Lloyd, Alphonse... Des noms qui résonnaient encore, comme un espoir qui ne tiendrait qu'à un fil. L'espoir de les retrouver sur la route; la Route des tous les Périls. En chemin, la bande de Daiki (bien que Raiki continuait encore à le démentir) avait renfloué ses rangs. Enfin, façon de parler. Sur le navire pirate -fraîchement modifié sur l'île de Jaya- se trouvait un véritable équipage de gosses. Un capitaine à peine plus haut qu'une pomme, un vice-capitaine à peine plus grand et un poils peureux, Lucina, rencontrée paradoxalement juste avant de perdre Lloyd et Alphonse; et enfin Salomeh, une gamine d'à peine douze ans n'ayant pas sorti la tête de ses bouquins une seule fois pour que l'on entende sa voix.

Pas moins de six mois étaient passés et l'aventure sur Grand Line s'était révélée... ennuyeuse. Daiki avait donné toute son âme pour rester discrets en attendant d'entendre parler de Raiki ou d'Alphonse, au moins des rumeurs. Mais il n'en était toujours rien, et la patience du jeune espiègle atteignait largement ses limites. Le mécanisme de montgolfière désenclenchée et le navire voguant en mer, la brise frappant son visage à moitié assoupi, le capitaine pirate qui avait pour ambition d'en devenir le roi se rendit compte qu'il n'avait... rien fait. Lui et son équipage n'avaient encore rien fait qui ne mérite d'être remarqué. À ce stade, ils n'étaient pas plus pirates que de simples marins pêcheurs. Il ne deviendrait pas le roi des pirates en restant anonyme, aussi décida-t-il qu'il était temps de frapper un grand coup.

- IL EST TEMPS DE SE FAIRE REMARQUER ! hurla-t-il en se redressant sur la proue.

Une goutte de sueur suinta la long de son visage. Salomeh -ou Meh comme il l'appelait- n'avait pas même tendu l'oreille. Raiki était caché quelque part, probablement en cuisine en train de vider les réserves...

- ... Les réserves ! Okai ! s'aggripa-t-il au cordage pour avancer d'un bond sur le pont. - RAIKIIII ! hurla-t-il encore jusqu'à ce qu'une petite tête sorte de la cabine, un poisson à la bouche. - Où en sont les réserves ? s'approcha-t-il plus souriant.

- Hmpff... V... finit-il par ingurgiter. - On a encore quelques poissons de la dernière pêche, enfin... avait...

Une veine se forma doucement sur le front de Daiki dont le regard noircit à vue d'œil. Le poing serré, il s'en servit pour engager un de leurs combats qui n'en terminait pas et finissait toujours pas rigoler des bosses de l'autre.

- OKAI ! J'AI UNE IDEE ! s'exclama Daiki haut et fort en essuyant la poussière de son manteau après s'être relevé. - ON EST DES PIRATES OU PAS ?! tenta-t-il de galvaniser ses troupes en pensant avoir eu l'idée du siècle. Les réponses ne se faisaient elles pas trop attendre. - ET EN TANT QUE PIRATES, CE QUE L'ON VEUT, ON LE PREND ! OUI OU NON ?! OUI ! répondit-il cette fois-ci lui-même. - ALORS ON VA TROUVER UN BATEAU ET ON VA LE DEVALISER !

- Tu veux dire aborder ? le reprit Raiki, insolent, avant qu'il ne tombe sur les fesses pour avoir esquiver un sabre de justesse. - Non mais... héhé, c'est-à-dire que... j'vois pas pourquoi on a pas fait les réserves sur Jaya... voilà tout...

Daiki lui tourna le dos, vert de rage, avant que des ruisseaux de larmes ne lui coulent des yeux.

- Le bateau... J'ai tout mis dans l'bateau...

Lucina, au poste de vigie, appela le capitaine Goat. Rien d'alarmant, elle souhaitait une fois de plus partager sa passion. Grimpant telle une flèche à son appel, le bretteur arriva tout en haut du mât, au-dessus même de Lucina, en ce qui sembla n'être qu'une fraction de secondes.

