Colonelle Big Fox

- Plus fort ! Gémit la jeune femme dont la paire de seins ballotait de manière incroyablement sensuelle.

L’ange à terre sentit un nouveau coup de fouet lui arracher quelques lambeaux de peau dans son dos. Elle aurait bien aimé lui couper les mains, mais comme il avait juste tenté de voler une pomme et qu’il n’avait pas réussi, on aurait pu trouver cela trop abusif… Alors, dans son énorme magnanimité, Big Fox avait pris une décision toute tracée : elle avait décidé de lui offrir le bénéfice de quarante coups de fouet. Bien sûr, elle avait ordonné à un des guerriers Shandias de le faire, sans quoi elle menaçait à mi-mots de tuer le pauvre imbécile.

Un coup de travers vint arracher quelques plumes, et le tortionnaire, les yeux embués, marmonnait quelques « Pardon, pardon » à sa victime. Ses mains tremblaient, et il bouillonnait de rage. Il haïssait cette femme et ses méthodes. Elle punissait injustement les anges, et laissait les humains s’en tirer à meilleur compte. Bien sûr, elle réalisait son job avec brio : tenir les pirates éloignés de cet endroit.

- Allez, les gars ! Maman ne va pas faire le boulot toute seule ! Plus d’énergie !
- Ma… Madame. Le navire de l’Amiral Archer a été vu à proximité de l’île, il devrait bientôt amarrer… !
- Quoi ? Putain. C’était pas prévu, ça.

Elle jeta un coup d’œil aux deux anges qui semblaient regagner un semblant d’espoir.

- Enfermez-les tous les deux dans les geôles les plus éloignées de la base. Maintenant.

Ils furent emmenés sans état d’âme par les rares suivants de la tyran, jusqu'à la prison qui se situait assez loin de la base, une prison privée remplie d'anges civils et de rebelles, qu'elle gardait enfermé en cas de nécessité pour faire pression sur la population. A côté de cette prison étaient situées d'anciennes ruines datant d'une ère bien antérieure à celle-ci. Cependant, elle n’avait pas que des aides, et certaines personnes pourraient aller cafter la situation à l’Archer, si celui-ci décidait de les écouter. Pourtant, postée au niveau du port céleste, la jeune femme ne pourrait que sourire pleinement devant le navire qui amarrait. Qu’est-ce qu’il y avait déjà ? Ah oui, elle avait reçu un message comme quoi cet homme asseyait son autorité sur le ciel… Mais il n’allait pas la virer, hein ? Quitte à user de ses charmes, elle resterait dans son paradis personnel : c’était comme Impel Down, il y avait tout autant de cris… Et personne pour l’arrêter si elle allait trop loin.

Colonelle Big Fox
Il y avait plusieurs milliers d’anges de réunis devant la base de la marine. Pourtant, un silence de mort régnait comme si tous attendaient la délibération de celui qui avait leur vie entre les mains. Parmi les personnes qui étaient retenues prisonnières par Big Fox, la plupart était coupable de petits crimes, et s’ils avaient tous commis des délits, les gravités différaient… Et pourtant tous occupaient le même traitement, pédophiles et meurtriers comme vandales et voleurs. Car le mal existait partout.  

Big Fox avait un dossier long comme son bras. A chaque poursuite de criminel, elle affligeait une Justice bien trop violente. Elle n’était pas née comme cela, c’était le monde qui l’avait déformée. Très jeune, son île fut détruite par un contingent d’homme-bêtes migrants à cause de la destruction de leur propre maison. Sa famille compta parmi les nombreuses victimes de ces criminels, et elle abhorra à partir de ce moment-là toute forme de crimes et de criminels, quels qu’ils fussent. Il fallut quelques années avant qu’elle ne soit repérée par Chairoka, la Louve Brune, à cette époque au bas de l’échelle de l’amirauté, et que cette dernière n’influence grandement sa nomination dans les îles célestes.

C’est ainsi qu’elle devint la Colonelle en charge de la base. Ses compétences ne firent que décroître tandis qu’elle s’enlisait dans une infinie langueur. Pour elle, ce temps piégé en haut durerait l’éternité, et serait sa propre salvation. Elle pouvait cumuler inconsciemment sa vengeance contre les espèces hybrides responsables de son malheur, et abattre sa Justice. Elle eut cependant beau hurler à l’Amiral Archer sa détresse, celui-ci ne pouvait pas l’entendre, aveuglé comme tout homme par sa propre vengeance.

