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Edward Lawrence
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Sam 24 Déc - 14:38


Civilisation

Fin 1507 ~ Île des Hommes-Poissons

Les mots me hantaient.

J'sais pas comment sauver l'monde et, si j'savais, si j’l’pouvais, j'suis pas sûr qu'j'le ferais.

Leurs échos résonnant comme des requiem.

J'ai couru après l'bonheur sans prendre le temps d'savoir c'que c'est.

Odes à un désespoir latent. Tercets d’une apocalypse en suspens.

J’ai essayé d'avoir un enfant, j'ai essayé d'avoir autre chose que des regrets.

Et, inlassablement, ils continuaient de s’effondrer parmi les profondeurs.  

Quand il verra son reflet s’embraser dans mes yeux, j’comprendrais qu’il se mette à pleurer.

Abysses d’un temps révolu, gouffres d’un monde titubant.

Elle dit que tout va s’effondrer, que vous allez tous y passer si j’venais encore à déraper.

Et les fondations de son effondrement à venir.

Faut t’faire une raison, c’est le concept du temps. De notre futur imminent.

Et il gisait là. Lui, l’unique.

Un jour ils m’verront et ils mourront. En attendant, tous les autres jours, ils vivront.

Lui, l’épicentre du désespoir. A la fois rejeton de catastrophes et géniteur d’apocalypse.

Toi et moi sommes mus par les mêmes désirs. Les mêmes aspirations.

Et ses mots continuaient à me hanter.

Tu comprends, n’est-ce pas Helly ?

Comme s’il s’agissait des derniers.

Je vais finir par y mettre fin…

A ta civilisation.


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Mer 4 Jan - 21:55


L'histoire d'un mec qui coule

Fin 1507 ~ Île des Hommes-Poissons



« Wraha…! »


La carcasse se tordit et éructa quelques sons sans équivoque, qui sonneraient le glas de la quiétude qui les étreignait jusqu’alors.

«Wrahahahaha !! »


La silhouette, hilare au possible, se tortillait sous les yeux assombris de tous. Il s’amusait de cette situation qu’eux ne pouvaient qu’appréhender avec la plus grande sévérité.

« WRAHAHAHAHAHA !! »


Le contraste, fossé entre leurs personnalités respectives, ne faisait que se creuser à mesure que sa mâchoire s’étirait.

« Tiens-toi tranquille, pauvre tâche. »


Le colosse adressa un regard mauvais, mais néanmoins toujours amusé à l’être qui avait osé le reprendre sur un tel ton, soupesant sans doute l’éventualité de mettre fin à son existence sur le champ.
Mais en était-il même capable ?

« Et alors quoi… ? Qu’est-ce tu vas faire ? »


Le doute était permis, et c’était justement ce qui cristallisait cette tension qui nous subissions tous.
Momo serra alors les poings avant de s’avancer au niveau de celui qui, en dépit de leur équité présumée, semblait vouloir remettre en question ce fait. Et puis, qu’espérait-il réellement ici ? Sous la mer, les humains ne pouvaient rivaliser avec les hommes-poissons.

C’était la raison pour laquelle Momo avait pris temporairement le lead. Et le mince filin de sécurité qui maintenait encore un semblant de stabilité et de sécurité.

« Tu te complais à suivre ses ordres ? Tu auras beau continuer à brandir tes poings et faire déferler tes courants, je ne me ferais jamais briser par un toutou des mers. »

« ÇA SUFFIT ED ! »


Réagirent la plupart des cadres de l’équipage, presque à l’unisson, afin de tenter de désamorcer la situation tandis que Sasaki arrosa une nouvelle fois le maudit pour prévenir tout dérapage calorique.

« Les ordres de Lilith sont absolus : c'est notre capitaine. »

« Peu importe ce que tu penseras, diras ou feras : nous veillerons à ce que tu t’y soumettes. »


[...]


Mes yeux se plissèrent sur la silhouette désormais trempée de l’homme que certains se risquaient parfois à traiter de « pétard mouillé ». En cela, se moquaient-ils de ses desseins noyés avant même leurs accomplissements ? Ou bien de sa propension à finir trempé à chaque entreprise ambitieuse de sa part ?

Mon regard se plongea sur cet homme, avachi dans une flaque, sa chevelure gorgée d’eau, dominé par ses pairs. Ses mêmes pairs qu’il avait autrefois sous son commandement. Pour le commun des mortels, il aurait pu être comparé à un pouilleux. Une souillure, une imposture. C’était là le tableau idoine pour illustrer ce portrait.

Ce portrait qui narrait l’histoire d’un mec qui n’avait de cesse de couler.

