La remise des titres de lieutenant qui gratifiait non plus quatre mais trois membres de la marine avait pris une tournure que l’on aurait pu qualifier d’intéressante. Un vieillard complétement à la masse avait été érigé en maître de cérémonie sans réellement comprendre où il était et préférait faire des séjours répétés aux toilettes plutôt que d’assurer son rôle. Le véritable chargé de remise était arrivé, avait décoré l’une des recrues mais s’était ensuite déroulé un combat entre la toute jeune lieutenante et la recrue qui après sa défaite fut reléguer au rang de garde sur Tequila Wolf. La cérémonie avait alors pu reprendre son cours, mais sans la lieutenante Toupex qui était partie s’occuper du même vieillard qui avait su animé plus ou moins, surtout moins, bien la cérémonie. Celui-ci avait fini par quitter le devant de la scène suite à un nouveau quiproquo où il pensait retrouver son épouse pour convoler en juste noce. Il avait laissé ainsi la verte et son mentor de la salle de cérémonie dorénavant vide, les deux s’étaient regardé et avait explosé de rire. Ce fut alors le moment choisi par une jeune mousse pour faire irruption dans la salle et notifié au duo que la réception avait débutée dans le salon jouxtant la salle où se trouvait les principaux protagonistes. Le grand chauve, mentor de la Toupex se tourna vers elle en souriant, il semblait passablement fatigué, ce que confirmèrent ses paroles.
 

 Ma petite fleur, je suis désolé de ne pouvoir resté plus longtemps à tes côtés mais je suis tout simplement exténué. La course pour trouver un cadeau au vieux Gratz m’a mis sur les rotules. Profites bien de la réception et nous nous reverrons bientôt.  

 
L’imposant marin disparut alors derrière une porte et Kanäe le suivit quelques minutes plus tard, non pas pour le retrouver mais tout simplement pour rejoindre sa chambre dans le but de changer de robe avant la réception. Elle avait porté cette grande robe noire durant toute la journée, s’était battu dedans, avait couru dedans et avait même fait un peu de jardinage dedans… il était grand temps de lui dire au revoir.
 
La jeune femme précisa encore au mousse avant de disparaitre qu’elle allait se rafraichir et qu’elle reviendrait à la réception dans une petite demi-heure. Elle rejoignit sa chambre et, retrouvant son intimité, se dépêcha d’ôter sa robe ainsi que tous les autres vêtements qu’elle pouvait porter pour se ruer sous sa douche. L’eau chaude la détendait, lui permettant ainsi d’oublier toutes les péripéties de la journée. La nouvellement gradée profita de ce temps de calme et de repos pendant une bonne vingtaine de minute et fredonnant des chansons de son enfance sous le flot ininterrompu de l’eau, lui offrant alors un accompagnement naturel plus que sympathique. Fut néanmoins venu le temps de retrouver « le monde réel » et de retourner au premier étage où se tenait en ce moment même la cérémonie. Elle décida de la jouer beaucoup plus sobre sur l’habillement et passa un kimono noir assez élégant qu’elle compléta avec un petit montage capillaire composé d’une baguette et de quelques fleurs. Le passage le moins agréable, et elle ne le cachait pas, était de remettre ses chaussures à talon, la jeune femme avait pour habitude d’évoluer à plat, et pour être plus précis, elle aimait particulièrement déambuler pieds nus. Elle se dit malgré tout que cela était relativement malvenu pour une personne mise à l’honneur au cours d’une cérémonie rassemblant un grand nombre de gradé. A ce propos, elle avait entendu le mousse dire que nouvel invité était arrivé, un homme assez haut gradé et qui attirait l’œil de l’amirauté par ses prouesses constantes. La verte espérait le rencontrer sans savoir de qui il s’agissait : il était important de se construire un réseau au sein de la marine.
 
Rapidement, la mouette se retrouva devant la porte de la salle de bal qui fut ouverte par les gardes devant elle. En pénétrant dans la salle, de nombreux regards se tournèrent vers elle, non pas qu’elle était époustouflante, mais tout simplement du fait qu’elle avait été annoncée. Les personnes présentes étaient là pour elle, et deux autres, il était donc normal qu’elle soit la cible de nombreuses attentions. S’en suivit alors une longue période de poignée de main et de compliment, rond de jambe à n’en plus finir, en somme : tout ce qu’elle pouvait détester.
 
Elle passa une demi-heure à faire des mondanités avant de trouver place au bar installé pour l’occasion. A cet instant, elle en venait presque à regretter les moments où elle s’occupait du vieux Nils. Elle fut tirée de ses songes par le barman qui vint lui demander ce qu’elle désirait boire. Elle prit quelques secondes pour réfléchir avant de demander une coupe de champagne. Elle ne buvait jamais d’alcool mais pour l’occasion elle pouvait bien se permettre un petit écart.
 