- Fait voir ! s'annonça-t-il brusquement, un large sourire au visage. - Hmm... entra-t-il en réflexion devant le dessin. - Hm... Pourquoi faut-il que je sois roux ? Non parce que l'dessin est suuuuuuuuuper beau, mais j'suis pas roux moé...

Lucina se cogna alors la tête d'elle-même, quelle étrange fille.

- Cette Eleona dont tu parles à chaque fois, c'est quand qu'on la rencontre nouuus ? demanda-t-il sous un air de caprice.

À l'évidence, le capitaine n'était pas plus saint d'esprit. Se décrôttant le nez avant de viser Raiki avec la boulette, Daiki fut propulsé par les gestes brusques de sa camarade et s'explosa le faciès contre son bâtiment.

- Hmpff... Nafife en fue ! hurlait-il la tête enfoncée dans le bois, s'efforçant de tirer pour s'en sortir. Une scène qui était loin d'être nouvelle.

La tête finalement à l'air libre, le capitaine pirate s'empressa d'emprunter une longue vue pour juger le navire dont il était question.

- Daiki... Daiki... DAIKI ! se reprit Raiki à plusieurs reprises. - T'as pas de longue vue dans les mains, rappelle-toi, tu l'as fais tombée au fond de l'océan la semaine dernière ! lui lança-t-il à la gueule comme pour lui prouver qu'il était tout aussi un incapable que le reste de l'équipage, et cela, avec fierté.

Le Goat, dont les mains avaient épousées la forme de la longue vue en face de son visage, se jeta presque au sol de désarroi.

- C'est vrai ça... Pff... soupira-t-il. - Okai ! se releva-t-il aussitôt, il ne se laisserait pas abattre si facilement. Il avait plus d'un tour dans son sac après tout. - On a qu'à l'approcher, puis... on verra bien !

L'ordre fut donné, la direction ajustée, et le fier Sanglier des Mers fendit les vagues à bonne allure. Lorsqu'ils arrivèrent à distance raisonnable, c'est-à-dire à peine quelques mètres, le balafré se pencha sur le pont de son navire, gardé derrière par ses jeunes camarades.

- Hm... C'est une opportunité en or ! Le navire a l'air déserté ! Profitons-en et mettons-nous en plein les poches ! se galvanisa-t-il lui-même avant de penser aux autres.

- Hé... Daiki, reprit Raiki. - Tu crois pas qu'il peut s'agir... d'un piège ? Ou peut-être pire... D'un navire fantôme ?!

Cette idée terrorisa le roux -Raiki- à tel point qu'il devint plus pâle que la neige. Remontant ses longues manches verte et noir, son capitaine l'approcha et lui enchaîna quelques bonnes gifles.

- Raiki... Raiki... RAIKI ! le réveilla-t-il finalement. - On va l'faire, et j'ai besoin de toi, okai ? Après tout... Tu es... le co-capitaine...

À ces mots, le teint pâle du jeune roux se transforma en un rouge fier et ses yeux scintillants semblèrent voir un autre monde, merveilleux.

- Hm... Je suis prêt, essuya-t-il la bave de son menton.

- Alors c'est parti ! À l'abordage ! scanda Daiki tout en balançant un harpon sur le pont du navire d'à côté. - Espérons que ce navire nous rendra riches ! Dihihihi !

- T'es vraiment barjo, grimaça Daiki en observant Lucina faire une scène à elle toute seule. - Y a pas âme qui vive sur c'bateau, c'moi qui te l'dis ! Parole de capitaine ! scanda-t-il alors le poing vers le ciel, un sourire écarlate fixé à son visage.

Heureusement qu'il ne faisait pas nuit noir, ou bien l'abordage de ce mystérieux navire fantôme aurait été un poil plus flippant pour le jeune Daiki. Raiki, quant à lui, n'avait nul besoin qu'une lune lui dicte qu'il était l'heure des horreurs. Non, lui était bel et bien prêt à faire dans son pantalon. Son arme de prédilection armée sur son épaule droite -un lance roquette-, il était prêt à en mettre plein la gueule à n'importe qui se mettrait sur leur chemin avant de courir dans la direction opposée. Tel était le mental du bras droit du futur roi des pirates, ou comme lui aimait encore se le dire, le roi des pirates lui-même.

