Ardalion | Ambrose Galene | Pragma | Ganot |
« Et vous êtes certains qu'aucun parasite ne demeure dans son corps ?
— Si l'on s'en tient à ce qu'il a dit, oui. ».
Les sourcils de la jeune femme se froncèrent sous l'égide de l'inquiétude, ses paumes demeurées sur la silhouette de Pragma, hissée sur ses genoux. Son regard se détourna un instant du dévoreur des ruines pour aviser l'homme-poisson à ses côtés, son épaule frôlant les courbes boisées de la chaise où elle siégeait.
« Qu'en penses-tu Ardialion ? Tu es resté le plus longtemps avec ce... Yzis, c'est bien ça ? Penses-tu que l'on peut s'en tenir à ses paroles ?, demanda-t-elle alors qu'elle le vit hocher la tête.
— Une marine était atteinte du même mal et je n'ai vu aucune différence de traitement. Qui plus est... elle semblait s'être attachée à Pragma. Ils n'avaient aucune raison de penser que nous leur étions opposés ; là-dessus, je pense que l'on peut leur faire confiance. ».
Shura déglutit, finement, avant de reporter son attention sur le petit être face à elle, inconscient à son propre mal. Il l'observait avec l'ignorance et la naïveté des simples d'esprits qui peinaient à comprendre pourquoi tant d'agitation trônait autour d'eux. Les doigts de la maudite remontèrent de ses côtes à son visage pour mieux l'encadrer de leur chaleur, attentive au moindre détail qui pourrait trahir un malaise ou une douleur : mais il n'y en avait aucun.
Un soupir s'échappa de ses lèvres, proche du soulagement que sa méfiance avait relégué au second plan depuis leur retour. Ses bras entourèrent ce petit être en une étreinte courte, mais lourde de sens avant de le laisser retrouver le confort des lames de bois de leur navire.
« Et cette Yodit Al Hamwiyah ? Que penses-tu de sa proposition ? ».
Un sourire gêné déforma la bouche de l'homme-orque.
« Je voudrais accepter. Elle est outrageusement inspirante et savante ; mais au moindre coup d'éclat dans la révolution...
— Je sais. Ne t'en fais pas... nous en avons déjà parlé. Tu n'es pas un guerrier, Ardalion. Tu as toute ma bénédiction. Je devrais peut-être l'appeler pour... ».
Shura s'arrêta dans ses propres paroles, éprise d'un soupir. Elle était soulagée de les savoir en vie, immunisé à tout danger. Son regard s'arrêta sur son Escargophone, pesant le pour et le contre – mais la voix d'Ambrose vint la tirer de ses pensées.
« Vous devriez rencontrer Ganot., sussura-t-il en glissant une œillade par-dessus son épaule, en direction de la porte de la cabine qui, étrangement, s'était mise à grincer depuis leur entrée. À ses mots, un léger choc pouvait être entendu à l'extérieur.
— Est-ce le jeune garçon que vous avez ramené avec vous ? J'ai pu rencontrer Roulette, mais... je ne l'ai pas encore vu. »
Ambrose hocha la tête. « Il a été d'une grande aide.
— Fais-le entrer. »
Un sourire narquois fleurit sur le visage du blond lorsqu'il détourna ses pas vers la porte. Sa main enserra finement la poignée pour la faire rouler entre ses doigts, dévoilant la silhouette de l'intéressé qui manqua de tomber lorsque son appui lui fut ôté. Il était évident qu'il avait écouté attentivement aux portes de son côté, entre impatience et gêne : mais Ambrose lui fit signe de les rejoindre comme si de rien était.
« ...Ce n'est qu'un enfant., murmura-t-elle, hantée l'espace d'un instant par le souvenir d'Obi et Bad Lulu. Ganot, c'est cela ? Enchantée.
— Enchanté !
— Comment t'es-tu retrouvé à Holiday Island ? Était-ce pour le concours d'art ?
— Oui ! Je voulais m'en servir pour faire entendre mes arguments mais... emh. Enfin, vous savez. Il a été... annulé.
