Lorsque la belle blonde était entrée, et même s’il y avait quelques femmes dans l’équipage révolutionnaire dont certaines étaient plutôt belles et convoitées, un petit aux cheveux rouges du nom de Mike avait décroché la mâchoire devant le corps et l’allure de la Windspell. Si Nook, afféré à servir ses collègues ne l’avait pas tout de suite remarqué, il avait été attiré par le bonjour gracieux et doux qu’avait plus lui proposer la belle, il avait donc remarqué le regard soutenu de Mike et l’avait donc remis à sa place, entrainant une hilarité générale contre la pauvre victime du cuistot. Après tout, sur ce navire co-commandé par une cuisinière, il y avait une règle plus que strict : ma cuisine, mes règles ! Aujourd’hui, et comme tous les matins, le seul cuisinier en exercice était le jeunot, et donc, il était celui qui distribuait les règles et qui maintenait l’équilibre du groupe.

Un jour, l’un des matelots avait eu l’intelligence de mettre une cuillère de purée de patate douce, parfaitement préparée par Nook et Kiama, dans la tronche de son voisin d’en face. Dans les dix secondes qui avaient suivi, et sous les regards choqués de tous ceux qui savaient que ce geste avait été une erreur, la vieille Ouragan avait attrapé le blagueur et l’avait balancé par la fenêtre, au milieu de North Blue avec pour simple remarque un « Ma cuisine, mes règles ! Et on joue pas avec la nourriture et les produits ici, peigne-cul ! ». Depuis, tout l’équipage savait plus que parfaitement à quoi s’en tenir et, si aucun n’avait peur de Nook, ils savaient que le soir-même, Kiama aurait été mise au courant et serait nettement moins conciliante.

Une fois le calme revenu donc, Nook salua sa comparse, termina le service et la rejoignit pour échanger. Il mangea peu et la regarda beaucoup tout en partageant quelques anecdotes qui avaient pu se produire dans cette cuisine. Un commis qui avait pris feu parce qu’il ne respectait pas son placement, un matelot qui était passé par la fenêtre dans l’eau gelée, un pirate qui avait essayé de piller les réserves … De belles histoires souvent drôles ! Tout du long, Nook la regardait déguster les viennoiseries qu’il avait confectionné pour elle. Le reste de l’équipage désertait les lieux petit à petit après avoir empilé plateaux et vaisselles et avoir remercié le cuistot, ce dernier répondant toujours d’un simple signe de main. Les autres mangeaient bien, même plus que bien sous la garde du duo emblématique de la cuisine mais Lili avait clairement bénéficié d’un traitement de faveur en cette matinée. Pourtant, aucun n’avait trouvé quelque chose à y redire. Ils savaient tous que sur d’autres navires, on mangeait ni plus ni moins que de la merde ; eux, ils avaient une chance plus qu’exceptionnelle.

Nook termina donc sa série de geste signifiant « pas de quoi » et fut rapidement soumis aux questions de sa partenaire. Il ne put pas répondre à la première que la seconde pointait déjà le bout de son nez. Et encore derrière, une excuse avec un air gêné qui ne put que faire sourire le gamin, après tout il était d’un naturel honnête, sauf en question de voyeurisme quoiqu’il ne s’en cachait que peu. Il la regarda donc avec un sourire franc et la rassura.



En plus de ça, Nook ne refusait jamais la curiosité ou tout autre attention provenant d’une femme, sauf les coups éventuellement.



Finissant de répondre à la première interrogation, le jeunot tira un trait de jus d’orange et termina son verre avant de reprendre et de s’expliquer sur les raisons de sa présence. Mais avant, il dévoila finalement son âge.



Coup de massue éventuel ! Oui il faisait jeune de corps mais l’on pouvait davantage parié sur un petit treize ou quatorze ans. Mais que nenni, le jeunot était plus jeune, il était seulement incroyablement doué ! Il laisserait donc à Lili le temps éventuel de s’en remettre et poursuivrait son explication.



Elle ne la connaissait peut-être pas, mais dans le monde culinaire, la matriarche était une institution, une femme au talent démentiel et à la puissance gustative presque sans égal. Elle avait régné sans maître – ou presque - sur Pucci pendant quelques années à ses débuts avant d’être démarchée vers Marijoa.



Oh il l’avait placé ! Se faire passer pour un féministe : check ! Enfin, comme dit précédemment, Nook entretenait un véritable respect pour la femme mais ce qu’il aurait dû dire aurait été : « la cuisine et les femmes » tout court. Après s’être livré donc, il retourna la question du choix de navigation à Lili alors qu’il se préparait à partir.

