Au fond du trou !

Une simple barque et des vêtements civils. Nils n’avait pris qu’une simple barque pour tenter rejoindre une ile pour une réunion… on lui avait pourtant dit que c’était dangereux de partir de cette façon mais, entêté comme il pouvait l’être, il n’avait rien écouté. Même Mama avait cherché à l’en dissuader au point de même le menacer mais ça n’avait pas fonctionné, ainsi, pour le punir, elle n’allait ni le protéger ni le suivre… et quelle erreur fut-ce !

La météo avait pourtant été clémente et le vieillard sentait encore ses bras au point de donner un coup de main énorme à ramer mais bientôt, une ombre se dresserait derrière l’ancêtre, parée à le recouvrir totalement et s’étendre devant. Un bruit sourd et tonitruant viendrait alors faire sursauter le Gratz qui se retourna alors et vit l’horreur se dresser devant lui : un paquebot, immense, venait tut bonnement de signaler sa présence par le klaxon. Un homme à la proue viendrait alors gueuler sur Nils en lui disant de se barrer… mais il finirait par hausser les épaules.

- Il doit sans doute vouloir se suicider… il ne serait pas là en barque sinon…

C’était une évidence et, malgré les signes extravagants du vieil homme, le paquebot viendrait tout bonnement fendre le vaisseau de fortune du vice-amiral en deux morceaux. L’eau de mer viendrait alors se remplir peu à peu. Nil soupira donc dans cette situation désespérée et s’étira quelque peu tandis que l’autre navire s’éloignait… au pire, il lui suffirait de finir à la nage, ce n’était pourtant pas compliqué.

Le vieil homme sentit alors ses forces le quitter tandis que l’eau montait peu à peu au niveau des chevilles. C’était étrange, c’était comme si toute volonté et toute force se dissipait peu à peu. L’effet s’aggravait tandis que l’eau montait… mais personne n’avait jamais prévenu que les maudits ne pouvaient pas nager ! Nils n’avait jamais pensé à retourner à la plage ou tenté de nager depuis qu’il avait ingéré son fruit… ainsi, c’était une pure découverte pour lui, même s’il ne comprenait pas encore ce qui était en train de lui arriver.

L’eau monta jusqu’au torse et le vieil homme ferma les yeux, le souffle court, son cœur ralentissait alors que l’adrénaline aurait dû lui offrir plus de force. Non, c’était autre chose, l’eau continua de monter et bientôt, c’est tout son corps qui serait immergé. Nils perdit simplement connaissance, incapable de bouger, son corps tel une enclume viendrait alors plonger dans les abysses, la mort l’attendrait au fond et rien ne pourrait sans doute le sauver. Après tout, un vieillard tombant au fond du fond n’aurait que peu d’incidence pour la population, fusse-t-il un vice-amiral potentiellement connu.

Nils mourait, tout simplement. Au moins, il ne souffrait pas : il allait simplement périr un peu comme un simple bleu de son équipage. La plus grande tristesse restait néanmoins qu’il aurait échoué dans la quête de ses petits-enfants…

Finalement, la malédiction Gratzienne risquait de se perpétuer. Les démons ne pouvaient pas nager, Nils ne pouvait pas sauver sa famille, c’était la fin.

Au fond du trou !

Mais pourquoi Nils n’avait pas simplement utilisé son fruit pour se hisser au-dessus du navire ? Il existait de ces questions qu’un vieil homme se ressasserait en permanence s’il n’était pas simplement en train de mourir comme un gros rocher au fond de l’eau. La vie de l’homme repasserait ainsi devant ses yeux sur fond de musique triste, il avait tout simplement échoué. Au-delà de la tristesse, c’était surtout une colère noire qui grouillait en lui. Bien que l’énergie l’ait quitté, le Gratz parvenait à se saisir mentalement de sa haine viscérale envers lui-même.

Finalement, Nils aurait déjà coulé à pic depuis un moment avant que quelqu’un ne le remonte jusqu’à la surface. Totalement inconscient, il ne se rendrait pas compte que son corps serait trainé jusqu’à une bouée en surface, avant d’être remonté à bord du navire gigantesque. Tout mouillé, la gueule du Gratz ne ressemblerait qu’à un vieux chien mouillé encore endormi. Sans doute personne ne parviendrait à le reconnaitre avec cet accoutrement de civil.

