Grey Johns, 73 millions de berrys, et Capitaine de division Skretch.

L'attaque de Skretch avait à la fois été effective et efficiente : il avait touché au but. Dans un premier temps, le capitaine pirate avait été sonné et projeté contre la rambarde contre laquelle il s'était lourdement cogné tout en étant désarmé. Dans un second temps, c'était la zoan éveillée elle-même qui avait été catapultée droit dans l'océan. A cause de sa taille supérieure à celle du pirate, elle n'avait pas su conserver son équilibre et s'était donc échouée en pleine mer, quelques mètres plus bas... Le constat était donc nettement plus positif qu'auparavant puisque les révolutionnaires avaient dès à présent la possibilité de prendre les choses en main et de récupérer le plein contrôle de la situation. Pour ce faire, il restait toutefois à mettre la dernière primée hors course tout en empêchant Johns de revenir à la charge... En gardant à l'esprit que Rei ne pourrait de surcroît pas revenir parmi eux de ses propres moyens. Ainsi, souhaitant prendre les devants, le capitaine de division hurla un simple mot qu'Amssilia, qui combattait toujours avec véhémence, comprit et appliqua sans plus attendre.

-Changement !

La jeune femme se détourna momentanément de Melissa, qui sembla a priori abasourdie par un tel changement de comportement avait de se ressaisir. La révolutionnaire lui tournait désormais le dos : c'était une opportunité en or pour la défaire et la mettre hors course avant de venger l'affront dont son frère venait tout juste d'être victime. Malheureusement, si la combattante avait aussi brutalement tourné le dos à son adversaire, c'était principalement parce qu'elle avait une confiance aveugle en Skretch... Et que cette confiance était justifiée. Le poing fourmillant d'éclairs, celui-ci usa ses dernières forces pour se projeter droit vers la pirate lorsque celle-ci s'y attendait le moins. Un sourire impertinent sur les lèvres, il la regarda prendre peur et tenter de s'écarter en bondissant en arrière tout en lui envoyant un coup d'épée horizontale. Grossière erreur... Sans plus attendre, le révolutionnaire interposa sa main encore en bon état, grommelant de douleur dans un premier temps : la lame s'était enfoncée dans sa main avant d'être bloquée par ses os et les zones plus solides de son gant. D'un coup d'un seul, l'éclair accumulé se déchargea dans le katana de Melissa et la percuta de plein fouet, l'étourdissant et la poussant à tomber à genoux. Sans plus attendre, le capitaine de division plaça son majeur et son index face aux deux yeux de la demoiselle et projeta simplement deux petites offensives, qui allèrent directement titiller son cerveau. Les dommages occasionnés n'allaient pas être mortels, mais clairement suffisants pour la mettre hors jeu un bon moment... L'épéiste s'effondra inconsciente et incapable de prolonger l'affrontement.

De l'autre côté, Amssilia ne s'était en aucun cas inquiétée de la brève lutte opposant son adversaire et son ami : elle s'était au contraire précipité sur Johns tandis que ce dernier, hébété, commençait à se redresser en se rendant compte du danger qu'il encourrait. Il n'eut malheureusement pas le temps et la réactivité nécessaire pour se protéger : il était encore affaibli lorsque le poing de la révolutionnaire le percuta en plein menton, l'accompagnant tandis qu'il se courbait en arrière avant d'être envoyé par dessus bord. La jeune femme l'y poursuivit d'ailleurs, profitant de la chute pour lui destiner un second coup, en plein abdomen, avant de faire son entrée dans l'eau glacée.

Elle ne perdit dès lors pas l'ombre d'une seconde : d'une nage habile et vive, elle s'enfonça dans les eaux de Grand Line pour récupérer Rei avant de remonter et d'attraper le Grey au passage, lequel était désormais inconscient et vaincu. Lorsqu'elle émergea à la surface, elle remarqua immédiatement une corde qui tombait le long de la coque du navire pirate. A son extrémité, en haut, c'était Skretch qui l'accueillit avec un simple pouce levé. La mission avait été menée à bien, puisque tous les forbans étaient hors course... Même si les trois révolutionnaires avaient bien failli endurer un cuisant échec.

-Bien joué. Laissez les pirates ici. Ils finiront par se réveiller, et auront sûrement compris le message...