Et c’était ainsi que nous aurions tous dû le voir, en cet instant.

Mais pourtant, je ne pouvais me résoudre à le voir ainsi.

Il ne saurait être résumé à cela.

Sinon pourquoi l’aurais-je une nouvelle fois tiré hors de ces eaux dans lesquelles il aurait dû se noyer ?

Il était d’une autre trempe, d’un autre pédigrée.

Il était comme ce moustachu qui avait conquis le monde.

[…]


Un mec qui coule, hein ?

Foutaises.

Même à dix mille mètres en dessous de la mer, il les surplombait tous.

Il n’avait pas besoin de grand-chose pour nous rappeler sa supériorité et c’était bien là sa force, son pouvoir :

Juste un battement de cil, pour tous nous dominer.

Et juste un claquement de doigt pour tous nous incinérer.


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Lun 30 Jan - 18:23


Jusqu'au dernier souffle

Fin 1507 ~ Île des Hommes-Poissons



Un frisson m’assaillit alors que l’effroi issu de ce pouvoir meurtrier se rappela une nouvelle fois à nous. Nous n’étions pas sereins, comment l’être face à cet homme dont les agissements imprévisibles semblaient le rendre insaisissable ?

Et puis, les mots sans équivoque de Lilith résonnèrent dans ma tête, comme l’écho d’une menace qui resurgissait sans cesse.

La scène avait eu lieu à peine plus tôt dans la journée et le concerné se remettait alors de son voyage dans les eaux profondes qui avaient échoué à l’envelopper pour l’éternité. Lilith se tenait face à nous, la mine plus grave que jamais. Elle avait inspecté le navire en compagnie de Sasaki, de Josh, de Céleste et de Momo avant de rendre sa conclusion. Notre navire qui, par la force des choses avait fini par s’échouer sur l’une des côtes désertes de l’île et était bien endommagé. Des réparations étaient nécessaires. Et c’était toute la menace qui planait sur nous. Chaque seconde passée ici nous rapprochait d’une crise inextricable qui pourrait bouleverser à jamais nos vies et la topographie du Royaume des Hommes-Poissons.

« Voyez ce que cet imbécile a fait de notre navire ! Dans ces conditions, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre fin à notre courte escale ici comme initialement prévue. »


« Vous savez ce que ça signifie n’est-ce pas ? »


« Notre équipage traverse sans doute l’une de ses pires crises depuis sa création. »


Un discours qui semblait revenir bien trop souvent…

« Pour certains d’entre vous, notre passage ici est synonyme de retour dans votre patrie. Mais il n’en est rien : dès l’instant où vous avez choisi de naviguer sous notre bannière, cet équipage est devenu votre nouvelle patrie, votre nouvelle identité. Vous n’êtes plus des hommes-poissons ni des sirènes, vous êtes des pirates désormais. Des Edward’s pirates ».


Le discours de Lilith me fit froid dans le dos.

Était-ce donc cela que d’être un pirate ? Était-ce vraiment le prix à payer pour pouvoir naviguer ? Pour pouvoir prétendre à notre liberté ? Renier notre identité, nos particularités, notre appartenance à notre race. Notre sang.

J’eus un rictus sarcastique, ironique.

En cela, en quoi n’étions-nous pas semblables à ceux que nous méprisions tous ? Ces maudits qui avaient eu la vanité et la cupidité de croire qu’il leur suffisait de sacrifier leur capacité à nager pour obtenir le pouvoir de combler leur infériorité raciale et qui inondaient malgré tout, les mers que nous étions supposés dominer ?

C’était pathétique. Comme pouvait l’être la nature humaine. Et comme l’était chacune de leurs civilisations.

« Ainsi donc, comme nous, vous n’êtes plus les bienvenus ici : nous sommes en plein territoire ennemi. Et pour la plupart, vos visages sont connus et recherchés par cet ennemi. Il est donc impératif que nous passions inaperçus ici : nous ne pouvons pas lutter contre Kyo Kara et son armada ni contre les élites de vos congénères qui défendent le pays à leurs côtés. »


« Vous resterez donc ici, à l’abri des regards et j’irais seule récupérer de quoi remettre à flot le bateau… »


« Mais Lilith, on est chez nous ici et on connait parfaitement les lieux. L’un de nous devrait donc t’accompagner… »


« SILENCE ! »


« Bien que vous soyez des pirates, votre sang d’hommes poissons continue à s’écouler dans vos veines jusque dans votre cœur, au sein duquel cet endroit aura toujours une place particulière. »


« C’est pourquoi je vous ordonne de rester ici afin de protéger votre pays et vos frères ! Votre mission est d’endiguer la plus grande menace envers ce qui vous est cher… »


« Edward Lawrence. »


« Vous devez l’empêcher d’agir à sa guise. Et par tous les moyens nécessaires, vous le cloisonnerez ici et veillerez à ce qu’il ne puisse pas se battre. Car s’il en venait à devoir combattre sérieusement, à être acculé ou pire, à être vaincu, vous savez comme moi ce qu’il adviendrait de votre cher royaume… »


[…]

Oui, ses mots me hantaient.