En principe, ils devaient se séparer quelques instants, Lilianna devant aller faire ses courses et Nook devant s’occuper de la mise en place de son emplacement. Si c’était bien le cas, Lilianna trouverait probablement son bonheur au marché n°6, le meilleur de l’île selon le cuistot, et le plus proche de la zone de concours.



Là-bas, déambulerait une tête déjà connue, seule : Himeko, la petite fille de Tara, alias Mamie Tarte. En voyant Lili, elle s’approcherait d’elle, gênée, et viendrait lui poser une question.



Ne voulant pas faire croire à un espionnage industriel, elle s’expliquerait immédiatement, une réelle sincérité découlant de sa voix.



Et oui, quelle tragédie… Himeko n’était effectivement pas spécialement intéressée par la pâtisserie… Elle trouvait ça trop minutieux, trop contraignant et pas assez « brutal ». Ce qui lui plaisait vraiment restait néanmoins dans le domaine culinaire : la boucherie. Elle aimait découper des belles pièces de viande avec des gestes assurés et nets sans prendre le temps de tout mesuré et faisant juste confiance à son œil.

Sur le chemin du lieu de concours, les bras chargés de divers ustensiles de cuisine et de préparations personnelles, comme des épices et autres recettes maisons, le cuistot repensa à ce qu’avait pu lui dire sa serveuse. Elle lui avait avoué son appartenance à la fonction des pirates et le jeune révolutionnaire lui avait alors simplement expliqué qu’il n’y voyait aucun inconvénient, qu’il trouvait ça audacieux et que jamais il ne pourrait avoir ce cran. Mais en réalité, c’était partiellement faux : la Yamaka y pensait maintenant depuis quelques lorsqu’il était confronté à des questions du type « Que feras-tu après ton apprentissage ? Dans quelle base révolutionnaire iras-tu exercer ton art ? ».

La plupart du temps, il répondait seulement qu’il n’en savait rien, qu’il allait y réfléchir ou encore, qu’il servirait peut-être en mer. C’était finalement la troisième et ultime réponse qui retenait sa préférence mais, elle aussi, elle n’était que partiellement vraie. Le pervers se rendait bien compte de sa différence par rapport au reste du corps de restauration de la révolution et, a fortiori, par rapport au reste de la faction : il ne croyait pas aux idéaux d’Arias ou des autres généraux de la révolution alors ; à quoi bon ? Non, ce qui l’intéressait ce n’était pas de combattre le gouvernement mais bel et bien de parcourir le monde avec une joyeuse bande, si possible remplie de femmes, de découvrir de nouvelles cuisines et de nouvelles cuisinières, de nouveaux territoires et de nouvelles habitantes ou encore de vivre des aventures avec des belles en tout genre. Sa vie, il la voyait remplie de gastronomie, d’aventures, de voyages et de femmes : le dieu pervers lui en était témoin, il vivrait cette vie-là. Un jour, peut-être, retrouverait-il Lili dans une aventure rocambolesque ou dans la chaleur douce et humide d’une salle de bain.

Non, pas de doute, Nook trouvait sa tendre et belle serveuse incroyablement courageuse et pleine de convictions ; elle méritait parfaitement son titre de princesse des désirs que lui avait octroyé Pervcook.

Enfin, à force de pensées tournées vers sa blonde de complice et les formes affolantes de cette dernière, il traversa rapidement tous les quartiers qui le séparaient encore de la zone de concours. Il y arriva donc en pensant aux hanches de la Windspell mais fut rappelé à l’ordre par la bannière rose, verte et bleue annonçant « Pie Contest » en lettres jaunes.



Il pensait évidemment à sa chère capitaine et cheffe de cuisine, Kiama, qu’il paerçut d’ailleurs en entrant dans la zone réservée aux participants, se contentant d’un simple geste de la main pour la saluer de loin. Il n’avait pas spécialement envie de tailler le bout de gras avec cette vieille carne avant de débuter les épreuves.

Il se rendit donc près de la place qui lui avait été attribuée à lui et Lilianna, le plan de travail numéro seize, et prépara son espace de travail du côté cuisson alors qu’il laissait libre plus de la moitié du plan de travail en métal brillant. Cet espace servirait de repose courses dans un premier temps, pour la blonde, puis il pourrait y disposer les assiettes que la pirate aurait à emmener aux jurés. A ce titre, il passa en revu sa batterie de cuisine et plaça son récipient en bambou contenant la pâte rose dans un des meubles mis à sa disposition.