- Faut vraiment qu’on le réanime ? Si ça se trouve il est alzheimerisé depuis bien longtemps et en avait rien à foutre que de rester dans le coin…

Un massage cardiaque aurait sans doute commencé à être fait sur le corps flasque Nilsien et, de façon cartoonesque, un filet d’eau sortirait du bec de l’ancêtre chaque fois qu’on viendrait à appuyer sur sa poitrine. Il était évident qu’il avait manqué de crever et finalement, ce sauvetage avait été réalisé de façon in extremis et c’était la réaction du vieil homme qui en serait témoin.

Alors que son corps ne répondait plus au bout du douzième appui, ce fut une toux gigantesque qui sauverait le vieillard : il venait d’échapper à Hadès au sens figuré du terme. Les yeux révulsés, le regard hagard, Nils se mit tout bonnement à hurler sur l’équipage qui venait de le secourir.


BANDE DE MOLLUSQUES MAL FAGOTES ! SALES ORNYTHORINQUES AU RELAN D’OURSIN !
Les noms d’oiseau voleraient ainsi pendant plusieurs secondes. Les jeunes âmes risquaient vite d’être échaudées tant les connaissances de Nils en la matière étaient impressionnantes : toute une vie de juron à pouvoir exploiter sur cet instant présent.


Raclure de cagibi…
Il en perdait son souffle. Malheureusement pour le vieil homme, ses dernières péripéties avec l’adrénaline et l’énergie dépensée, Nils venait tout bonnement de dissiper son minimum vieillesse et, alors qu’il s’était redressé, viendrait à papillonner des yeux retombant de fait dans les vapes. Le marin qui l’avait repêché grommela un instant après avoir vomi du sang tant les jurons venaient de le heurter. Alternant son regard entre le pseudo-cadavre et les autres membres du navire, le jeune homme proposerait simplement de le remettre à l’eau.

- De toute évidence, il est mort nan ? Au pire, on le rejette à l’eau ? Il a du faire une crise cardiaque…

Quelques marins hocheraient alors de la tête mais si quelqu’un choisissait de vérifier le pouls de l’ancêtre, alors il pourrait vérifier que son cœur battait toujours… lentement certes mais de façon régulière… comme s’il faisait la sieste finalement !

Au fond du trou !

Un doux rêve se prolongeait dans l’esprit comateux du vieil homme. Des arbres, une rivière non loin, le pauvre était en train d’expérimenter pire qu’un trip à ses propres pilules. Une jeune femme semblait le rejoindre, séduisante et nue elle aussi. Approchant, elle tendrait sa main gauche sur le visage du vieil homme qui rougissait et bredouilla quelques paroles avant qu’elle ne place un index sur la bouche lui indiquant qu’il ne devrait pas parler. Bientôt ses mains glissèrent dans sa barbe et elle commencerait à lui faire les poux, elle fouillait. Les caresses au départ plaisantes devinrent peu à peu lus énergiques, plus dures jusqu’à faire des nœuds dans la masse incommensurable de poils de l’ancêtre. Peu à peu, la jeune demoiselle semblait de plus en plus flou avec un regard plus carnassier, presque sauvage : elle s’apprêtait à arracher les poils du Gratz !


Ahhhhhhh !
Nils se réveilla en sursaut en voyant le gamin lui triturer les poils de la barbe. Estomaqué par ce qu’il voyait, il n’osa pas savoir ce qu’allait lui faire subir le jeune pirate et explosa simplement d’un cri.


Qu’est-ce à dire que ceci ?!
Il n’était pas en colère, il ne comprenait simplement pas. Reculant de l’homme qui l’avait probablement sauvé à la fois de la noyade mais également des hommes qui voulaient l’abandonner, le vieillard tournerait son regard dans toutes les directions comme apeuré. A quatre pattes, il tenterait de fuir son ennemi en continuant de le regarder, fuyant sur les fesses. Irrémédiablement, le grand-père se cognerait contre un mur du navire, c’était bien sa veine ça !


On… on est sur un bateau ?
Le Gratz ne savait pas où il était, il était vraiment perdu et cherchait à comprendre ce qui était en train de lui arriver. Malheureusement pour lui, l’ignorance était encore plus grave que ce qu’il aurait été possible d’imaginer : le vieillard trembla avant de reprendre la parole.


Qui es-tu ?
Se touchant le visage puis le corps, constatant par la même qu’il n’avait pas de dégâts principaux, il continuerait comme si les autres réponses ne l’intéressaient pas.