Seule la petite Salomeh était restée sur le Sanglier des Mers -c'était ainsi que Daiki avait tenu à baptiser son navire- ; à l'heure qu'il était elle était probablement encore en train d'entamer un énième bouquin, les oreilles fermées au monde l'entourant. Il n'y avait pas grand chose à faire de cette petite fille, mais après tout, c'était tout ce qu'elle était, une petite fille.

- Okai ! répondit machinalement Daiki lorsque Lucina prit l'initiative de monter en haut du mât. - Bonne idée, Lulu ! Tu nous casseras moins les oreilles là-haut, baissa-t-il d'un ton pour rire de sa camarade avec celui restant sur le pont.

Mais ce dernier n'était nullement en situation où il se permettait de rire. Les jambes tremblantes, il n'avait pas décroché de cette histoire d'escaliers et se persuadait que de terribles évènements se profilaient. Avait-il tort cependant ?

- Tu vois quelque chose, Lulu ? gueula Daiki en direction du mât. - Je vais à mon spot favori, surveille l'autre tant que tu es là-haut, d'accord ? continuait-il de parler à Lucina de sa voix la plus portante.

Le pont principal était vachement long, son aspect désert n'aidant en rien, mais Daiki arriva finalement sur le pont frontal du navire, là où la proue prenait racine. Une marche après l'autre, son champ de vision découvrait petit à petit le plus étroit des ponts.

Le pont frontal sembla d'abord désert. Le corps inerte d'une demoiselle passa au premier abord inaperçu, sans doute du au fait qu'elle ne donnait aucun signe de vie. Une fois que Daiki l'eût remarquée, il osa s'en approché, à petits pas. Sans dégainer, n'osant pas douter de l'existence des morts-vivants, le porteur du D donna quelques doux coups de fourreau dans le dos de la blonde silhouette. Aucune trace de blessure, pourtant son teint n'augurait rien de bon. Elle semblait être passée de l'autre côté depuis un moment. Pourtant l'inattendu arriva. Derrière, Daiki entendit Raiki glousser. Pour quelle raison, il n'en avait aucune idée. Mais lui-même était confronté à une situation qui requiérait sa complète attention. Si bien que lorsque Raiki murmura quelques mots, toujours aussi apeuré, Daiki n'en entendit rien, absorbé par le corps précédemment inerte qui désormais s'animait. La demoiselle reprit quelques couleurs, ses joues trouvant un léger ton rougeâtre. Ses yeux animés par ce qui semblait être la peur se posèrent sur le capitaine pirate.

- Yo ! Je m'appelle Daiki ! s'introduisit-il à la demoiselle fraîchement réveillée. - Tu as l'air d'avoir froid, enfile ça ! retira-t-il sa veste pour la lui déposer sur ses épaules tremblantes. - Qu'est-ce que tu fais, toute seule sur ce navire ? lui demanda-t-il naïvement alors qu'elle se réchauffait sous la chaleur du manteau qui avait toute sa vie durant bercé le jeune Daiki.

Un coup de feu retenti alors, laissant quand même à la demoiselle le temps de lui répondre. Le capitaine des pirates de North Blue tourna immédiatement le dos à la blonde demoiselle. Cherchant du regard une éventuelle terrible nouvelle. Il y avait plus d'une demoiselle en détresse sur ce navire. Pourtant jamais l'idée d'un piège ne lui vint à l'esprit.

- Un autre abordage, peut-être ? se murmura-t-il à lui-même en guise de réflexion. Une réflexion somme toute purement et simplement idiote, puisqu'il s'agissait là d'un coup de feu et non pas d'un coup de canon, et qu'il n'y avait que deux navires à des kilomètres à la ronde. Mais il était pour lui hors de question de laisser les richesses éventuelles de se navire à un autre.

