Le contact n’était pas encore arrivé. Lidy Olsen avait ce jour-ci mis une perruque rose. Cheveux courts aux carrés, petite tenue de combat, elle était parée à toute éventualité. Se poser sur la plage pour se déséquilibrer, utiliser son corps pour se battre, c’était devenu une seconde nature. Elle voulait en apprendre plus sur elle-même, et si elle n’en donnait pas l’impression elle passait souvent plusieurs heures par jour à s’entraîner. Avec son boulot, cela avait été drastiquement réduit mais il y avait à présent un rituel qui s’était installé. Parfois, Belladone la motivait pour qu’elles puissent travailler ensemble… Enfin, elle n’était jamais réellement seule. Des gardes du corps la gardaient tour à tour, et si elle n’en avait aucun aujourd’hui c’était parce que son contact voulait être discret.

Elle n’était donc sur Volcano Island que l’espace de quelques heures tout au plus. Ce lieu, elle y était déjà venu durant son enquête sur la Triade. Elle avait découvert Revunpaudà, un vampire qui était aussi l’un des mercenaires de cette organisation… Enfin, sur le papier, il était en réalité bien plus. Elle ne s’intéressait cependant pas au genre vampirique en ce beau jour, et ses mouvements de plus en plus précis démontraient un caractère guerrier de plus en plus prégnant.

- Encore une heure et demi… Je vais aller courir, fit elle en rabattant les cheveux roses de sa perruque avec un serre-tête.

Courant ainsi en direction de la forêt qui entourait le volcan, Lidy sauta d’arbres en arbres pendant une bonne dizaine de minutes. Elle atterrit bientôt non loin d’un rocher et observa un terrible… animal ? Serpent ? La créature qu’elle n’identifia pas immédiatement lui parut prendre peur. Elle décampa en rampant, laissant derrière elle ce qu’elle avait commencé à observer. Un panier en osier était posé au sol, entre plusieurs fourrages. Il y avait à l’intérieur un linge blanc qui saillait une petite créature. Deux bras, deux jambes, une grande tête et des appendices tout petits…

- Un bébé, marmonna-t-elle en s’approchant.

Elle n’avait dans un premier temps pas été repéré à cause de sa discrétion, mais soudain son visage apparut au môme… Qui commença tout simplement à pleurer. « Comment on fait ? ». Elle avait bien géré les filles de feu Harita, mais là c’était une toute autre façon de procéder, il était plus petit plus…

- Oh, un bébé, maugréa-t-elle.

Elle-même n’avait jamais eu à s’occuper de ses propres enfants. Ils étaient dans un endroit protégé, aujourd’hui, elle l’espérait. Après avoir accouché, elle les avait confiés à Hypnos qui les avait emmenés loin. Cette même année s’était donc soldée par la perte de Heziel, l’homme qu’elle avait aimé, de sa meilleure amie, Hypnos, et de ses enfants… Et tout cela pour les protéger de son frère, Nicolas. Cette pensée l’horrifiait.

Et pour l’instant, elle avait cependant plus urgent à faire. Elle sortit de la forêt, observa les alentours, et si elle trouvait quelqu’un elle lui tendrait le panier avec le bébé, et dirait un ton inquiet :

- Comment on fait pour le faire taire ?

Comme si c’était la chose la plus naturelle et la moins inquiétante du monde à dire à un inconnu qu’elle ne cherchait même pas à identifier.

L’iode de la mer s’était installé depuis longtemps dans les narines de la jeune femme qui ne le sentit pas alors qu’elle sortait de la forêt où l’odeur soutenue était rapidement éclipsée par l’humidité ambiante et les senteurs de forêt. Lorsqu’elle fronça pourtant le nez en émergeant, son corps réagit de lui-même, et prouva encore une fois à Lidy qu’on ne pouvait pas tout contrôler : si déjà son propre temple était un lieu qui répondait à des voies impénétrables, qu’en était-il de celui des autres ? Et surtout d’un enfant qui ne pouvait même pas s’organiser convenablement… Elle était désemparée devant celui-ci, tant et si bien qu’elle se retrouvait dans une situation fort inconfortable.

- Quoi ? L’enfant ? Ah oui, le bébé.

Elle n’avait pas compris pourquoi il l’observait et ne l’attrapait pas. La jeune femme grimaça alors, prenant le bambin dans ses bras et tentant de le bercer en lui disant un « Chuuuut » qui n’avait aucun effet. Il ne la connaissait pas. La peur était un des sentiments qu’il ressentait, elle pouvait le lire en lui. Les concepts, les pensées à cet âge n’étaient toujours pas formées et ces boules d’émotions restaient de marbre face à la logique. Le monde n’était qu’un amas incompréhensible de nouvelles informations que leurs pauvres cerveaux traitaient de la manière la plus primaire qui soit. Pourtant, Lidy comprit très aisément… Il avait « faim ». Cette créature enfantine incontrôlable était apeurée, mais avait surtout faim.