Eta s'était rapprochée du navire après avoir constaté de ses propres yeux et depuis les cieux la victoire de ses trois petits protégés. Assez fière, elle se contenta pourtant de s'approcher de l'embarcation au maximum, pour permettre aux combattants valeureux de monter sur elle avant de se mettre en chemin. Il fallait désormais retourner sur Kaiten-Sû pour porter la nouvelle à Jonas et aux autres... Dans l'état des choses, c'était en tout cas une brillante réussite. Les pirates allaient avoir besoin de temps pour s'en remettre pleinement, surtout Melissa que Skretch avait touché encore bien plus durement et frontalement que les autres gradés de l'équipage... Ce qui risquait fortement de les pousser à revoir leurs ambitions à la baisse. Un équipage aussi faible et peu préparé ne pouvait pas se lancer à l'assaut d'une forteresse de première envergure telle que Kaiten-Sû : cela aurait de toute manière été un échec cuisant pour eux.

Skretch et Amssilia.

Le début du trajet retour s'était plutôt bien amorcé. Les trois révolutionnaires en herbe pouvaient profiter d'une brise maritime et d'un repos bien mérité après ces combats d'une rare violence, et Amssilia mit à profit ce bref instant pour commencer à bander la blessure la plus importante de Skretch, consciente que c'était tout de même plus ou moins à cause de son imprudence qu'il avait été forcé d'encaisser cette offensive-là. Lorsque Rei s'éveilla en sursaut, la pauvre révolutionnaire tressaillit et appuya malencontreusement sur la longue estafilade de son camarade, qui renchérit dans les hurlements avant de larmoyer, plaintif. Tandis que le pauvre homme malmené continuait à se plaindre dans son coin, la jeune femme se tourna en direction de sa nouvelle amie et lui offrit un sourire rassurée, heureuse de la voir à nouveau éveillée, consciente et capable de se maîtriser. L'envoyer à nouveau dans l'eau n'aurait pas été très compliqué ici, sur le dos de Noémie, mais il valait mieux se ménager suite aux efforts déployés sur le navire pirate... Ainsi, elle fut heureuse de pouvoir entamer un brin de discussion, lequel fit passer leur trajet encore plus promptement.

-Oui, nous avons gagné. Tu as pu faire diversion un petit moment en t'acharnant sur leur capitaine, et Skretch en a profité pour faire pencher les choses en notre faveur... Ils risquent de s'en souvenir quelques temps.

Ainsi, l'objectif avait été rondement mené et ils ne leur restaient plus qu'à déposer un rapport, qui serait rapidement étayé par la commandante elle-même. D'ailleurs, lorsqu'ils furent enfin à Kaiten-Sû, Amssilia et Skretch ne tardèrent pas à partir en direction de l'infirmerie, saluant poliment les deux autres demoiselles et espérant qu'ils ne tarderaient pas trop à se revoir. Ce combat avait été haletant et âpre mais il leur avait surtout permis d'avoir une idée plus ou moins précise du potentiel de destruction de la zoan : elle pouvait devenir promptement un élément capital de la Révolution de Grand Line si elle obéissait aux ordres et qu'elle s'en donnait les moyens. Jonas avait toujours un besoin colossal de soldats doués et déterminés, et cette ancienne hors-la-loi semblait en faire partie... C'était typiquement le genre de recrues qu'il leur fallait pour continuer à tenir les marines à l'écart.
Les deux maudites parvinrent quant à elle bien rapidement au bureau de Jonas : la présence de Noémie leur ouvrait absolument toutes les portes. Elles entrèrent donc bientôt dans la petite salle pour y découvrir Jonas qui, accoudé à la fenêtre ouverte, tenait un petit den den au creux de sa main et l'écoutait patiemment. Les bruits qui en émanaient étaient bien trop faibles pour que quiconque d'autre puisse les entendre, et quelques hommes attendaient patiemment et calmement dans la salle, manifestement en attente d'un verdict. Si la discussion entre Rei et sa louve attirèrent quelques regards, le commandant de l'île ne tarda guère à reprendre les choses bien en main, d'un simple raclement de gorge. Il retourna s'asseoir à son bureau après avoir raccroché et déposa son regard sur Noémie.

-Tu me feras ton rapport un peu plus tard. Pour l'instant, j'ai à voir avec elle.