Son verre lui fut apporté et la chasseresse verte se perdit en pensé dans les bulles de sa boisson, sans toucher à ce verre. La soirée allait bientôt débutée.
 
 

 
Après seulement de gorgée du breuvage à bulles et quelques plusieurs dizaines de pensées sur les mois, les missions et les personnes qu’elle avait pu voir passer durant ces derniers mois, la fraichement promu fut félicitée par un homme aux cheveux blancs qu’elle ne connaissait pas. L’homme en question était assez intriguant, physiquement il n’avait rien de bien exceptionnel sauf peut-être sa couleur de cheveux, mais il y avait quelque chose en lui qui intéressait la verte. Mais quoiqu’il en soit, elle ne le connaissait pas et n’était pas de nature assez sociable pour engager une conversation si facilement.
 

Je vous remercie !

 
La réponse était assez concise et relativement froide mais il fallait dire que notre mouette était toujours plongée dans ses pensées. Elle arrivait aujourd’hui à une nouvelle étape dans sa vie et repensait à tous ceux qu’elle avait connu, ceux qui étaient aujourd’hui disparus ou seulement absents aujourd’hui. Elle commençait doucement à déprimer et ce n’était pas une bonne chose en ce jour festif. Toute à coup, comme une corde la tirant hors de l’eau, l’inconnu aux cheveux blancs reprit la parole pour engager la conversation avec la verte. Elle s’agrippa alors à cette corde pour sortir de ses pensées noires, en profitant de l’occasion pour siffler le reste de sa coupe d’une traite : il fallait y aller, la soirée devait se lancer.
 

Oh, mon mentor était trop fatigué pour m’accompagner donc je suis venue seule. Et les mondanités n’ont jamais vraiment été mon fort donc me voilà seule au bar.

 
Elle souriait légèrement, autant pour faire plaisir à son interlocuteur que pour exprimer sa gratitude à celui qui le sauvait de sa solitude de soirée. Mais d’ailleurs, il se questionnait et la questionnait sur la solitude apparente de la Toupex, mais il n’était pas plus accompagné. Et s’il avait pu la voir durant la cérémonie et savait pourquoi elle était ici, elle n’en savait rien à son propos. Etait-il un gradé ou simplement une personne d’influence à Armageddon Town ou île voisine. Elle reprit donc la parole pour continuer la conversation.
 

Et vous ? Vous n’êtes pas accompagné non plus ? Et d’ailleurs, dites-moi tout, pourquoi êtes-vous dans cette grande base ?

 
Elle reprit une seconde coupe de champagne alors qu’elle venait seulement de poser sa question au Nowaki, elle comptait bien profiter de sa soirée et l’alcool pouvait aider, l’alcool et sa nouvelle connaissance. Elle se rendit rapidement compte qu’elle ne s’était même pas présentée. Elle se tourna donc vers son camarade de conversation d’un air presque charmeur.
 


 

Excusez-moi, je ne me suis pas présentée. Kanäe Toupex, recrue… heu lieutenante de la marine. Excusez-moi, je n’ai pas encore l’habitude de mon nouveau grade, je suis restée recrue si longtemps… Enfin, vous savez sans doute ce que c’est.  

 
Première perche tendu pour avoir non seulement l’identité de l’homme mais aussi pour connaitre le métier de ce dernier, elle ne se doutait alors pas qu’il était Contre-Amiral et encore moins quelle soirée elle allait vivre avec celui-ci. Les choses avançaient, et la deuxième coupe de champagne était d’ores et déjà à moitié vide.
 

 
Il s’était présenté, cet inconnu aux cheveux blancs n’était pas n’importe qui en fin de compte et il s’agissait bien d’un membre de la marine, un haut gradé qui plus est : un Contre-Amiral. Taito se retrouvait donc ici par simple curiosité plus que par obligation et c’était assez agréable à savoir pour l’héroïne de cette soirée, enfin quelqu’un qui ne faisait pas semblant de se plaire au milieu des mondanités, quelqu’un qui n’accomplissait pas une obligation en se présentant ici mais qui venait seulement « voir ce qui pouvait se passer ». De plus, il n’était pas froid ou vantard, au contraire, il avait dans un premier temps féliciter les faits passés de la jeune femme sans réellement les connaitre mais estimant qu’ils étaient suffisant pour lui permettre d’atteindre ce grade. Le sourire fut rendu alors qu’il parlait d’une époque qui devait être passé depuis un certain temps pour lui : l’époque où il n’avait été qu’une recrue. Et alors qu’il offrait un nouveau conseil à son interlocutrice, celle-ci décida de l’appliquer à la lettre : elle allait tenir le cap, en commençant par cette soirée et ainsi elle termina sa troisième coupe.
 