Bientôt, il sentit que l’air s’adoucissait, que le soleil était plus beau et plus éclatant, que les couleurs de ce monde étaient plus attrayantes et charmantes : en gros il venait de voir Lili arriver au loin. Le détaillant, il se félicita d’avoir trouvé une coéquipière de ce calibre car avec une beauté pareille, il pourrait rater ses plats qu’ils passeraient quand même au tour suivant. D’ailleurs, en la voyant marcher vers lui, il se pencha et récupéra quelque chose qu’il avait soigneusement plié dans une de ses marmites. Il ne brusqua cependant pas son acolyte avec ça et l’écouta parler et raconter l’histoire de cette rencontre inattendue. A son issue, le sourire blanc du Yamaka était totalement étiré de son air le plus heureux pour un badaud et le plus pervers pour un connaisseur. S’il gagnait, la belle brune lui serait redevable et lui proposerait peut-être de partager un moment privilégié !





Sans attendre, Nook sortit la chose qui reposait tranquillement pliée dans la marmite : une tenue de serveuse pour le concours.




Etonnamment, si la tenue était relativement sexy, elle n’était pas ouverte de toute part et ne permettrait pas au pervers de se rincer l’œil. Elle était d’ailleurs plus longue que la tenue habituelle que portait l’escrimeuse amnésique. Il la laisserait donc détailler la pièce qu’il présentait en espérant pas trop lui en demander. Et alors qu’elle pourrait prendre le temps de réfléchir à si elle allait la porter ou non, non-loin de là, une annonce retentit.



Les deux n’avaient probablement pas vu le temps passé et déjà l’heure fatidique était arrivée. Nook allait passer derrière les fourneaux et Lili aurait le loisir de se changer avant de venir lui prêter main forte. Mais alors que Nook cinglait seulement son tablier, le thème de l’épreuve apparu sur les écrans : dessert salé.

Soudain, le sourire dérangeant de Nook refit sur face alors que son visage et son regard se tournaient vers Kiama qui le regardait maintenant aussi. La vieille semblait en sueur alors que le jeunot exultait : la vieille n’avait jamais aimé ce genre de plat. Pour elle, le salé était salé et le sucré, sucré. Ici, le principe était simple, faire du sucré avec une majorité de produits que l’on trouvait habituellement dans des plats salés. Nook, plus jeune, osait régulièrement ce genre de folie pâtissière, Kiama restait dans le classique. Aussi, Pervcook fut ragaillardi : il comptait bien la détruire.

Il se retourna alors avec Lili, si elle n’était pas encore partie se changer et déclama simplement.

Alors que la belle blonde semblait accepter son cadeau et après que l’intitulé de l’épreuve soit tombé, le maudit ne perdit plus la moindre seconde et fonça dans le garde-manger mis à la disposition des candidats pour cette première épreuve. En effet, les trente-sept équipes participantes ne devaient gérer leur course que pour l’épreuve finale, pour les deux épreuves de qualification, ils devaient s’approvisionner avec les ressources mis à la disposition de tous par une coopérative de producteurs locaux. Le cuisinier se saisit donc de deux récipients en métal à remplir et se précipita vers la zone de collecte afin de ne pas finir avec les denrées les moins utilisables ou les plus simples. En effet, le jeunot pensait alors que les candidats ne prendraient pas des choses simples, qu’il ne chercherait que l’exotisme le plus fou et pas des aliments ultra-sucrés comme le chocolat ou le caramel. Se servir de tels produits permettaient d’utiliser presque n’importe quoi avec car la puissance des premiers masquait tout le reste.

De fait, et alors qu’il arrivait dans le milieu de peloton, son emplacement étant relativement éloigné par rapport aux autres du garde-manger, il fut surpris de voir ses concurrents se jeter sur les denrées à la sucrosité élevée et à la puissance tout aussi forte. Apparemment, les autres ne voulaient pas prendre trop de risques, ils souhaitaient assurer la première manche pour aller le plus loin possible. Ce comportement avait le don d’amuser le jeune Yamaka qui ne comprenait pas que l’on puisse se contenter de la simple assurance d’une place facile : lui il jouait dans la cour des grands et il passerait avec des plats monstrueux. Soudain, et alors que sa recette avait totalement pris forme dans sa tête, il entendit une voix qu’il connaissait :



Se retournant, un sourire diabolique aux lèvres, le jeunot dévisagea celle qui avait parlé et lui répondit.