Mais alors que ses yeux trouvaient un chemin vers le mât, il aperçu Lucina en position délicate. Elle était coincée dans les cordages.

- LULU ! hurla-t-il de peur.

Vue d'ici, elle pouvait aussi bien être morte que vivante.

- LULU ! TU VAS BIEN ?! hurla-t-il encore alors que tout en haut une silhouette menaçante se dessinait.

La main sur le manche de son katana, il était prêt à bondir au moindre geste que ferait la silhouette. Seule la rage était lisible dans son regard.

Les conseils de la dame blonde étaient tombés dans l'oreille d'un sourd, perdus sous la détonation d'un coup de feu. Pour autant, Daiki avait entendu l'essentiel. Mais il était hors de question de fuir sans tenter de se battre. Autrement, il pouvait d'ores et déjà dire adieu à son rêve. La vue de sa camarade, suspendue dans les airs, lui donnait quelques tremblements. Il était bien plus effrayé de voir quelque chose arriver à ses pirates qu'à lui-même et la vulnérabilité de Lucina dans cet instant le rendait fou. Retenant son calme, le jeune capitaine pirate se força à ne pas se précipiter.

- Qui est là ? Répond, enfoiré ! hurlait-il en direction de la vigie, une main tremblante sur son fourreau et l'autre sur le manche.

Ne pas se précipiter. Ne pas se précipiter. Ne pas se précipiter... Pourtant, lorsque la silhouette, là-haut, releva le bras pour pointer à nouveau son arme sur une Lucina sans défense, rien ni personne n'aurait pu empêcher le porteur du D de se jeter dans les airs en dégainant sa lame.

- LULUUUUUUUU ! hurla-t-il alors que sa lame s'approchait pour trancher les liens qui tenait la pirate prisonnière.

La rattrapant sur une épaule, une main toujours occupée par son katana, lui et sa camarade atterrirent au sol violemment faisant suite à une violente détonation qui lui perturba les sens. Il leva d'abord les yeux au ciel alors que des acouphènes gênaient encore son ouïe, découvrant ainsi que la silhouette qui menaçait la vie de sa camarade avait disparue. Disparue, jusqu'à ce qu'il baisse les yeux de nouveau et découvre le corps gisant de celui qui ne pouvait être autre que celui de la silhouette. Autrefois menaçant, l'homme blond à la barbichette semblait bien moins l'être, allongé au sol, inerte. S'approchant sans se relever, frottant le bois usé du pont principal contre ses vêtements poussiéreux, Daiki n'en revenait pas.

- Oy, oy ! Oy ! le bousculait-il en attente d'une réaction, en vain. - Il est mort, se retourna-t-il en direction de Lucina. - Il est vraiment mort.

Il s'entendait encore à peine parler, la détonation avait du faire bien du mal à ses tympans, pourtant il était sûr de parler très fort, voir d'hurler. Ses yeux se tournèrent un instant vers la blonde apeurée, sans trop pouvoir l'apercevoire. Se relevant, son regard se tourna ensuite vers Raiki.

- Raiki ? C'est toi qui a fait ça ? lui demandait-il les yeux pleins de surprise et d'incompréhension.

Le regard de Raiki semblait vide, fixé sur le cadavre du présumé pirate. Son arme était rangée dans son dos, ça ne pouvait donc pas être lui. Ses tremblements ne cessaient d'ailleurs pas, alors Daiki décida de le secouer un peu.

- Oy ! Raiki ! Va donc voir ce qui se trame dans la cabine, au bout du pont supérieur ! Raiki ! Oy Raiki !

Le roux commença alors à marmonner.

- Fuir... fuir... on ferait mieux de fuir... Daiki... fuir...

- Cet abruti... Il s'obstine à ignorer les ordres. Tch, répliqua Daiki en ignorant les marmonnements de son acolyte. - Puisque tu ne veux rien entendre, je vais y aller moi-même. S'il est mort, que ce n'est ni moi, ni toi, c'est qu'il doit bien y avoir quelqu'un d'autre sur ce navire.

Et ainsi, Daiki enjamba, marche par marche, les escaliers qui le mèneraient au pont supérieur.