Déjà le plus haut gradé en commandait une nouvelle pour la Toupex ainsi que pour lui, il était différent de certains gradés qui ne regardaient même pas les moins gradés qu’eux. Enfin, quoiqu’il en soit il demandait alors à la jeune verte si celle-ci avait des projets ou autres interrogations stipulant alors qu’il répondrait et qu’il ne fallait pas tenir compte de la différence hiérarchique entre les deux protagonistes.
 

Je vous remercie de votre gentillesse et de votre proximité Taito. Vous permettez que je vous appelle ainsi si vous ne voulez pas que j’utilise « Contre-Amiral » ?

 
Elle n’attendit pas réellement de réponse pour continuer, après tout il lui avait posé une question et il était largement temps d’y répondre : avait-elle des projets ?
 

Des projets hein ?

 
Un sourire très large apparu alors sur le visage de la chasseresse verte qui en vint presque à rire. Il n’y avait rien de bien drôle mais apparemment l’alcool commençait à faire son effet et le projet de la verte était incroyablement ambitieux ou fou, en fonction des points de vue.
 

Je n’ai qu’un véritable projet : la paix dans le monde. Je veux protéger la vie des civils partout sur ces mers et je ne serai capable de parvenir à ce résultat que si j’atteins le poste d’Amiral, ou à tout le moins de Vice-Amiral. Je sais bien que c‘est ambitieux mais personne ne doit voir tous ses proches mourir sans pouvoir rien y faire. Ah et si je peux retrouver un certain pirate et lui avaler sa fierté en même temps que son dernier souffle de vie… Je ne m’en priverai pas.   

 
Elle prit une nouvelle gorgée de ce breuvage alcoolisé qui la tenait depuis quelques instants maintenant, elle était encore loin de son seuil que l’on appelle habituellement « le verre de trop » et profitait de plus en plus de la soirée. Non pas par la dance ou les mondanités comme beaucoup d’autres présents ici mais bien en discutant avec le Nowaki. Elle lui glissa donc une nouvelle question sur ses ambitions à lui.
 

Et vous ? De quoi peut bien rêver un Contre-Amiral si ce n’est de devenir Vice-Amiral ? Et pourquoi être devenu un membre de la marine ?

 
Il s’agissait d’une question récurrente de la lieutenante lorsqu’elle croisait une nouvelle tête gouvernementale, elle aimait entendre les réponses à cette question et ce à trois titres. Elle trouvait que cela en disait long sur la personnalité de ses interlocuteurs, elle jaugeait leur détermination et intelligence et dans une mesure plus inconsciente, elle affirmait ses propres certitudes sur cette même question. De temps à autre, il était bon d’être conforter dans les choix de vie que l’on pouvait faire. Elle avait choisi la marine et aurait aussi bien pu choisir la révolution : ces idéaux n’étaient pas étrangers ni à l’un, ni à l’autre.  Elle attendait alors la réponse de cet homme, ce haut-gradé énigmatique qui soulevait tant de question en elle. Par ailleurs, l’herboriste s’en permit une nouvelle.
 

Et dites-moi, quelle est votre spécialité ?

 

 
Le Nowaki avait sobrement répondu aux explications de la verte par un simple « je vois ». Il fallait dire que la réponse de la chasseresse était assez banale à peine plus pertinente que celle d’une candidate mannequin au cours du discours personnel d’un concours de beauté. A la question : « quel est votre plus grand rêve ? », celles-ci répondent toujours la paix dans le monde, donc grosso modo Kanäe n’avait fait que rajouter le volet vengeance à son intervention et l’interlocuteur de la verte avait sans doute capté la nuance. Mais fut venu le temps d’écouter l’histoire de ce dernier. Il semblait mener une lutte sans merci à la corruption au sein de la marine, ce qui était une cause noble et, avant tout, primordial. D’ailleurs, il devait s’agir d’un véritable fléau car elle avait déjà entendu son mentor parler de ce sujet. Mais quoiqu’il en soit, le Contre-Amiral voyait une réalité que la lieutenante n’avait fait qu’effleurer au cours de ces missions, une réalité difficile : certains hommes bafouent la liberté et la paix au nom d’autres notions qu’ils défendaient. Il ne l’avait pas dit clairement mais Kanäe avait pu voir ça alors comment ne l’aurait-il pas vu.
 
Puis il aborda la question relative à son arrivée dans la marine et sa réponse fut innovante pour la mouette. Kanäe avait beaucoup entendu de versions différentes mais jamais celle-ci, Taito Nowaki avait rejoint la marine par gratitude : quel engagement. Il n’était pas réellement venu par envie et avait pourtant su trouver la motivation pour monter les échelons jusqu’à devenir Contre-Amiral. Il avait réussi en l’honneur de quelqu’un ou de sa mémoire s’il n’était plus.
 