Ce serait donc pas la nourriture qu’elle conquérait son pauvre petit cœur. Une fois fait, il devrait s’arrêter de pleurer, n’est-ce pas ? Elle n’était pas certaine de cela, et l’inquiétude l’avait empêché de se concentrer jusqu’à présent sur l’homme qui se tenait debout sur la terre mousseuse qui bordait le sable de la place.

- Je l’ai trouvé dans la forêt, dans ce panier… Il a faim, je crois.

Bravo Sherlock. Elle ne se sentait pas réellement plus intelligente… Et face à cette situation, elle se trouvait en réalité bien con. Elle devait penser : qui avait déjà eu des bébés ? Beaucoup de personnes, mais le souvenir de Harita et de ses filles la hantait. Elle chercha pourtant à l’intérieur de sa tête ce qu’elle faisait quand elles étaient encore au berceau… Et constata qu’il lui faudrait trouver autre chose que donner le sein ou acheter tout en superette.

- Il faut… Quelque chose comme du lait. Le village le plus proche ? Oh… Je ne sais pas exactement ce qu’il se passe avec cet enfant, mais on va devoir s’en occuper avant de passer à autre chose.

Elle ne laissait pas le choix à Akira qui aurait le triste devoir de guider la Olsen jusqu’à un endroit où ils pourraient se fournir en aliments. Elle n’avait d’ailleurs toujours pas cherché, étrangement, à regarder à l’intérieur de cet homme. Il aurait pu être un criminel, elle n’en avait à cet instant pas la moindre idée. Les associations ne se faisaient pas, et elle était dans la délicate situation d’une personne qui, paniquée, ne réfléchissait pas. L’une de ses rares faiblesses était ainsi visible : les créatures infantiles qui lui rappelaient les propres enfants qu’elle avait laissées derrière elle.

En temps normal, cette pensée aurait obstrué son regard, cependant la présence de cette petite créature insignifiante et si importante lui consommait déjà toute l’énergie qu’elle était capable d’accorder aux autres concepts de l’univers.

- Si vous ne savez pas, je nous guiderai, mais vous devrez porter le panier, dirait-elle si Akira ne trouvait pas le chemin.

Elle s’en souvenait parfaitement, cependant avec ce gamin dans les bras, elle n’allait pas pouvoir faire quoique ce soit. Ainsi, elle le reposerait dans le panier pour le transporter.

Le garçon cornu en face d’elle était en train de bercer l’enfant, après qu’elle lui ait donné sans faire d’histoires. Il était toujours mieux dans les bras de quelqu’un qui savait réellement y faire plutôt que dans ceux d’une personne en panique et hésitant. Elle put donc respirer un coup, et regarder la personne en face d’elle avec un peu plus de clarté. Ses yeux détaillèrent pendant quelques longues secondes les traits de la personne qu’elle connaissait – ou plutôt qu’elle avait déjà vu dans les souvenirs d’autrui. Elle savait de qui il s’agissait, un Supernova primé à 115.000.000 Berrys… Akira Suzuran, surnommé Satanas Dolly.

Il possédait un Fruit du Démon de type Paramecia, comme elle, mais le sien avait un aspect offensif plus important. Elle devait prêter une attention particulière à… Le bébé, il était toujours là. La Olsen n’avait pas le temps de s’occuper de détails insignifiants alors qu’un enfant était en jeu. Ses cheveux roses et son maquillage masquaient son identité, elle n’avait donc rien à craindre. De plus, le Décret Décima n’était plus en vigueur… En cas d’extrême urgence, son rôle n’était pas d’arrêter les criminels qui se trouvaient sur son chemin, mais de trouver les infiltrés. Elle regarderait cela plus tard, quand elle aurait repris en main la situation. Pour l’instant, elle devait le considérer comme un civil quelconque.

L’enfant s’étant un peu calmé grâce à Akira, la jeune femme considéra qu’il était utile pour l’instant et qu’elle devait le garder sous le coude. Il était lui-même père… Elle ne put s’empêcher de le jalouser : il était capable de voir son enfant, ce qu’elle n’avait pas la possibilité de faire tant le monde dans lequel elle avançait était dangereux.

- On peut se tutoyer, dirait-elle avec un sourire sur les lèvres. Je m’appelle Lidy.