La vieille rougit de honte un instant, apparemment, le jeune avait trouvé la recette qu’elle comptait faire. Elle se défendit donc comme elle le pouvait en remballant tant bien que mal son stagiaire : il s’agissait évidemment de Kiama l’Ouragan.



Le sourire de Nook s’intensifia encore au moment où il ressortit de la zone après avoir récupérer l’intégralité des ingrédients qu’il comptait utiliser pour sa superbe création : un millefeuille betterave/avocat/agrumes. Pour parfaire le tout, il avait bien évidemment pris quelques assaisonnements de qualité mais pas de sucre : il allait jouer sur la sucrosité des autres produits et sur un dessert frais et léger. Non seulement il allait passer, mais il allait passer avec la forme.

Il regagna donc son plan de travail et vit que Lili n’avait pas encore émergé dans sa tenue magnifique de serveuse. Il débuta donc son œuvre par l’épluchage des divers produits. Il pela les betteraves, extirpa la chair des avocats, débarrassa les agrumes de leur peau et retira leur robe se terre aux carottes avant d’ouvrir ses gousses de vanille. Il lança alors ses premières préparations. D’une main, il préparait l’eau nécessaire à la cuisson des légumes, de l’autre, il préparait une crème vanille-avocat. Lorsque l’une des deux mains était libre, il s’afférait à tailler ses légumes dans la forme qu’il souhaitait leur donner à l’issue de la préparation, en particulier les avocats et les agrumes qui seraient disposés en morceaux dans le dessert.

De l’extérieur, les quelques spectateurs placés non-loin de l’emplacement du Yamaka semblait impressionner par la vivacité et la dextérité de ce gamin, beaucoup des autres concurrents ne semblaient pas avoir le quart de sa maîtrise des couteaux et autres ustensiles. Pour les novices, le gosse semblait avoir quatre ou cinq bras et beaucoup ne comprenaient pas comment il parvenait à lancer autant de création en même temps. D’ailleurs, voilà qu’il était en train d’incorporer sa purée de betterave à la pâte feuilletée qu’il avait engagé juste avant, donnant à la chose une teinte rose fuchsia assez déroutante. Un homme en particulier, situé tout devant l’établi de Nook, semblait subjugué par l’œuvre du cuistot, et soudain, une apothéose, sa bouche sembla se décrocher totalement en regardant vers le dos du praticien.

Ayant noté cette expression, le pervers imagina qu’un de ses concurrents faisait quelque chose de démentiel et se retourna donc pour voir de quoi il s’agissait, alors, lui aussi perdit totalement le contrôle de la partie basse de sa mâchoire avant de la retrouver pour simplement prononcer quelques mots.



Oui, la Windspell venait de revenir dans la tenue choisie par Percook qui n’en revenait tout simplement pas. La tenue était relativement longue et il n’appréciait donc que peu les parties de peau visible de sa serveuse mais plus qu’un regard pervers, il affichait un regard réellement passionné. Elle était non seulement désirable, comme beaucoup de femme selon le futur forban, mais elle présentait maintenant un ensemble d’une harmonie totale. Dans cette tenue, elle égalait presque la beauté d’une femme dans le plus simple appareil, presque.

Il dut se forcer à décoller le regard de cette magnificence pour ne pas que sa crème vanillé ne brûle. Une fois de retour dans ses casseroles, il oublia la tenue de l’objet de son désir pour totalement se reconcentrer sur son office. Il avança ainsi à un rythme impressionnant sur sa réalisation qui commençait à prendre forme aussi bien dans l’esprit perverti du cuisinier que dans les assiettes qui trônaient fièrement devant lui. Sur le côté, et bien parti pour finir dans les temps, Nook jeta un œil vers sa muse et vit ce qu’elle préparait. Sur le coup, il fut plus qu’intrigué mais comprit doucement là où elle voulait en venir. Dans son esprit, tout était de plus en plus clair : elle était réellement ingénieuse cette femme. Elle allait tout simplement teaser les juges sur un plat qui allait leur être servi, du jamais vu dans l’histoire de ce concours à n’en pas douter. Elle était d’ailleurs la seule à faire cela alors que les autres serveurs, pour la plupart, étaient simplement assis ou aidaient à dresser les assiettes avec plus ou moins de goûts. Décidemment, Lilianna était sans doute la plus impliquée de tous, elle était celle qui prenait des initiatives, la seule et unique qui apportait une valeur ajoutée au travail de son coéquipier.

Quoiqu’il en soit, et à peine reviendrait-elle de la table des juges que la sonnette placée sur la table de son brun d’ami venait de sonner, annonçant la fin de sa préparation. Il lui sourit et lui confirma seulement que le plat pouvait être envoyé en service, comme certains d’autres cuistots étaient déjà partis.