— Ambrose m'a dit que tu avais été approché par un certain Marciorze Nosferatus. Pourquoi as-tu rejoint la révolution ?
— Pour Shiki M. Eiki ! »
Les iris de la jeune femme s'écarquillèrent légèrement. « Le commandant de l'Inquisition ?
— C'est lui ! J'ai entendu parler de lui à Alabasta et...
— Alabasta ? »
Le garçon fit une moue, incertain. « Oui... ehm. C'est, enfin. C'est là que je suis né. »
Ce fut au tour du regard de la maudite de se parer des reliures de l'intérêt et de l'excitation, un sourire fleurissant sur son visage tandis qu'elle avançait légèrement son corps vers l'avant, ses coudes rejoignant l'aube de ses genoux. Son changement d'attitude parut rassurer Ganot, comprenant qu'elle n'éprouvait aucune haine envers leur peuple – bien au contraire.
« Vraiment ? Quand l'as-tu quittée ? Cela fait si longtemps que je n'y suis pas allée. »
Les yeux du garçon pétillèrent lorsqu'il se rapprocha à grand pas de la blonde, ses poings relevés devant lui par l'enthousiasme. « Est-ce que vous êtes déjà allée à Alubarna ?! »
Un rire féminin remplit la cabine du bateau, rapidement suivi par les contes d'une jeune âme avide d'attention et de reconnaissance.
***Shura observa Ganot de loin, à travers l'encadrement de la porte laissée ouverte, tandis qu'il vagabondait aux côtés d'Ambrose pour mieux découvrir leur embarcation, un air tendre et amusé peint sur son visage.
« Peux-tu me rendre un service, Ardalion ?, demanda-t-elle sans se détourner de leur spectacle de vie.
— Bien sûr.
— Éloignez-le de toutes les missions dangereuses lorsque je suis absente. Il n'a que 14 ans. Je refuse qu'il participe à quoi que ce soit qui pourrait mettre sa vie en danger. Même s'il est mis au fait de l'une d'elle en écoutant nos discussions. »
Si le ton de sa voix s'était endurci au fil de ses paroles, l'homme-poisson ne le pris pas pour lui ; ce n'était-là que le signe de son inquiétude. « Entendu.
— Merci. »
Elle se redressa en laissant s'échapper un maigre souffle, travaillée par l'agitation de son esprit. Son regard se détacha de son nouveau compagnon pour mieux observer les détails des écrits laissés sur son bureau. Elle avisa Ardalion, enfin.
« Tu m'avais parlé de Nestorius. Que lui est-il arrivé ?
— Fais prisonnier par Yzis Archer. Je n'en sais pas plus ; nous ne sommes montés sur leur navire que le temps que Pragma reçoive ses soins.
— Archer..., elle soupira. Être arrêté par un homme lié à celui qui avait ravagé l'île de Kaiten-Su, dont il visait justement à faire renaître les idéaux. Une partie de moi se dit que ce n'est pas plus mal. Son extrémisme devenait dangereux. Trop. Diffemment d'Azwelle, et pourtant...
— Qu'est-ce que vous pensez que signifie pour les survivants de son mouvement ? »
Shura observa de nouveau les objets dispersés sur le meuble boisé, vraisemblablement en pleine réflexion ; puis, enfin, elle empoigna un morceau de papier où était inscrit un numéro.
« Nous avons peut-être un coup à jouer., murmura-t-elle. La jeune femme jeta un regard à Ardalion. Ferme la porte derrière toi et fais en sorte que personne ne rentre. Et que Ganot ne fasse pas traîner ses oreilles. »
L'intéressé acquiesça – et quelques secondes plus tard, lorsque le son d'une porte claquée fut le seul écho qui lui parvint dans le silence de sa cabine, elle décrocha le disque de son Escargophone.
« Shura Emberys. J'aimerais m'entretenir avec la personne en charge de votre mouvement après l'arrestation de Marciozre Nestorius. »