A quoi bon inventer un patronyme alors qu’elle ne donnait pas son nom de famille ? Des Lidy, comme des Akira, il en existait des tonnes. Seuls les noms n’étaient pas des informations aussi valables qu’on pouvait le penser. Lidy Olsen, recherchée par les Hors-la-lois pour une maudite somme inutile… Elle comptait bien ne pas la faire monter dans le futur, et si elle détruisait la Triade elle pourrait même la faire descendre.

- Des kidnappings d’enfants… Je n’étais pas venu pour cela, mais ça a le mérite d’être très simple : nous allons détruire les personnes derrière tout cela. Je refuse qu’on laisse ce type de crimes impunis.

Elle parlait en véritable justicière ? Non, en maman énervée, plutôt. Il était hors de question qu’elle donne une opportunité à cette graine de se répandre. Dans les souvenirs du bébé se trouvait le visage un peu flou de celui qu’elle devait retrouver, car même s’il n’avait pas formé complètement celui-ci de manière permanente dans sa mémoire, elle pouvait le lire en lui. Il y avait quelque chose que, calme, elle pouvait donc aisément faire : retrouver dans les multiples pensées la trace de leur cible. Pourtant, elle n’allait pas le faire ici…

- Nous devons d’abord le nourrir donc.

Ils venaient d’arriver au village qui se trouvait être assez peu fourni. Des personnes les regardaient étrangement, et semblaient réunies en petits groupes. Quand l’une d’entre elle aperçut le panier, elle courut dans leur direction avec des larmes aux yeux, s’élançant avec une force qui semblait tirer du désespoir. Elle trébucha en chemin, passant du mur de sa maison au milieu de la rue en plusieurs longues secondes. Ses yeux étaient déjà rouges d’avoir été tant déchirés de tristesse.

- Mon enfant, est-ce que c’est mon enfant ?

Lidy fronça les sourcils. Plusieurs autres personnes plus mesurées s’étaient approchées. Une douzaine de bébés de moins d’un an avaient disparu apparemment… Une douzaine de parents meurtris par la récente disparition de leurs bambins. Elle laisserait Akira gérer la mère en pleurs tout en commençant à réfléchir à un plan pour retrouver les kidnappeurs.

La possibilité de trouver des informations concluantes était maigre pour un enquêteur lorsque les témoins étaient tous impliqués émotionnellement. Lidy avait une autre méthode : elle tournait les questions vers les réponses qu’elle connaissait déjà. Obtenir des éléments décisifs dans la mémoire d’autrui n’était qu’une méthode parmi tant d’autres, et c’était l’une des plus rapides qu’elle connaissait. Ainsi, elle passa d’habitant en habitant, omettant tout à part le kidnapping. Sa lecture rapide lui permettait de passer en revue les souvenirs en rapport avec le thème, et elle conclut rapidement que les parents n’étaient pas de connivence avec les kidnappeurs.

En revanche, elle pouvait au moins identifier le schéma. La veille, une douzaine d’hommes avait pénétré le village discrètement et s’était emparé des bambins. Ils étaient arrivés de nuit, avaient pénétré dans les maisons par effraction et décampé aussi vite qu’ils étaient arrivés. Le plan simple n’avait été aperçu que par un ivrogne qui s’était endormi contre le mur de sa maison et avait discerné la scène sans s’en souvenir réellement, mais elle était inscrite dans son vécu. Lidy soupira avec un air affligé, mais elle put l’obliger à parler en tournant les questions de sorte à définir leur point de sortie : ils n’avaient pas immédiatement quitté l’île mais s’étaient enfoncé dans la forêt.

- Au moins, c’est déjà ça, dit-elle en revenant vers Akira qui avait terminé de gérer la situation dans laquelle elle l’avait laissé.

La Olsen se demanda un instant si elle devait continuer avec lui, cependant l’idée qu’il soit utile la faisait réfléchir. Elle coopérerait avec le diable pour retrouver des enfants, alors avec un jeune homme qui voulait en finir avec l’esclavagisme, cette notion barbare et inutile ? C’était une évidence. Loin de se braquer, la Directrice à la perruque rose s’approcha donc à nouveau du maître des marionnettes et lui donna l’information :

- Ils se sont enfoncés dans la forêt. Par-là, précisa-t-elle en pointant le chemin. On devrait prendre un traqueur du village avec nous, ils n’auront sûrement pas pu couvrir toutes leurs traces. Ce ne sont pas des combattants, face à des esclavagistes si nous prenons plus de personnes elles risquent de mourir.