Lili pourrait alors découvrir l’œuvre finale. Un rectangle parfaitement régulier composé de trois couches fines et diablement régulières disposées sur un biscuit fuchsia épais qui débutait la première des couches. Chaque étage était constitué sur le même schéma : un matelas de crème vanille-avocat à l’assaisonnement idéal et parsemé de petits morceaux carrés d’avocat sur lequel était posé de très fine tranches de betterave détaillées à la mandoline et relevé au jus d’agrumes surplombée d’une couverture de pâte feuilletée aux arômes de betteraves. Sur le sommet, dominant la dernière des couches, trônait un glaçage orangé brillant et régulier à base de carotte sur lequel se trouvaient des points de crème vanillé réguliers et des morceaux d’agrumes détaillés en losange. Enfin, pour achever l’œuvre, chaque point de crème était accompagné d’une perle de citron-caviar rapportant l’ultime touche d’acidité.

Maintenant, la réalisation pouvait être envoyée et dégustée.

Lorsque le brun vit sa serveuse partir, il tira deux chaises qui se trouvaient non-loin de là et les installa derrière son plan de travail pour lui et sa belle acolyte qui ne tarderait pas à revenir avant de lui-même se laisser tomber sur l’assise de la sienne. D’un œil inquisiteur et intéressé, le jeunot perçait la foule pour mater les belles jambes et le port altier de sa magnifique coéquipière. Au-delà de l’aspect attrayant de son physique, Nook était plus qu’heureux de voir le sérieux et les efforts que pouvaient déployer Lilianna. Depuis la veille, la blondinette faisait de grands et gros efforts pour suivre le rythme culinaire du jeune, elle apportait de la motivation et de la valeur ajoutée au travail en magnifiant chacun des plats de Nook. En plus de ça, c’était une bombe qui attirait l’œil de tous les serveurs et de tous les cuisiniers ; les détournant de leur office. Il la regarda donc avec attention tout le temps de l’attente, mais enfin, quand elle avança vers la table, le Yamaka entendit une voix familière en provenance de son dos, une voix qu’il entendait plus souvent hurler que parler.



Le gamin sourit avec amusement, il savait que la vieille avait confiance en lui et n’aurait jamais parié avec un illustre inconnu : comme tout vrai cuisinier elle tenait sa cuisine à l’œil même lorsqu’elle n’y était pas. Nook gérait le petit-déjeuner totalement seul depuis plusieurs semaines déjà et personne ne s’en plaignait jusqu’alors. Il gérait la salle de repas d’une main de fer et offrait des plats aussi doux que le velours, l’équipage en étant particulièrement heureux. Il n’y avait donc pas vraiment de doute sur sa capacité à gérer les choses mais plus qu’une simple remarque, la pauvre vieille savait qu’elle allait être moquée l’apprenti pendant plusieurs semaines… Plusieurs et longues semaines.

Au-delà de tout, elle savait que son avenir dans le concours était compromis, le plat qu’elle avait proposé était bien trop simple pour rivaliser avec les œuvres de haute volée que la majorité des autres concurrents. De plus, elle avait vu la réalisation de son jeune stagiaire et savait qu’il allait la torpiller, au moins sur cette épreuve.





Nook était sincère, si Kiama était persuadée d’avoir perdu alors il n’y avait pas d’autres alternatives possibles : elle avait perdu. Alors la cuisine du navire n’était plus représentée que par le jeune fils de la Déesse, la réputation de la cuisine de l’Ouragan n’avait plus qu’un seul espoir. Plus encore que cette petite réputation, il avait un nom à défendre. Malgré tout, il y en avait bien un qui semblait particulièrement serein : Nook. La vieille s’éclipsa plus ou moins au moment où la Windspell pointait le bout de son nez et expliqua son compagnon l’absence totale de réaction des jurés.



Nook était certain de sa réussite et ce pour deux raisons : son plat était incroyable et il avait effectivement fait une promesse de victoire à celle qui réveillait tant d’ardeurs en lui. Il était certes un voyeur pervers aux envies lubriques et passablement opposées aux mœurs générales mais il n’en restait pas moins un véritable adorateur des femmes et il ne leur mentirait jamais. Quoiqu’il en soit, et enfin, les résultats tombèrent. Si Lili laissa éclater sa joie avec bruits et mouvements, Pervcook afficha son célèbre sourire commercial et se leva à son tour pour prendre sa serveuse dans ses bras. Il le cachait plus ou moins mais il était clairement heureux et laissa redescendre une pression dissimulé sur l’épaule de sa collègue. La défaite, il ne l’envisageait pas mais il la craignait néanmoins : s’il échouait, il salissait le nom de sa mère. Enfin, c’est ce qu’il pensait.