- Oi ! Oi ! C'est toi l'captaine ?

Si Daiki s'adressait à quelqu'un, c'était bien à ce nouvel individu, fraîchement découvert et loin d'être frais. Lorsque Daiki et Lucina, qui le suivait de près, avaient finalement franchis la dernière marche de l'escalier les menant au pont supérieur, ils découvrirent d'abord un édifice. Tel serait le terme pour décrire ce gigantesque fauteuil qui à première vue ne pouvait être qu'autre chose. Pourtant il était bien là, un fauteuil aux dimensions démesurées, comme si une personne pouvait être assez grande pour profiter de tout son dossier. Il fallait être au moins un géant, se disait Daiki.

Mais ça, c'était avant d'apercevoir les traits de cette fameuse silhouette. Sa position était trompeuse, mais le bougre était grand, voir très grand. Daiki de sa petite taille n'imaginait pas que c'était possible et son existence même remettait en question l'existence des géants. Après tout Daiki était prêt à croire en tout, donc pourquoi pas des géants. Mais là n'était pas la question. Si cet homme, qui semblait abattu par l'alcool, était bel et bien le tireur en plus d'être le capitaine de ce navire, le bretteur et capitaine d'honneur qu'était Daiki aurait quelques mots à lui dire.

- OI ! hurla-t-il vers le bonhomme en faisant exprès de renverser quelques bouteilles vides pour créer une pollution sonore. - C'est toi qui a fait ça ?! le harcela-t-il. - Tu devrais avoir honte ! Tirer comme ça sur ton propre camarade ! Où est ton honneur ? Hein ?! s'énervait-il sans que l'inconnu n'ait eut le loisir de répliquer.

Mais Daiki se sentait un peu trop petit face au bonhomme, alors il monta sur la rambarde délimitant le pont supérieur avant de se tourner à nouveau vers l'individu au visage masqué par l'ombre qu'il se procurait lui-même. Remettant sa lame dans son fourreau en signe de bonne foi, Daiki croisa les bras, jetant un regard des plus sérieux au grand inconnu.

- Un capitaine qui tue ses camarades n'a pas l'étoffe d'un capitaine ! Alors nous allons te vaincre et emmener cette femme avec nous, dénomma-t-il la blonde d'un pouce au-dessus de son épaule. - Ainsi que toute autre personne souhaitant nous rejoindre une fois qu'on t'auras botté l'cul ! Alors ! Confesse ! Est-ce que c'est toi qui a tué ton camarade ?!

L'individu ne daigna pas même ouvrir les yeux. Pourtant, sa tête légèrement relevée indiquait bien qu'il était pleinement conscient. Sa nonchalance prouvait déjà combien il avait confiance en ses capacités, et l'on ne pouvait douter qu'il ne s'agisse que d'un orgueil mal placé. Bizarrement, le capitaine pirate dégageait une aura de danger, il inspirait l'angoisse. Il commença à répondre, jamais trop. Qu'il compare Daiki à un animal, qui plus est un chiot, ne lui fit ni chaud ni froid. Il avait connu bien  plus d'animaux qu'il n'avait connu d'hommes. Il n'y voyait là pas d'insulte, aucune.

Puis Lucina s'interposa, non sans se ridiculiser par la même occasion. Cet instant refit surgir la peur chez Daiki. Elle était tombée, les bras sur les genoux du capitaine ennemi. Elle était si proche du danger. Pourtant, ce dernier ne bougea pas le petit doigt avant qu'elle ne se soit relevée pour finalement se mettre entre lui et Daiki, les bras largement ouverts comme pour servir de bouclier.

- LU... fut-il interrompu  par l'immense pirate qui semblait croire qu'il était célèbre.

En ce qui concernait Daiki, si vous n'étiez pas dans un bouquin, c'est que vous n'étiez pas célèbre. Un point c'est tout. Evidemment, il ne connaissait pas bien le système des mises à prix, mais le découvrirait peut-être bientôt. Ceci étant, s'il survivait déjà à cet instant. Lui n'en doutait pas, mais la confiance ne faisant pas tout, le reste de l'équipage entier -ou presque- semblait être de l'avis tout à fait opposé.