Qui je suis ? Qu’est ce qui se passe ici ?
Voilà, le vieillard était amnésique. Sans pour autant souffrir de la maladie d’Alzheimer, les différentes péripéties qu’il venait de subir venaient de le rendre tout bonnement amnésique. Aucun papier n’était présent sur lui pour pouvoir lui indiquer ne serait-ce que son nom et comme si son malheur ne suffisait pas, aucun homme de l’équipage ne semblait le reconnaitre. Le vice-amiral risquait, si rien n’était fait, de rester un vieillard à la retraite indéfiniment laissé sur le carreau. Une retraite anticipée venait peut-être d’être signée pour lui.

Au fond du trou !

Mon… petit-fils ?
Le regard hagard, l’ancêtre ne comprenait pas véritablement tout ce qui était en train de se passer. Une image très fugace passa dans l’esprit de l’ancêtre avant de s’évanouir aussitôt. Les images étaient encore bien trop floues pour rester en mémoire et pour lui permettre de se remémorer ses véritables souvenirs. Nils écarquilla un peu plus les yeux tandis qu’Etowaru reprenait le dessus à l’aide d’une soupe.


Affaire ? Déménagement ?
Décidément, l’ancêtre ne pigeait absolument plus rien à ce qu’il devait faire. Une fraction infinitésimale de secondes s’écoula avec une image dans la tête : celle d’un corps fort prêt à faucher du blé pour le bien de ses petits-enfants. Après tout, Etowaru semblait bien meilleur cuisinier que paysan, c’était sans doute pour cette raison qu’il avait choisi de déménager et que Nils l’accompagnait finalement ?


Je n’ai rien ? Ah oui… je n’ai rien….
Nils s’était palpé le corps en faisant attention à la soupe. Le pauvre vieillard ne se souvenait même pas de son nom et, en finissant sa soupe, il ne pourrait que se concentrer sur son nouveau petit-fils pour chercher des réponses mais un grand-père ne devrait jamais se laisser aller. Ainsi, le vieil homme tenterait de donner le change en prétextant être au courant de tout ça.


Mais oui c’est clair fiston !
Habituellement, il l’aurait appelé sale gosse ou gamin… si seulement il s’en était souvenu. La prochaine ile restait une destination en réalité inconnue même si le Gratz avait initialement une réunion importante sur place. Le risque d’être reconnu aurait de forte chance de se produire : si le gamin avait un plan et souhaitait vraiment abuser du grand-père, nul doute qu’il devrait tenter de le manipuler jusqu’au bout jusqu’à l’empêcher d’être perçu par ses alliés. Nils n’était malheureusement pas un inconnu sur les Blues, il restait à espérer pour Etowaru que personne n’y prêterait attention.


Mais… où est l’argent pour l’affaire ?
Et oui. La était la question principale : le vieillard s’était déplacé sans le sou et s’il était vraiment décidé de faire affaire, il n’aurait pas oublié de prendre l’essence même de la transaction. Seulement, cette simple question risquait de mettre à mal la stratégie du bambin : si l’argent était passé par le fond, comment expliquer que le paternel ait pris un navire différent de celui de sa chair ? Le pire restait encore à venir : s’ils avaient pris le même navire et qu’il n’y avait pas d’argent… qu’est-ce qui était véritablement en train de se passer ?

Heureusement pour le jeune pirate, Nils n’était encore qu’aux balbutiements de ses réflexions. Ainsi, Etowaru aurait de grandes chances quant à pouvoir le manipuler… il ne restait plus qu’à bien le faire…

Au fond du trou !

Nils ne se baladait jamais avec une besace ou un porte-monnaie mais le fait de se le faire rappeler par son prétendu petit-fils lui laissait croire que jamais il ne l’aurait laissé de côté. Un simple « Ah » sortit de ses lèvres à peine ouvertes avant de se refermer. Palpant son corps, le vieil homme cherchait encore à comprendre ce qui se passait autour de lui. Une chance qu’Etowaru bavardait inlassablement comme pour l’empêcher de réfléchir. La technique était si efficace que l’ancêtre était maintenant persuadé d’être le grand-père.

Aucune échappatoire possible, le vieillard buvait les paroles de son interlocuteur, les incohérences passèrent très vite à la trappe et il les oublia très facilement, trop facilement même. La prochaine destination du nouveau duo serait donc la banque, il ne restait en réalité qu’à espérer que sa mémoire ne reviendrait pas d’ici là ou bien que personne ne vienne à le reconnaitre : malgré tout, un vice-amiral de la marine risquait de ne pas passer inaperçu bien longtemps.