L’étreinte platonique, pour une fois lorsque l’on considérait le pervers, se termina donc après quelques secondes et juste avant que le présentateur de l’évènement n’annonce la seconde épreuve : une épreuve haute en technicité.



Sur cette dernière phrase, l’intégralité des cuisiniers, à commencer par le Yamaka sursautèrent presque de leur chaise ou de leur place, ne comprenant pas où le speaker voulait en venir. Tous se demandaient comme la réalisation serait faite s’ils ne pouvaient y toucher. Mais, instinctivement, le regard de Nook se porta sur Lili. Il cherchait une réponse mais il comprit qu’il l’avait justement sous les yeux, un sourire naquit alors au coin de ses lèvres pendant que les instructions reprenaient.



Enfin, la liste des groupes repassa aux oreilles de tous avec, pour chacun, un ingrédient : l’ingrédient phare.



La phase de concertation commença donc et Nook prit la parole instinctivement mais laissa une totale liberté à sa belle.

L’annonce de l’épreuve l’avait clairement amusé mais les impératifs de la chose les avaient très vite rattrapés, prenant la forme d’un doute puissant chez la serveuse quant à ses capacités de cuisinière. Si certains auraient pu se demander quoi faire, si d’autres l’auraient laissé à ses hésitations pour se concentrer sur le travail pur et dur ou si enfin les derniers se seraient mis à douter en sa compagnie ; le Yamaka n’en fit rien et se comporta comme un coach, un vrai. Saisir la belle, lui parler calmement et posément tout en limitant au maximum l’intervention pour ne pas l’embrouiller de détails techniques inutiles.



Mue d’une volonté nouvelle, la blonde s’équipa et se mit à penser à la recette qu’elle allait devoir créer en compagnie de son jeune serveur de l’instant. L’élu fut donc finalement l’opéra, un gâteau particulièrement connu mais que l’on trouvait assez peu dans les boulangeries. De réalisation intérieure plutôt aisée, la pièce disposait de quelques éléments techniques qui faisaient de lui ce qu’il était réellement, à commencer par glaçage si spécifique de cette création. En effet, une fois le gâteau monté, il fallait le recouvrir entièrement d’une belle pellicule de glaçage au chocolat à l’aspect particulier : le glaçage miroir. Cette préparation spécifique devait être parfaitement lisse, parfaitement brillante et devait finalement renvoyer l’image de toute chose, comme un miroir. Il s’agissait, avant tout autre chose, d’une rigueur utile et d’un passage plus que complexe mais Nook serait là pour aiguiller et épauler sa belle.

Quoiqu’il en soit, la Windspell se mit au travail et écouta à la perfection les ordres de son expert avec, et c’était le plus incroyable, un calme olympien. De l’extérieur, le pervers était impressionné, il pensait devoir canaliser la serveuse à un moment ou à un autre mais elle menait sa barque d’une main sûre et confiante. Les conseils passaient parfaitement et étaient exécutés avec la plus grande des minuties que l’on pouvait attendre de la part d’une novice. Rapidement, Pervcook se contenta seulement de paroles épisodiques pour reprendre telle ou telle chose qui « n’allait pas » et put alors prendre connaissance de son entourage.

Plus loin, sur la zone réservée à Himeko, une piqure de rappel embêtante vint frapper le jeunot : la petite-fille faisait équipe avec sa grand-mère et donc, c’était maintenant la vieille qui avait mis la main à la pâte. Contrairement à tous les autres duos, il n’y avait là aucune communication, la vieille exécutait toutes les préparations rapidement et avec un doigté digne des plus grandes figures culinaires de ce monde. Elle ne demandait rien à la cuisinière attitrée, ne demandait pas son temps de pause et de ne cherchait même pas à regarder ailleurs que son plan de travail. Plus emmerdant encore pour les autres : la pièce qui prenait forme devant elle. Le groupe s’était vu attribué le citron, un ingrédient magique en pâtisserie qui permettait de jouer sur les goûts, les textures et les formes. Et justement, la vieille avait débuté une construction impressionnante, une tarte déstructurée qui semblait pointer vers le ciel dans un balai mirifique.