Ses intentions brulantes consumaient mes certitudes, faisant tanguer mes propres aspirations. Il n’attendait que ça, au fond.

Une excuse ou une raison.

Une inextinguible mèche qui viendrait l’embraser.

Et qui, dès lors, sonnerait notre glas à tous.

L’instant où il ferait éclater notre bulle.


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Mar 4 Avr - 21:15


Ne m'appelle plus pirate

Fin 1507 ~ Île des Hommes-Poissons



« Allez tiens-toi tranquille Ed, et pas d’histoire en attendant le retour de Lilith. Ce sont les ordres qu’elle nous a laissé. »

« Les… ordres… ? »


Sa voix s’éleva lourdement, comme enquise d’une certaine hésitation. Comme si les mots qu’il prononçait ne trouvaient pas le moindre sens en son sein et qu’il les régurgitait tels quels.

Son regard se perdit sur le fanion supposé initialement être le sien, qui s’agitait sur un navire supposé être initialement le sien.

Mais le vent avait tourné et de l’eau avait coulé sur le pont. Et au final, sa vie de pirate était-elle encore celle qu’il s’était imaginé ?

Un profond soupire se déroba de lui, comme pour évacuer au loin toutes les idées saugrenues qui lui étaient insufflées.

« Non, ça n’a pas de sens. »


Répondit-il simplement, avec tout le calme du monde.

« Ce bateau ne fait plus l’affaire, je m’en vais m’en trouver un autre… »


Il tourna les talons et une voix se haussa dans son dos, marquant son évidente opposition à ce nouveau caprice imprévisible.

« Je t’ai dit que tu n’iras nulle part ! Ne nous oblige pas à intervenir Ed ! »

« … »


Il marqua un arrêt et son regard se crispa de contrariété face à ce refus qui lui était imposé. Quelques secondes durant, il demeura stoïque, comme s’il soupesait les différentes options dont il supposait disposer, comme s’il éludait la possibilité de se soustraire à ses nouvelles entraves.

Enfin, il expia un profond soupire, comme s’il s’était finalement résolu à accepter la situation telle qu’elle était.

« Ne m’appelle plus pirate. »


Souffla-t-il.

« Hein ? »

« Ne m’appelez plus pirate !! »


Confirma-t-il sur un ton puissant après s’être tourné vers nous, nous toisant de son regard impérieux.
Que voulait-il dire par là ? Ou voulait-il en venir ?

« Suivre les ordres de cette prétendue capitaine reviens à renier ce qui fait de moi un pirate. »


Compléta-t-il sous nos regards incrédules mais néanmoins soumis à cette insatiable logique : il était déraisonnablement complexe de soumettre son autorité à cet homme qui ne perdait aucune occasion de vouloir s’y dérober. Une attitude qui ne manqua pas de m’arracher un sourire puisqu’il faisait écho à ce à quoi je songeais plus tôt. Qu’est-ce qui faisait de nous des pirates, concrètement ?

« Et vous, dites-moi, quand avez-vous cessé d’être des pirates ? Quand avez-vous renoncé à vos rêves et vos ambitions ? »


La courte pause qu’il marqua ne fut guère interrompue, alors il poursuivit.

« Oy ! »


« Sasaki ! Helly ! Josh ! Momo ! Marorn ! Céleste ! O’Karaï ! Midas ! »


« Ouvrez les yeux !! »


« Ce navire… ne pourra pas nous emmener dans la nouvelle ère ! »


L’espace d’un instant, nous demeurâmes interdits face à son constat empli de sagacité et nous fûmes comme ankylosés par le poids de ses mots. Nos regards se portèrent ainsi vers la structure boisée qui nous avait porté jusque-là. Il venait d’essuyer une certaine déconvenue et en portait encore les stigmates, mais ses balafres marquaient-elles pour autant la fin du voyage ?

Je chassai l’idée saugrenue d’une quelconque attache à ce qui n’était qu’un navire qui n’avait rien de particulier. Non, c’était plutôt… plutôt que logistiquement parlant, il ne me semblait pas judicieux de le délaisser dans un lieu où les options de remplacement étaient limitées.