Enfin vint la question de la spécialité et ce fut plus qu’intéressant car il avait une spécialité très atypique et probablement assez rare car la Toupex n’en avait jamais rencontré d’autres auparavant. L’homme était donc un ingénieur en arme et se battait avec celle-ci, en somme, il faisait comme la promue et se défendait à l’aide de ses propres inventions. Il retourna donc la question à son interlocutrice qui fut heureuse de lui répondre après avoir fini sa troisième et commander sa quatrième coupe.
 

Moi ? Je suis spécialiste des poisons et je me bats avec mes créations. Je suis une utilisatrice du style du serpent. Je ne sais pas si vous connaissez, en gros je coupe des morceaux utiles pour bouger.

 
« Des morceaux utiles pour bouger « ???? Puis elle se mit à rire, apparemment l’alcool commençait réellement à faire effet et cela n’allait pas en retombant car déjà la nouvelle coupe arrivait devant elle. La combattante ne buvait jamais et avait donc une résistance à l’alcool proche de zéro et un comportement littéralement opposé à celui qu’elle a à titre habituel. Elle prit un verre plein qui trainait à proximité et le tendit à son compagnon de la soirée.
 

Allez-y Taito ! Amuses toi ! Heu amusez-vous !  

 
Elle commençait à mélanger les « vous » et les « tu » n’ayant même plus de notion de tutoiement et vouvoiement : les choses s’avéraient donc sympathique et une idée de personne en début d’état alcoolique vint alors en tête à notre héroïne.
 

Eh mais j’ai une super idée ! Bon vu que je gère les poisons, je me sers de plante et tout à l’heure je suis allée dans le jardin avec Nils donc je connais. Je suis herboriste et botaniste donc venez je vais te montrer le jardin !  

 
Kanäe n’attendit même pas la réponse de Taito et se mit à courir à travers la salle vers la grande porte et en passant cette dernière, elle décida d’abandonner un accessoire inutile : ses chaussures. Elle lança donc ses talons en ricanant de plus belle, d’ailleurs en observant bien, elle avait volé une bouteille de champagne avant de quitter les lieux. La suite s’annonçait bien !
 
 

 
La verte avait été bloquée dans son élan de gaieté par un Taito bien trop sérieux, limite ennuyant mais il la laissa quand même aller jusqu’au jardin sans ses chaussures. De plus, il n’avait pas jeté la bouteille mais l’avait bien gardé avec lui : un gage de bonne volonté pour l’avenir ? En tous les cas, la verte ne retrouva pas le chemin du jardin du premier coup mais s’y reprit en plusieurs fois pour trouver le bon chemin. Sobre, elle n’avait un bon sens de l’orientation qu’en forêt mais alors en état alcoolique moyen, elle en avait encore moins. Elle ne se rendait qu’à peine compte qu’elle empruntait plusieurs fois les mêmes chemins et en passant pour la troisième fois devant la porte de l’infirmerie, elle se retourna vers le Nowaki.
 

Il y a beaucoup d’infirmerie dans cette base non ? Je pensais pas qu’il y en avait besoin d’autant, du coup je sais que les jardins ne sont pas loin d’une infirmerie mais laquelle ? Je ne sais plus !  

 
Alors effectivement, les souvenirs de la verte étaient corrects, il y avait bien une infirmerie proche des jardins et il s’agissait bien d’une des trois qu’avait pu rencontrer la verte, enfin il s’agissait de la seule et unique infirmerie qu’elle avait rencontré trois fois. Rageant de passer tant de fois à côté de sa destination sans pour autant parvenir à la trouver mais la lieutenante ne s’en rendait pas compte donc elle ne rageait pas. Après plus de quinze minutes de voyage dans les couloirs de la base, l’herboriste finit enfin par trouver le chemin tant attendu : elle se retrouvait enfin dans les jardins ! Elle avait pris un peu d’avance sur le Contre-Amiral et s’empara rapidement des racines d’une plante bien connu de la verte, plante qu’elle utilisait notamment dans certains de ses poisons. Il s’agissait d’une plante qui avait pour caractéristiques d’entrainer l’inhibition du système nerveux et à l’état brut en si petite quantité, cela détendrait clairement le plus coincé du groupe. Mais il fallait encore lui faire manger le dit produit végétal et pour ce faire, la jeune femme devrait probablement aussi en prendre, mais sur elle ça ne changera rien de son état actuel. Elle prit donc place près de la fontaine et attendit l’arrivée de son acolyte : elle avait une solution.
 
D’ailleurs Taito venait de rejoindre les lieux avec la bouteille dans les mains et surtout son incompétence en matière de botanique. Kanäe sortit alors de ses atours deux gobelets qu’elle avait volés, enfin emprunté, en même temps que la bouteille et les plongea dans l’eau fraiche de la fontaine. Elle incorpora dans chacun des verres une petite quantité de la plante précédemment ramassée et tendit un gobelet à son camarade.
 