Intérieurement, le brun ne se faisait qu’assez peu de doutes sur le gagnant de cette seconde épreuve mais cela importait peu, il savait qu’il devait passer la seconde phase pour arriver à la finale et Lili semblait parfaitement partie pour leur offrir cette place. Enfin, le cuistot fut sollicité pour la construction, une étape importante, technique et nécessitant des gestes sûrs. Il répondit d’un simple signe de la tête et prit la place de sa serveuse pour reprendre les postes incomplets, à commencer donc par la présentation générale du gâteau.

Alors que de la main droite il découpait le biscuit pour préparer les étages, de l’autre il ajustait un poil la brillance du glaçage qui était déjà magnifique pour la parfaire définitivement. Observant la texture de ce dernier, il se retourna l’espace d’une seconde vers la blonde et la félicita.



L’instant suivant, il avait les deux mains sur les biscuits et commençait déjà à les imbiber du doux sirop café-framboise que Lili avait pu réserver dans un coin. A chaque nouvelle élément, le Yamaka goutait et devait se rendre à l’évidence : c’était bon. La préparation était solide, les goûts étaient forts et l’assaisonnement très bon. Si ça ne pouvait avoir le niveau d’un cuisinier de renom, le plat de Lilianna mettait à l’amende un très grand nombre de pâtissier lambda à travers les mers.

Une fois ses biscuits trempés juste assez, il débuta la construction en ajoutant une petite chose de dernière minutes : de la poudre de café au-dessus de la couche de ganache, le tout pour rehausser un peu la puissance du café et le marier merveilleusement à la framboise qui parsemait le dessert. Trois étages plus tard, la pièce était montée et Nook avait la casserole de glaçage en main, prêt à le verser sur l’œuvre commune du duo lorsque la voix du speaker se fit entendre.



Le jeunot n’hésita alors pas un instant, il transmit la préparation à sa collègue qui allait devoir s’occuper des finitions et présenter un dessert visuellement à son goût. Elle lui fit part de ses idées et l’encouragea à les concrétiser. Les feuilles de caramel et la poudre de café étaient de bons et de beaux éléments décoratifs, sans oublier le nid de framboise que le pervers trouvait indispensable pour rappeler la constitution de la pièce.

Finalement, à l’issue des trois minutes, la préparation fut achevée avec succès et Nook s’en empara pour l’emmener aux juges, un dernier sourire adressé à sa coéquipière.



Arrivé dans la file, il se trouva immédiatement derrière Himeko qui tenait l’œuvre de sa grand-mère, une pièce visuellement parfaite, olfactivement destructrice et probablement mirifique en bouche. Gardant ses remarques, il attendit son tour et présenta le travail de sa serveuse.



L’heure du verdict arriverait bien assez tôt et déjà le brun s’en retourna vers Lilianna sans observer la dégustation. Pourquoi ? Parce que les juges seraient conquis, évidemment.

La promptitude du retour du cuistot de l’équipe sembla surprendre quelque peu la cuisinière temporaire de la seconde épreuve, peut-être pensait elle que les choses s’étaient mal passées. En grand gentleman pervers qu’il était, le Yamaka ne pouvait se permettre de faire stresser sa serveuse et joua la carte qu’il ramenait sans cesse depuis le début de la journée : celle de l’encouragement.



Le savait-il réellement, évidemment pas. En était-il convaincu, ça ne faisait absolument aucun doute. Lui, héritier de Kashi Yamaka et elle, sublime jeune femme au doigté de fée ; il s’agissait là d’une équipe faite pour la finale et faite pour la victoire finale. Ce fut donc tout naturellement que, lorsque le résultat tomba, le pervers regarda son coéquipière avec un sourire malin et victorieux sur le coin des lèvres. Sourire qui explosa littéralement lorsque la blonde à la poitrine généreuse délaissa son stress pour laisser libre court à sa joie dans une étreinte merveilleuse. A cet instant précis, oubliée la finale ou toutes ces choses sans importance ! Le voyeur ne se concentrait que sur la sensation que lui procuraient les formes pulmonaires de cette déesse au niveau du haut de son torse… Il avait tellement de chance d’avoir pu trouver une comparse aussi sexy, le dieu pervers lui souriant encore.

Enfin, l’étreinte s’arrêta pour le plus grand malheur de notre pauvre et jeune héros qui dut alors se remettre dans la compétition. Il acquiesça à la joie de la Windspell avec une simple remarque sereine.