Il avait désigné Rei d'un simple mouvement de la tête, certes nonchalant, mais pas nécessairement impoli. Il comprenait l'anxiété de l'ancienne criminelle et voulait l'aider à sa manière : après tout, elle avait décidé de rejoindre son mouvement et avait sans doute contribué à la défaite des Grey, si elle était ici accompagné de la mythique... Cette dernière hocha tranquillement la tête et se mit posément en retrait, patiente, tandis que le maître des lieux rabattait toute son attention sur l'autre maudite. Il croisa les bras d'un air sérieux et consciencieux, puis renchérit sans aucune transition, considérant que la situation était bien assez urgente pour piétiner les règles élémentaires de politesse.

-J'ai un agent double sur place, dont l'identité est inconnue. Il est catégorique : Paradise est perdue. Les marines ont envoyé une armada gigantesque pour la reprendre... Je ne sais pas si ça a à voir avec Tao, mais ils avaient l'air plutôt inquisiteurs. Je vais devoir retirer une bonne part de mes espions sur South Blue : j'en ai perdu deux, en une heure.

Le gigantesque coup de filet orchestré par le nouveau vice-amiral était d'autant plus préoccupant qu'il n'avait pas hésité à déclencher un assaut massif sur une île pourtant véreuse jusqu'aux entrailles. Ils avaient ainsi dû déployer de très larges moyens pour mettre en oeuvre ces innombrables arrestations, mais force était d'admettre que cela s'était avéré constructif et fortement rentable : selon les dernières nouvelles, même une mercenaire habituellement affilié à Konan avait été placée derrière les barreaux. Le total des primes mises en sécurité devaient presque flirter avec les 300 millions, selon les nouvelles très incomplètes dont jouissait le Kichiko... Un exploit aberrant pour les forces de la marine, dont le Gouvernement Mondial allait se targuer un bon moment. Et pourquoi s'en priver ? Ils venaient de montrer au Monde entier qu'ils étaient eux aussi capables d'annihiler leurs ennemis d'un coup d'un seul... Après Baltigo, Chairoka semblait vouloir réitérer les offensives surprises. Elles portaient leurs fruits, après tout... Cela ne pouvait que le pousser à redoubler de prudence et de vigilance : leurs ennemis étaient partout. Il devait à tout prix renforcer les gardes afin d'empêcher une telle offensive d'avoir lieu ici, à Kaiten-Sû. Dans le cas contraire, leur chute risquait fort de signer la fin de la Révolution de Grand Line... Et pour un bon moment.

-Noémie ici présente peut vous y amener en quelques dizaines de minutes seulement... Mais c'est tout. Je n'autoriserai pas à un seul révolutionnaire de mettre sa vie en jeu pour une île déjà perdue. Les forces gouvernementales sur place sont trop conséquentes. A vrai dire, je vous conseille même de ne pas faire le trajet... Vous seriez sûrement déçue.

Il était abrupt et sincère, mais c'était bien là son devoir. S'il laissait la jeune femme se faire des idées de reconquêtes, elle risquait très fort de s'en mordre les doigts d'un instant à l'autre. Or, comme elle avait certainement réussie son combat sur le navire des Grey, même s'il attendait d'en savoir plus pour en être absolument convaincu, il préférait éviter qu'elle ne se sacrifie pour rien...

Kichiko Jonas, chef de Kaiten-Su.

Rei acceptait de se montrer raisonnable, et décidait d'abandonner Paradise sans chercher à la combattre bec et ongles à l'hégémonie de la marine de South Blue. C'était une bonne nouvelle, et une preuve de sang froid de la part de la demoiselle : même Jonas n'aurait probablement pas pu récupérer l'île tant que de si nombreux et si compétents éléments du Gouvernement Mondial y demeuraient. Un seul vice-amiral était déjà une menace écrasante, alors plusieurs d'entre eux, cela tenait presque plus du suicide que de l'opération commando... Sans compter les incontournables représailles qui n'auraient pas manquées de se manifester si les Révolutionnaires avaient réussi à vaincre toute cette clique de valeureux soldats : Chairoka n'aurait pas pu laisser passer un tel affront. Son armée était encore la plus étendue et la plus compétente du Monde : il fallait qu'elle s'impose et qu'elle ne laisse personne lui contester cet atout. Il en allait après tout de sa crédibilité, et tous ses ennemis auraient largement profité de la situation si elle avait montré seulement un signe de faiblesse... Dans tous les cas, la maudite du loup semblait considérer que son ancien partenaire, le criminel Ren Tao, était la raison de la venue des troupes de la justice. Nettement plus sceptique à ce sujet, voyant mal comment un type à la renommée certes croissante mais encore fébrile pouvait pousser le Gouvernement Mondial à user de tels stratagèmes et d'une armée aussi dense pour s'occuper de son cas, le Kichiko préféra nuancer plus globalement la situation et faire part à la Mitsuyori de ses véritables craintes.