Mémé ?
Il avait sorti le ton d’instinct, comme s’il parvenait à percevoir et sentir le nom de sa belle et tendre. Comble de malchance, l’ensemble de ses visions étaient floues et il devait surtout ne pas perdre la face. L’amnésie de l’ancêtre était finalement peut-être thérapeutique, comme s’il avait beaucoup souffert depuis bien trop longtemps et qu’il devait finalement prendre comme une sorte de repos. Le pauvre grand-père devait se rendre à l’évidence sans pour autant y parvenir du fait de l’amnésie : sa femme allait vivre encore un peu au travers de cet Alzheimer prématuré.


Oui bien sûr
Il ne savait pas sur quoi il acquiesçait et ne comprenait vraiment pas ce qu’il se passait autour de lui mais ce fut lorsque Etowaru expliqua son manque que le vieillard eut un haut le cœur, comme si il lui manquait à lui aussi quelque chose et pour cause ! Il s’était maintenant écoulé plusieurs années sans qu’il ne puisse prendre dans les bras ses petits-enfants… seule Ginny avait eu la chance d’être retrouvée, seulement elle alors que Chloé et Alphonse erraient sans doute encore dans la nature. Le Gratz devait se reprendre très vite, il devait assurer la sécurité de son nouveau petit-fils tout comme l’aurait fait un fabuleux grand-père et c’était tout naturellement qu’il répondrait simplement.


L’argent est peut-être sur le navire ?
C’était d’une logique imparable : si l’ancêtre n’était plus capable de se souvenir de quoique ce soit, il était évident qu’il y avait une chance pour qu’il n’ait fait qu’égarer la valise ou son portefeuille quelque part ici ! Si jamais le vieil homme venait à demander des informations aux marins du navire, nul doute que le plan du jeune gamin tomberait à l’eau. Etowaru devrait faire vite mais bientôt, il serait sauvé par le gong.

- Terre !

Au loin, sur une vigie, un homme hurlait à l’équipage qu’ils étaient bientôt arrivés à destination. Etowaru parviendrait peut-être à ses fins alors. La chance était décidément de son côté !

Au fond du trou !

Etowaru semblait avoir tout prévu et puis Nils avait sans doute perdu suffisamment de contenance pour les dix prochaines années pour ne pas chercher de trop la petite-bête. Ainsi, le vieil homme irait dans le sens de son nouveau petit-fils.


Oui tu as raison ! Ne soyons pas en retard !
Il était évident que le jeune Etowaru avait forcément le plan adéquate pour la suite des événements. Il était évident qu'il ne fallait pas être en retard et tandis qu'ils prendraient tous deux la direction de la terre ferme, Nils donnerait également le change en suivant le gamin avec des "oui oui je vais bien", "Haha ! Quelle histoire"... ainsi, le jeune gamin n'aurait pas trop d'efforts à fournir pour préserver son otage. Il lui suffirait simplement de le mener là où il le désirait comme à la baguette... quel champion !

Lorsqu'il héla finalement une autre personne, le vieillard se mit à réfléchir de nouveau mais son amnésie ne paraissait pas évoluer d'un pouce ou d'un iota. Quel que soit la façon qu'il s'y prenait, il ne souvenait ni de sa vie ni de qui pouvait être ce gamin... ayant foi en l'humanité, l'ancêtre ne pouvait décemment pas considérer comme un menteur le bambin avec qui il était... c'était bien trop simple. Sans compter que sa capacité à la cuisine avait sans doute été hérité de sa mamie !


Mamie ?
Des flashs lui revenaient en mémoire mais ils restaient bien trop faibles pour être suffisants à retrouver l'ensemble de la mémoire. Ainsi, Nils fut finalement bien vite ramené à la réalité : son petit fils Etowaru l'appelait de nouveau...


Alors ce rendez-vous ? On y va ? Tu sais où aller ?
C'était là qu'allait être le plus difficile pour le gamin. A la banque, il existait une forte probabilité pour que le Gratz ne soit pas méconnu... après tout, les vice-amiraux n'étaient pas si inconnus de par le monde mais avec un peu de chance, peut être que la tenue simpliste de civil du marine offrirait suffisamment de discrétion au jeune pirate.