Tout s’était fait dans un chuchotement certain. Lidy voulait que le traqueur soit sélectionné rapidement, et qu’on ne les suive pas. Akira aurait peut-être une autre idée en tête, comme emmener le plus de monde, et la Olsen s’en fichait. Elle n’était pas intéressée par la survie des villageois, s’ils rendaient sa mission moins pénible. Cependant, ce n’était pas rentable de sacrifier autant de vie pour en sauver moins, elle devait donc être magnanime.

- Je te laisserai aller devant avec le traqueur, et je couvrirai nos arrières. Ils se cachent sûrement dans une grotte ou dans une habitation abandonnée. Est-ce que tu penses qu’on pourrait les attirer en dehors pour éviter qu’ils ne prennent les enfants en otage ?

Sa réflexion était poussée au point d’imaginer ce scénario, cependant elle n’avait pas de réponse immédiate. Peut-être que le pirate aurait quelque chose à lui proposer : après tout, c’était le devoir des criminels de penser comme les criminels, et cela faisait bien longtemps qu’elle avait laissé cette étiquette derrière elle. Grommelant, la Olsen se contenta de se craquer le cou quand elle devrait aller chercher le traqueur, Panini, un homme d’une trentaine d’années qui coursait le gibier et savait repérer les signes au sol. Il serait sûrement plus en interaction avec Akira qu’avec la Olsen, celle-ci se contenterait alors de passer en revue les souvenirs et d’esquiver les pièges s’il y en avait. C’était impératif de retrouver les enfants en vie…

Intéressante idée… Si elle avait eu le temps de construire un plan plus détaillé, elle aurait même pu s’en servir pour capturer à la fois Akira et les hommes en face, cependant elle ne connaissait pas leur puissance et ne pouvait pas être sûre de gagner un combat contre un démon comme celui qui l’accompagnait. Le cornu possédait un pouvoir qui avait sûrement atteint seulement une partie de son potentiel, et s’il se montrait vicieux, nuls doutes qu’aucun ennemi sur son chemin n’aurait l’occasion de lui nuire réellement. Après avoir éludé la question du plan, ils durent donc se mettre en direction de l’endroit où allait se dérouler le sauvetage des bambins. Lidy avait pris soin de prendre un numéro à contacter pour prévenir les villageois en cas de problèmes, bien sûr : la mesure de précaution n’était jamais de trop.

Après s’être déplacés pendant une bonne demi-heure à pas légers et en suivant les traces de leurs ennemis, ils arrivèrent finalement près de leur cachette temporaire. A mesure qu’ils s’en approchaient, l’expression du traqueur s’était décomposée, et il avait serré les dents tout en sentant ses yeux s’humidifier. Il avait peur du résultat, mais le vieux Rook, un ermite qui habitait ici, n’avait pas donné de signe de vie depuis trois jours. Ça n’était pas anormal pourtant… Il n’eut pas besoin de confirmer la chose en allant directement dans la maisonnette en bois : un bosquet qui empestait la charogne dévoilait une main rigide appartenant à un vieillard. Lidy ferma les yeux, confirmant avec son Haki qu’il s’agissait bien d’un cadavre, et détourna l’attention du traqueur en lui prenant la main.

- Retourne au village et attend notre signal, lui murmura-t-elle.

Il acquiesça mécaniquement, et serra ses poings en s’éloignant le plus possible. Les fenêtres étaient lumineuses, et l’insonorisation incomplète permettait d’entendre les voix criardes des hommes. Ils dévoilaient leur plan sans se priver des détails : leur objectif était de récupérer l’enfant, ils ne savaient pas où ils l’avaient perdus dans la forêt. Ils retourneraient sûrement à la plage dans un premier temps, mais et s’il n’y était pas ? Sûrement au village. Ils n’avaient pas prévu de traîner sur l’île, alors ce ne serait pas la peine d’y faire une nouvelle descente pour un seul bambin… Pourtant, leur client avait demandé douze enfants vivants, pas onze, et ils devaient donc se résoudre à en kidnapper un autre ultimement.

- Si on les laisse partir… Ils risquent de s’en prendre aux villageois. Je peux les contacter pour qu’ils se mettent à l’abri, mais il y a des vieilles personnes qui les ralentiront… Il vaut mieux intercepter les quatre personnes discrètement là-bas.

Elle indiqua l’endroit où ils pourraient mettre en œuvre le plan. Pour la suite… Elle pensait pouvoir faire quelque chose, mais il lui faudrait quelques minutes pour cela. Elle demanda juste à Akira de ne pas tous les assommer : celui qui avait l’air d’être le leader, qu’elle désignerait, devait rester conscient. S’il ne s’en sentait pas capable, elle pourrait lui donner un coup de main.