La petite île d’Angel Island regorgeait de secrets, certains détruits au fil des ans. En fouillant les effets personnels de la jeune femme, l’Archer pourrait la comprendre un peu mieux. La photo à moitié brûlée de ses parents, la dernière lettre de sa sœur froissée par les larmes, les avis de recherche et coupures de journaux qu’elle avait cumulé avec les âges, et enfin son avis de mutation, signé par l’Amiral en Chef Kizaru, un simple tampon, une décision fatidique.

D’autres secrets méritaient encore d’être déterrés et observé, mais en l’état Ghetis Archer avait l’attention du peuple, et en dehors des marines qui aidaient la Colonelle, les autres ne voyaient que d’un bon œil le changement de régime… Même s’ils craignaient un retour de bâton. Certains pourraient demander à être mutés ailleurs, et remplacés, puisqu’ils avaient dû obéir aux ordres de la jeune femme à certains moments et étaient donc mal vus de la population. Restait à savoir ce que le nouveau gérant des lieux en pensait.

Il n’y eut aucune clameur. Aucun applaudissement. Le peuple d’Angel Island avait observé Ghetis Archer, tantôt d’accord avec cette figure paternelle, tantôt mitigé par des propos qui étaient trop éloignés de leur réalité depuis quelques années. Les plus jeunes ne comprenaient pas un système hors de la tyrannie. Il faudrait leur apprendre, mais c’était là le rôle du Conseil, pas celui de la marine. La marine ne devait après tout pas s’immiscer dans toutes les affaires. La famine ne régnait bien sûr pas dans les lieux. Seules quelques personnes étaient concernées par le vol de nourriture, et il s’agissait plus de personnes spéciales…

Pour autant, l’adhésion du peuple à la politique générale du Kurohebi était actée, et le peuple plia un genou à terre de manière spectaculaire, comme s’ils s’étaient tous décidés à suivre leur « nouveau Dieu ». Les chefs des hameaux s’étaient quant à eux simplement penchés en direction de l’Archer, restant debout mais impliquant qu’ils respectaient la décision de l’Amiral. A vrai dire, il ne leur avait pas demandé leur avis. Il leur avait imposé ce nouveau système comme un Messie offre une révélation. Pour autant, il s’agissait d’une victoire de sa part, et nul ne pouvait lutter. Ils se contenteraient de vivre une utopie, et de reconquérir peu à peu leur liberté, sous l’œil bienveillant de Ghetis.

En observant les ruines, l’archéologue de l’Archer pourrait noter que les découvertes étaient fructueuses, même si elle prendrait du temps à tout décrypté. Elle y « apprendrait » l’existence d’un village caché sur Upper Yard. C’était un lieu qui n’était pas visible de tous, ou du moins qui selon une forme de mysticisme était masqué par une barrière étrange. S’agissait-il d’un appareil ? En réalité, le mot précis était brouilleur, plutôt que barrière. Elle serait donc amenée à pouvoir réaliser des hypothèses : s’agissait-il plutôt d’un pouvoir physique ou mental ? Y avait-il quelque chose de particulier ? En tout cas, le village caché renfermait très certainement une vérité…

Oh, oui, une lourde vérité. Parmi les documents qui n’avaient pas été détruits, quelque chose prendrait à revers la vérité qui existait depuis toujours dans le cœur des anges. Leur dieu immortel avait une apparence physique, qui n’était rien de plus qu’une vulgaire marionnette, ou plus exactement une incarnation dont la conscience était censée suivre génération après génération. Les réincarnations successives du Dieu étaient étranges, et il arrivait qu’il se trompe sur des informations qui étaient censées être immuables, faisant douter de l’existence même de cette personne.

Les Dominators, protecteurs du Dieu, ne revenaient pas de manière récurrente dans les écrits, et ressemblaient plus à des créatures immortelles plutôt qu’à des réincarnations successives. Enfin, une partie de l’histoire concernerait la désertion d’Upper Yard des îles célestes lors de l’arrivée des Gouvernementaux quelques nombreuses années auparavant. Cela mettait en avant la décrudescence de croyance dans le peuple d’Angel Island, jusqu’à un abandon partiel de la religion par certains bouts de la communauté.

Enfin, de son côté, l’Archer pourrait constater qu’en l’absence des aides de Big Fox, la troupe d’élite avait grandement dégrossie. Les personnes qui étaient jugées seraient en partie remplacées par un système de sièges musicaux des instances gouvernementales, rendant une petite partie de l’effectif que Ghetis pourrait mobiliser sur les îles célestes. Les guerriers Shandias, eux, continueraient de se mobiliser pour la défense de l’île…

Une conquête pacifique, en somme.