Mes yeux s’attardèrent sur notre étendard avant de glisser sur le pont alors que je me remémorais quelques souvenirs échus à son bord.

Non, définitivement, ce n’était qu’un navire foncièrement banal, comme on en trouvait tant. Rien de plus qu’un moyen de locomotion flottant, destiné à nous transporter d’un point A à un point B sur les mers. Il n’y avait donc pas de raison de nous sentir troublés à l’évocation d’un éventuel abandon… N’est-ce pas ?
Momo fut le premier à réussir à s’en détacher émotionnellement.

« Sous prétexte qu’il est endommagé, tu voudrais que nous abandonnions le navire ?  Il n’en est pas question ! Il s’est imprégné progressivement des souvenirs de chacun et tu voudrais nous en séparer ?! Ouais, il en est en vraiment hors de question ! »


« Un navire incapable d’encaisser des petites turbulences dans ce genre n’a aucune chance de pouvoir nous porter au-delà des tumultes qui façonnent le Nouveau Monde. Ce rafiot n’y a pas sa place. »


« Des petites turbulences ? Tu appelles ça des petites turbulences ?! Tu as failli couler le bateau avec tes conneries !! Quand comprendras-tu que tu ne peux pas exploser à tout va sur un bateau ?! »


« Sois lucide, Momo ! Tu te crois où ?! On entre dans le Nouveau Monde ! Sur cet océan, nous devons défendre nos vies, en tout instant. Et puis quoi ?! Les navires sont notre champ de bataille, c’est ce qui fait qui nous sommes des pirates. »


« Il ne s’agit pas d’être ou ne pas être un pirate… C’est de bois dont il s’agit, Ed ! Et le bois ça crame et ça s’effrite sous la puissance de tes explosions ! Tu resteras un obstacle à l’intégrité de notre navire tant que tu ne renonceras pas à tes lubies ! »


« J’aspire à surplomber le sommet. Et pour ce navire, ce sont des ambitions trop lourdes à supporter, il n’est plus assez solide pour me soutenir. Il est devenu trop petit pour moi. »


« Nous allons le réparer et nous t’y enchainerons de force, pour t’empêcher de t’y déchainer. Et la seule chose qui est trop petite, c’est ton humilité. »


Deux veines s’instiguèrent sur son faciès.

« Je ne renoncerais pas à être un pirate, ni à être libre. »


La pression s’intensifia d’un coup, comme si l’air avait été comprimé par une force invisible. Et d’un coup, l’ombre de cet homme qui jusqu’alors m’avait paru bien contenue par rapport à ce navire qu’il méprisait, sembla se projeter jusqu’à tous nous surplomber. Comme pour nous rappeler qu’il était effectivement le plus grand de nous tous.

« Je suis un pirate, ce que je veux, je le prends. Et ce que je ne veux pas… je le renvoie au néant. »


Et puis, le sol se fissura sous la pression devenue insoutenable alors que des halos écarlates, presque électriques, dansaient aux alentours. C’était comme l’environnement se soumettait face à son roi et essuyait son courroux. Et lorsque le souverain fusilla du regard l’objet de son mépris, des craquements sinistres retentirent sous nos regards médusés : la coque du navire s’était mise à se fendre.

Ce ne fut que quelques instants plus tard, lorsque la tension se dissipa que nous pûmes nous libérer de notre torpeur. Mes yeux glissèrent en direction de Momo qui gisait toujours sur ses genoux, tremblotant légèrement et qui semblait mesurer l’étendue de son impuissance.

Et puis, comme un symbole, ce fut au tour du point culminant de quitter son piédestal alors que son support boisé venait lui aussi de rompre. Et le tissu noir flotta quelques temps avant d’atteindre le sol alors vers le sol sous nos regards interdits.

Le Jolly Roger des Edward’s Pirates.

Son père spirituel lui accorda un dernier regard avant de s’en détourner et de s’éloigner de ceux qui jadis étaient ses compagnons d’infortune.

Il ne s’attarda pas à nous adresser le moindre mot, comme s’il considérait qu’une ultime attention à notre égard ne saurait constituer que de sottes futilités.

Un sourire s’esquissa sur mes doux traits alors que j’estimais avoir deviné ses intentions véritables. Des supputations bientôt confirmées par la première victime de ses machinations, un Sasaki aussi hilare qu’envouté.

« SASASASASA… ! Ce Haki… Edward "King" Lawrence, hein… ? »


Oui, il n’avait pas besoin de davantage de mots pour nous rallier à sa cause.

Après tout, il était celui qui m’avait offert ma liberté.


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