Bientôt, quatre personnes sortiraient alors de la cabane. Lidy pourrait lire en eux sans crainte et ainsi identifier facilement les lieux, mais laisserait le travail de capture à son collègue. Sauver les enfants était la priorité, cependant. Il fallait que tout soit fait discrètement : pas de cri de terreur, sans quoi ils rameuteraient d’autres ennemis… Et cela risquait de compliquer la situation. Pourtant, elle ne pouvait pas contrôler les actions de son camarade, et s’il décidait d’y aller sans faire attention à rien d’autre…

L’intervention d’Akira était décidément très spontanée, et Lidy n’aurait pas le temps d’aller voir l’intérieur de la cabane, même si elle savait à présent où étaient les enfants grâce à sa lecture de vie. Il fallait qu’elle s’approche vivement de l’adversaire qu’elle devait garder conscient pour qu’il divulgue les informations dont elle avait besoin. S’approchant à toute vitesse de l’adversaire, ce dernier grossit son regard et s’apprêta à hurler, mais l’arrivée d’air dans sa gorge fut coupée d’un coup sec. Sans pitié, la jeune femme ramena sa paume vers elle et envoya l’adversaire par-dessus son épaule. Elle lui monta dessus et pointa un Shigan vers son cœur : il n’eut pas besoin d’explication pour savoir ce que c’était.

- Comment ?

« Comment un agent du Cipher Pol peut se trouver ici ? ». Il s’apprêtait à hurler mais se ravisa. La jeune femme était contente qu’il ne remarque pas que son Shigan était incomplet, et qu’il n’arriverait sûrement pas à pénétrer les os de l’adversaire jusqu’à son cœur. De toute évidence, l’inquiétude était trop présente pour cela.

- Dis-moi ce que tu sais : qui veut les enfants ?
- On m’a juste commandé douze enfants, je ne sais pas par qui, je sais juste la paie…

La personne en question avait donné un point de rendez-vous sur une autre île. Lidy ferma les yeux et un soupir las s’échappa d’elle. Son regard s’était inutilement durci, et elle donna un coup à l’homme qui tomba dans les pommes. Se relevant, elle vit Akira accourir, et lui sourit :

- J’ai réussi à extraire quelques informations. Il y a les onze enfants qu’on recherche ici, dans la cabane. Par contre, il y a aussi plusieurs hommes présents sur l’île.

La jeune femme à la perruque rose indiqua qu’ils étaient dispersés pour différentes raisons, mais que l’une d’elle était de faire le relais avec le client et de préparer le navire pour la livraison. Ils se trouvaient à l’ouest de l’île, pas très loin du village qu’ils avaient visités et où ils avaient découvert le drame qui se jouait dans ces lieux.

- Nous devons d’abord nous occuper des enfants, mais je doute qu’ils nous laissent faire tranquillement. Cachons ceux qu’on vient d’assommer, et tendons une embuscade aux autres.

S’il acceptait, ils traîneraient les corps des hommes endormis dans un endroit discret et pourraient s’asseoir dans la cabane. La « pouponnière » de fortune était calme, un encens brûlait pour inciter les plus jeunes au sommeil. Elle éteignit l’objet qui se consumait, de peur qu’il blesse les très jeunes humains. C’était une forme d’attention, mais un instinct la poussait à agir ainsi sans qu’elle se l’explique.

- On devrait avoir un peu de temps. Quelques minutes tout au plus. Quand ils arriveront, il faudra les empêcher d’utiliser leurs moyens de communication et ensuite on pourra détruire leur moyen de transport. Les habitants les jugeront, ou nous les livrerons quelque part, si ça te va.

Des trafiquants d’enfants méritaient la mort, mais elle ne pouvait s’y résoudre. Elle voulait assister à leur malheur et les voir souffrir.

- Tu te fourres habituellement dans ce type de situations ? Demanda-t-elle au jeune homme. Ce n’est pas la première fois que je dois m’en prendre à un trafic qui se trouve sur mon chemin, mais c’est la première fois qu’il implique des enfants, ajouta-t-elle en soupirant.

Quelques instants plus tard, les hommes qui s'étaient approchés de la cabane furent vaincus sans réel soucis. Les habitants pourraient alors venir récupérer leurs poupons, ce qui serait de toute évidence la plus belle victoire de la journée. Dans son cœur, la bleue était cependant tiraillée de voir toutes ces personnes réunies avec leur enfant. Elle ne savait pas d'où venait ce sentiment qu'un seul être semblait manquer, et que tout était à ce jour dépeuplé...