J’ai mis de la Diguaë Platina dans nos verres. Il s’agit d’une plante aux effets très intéressants, elle permet de dissiper les effets de l’alcool. Je pense que cela nous fera le plus grand bien avant de pouvoir apprécier les magnificences de ce jardin.  

 
Alors de deux choses l’une, Kanäe avait bien sûr mentit sur les effets de la plante qui faisait plus ou moins l’inverse de l’effet annoncé mais elle avait aussi inventé le nom de la plante. Quelle petite maligne cette Kanäe lorsqu’elle était pompette, mais la soirée ne faisait que commencer et le pire était à venir et les effets de la plante ferait bientôt effet sur les gouvernementaux, enfin si Taito le prenait car déjà Kanäe siffla l’intégralité du verre, l’autre toujours tendu vers le gradé.
 
 

 
Il avait pris et vider le gobelet sans une once d’hésitation et pour ne pas s’arrêter là, il avait vidé l’intégralité de la bouteille, seul. En principe, la plante prenait quelques minutes pour agir mais la descente de tant d’alcool juste après l’avoir ingurgité accélérait grandement le processus et ainsi, Taito fut encore plus fortement et rapidement saoul que Kanäe. Celle-ci commençait même à se faire tripoter la main par le Contre-Amiral qui était tout gêné et qui vint rapidement lui demander s’il y avait autre chose à voir dans le jardin. La plante ne faisant pas encore effet, et se retrouvant dans son milieu de prédilection, l’herboriste eut comme un second souffle et fit quelques pas dans le jardin. Elle s’arrêta nette devant une plante violette magnifique.
 

Vous voyez cette plante, il s’agit d’une fleur que l’on trouve partout dans ce monde, une plante qui peut pousser facilement sur tout type de terre et qui résiste très bien aux changements de climat. D’un point de vue botanique, elle n’a aucun intérêt pour la recherche selon beaucoup de spécialiste mais s’ils savaient à quel point il se trompe. C’est merveilleux ! Une plante qui pousse partout, la plus sociable des végétaux si je puis dire. Il s’agit d’une merveilleuse source d’étude car grâce à elle, on pourrait être capable de trouver des solutions pour les plantes les plus fragiles, les renforcer grâce aux codes génétiques d’autres plantes comme celle-ci. Imaginez cette plante comme un humain : il se sentirait chez lui partout. Ça serait tellement merveilleux, car en réalité, où sommes-nous chez nous ? Moi… je ne peux plus répondre à cette question. Et j’aimerais être cette plante.   

 
Kanäe marqua un temps de pause et reprit ses explications végétales.  Ce soir, au milieu des plantes et avec les effets légers pour l’heure de l’alcool, elle se sentait mélancolique.
 

Près de la caserne où j’ai vécu si longtemps à Marijoa se trouve un grand parc botanique où se trouvent des espèces rares et fragiles… Je serais plus l’une d’entre elles. Et vous, quel genre de plante seriez-vous ?  

 
Il n’était absolument pas certain que le Contre-Amiral puisse répondre mais en tous les cas, la plante commençait à faire effet sur la verte qui n’attendit aucune réponse pour renchérir.
 

Au pire… On s’en fou !

 
La plante agissait enfin de façon pleine et efficace et sous l’impulsion fantasque de la plante et de l’alcool, Kanäe remonta légèrement le bas de son kimono noir et se mit à danser debout dans la fontaine. Sa réputation ne risquait rien, personne n’était dans le jardin sauf les deux mouettes et personne ne viendrait ici à une telle heure tardive : ils étaient libres ! Libre de se détendre, de profiter, de danser, chanter, tomber, dormir … tout simplement libre. Notre danseuse aquatique continuait sa folle danse et invitait le blanc à la rejoindre. Les deux n’étaient plus frais du tout.  C’était le début de la fin car des idées folles germaient dans la tête de l’éméchée.
 
 