Secouant la bouteille qu'il avait en main pour découvrir qu'elle était elle aussi vide, il invita avec toupet les deux intrus à aller lui chercher à boire. Daiki resta silencieux, essayant de jauger la situation, aussi tard soit-il pour le faire. À la vitesse d'un éclair, un Raiki bien pâle déboula à toute vitesse aux côtés du pirate menaçant, une bouteille toute neuve tendue en sa direction.

- Avec toutes nos excuses, marmonna-t-il. - Nous ne voulions pas... vous causer de problèmes... continua-t-il, liquéfier.

La bouteille explosa dans ses mains -celles de Raiki- et son contenu ambré arrosa aussi bien le roux que le bonhomme pour qui elle était destinée. C'était Daiki. Muni d'un caillou -il en portait souvent sur lui- le jeune capitaine pirate s'était empressé de corriger son acolyte.

- RAIKI ! LUCINA ! JE NE RIGOLE PAS ! hurla-t-il avant de rependre son souffle, pour dire plus calmement : - Je ne rigole pas, vous ne remettrez plus en question mes décisions. Je suis votre capitaine.

Puis, saisissant l'opportunité d'avoir récupéré le monopole de la parole, il détourna son regard droit dans les yeux clos du maître des lieux.

- Je m'appelle Goat D. Daiki, lui répondit-il enfin. - Je deviendrai le roi des pirates donc je ne compte pas mourir ici ! Et comme je n'aboie jamais sans mordre, je te défi en duel ! Celui qui gagne prendra ce qu'il veut de l'autre !

La poitrine de Daiki palpitait, bien plus fortement que jamais. Comme s'il sentait qu'à tout moment, sa vie pourrait prendre fin. Pourtant, il ne pouvait reculer devant rien, il se l'était interdit. Qu'importe l'obstacle, il n'y avait pas de détour possible, pas de chemin alternatif. Il n'y avait que deux fins possibles : devenir le roi des pirates ou mourir en essayant. Tel était son dévouement à son rêve. Il ne s'était pas aventuré si loin de chez lui pour y retourner la queue entre les jambes.

- Un deal est un deal, ça me va ! répliqua le futur roi des pirates lorsque le pirate balafré -pas Daiki, l'autre- décida de prendre tout ce qu'il possédait.

Malgré l'angoisse ambiante, Daiki ne pouvait faire autrement que de montrer un large sourire sur son visage. Peut-être était-il trop naïf, peut-être aimait-il le combat à outrance. Peut-être même était-il suicidaire.

Dégainant sa lame de nouveau et se plaçant droit sur la rambarde, la pointe du sabre vers le ciel, il observa longuement l'adversaire. Il avait beau être assis et parfaitement immobile, Daiki ne trouvait étrangement aucune ouverture. Tout lui semblait voué à l'échec. C'était ça, les grandes pompes de Grand Line ? Il ne se serait pas attendu à tomber contre aussi fort aussi tôt.

Ses yeux parcouraient la silhouette du bonhomme, ses bras grands ouverts, comme s'il n'avait nul besoin d'être en garde. Il avait beau être énorme, il semblait que rien ne passerait au travers de sa défense pourtant visuellement inexistante.

Face à cette impuissance, Daiki ressenti une force l'envahir. Elle lui était familière, mais il n'arrivait pas encore à y faire appel à volonté. Il en avait appris la théorie auprès du Maître mais n'avait jamais maîtrisé la pratique. Peut-être avait-il cette force mystique à son avantage. Décidant qu'il ne servait à rien de tergiverser des heures durant, Daiki ferma les yeux l'espace d'une petite seconde, pris son souffle et fonça droit devant sans se poser plus de questions.

- Prends ça ! criait-il en arrivant en face de l'adversaire alors qu'il se déchainait en un enchaînement de coups de lame rapides. Il mettait toute son âme, dans chacun des coups, et pourtant le géant esquivait chacun d'entre eux avec une précision telle qu'il semblait presque ne pas bouger.

