscrivit sur ses lèvres tandis que Féliora s’approchait d’elle pour l’accompagner. Oui, il fallait profiter.