 
Quel rabat-joie ce Contre-Amiral ! Alors que la jeune danseuse aquatique s’amusait temps à tournoyer dans la fontaine, celui-ci proposait plutôt d’arrêter et probablement bientôt d’aller se coucher. Mais ce que disait sa bouche, même son propre corps n’en tenait pas compte et bientôt il en venait à venir rejoindre la verte dans sa danse. D’ailleurs, alcoolisé ou pas, il ne dansait pas si mal et tenait plutôt bien le rythme imposé par la meneuse, car oui, Kanäe semblait bel et bien mener la danse. La situation aurait été ambigüe pour beaucoup de personne, et en temps normal, pour l’herboriste aussi, mais là ce n’était pas le cas : elle s’amusait beaucoup trop pour s’occuper des convenances, des limites homme-femme ou encore de sa réputation. Puis alors que la jeune femme semblait partie pour la nuit, le gradé proposé justement de sortir de la scène aquatique pour aller dormir mais alors qu’il allait attraper Kanäe pour la sortir de la fontaine, il glissa en entrainant l’éméchée dans sa chute. Ils finirent tous deux dans l’eau mais les réactions étaient bien différentes. Alors que l’homme était gêné de cette soudaine proximité avec la gente féminine, la dite femme, elle, riait aux éclats sans même écouter les excuses de son partenaire d’amusement. Il s’était relevé de suite alors que la verte se roulait dans l’eau en riant, elle n’était réellement pas dans le même état d’esprit que le blanc. Celui-ci lui tendait d’ailleurs la main pour l’aider à la relever mais lorsque que la rieuse vit l’expression crispée sur le visage de son chevalier servant, elle repartit dans une nouvelle crise de rire. Elle finit néanmoins par se relever, seule, à l’aide des bords de la fontaine et se fit à elle-même un constat lourd de sens :
 

Mince mon Kimono est trempé.  

 
Et alors que le Nowaki proposait de rejoindre chacun ses quartiers, celui-ci pu voir passer dans son champ de vision un kimono noir suivie quelques secondes plus tard d’une jeune femme courant vers le complexe militaire en sous-vêtements noirs également. Le plus comique dans la scène restait néanmoins l’attitude de la jeune femme qui courait mais d’une façon très spéciale : en mode furtif. C’est-à-dire qu’elle courait dans une position penchée/accroupie et se déplaçait dans les couloirs du complexe sur la pointe des pieds. Se retournant de temps sans même regarder s’il était toujours là pour s’adresser à son acolyte.
 

C’est bon Taito, la voie est libre ! Viens ! Euh venez !  

 
Elle étudiait chaque couloir avant de s’y aventurer pour ne pas être vue en sous-vêtement par toute la base, encore moins le jour de sa promotion : malgré son état, elle gardait le sens des priorités ! Mais toute personne normalement constituée aurait pu remarquer que Kanäe ne prenait pas du tout la direction de la chambre qu’elle occupait, et en passant devant l’infirmerie, elle y pénétra et vola une blouse pour se couvrir. Un premier problème de réglé mais un autre pointait le bout de son nez. Elle se mit donc à s’adresser à son partenaire, toujours sans être persuadée de sa présence.
 

Je ne sais pas toi, mais j’ai faim et soif.

 
Sans attendre, elle repartit en courant, pieds nus, habillée d’une simple blouse d’infirmière et de ce qu'il y avait en dessous, dans les couloirs de la base et ne s’arrêta que quelques minutes plus tard en pénétrant dans une nouvelle salle où figurait une indication simple sur la porte : « Reserve ». Il s’agissait bien de la réserve de nourriture et de boisson !
 

C’est la fête !

 
Les effets de la plante étaient maintenant totaux chez la verte et le lézard ne devait pas être plus vaillant à l’heure actuelle. D’ailleurs,  avant même que celui-ci ne la rejoigne dans la salle, s’il la suivait encore, elle avait ouvert et descendu la moitié d’une bouteille de vin blanc tout en engouffrant plusieurs poires dans sa bouche. Le résultat était assez pitoyable en réalité.
 
Nous n’étions plus très loin de l’apothéose.
 
 

 
Le Contre-Amiral avait fini par rejoindre la moins gradé et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’était ni bavard, ni sobre, ni gêné et encore moins drôle. Il était arrivé sans dire un mot avant de terminer la bouteille sans même en proposer une goutte à sa comparse, sans même lui en laisser quelques-unes ! Et non, Monsieur Nowaki avait tout fini pour son petit plaisir : pas drôle ! Puis il se permit encore pire, un véritable dépouillage en règle, il venait de voler une poire dans les mains de la jeune femme. Alors certes, elle avait précédemment volé  ce fruit dans la réserve sans demander de permission à personne mais lui, ce gradé, alors qu’il y avait tout ce qu’il fallait dans la pièce, se permettait de dérober une poire : pas gêné ! Puis tout à coup, la jeune femme remarqua ensuite qu’il détournait clairement les yeux d’elle sans même ajouter un mot : pas bavard. Bon quant au constat sur sa sobriété, il n’était plus à apporter, la plante avait fait effet et depuis le haut gradé avait largement bu et était donc dans un état relativement et alcooliquement avancé.
 
