Depuis combien de temps Dovah n’était pas revenue sur cette merveilleuse île qu’était Shabondy ? Cinq mois, six peut-être ? Un temps parfaitement insignifiant comparé au reste de sa vie et pourtant, il se sentait parfaitement différent des dernières fois. Lors de son dernier passage, il n’était qu’un homme perdu, combattant de manière hasardeuse au sein de la marine et n’en faisant qu’à sa tête, refusant d’obéir à l’autorité. A l’époque, il n’aurait jamais accepté qu’on lui donne le moindre ordre, préférant agir seul. Et pourtant… en si peu de temps, il était devenu un homme différent, ayant été accepté au sein d’un équipage, un genre de seconde famille. C’est avec mélancolie qu’il observait le groove depuis le navire, repensant aux nombreuses choses qu’il avait pu faire ici : les parcs d’attractions, les nombreux commerces, la délicieuse barbe à papa, et bien plus encore.

Malgré tout, pour l’homme de grande taille, les choses étaient bien loin d’une idylle. S’il était bien plus heureux, à ce jour, qu’il y a plusieurs mois, il restait une tâche dans son viseur, une tâche de grosse taille, impossible à effacer, mais trop grosse pour qu’on puisse l’ignorer. La voir inspirait des émotions complexes chez l’homme, mitigé entre le dégoût, le mépris et, malgré tout, le respect de l’autorité.
En effet, la colonelle représentait tout ce que l’homme détestait, mais malgré ces contradictions et les nombreux conflits qu’ils ont pu tous les deux avoir sur le chemin jusqu’à l’île, il devait accepter qu’ils soient comme de la même famille désormais.

C’est justement alors qu’il comptait descendre du navire qu’il entendit la femme parler à voix haute, cherchant visiblement à se déroger d’un maximum de responsabilité afin de rendre sa vie plus simple. Comment avait-elle réussi à se hisser à ce rang ? Question bête, l’accès est simple lorsqu’on décide de se faire maudire et de devenir une arme ambulante.
Avec nonchalance et mépris, le porteur du D passa proche de la femme, se contentant d’une simple phrase.

“ - Je ne pensais pas qu’une colonelle aurait besoin de quelqu’un pour faire le travail à sa place, encore une chose dans laquelle je serais meilleur que vous.”

L’homme désirait en réalité dire bien plus de choses, mais il fallait rester un minimum respectueux. Ce genre de petites attaques étaient devenues récurrentes sur le trajet du navire, comme un concours de celui qui montrera la plus sa supériorité à l’autre.
Après avoir lâché sa petite crotte de nez, il se retournerait vers les autres, proposant également d’avoir un peu de compagnie, ne serait-ce que pour découvrir ses autres compagnons.

“ - Il y a quelques plantes utiles que je ne pourrais récupérer que sur Shabondy, quelqu’un veut venir avec moi ? Pensez cependant à ne pas laisser la colonelle toute seule, ce serait dommage qu’elle se perde.”

Comme Dovah l’avait prévu, la colonelle s’était laissé prendre par les piques envoyées, étant outré en moins de temps qu’il ne lui en faudrait pour couler au fond de la mer. Heureusement pour elle, Dorian était là pour lui servir de bouche-trou et d’esclave de manière simultanée, c’était donc ça le rêve des femmes modernes ? Dovah regretterait bien volontiers de vivre en cette période. L’homme de grande taille aurait bien répondu à ce dernier qui lui faisait la morale, mais il n’en eut pas le temps, ce dernier se faisant kidnapper par la femme. Enfin bref, il était inutile de continuer à davantage se concentrer sur elle. Le capitaine proposa à quelques-uns des autres membres de partir tous ensemble pour faire des achats, ce qui était une bonne occasion de faire davantage connaissance avec tous les membres.

Alors que tous étaient ensemble, le capitaine fit une remarque intéressante concernant les Yarukimans.

“ - Vous avez parfaitement raison capitaine, et c’est exactement ce que je comptais récupérer. Les nombreuses propriétés des Yarukimans en font le parfait outil pour mes hybridations, on peut faire tellement de choses avec que ce serait dommage de s’en passer tant que nous sommes ici.”

Après tout ça, le grand Sakuga nous demanda à tous ce que nous attendions du Nouveaux Mondes. Fabius fut le premier à répondre, répondant comme à son habitude, concentré sur ses projets scientifiques. Celui qui surprit le plus fut le colonel Logan. Il ne le connaissait pas tant que ça, mais il avait cru comprendre qu’il était dors et déjà un membre de la division scientifique, et sa réponse semblait confirmer ce doute. Ce fut finalement au tour de l’homme masqué de répondre à cette question. C’était une question particulièrement simple, mais la réponse était pourtant difficile. Que cherchait vraiment cet homme qui, jusqu’à peu encore, était dans une profonde dépression et une profonde haine ?

“ - Même si mes recherches sur les fruits du démon sont importantes, j’ai surtout envie de m’intégrer correctement à l’équipage et de vous suivre capitaine. La destination n’est pas forcément le plus important à mes yeux.”

C’était même probablement l’inverse ; lui qui était dans une pente montante concernant ses recherches, partir ainsi à l’assaut du Nouveau Monde était bien trop dangereux pour qu’un esprit sain ne prenne ce risque. Cependant, depuis qu’il avait rencontré Sakuga, la vision de l’homme avait complètement changé, arrêtant de prioriser sa propre personne pour essayer de davantage se concentrer sur l’esprit d’équipe.

Au cours des discussions, le colonel Logan posa une question à Dovah. L’homme n’aimait pas particulièrement étaler sa vie, surtout à quelqu’un qu’il ne connaissait pas encore assez, mais il ne pouvait pas simplement rejeter un collègue. Le mieux était de broder autour, de rester imprécis.

“ - Disons simplement que je trouve ça inacceptable qu’une telle puissance de frappe puisse être mise entre les mains de personnes incapable de se modérer. L’Homme est trop égoïste pour qu’on puisse se remettre à lui pour lui faire confiance sur quelque chose de si dangereux.”

Ce n’était pas tellement un mensonge, plutôt une abstraction de la réalité. Si le propos était globalement vrai, l’homme ne se serait pas lancé sur une telle guerre contre les maudits du jour au lendemain. Peut-être qu’un jour il parlerait de son expérience personnelle ? Ca ne serait pas aujourd’hui en tout cas.