-Je doute que Tao y soit pour grand chose, pour le coup. M'est avis que le vice-amiral Borderline, nouveau régent de South Blue pour le compte de la marine, veut engager un véritable bras de fer avec les criminels locaux pour enfin pacifier son océan... Si c'est le cas, toutes les îles seront visitées par de gigantesques effectifs. Et, malheureusement, les autres océans ne manqueront pas de suivre...

Même s'il ne portait pas forcément Dog ou Eken dans son cœur, ces deux cadors de la nouvelle Révolution basaient tous les deux leurs opérations sur l'une des Seas : le rouquin était sur North Blue tandis que le blondinet évoluait sur West. Problème : si l'intuition de Jonas se révélait véridique, alors les deux hommes avaient de quoi s'inquiéter... Puisqu'ils risquaient tôt ou tard d'être pris pour cibles. Cependant, le Kichiko n'entendait pas leur prêter main forte pour autant : s'ils se retrouvaient aux prises avec la marine, cela signifiait qu'eux, sur Kaiten-Sû, auraient droit à un peu plus de répit salvateur pour achever la reconstruction de leurs défenses et l'entraînement de leurs diverses recrues. Chairoka ne pouvait pas se risquer de se lancer dans des guerres ouvertes avec tous les mouvements criminels et révolutionnaires du Monde à une époque où les Decimas n'attendaient qu'une opportunité pour agir : cela aurait mobilisé bien trop de ressources humaines, et ce pour des résultats plus qu'incertains. Après tout, la Révolution avait déjà prouvé maintes et maintes fois, notamment sur Baltigo, qu'elle était toujours capable de surprendre et d'infliger de lourds dégâts, même dans les moments les plus désespérés... Cependant, tout cela ne se basait pour l'heure que sur de vagues suppositions : restait à savoir si, effectivement, Borderline entendait nettoyer toutes les îles de South Blue une par une ou si, en finalité, il ne s'était pris à l'archipel que de manière très ciblée et très chirurgicale. L'un dans l'autre, leur posture ne différerait pas de masse, pour l'heure : ils allaient rester sur Kaiten-Sû et attendre les prochains mouvements de leurs ennemis, afin de les analyser et de les décortiquer précieusement.

Par la suite, Rei demanda simplement à Jonas de l'aider à devenir plus forte, pour éviter d'être un fardeau et pour avoir enfin le rôle de bouclier qu'elle semblait tant espérer obtenir. S'il se gratta le menton d'un air pensif pendant quelques secondes, l'air de se demander comment mettre à profit ses compétences particulières sublimées par son fruit du démon de type zoan carnivore, il ne tarda guère à prendre la parole, toujours aussi calme et sérieux à la fois.

-Commencez par vous reposer. Vous n'arriverez à rien dans la précipitation, et surtout pas dans cet état d'exténuation. Retournez à l'entrée du Quartier Général : j'ai fait préparer un appartement vide pour vous, en ville. Amelia vous y guidera, et vous pourrez vous y reposer selon votre bon vouloir. Quant vous serez prête, vous pourrez revenir ici. Tous les bâtiments vous seront ouverts, salle d'entraînement y compris. Oh, et ne vous faites pas trop de mouron pour les habitants de Paradise. La marine a engagé une répression sanglante et brutale, c'est vrai... Mais elle ne vise que les criminels. Aux dernières nouvelles, les pertes civils étaient dérisoires et avaient majoritairement été causées par les hors-la-loi eux-mêmes.

On ne pouvait pas reprocher aux vices-amiraux leur professionnalisme, en tout cas : ils avaient pris un certain nombre de précautions pour écarter et protéger les citoyens, mis-à-part l'un d'entre eux...