La verte se tourna enfin vers lui en prenant une mine tantôt bougonne tantôt amusée, il semblait qu’elle avait encore une idée lumineuse, mais celle-ci fut coupé dans son élan par Taito lui annonçant qu’il fallait rentrer et qu’à défait elle pourrait avoir des ennuis. Elle voulut répondre que les ennuis étaient sa spécialité et qu’elle savait gérer. Après tout c’est vrai qu’elle en avait connu une paie depuis son départ de Noréa et le massacre de sa famille. Mais sans vraiment comprendre comment et sans avoir été consultée avant, l’homme chargea la Toupex sur son épaule et commença à marcher dans les couloirs. La verte aurait pu se débattre ou au contraire rire mais non, une idée d’alcoolique lui traversait encore une fois la tête, il était venu le temps de l’apothéose : le temps du plus beau jeu d’acteur saoul que l’on pouvait rêver de voir dans une vie. La verte se mit donc à parler relativement fort, pour ne pas dire crier dans les couloirs de la base.
 

Oh lala ! Contre-Amiral je ne vous savais pas si entreprenant ! J’espère que vous ne me ferez pas de mal ! Déjà que vous avez volé ma poire ! Une si belle poire bien mûre et juteuse ! Dépêchez-vous, je commence à avoir froid, après tout je ne suis qu’en petite tenue.

 
Certains avaient l’alcool joyeux, d’autres tristes, d’autres méchants mais dans le cas de Kanäe, pour sa première cuite et qui sera probablement la seule de sa vie, elle eut l’alcool très con ! Oui, crier la situation dans laquelle elle se trouvait dans les couloirs ne lui apporterait sinon des ennuis, à elle et à son transporteur mais ça ce n’était qu’un détail dans l’état dans lesquelles elle se trouvait. Mais bon que voulez-vous, l’alcool a ses raisons que la raison ignore. Et c’est ainsi assez rapidement que le duo arriva dans la chambre du blanc avec une verte qui racontait toujours sa vie de façon lourde et grossière jusqu’à enfin être balancée sur le lit du Nowaki. Ils ne s’étaient pas fait prendre, ils s’étaient plutôt bien amusé et ça n’avait pas dérapé, enfin…
 
La mouette se leva et se précipita vers les toilettes de la chambre pour vomir tout ce qu’elle pouvait avoir dans le ventre, et plus encore probablement. Elle retourna ensuite se vautrer sur le lit à plat ventre et regardant celui qui lui avait souhaité bonne nuit quelques minutes auparavant. Il semblait dormir tranquillement et son acolyte bourrée en profitait pour détailler toutes les marques qui pouvaient figurer sur son torse. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y en avait un certain nombre, apparemment il n’avait pas volé son titre et son grade. C’est ainsi en ne comptant pas les moutons mais les cicatrices de l’homme que lieutenante Toupex ferma les yeux sur cette journée qu’elle n’imaginait pas comme ça. Une journée à courir après un vieux malade, la soirée à finir à moitié nue dans le lit d’un inconnu… C’était donc une grande expérience pour la verte.
 
Deux heures s’écoulèrent avant que Kanäe n’ouvre de nouveau les yeux, elle avait froid et n’avait pas encore totalement dessoûlé, elle se leva et s’installa tranquillement sur les genoux de la seule source de chaleur de la pièce : Taito. Apparemment elle avait réussi à ne pas le réveiller, il aurait donc une sacrée surprise demain au réveil.   
 

 
La belle dormait paisiblement sur ce fauteuil, comme une héroïne de conte de fée, une belle au bois dormant mais en petite tenue. Ainsi, lorsque le Contre-amiral s’était relevé et était parti prendre une douche, la lieutenante n’avait même pas tressailli et ne s’était donc pas réveillée restant paisiblement endormie et toujours plongée dans ses rêves. En ce début de matinée, la mouette rêvait, elle repensait à sa vie, son histoire et cette promotion dont elle venait d’être titulaire, elle se voyait déjà parmi les plus hautes sphères de la marine  tenant tête aux dragons célestes et à leurs délires complétement surréaliste, mettant à genoux les derniers pirates les plus sanglants, démantelant les réseaux de hors-la-loi les uns après les autres. Un doux rêve bien vite dérangé par des secousses, Taito venait de sortir de la douche, de s’habiller et avait donc pris la décision de réveiller son acolyte de beuverie. Bon apparemment, il n’avait pas gagné en gentillesse ou en côté chevaleresque dans la nuit et pour seule phrase de réveil il lâchait un « Kanäe il faut que tu partes ».
 
La verte avait très clairement du mal à émerger et avait un mal de tête monstrueux du fait de l’alcool mais une bonne chose malgré tout : elle avait encore tous ses souvenirs de la veille, et notamment les souvenirs honteux. Pour le coup, elle aurait préféré ne avoir en tête les moments où elle avait pillé le garde-manger, où elle avait abandonné son kimono pour se trimballer en sous-vêtements dans la base de South Blue, heureusement qu’ils n’avaient croisé personne, et clairement elle en devait une au gradé qui était en train de la sortir de sa torpeur. Alors, la bouche pâteuse, le corps peu vaillant et les yeux dans le vague, la chasseresse verte se releva d’un pas peu assuré et fit quelques pas dans la chambre du blanc, avant de s’adresser à lui en choisissant des mots qui allaient probablement entretenir les doutes de Taito. Elle avait ses souvenirs et pensait qu’il les avait aussi, elle n’avait pas d’idée de ce qu’il pouvait penser.
 