Prenant appui sur les accoudoirs du fauteuil en cuir, le Goat se lança en arrière pour mieux repartir de plus bel en effritant au passage le bois de la rambarde. Il ne pouvait pas le laisser respirer, il devait noyer son esprit sous les coups. Tournant sur lui-même en prenant à chaque tour plus de vitesse que le précédent, il créa comme l'effet d'une tornade autour de lui, une tornade qui frapperait l'homme trois fois en un instant.

Raiki, lui, restait pour le moment immobile, tremblant, comme à son habitude.

Résumé ::

Le premier coup fut esquivé sans aucun mal, au point où la présence de Daiki ne semblait être qu'anecdotique pour son adversaire. Le second, notamment plus vigoureux, sembla presque passer dans les mailles du filet. Il la para malgré tout simplement de son bras nu.

Jusqu'au bout, le pirate au front balafré cru en cette dernière offensive. Jusqu'au bout, rien ne sembla pouvoir se mettre sur son chemin. Cette épaule lui était offerte, une réussite presque assurée.
Pourtant, une fois de plus, la déception se fit énorme. Ses yeux s'écarquillèrent dès l'instant où la pointe de sa lame frappa le verre noir sans même le fissurer. Cela ne pouvait être du verre. À moins que... Daiki avait des soupçons qu'il fallait maintenant confirmer.

Sa troisième offensive fut une humiliation. Propulsé d'un simple et pourtant puissant geste, Daiki traversa le mur de la cabine qui dominait le reste du bâtiment. Là, il ouvrirait les yeux et découvrirait les aménagements qui y étaient faits, ainsi que les fournitures sur lesquelles il avait pu atterrir. Se relevant maladroitement, observant les dégâts qu'il avait causé par sa chute, le Goat essuya -comme à son habitude- la poussière sur ses vêtements, dont le dos s'était abimé, chose face à laquelle il ne pouvait rien dans une telle situation. La lumière s'ouvrait à la pièce, libre de passer à travers un trou béant.

À travers cette lumière se dessina une silhouette, puis une seconde qui rendit tout de suite les choses plus claires.

Raiki était entre les mains de l'homme que Daiki lui-même avait identifié comme mort. Sa vie était en danger et c'était très certainement sa faute. S'il s'était assuré que le blondinet était mort, les choses n'en seraient pas là. Et puis comment pouvait-il être vivant, Daiki était si sûr de lui lorsqu'il avait acté de son décès. Qu'il lui explose le crâne ? Non, il fallait faire quelque chose. Marchant lentement vers le trou par lequel il était entré, le capitaine porteur du D s'arrêta au niveau du mur de la cabine.

- Daiki... Fait... Quelque... chose ! souffla difficilement Raiki dont les tremblements avaient cessés. Pire, il était maintenant tétanisé.

- Oi ! Toi là, fauteuil-san ! commença Daiki, sans jamais lâcher Raiki du regard.

Il voulu remettre en question le fair-play de cette action mais se retrouva frustré de devoir admettre que le combat n'avait jamais été égal. Ils étaient plusieurs, il était seul. Maintenant, son camarade, mort ou vivant, l'avait rejoint.

Il était coincé, incapable de prendre une décision qui leur serait favorable. Il ne voyait pas de solution avec laquelle Raiki s'en sortait. Il jeta un regard à Lucina, dans l'espoir qu'elle ait quelque chose. Une bombe fumigène ferait l'affaire. Il espérait que son regard insistant lui donnerait une idée, fiable. Que le temps lui paru soudainement long, lui qui s'était excité à peine une minute plus tôt.

Demander pitié, c'était la seule chose qui lui venait à l'esprit. Mais pourquoi était-ce si difficile. Non, la pitié était pour les faibles d'esprit. Il ne pouvait s'y résoudre, c'était comme contourner l'obstacle. Il remarqua enfin la blessure de l'homme qui tenait le roux en otage. Peut-être pouvait-il le battre en vitesse ?

Vite, Lucina, trouve une solution.

Résumé :