Heu, Contre-Amiral je me sens un peu gênée pour hier soir, je n’ai vraiment pas l’habitude de faire ces choses-là, et pour être honnête c’est la première fois que je fais ça… Croyez bien que j’en ai tiré la leçon et que je ne recommencerai pas de sitôt. J’espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de mon comportement de cette nuit et que tout cela pourra rester entre nous.  

 
La honte… sentiment intéressant mais qui posait un clair problème ici, la peu pudique verte se trouvait encore en sous-vêtements devant son interlocuteur et se rendit compte qu’il était effectivement temps de partir vers sa propre chambre pour prendre une douche et se débarrasser de tous les miasmes de la nuit, des restes de nourriture et de cette odeur d’eau de fontaine dégoutante.  Bon il faudrait quand même se procurer ce qu’il fallait pour pouvoir rentrer sans se faire mater par toute la base, et ça la fichait mal pour une récemment promue de déambuler en une telle tenue.
 

Est-ce que je pourrais vous emprunter un peignoir, une uniforme, une chemise longue ou une quelconque pièce de tissu qui pourrait cacher ma tenue au reste de la base, je préfère éviter qu’une personne de plus me voit comme ça.  

 
L’histoire de la beuverie entre la lieutenante et le haut-gradé approchait de sa fin, après s’être rhabillée, allait-elle croisé de nouveau cet homme si spécial ?
 
 

 
Alors qu’elle s’attendait simplement à une réponse simple du style « Tenez, voilà un uniforme », la verte fut surprise d’entendre la réponse du gradé qui lui faisait face, il l’encourageait dans sa carrière future, et alors que la belle était en petite tenue, il lui demandait de devenir importante. La réplique qui suivait était inspirée, magnifique, empreinte de noblesse et de puissance  et surtout se terminait sur une proposition qui ne tombait clairement pas dans l’oreille d’une sourde. Le Contre-Amiral proposait à la très très récemment promue lieutenante de travailler en tant que coéquipier si elle le désirait. Il demandait donc à la belle en petite tenue de devenir une grande figure de la marine et en échange il garderait le silence sur les évènements de la nuit, il était plus que gentil mais semblait néanmoins oublier que la Toupex n’était pas la seule à avoir abusé, elle se permit alors quelque chose que certains qualifierait de plus qu’outrageant lorsque l’on s’adresse à une gradé comme le Nowaki.
 

Quant à moi, je ne vous demanderai qu’une chose Contre-Amiral… Vous êtes un homme comme on en rencontre peu et je dois avouer avoir une certaine admiration pour vous. Je ne vous demanderai pas de rester comme vous êtes car vous le ferez sans moi, mais je vous demande de continuer à grimper dans la hiérarchie, un jour nous parlerons d’égal à égal.    

 
La verte perçue ensuite le mouvement de tête qui indiquait à la presque nue où se trouvait ce qu’il lui fallait pour se couvrir et alors que Taito s’avançait vers la porte pour sortir, son acolyte lui glissa encore quelques mots, les derniers pour cette soirée.
 

J’espère vous revoir un jour, et je serai honorer de pouvoir me battre à vos côtés en tant que coéquipière, et n’hésitez pas à consulter mon dossier dans quelques mois pour obtenir mon numéro, pour l’instant je n’ai pas encore d’appareil perso. Si vous avez besoin de mon aide  je viendrai, n’en doutez pas.

 
La porte se refermait et la chasseresse verte prit le temps de choisir l’uniforme le plus petit qu’elle pouvait trouver. Le gradé était beaucoup plus grand qu’elle et donc pour paraitre crédible, elle se devait de trouver quelque chose qui s’approchait de sa taille à elle. Elle finit par sortir de la chambre et fit quelques pas dans le couloir avant de tomber sur son mentor.
 

Ah ma petite fleur ! Alors cette soirée de promotion !?  

 
La petite fleur prit une grande inspiration, toutes les péripéties de la nuit lui revenait en tête, elle se faisait alors la promesse de ne plus jamais boire d’alcool de toute sa vie. La soirée avait été mouvementée comme jamais, une des pires de sa vie probablement mais en même temps une soirée pas comme les autres ne faisait jamais de mal sur toute une vie. Et personne ne les avait vus. Avec tous ses souvenirs en tête, elle répondit simplement.
 

Très calme…