Ils furent alors « dérangés » par la venue d’une tierce personne qu’ils connaissaient pourtant déjà bien : la jeune Himeko. Nook la laissa parler et ressentit la détresse qu’elle pouvait laisser transparaitre par le biais de ses mots. Il avait promis la victoire et il allait la décrocher. Pour cette jeune femme, pour Lilianna et aussi pour pécho éventuellement !



Le tout était dit avec le sourire, un sourire amusé et rassurant. C’était là la seule chose qu’il pouvait faire pour contraindre Himeko à donner son maximum au cours de l’épreuve finale et pour lui montrer à quel point il se donnerait pour elle ; encore un point en plus pour conclure dans la soirée.

Quoiqu’il en soit, après le départ de la jeune beauté, le jeunot put découvrir le résultat des courses de sa collègue, courses à laquelle il fallait encore rajouter la rhubarbe demandée par le futur forban. Finalement, le tout était plus qu’intéressant et comportait des ingrédients aussi bien très classique que particulièrement surprenant à commencer par le gingembre et l’anisette. Cette curiosité culinaire qu’avait ainsi révélé la belle Windspell inspira et excita le sens créatif de Nook qui finit pat se retourner vers elle en souriant. Il attrapa son contenant à pâte de rose et litchi et vint le poser sur le plan de travail du groupe, pile au milieu de la zone.



Si elle acceptait, le gourmet lui expliquerait alors son plan de bataille qui était finalement plus que simple : il allait tout utiliser. Il se servirait de la majeur partie de sa pâte spéciale pour constituer le fond de tarte sur lequel viendraient se déposer tous les pétales que le duo allait constituer. Chacun contiendrait une saveur unique, ou une double saveur, permettant une surprise à chaque bouchée et une alliance détonante si le dégustant prenait plusieurs pétales en même temps. Grosso modo, Nook se chargerait de l’essentiel, des tâches techniques ou peu intéressantes qu’il pourrait exécuter très vite. Pourtant, dans ce processus créatif, il voulait que Lili puisse mettre la main à la pâte, que la victoire soit commune. Si elle acceptait, il lui livrerait ses missions : création d’un sirop anis/citron pour faire infuser des pétales de pâtes et l’élaboration d’un chocolat à la menthe qui serait ensuite détaillé en pétales pour venir directement sur la pièce finale.

Une fois l’étape de concertation terminée, le duo pourrait probablement entendre une voix maintenant redoutée, celle de l’arbitre annonçant la dernière épreuve.

L’épreuve commença donc sous les meilleurs auspices alors que Lili prenait sa part du boulot en main sous l’œil confiant et occupé de son propre cuisinier. Les premières idées concernant les préparations à la charge de la belle blonde n’étaient pas les seules qui allaient composer la tarte-rose qu’avait imaginé le jeune Yamaka. Bien que les produits n’avaient pas été acheté par lui mais bien par sa serveuse, il fut surpris de l’adéquation qui pouvait exister entre certains d’entre eux et dont un profane n’aurait pas forcement idée. Si l’association Anis/Citron proposé pour Lilianna pouvait sembler étonnante, elle était en réalité détonante : des goûts francs, puissants et énergiques qui viendrait se disséminer çà et là sur l’œuvre finale, de deux à quatre pétales, pas plus. L’autre œuvre mit à la charge de la Windspell, le chocolat menthe, était un classique connu et reconnu qui apporterait la rondeur et la douceur dans une tarte aux nuances osées et violentes. Toujours dans cette optique de franchise et de véracité des sensations, le jeunot avait étudié le panier et avait souri en voyant certaines choses qu’il connaissait déjà. Alors, lorsque sa coéquipière lui demanda la destination des autres produits, le cuistot lui expliqua chacun des pétales qui allait être construit sous ses yeux.



Nook attrapa alors les myrtilles et commença son œuvre sur ces dernières, elle avait déjà préparé deux autres préparations et continuaient à filer bon train alors qu’il parlait sans aucune difficulté. La vie de cuisinier obligeait ces professionnels à apprendre à faire plusieurs choses à la fois, à garder un œil sur tout, à tout goûter. Il se stoppa alors une seconde, attrapa une cuillère qu’il vint plonger dans le sirop de Lilianna, le chocolat sentant suffisamment bon pour ne pas être testé.



Il se remit sur ces fruits alors que le fil de ses idées reprenait là où ils les avaient arrêtés pour prendre une cuillerée de la préparation alliée.



Nook l’avait promis à la jeune femme : il allait l’exploser, ni plus, ni moins. Pour ça il se donnait à fond et était certain que sa déesse blonde ferait de même. Pendant deux heures, les fruits bouillirent, les odeurs se répandirent, les denrées étaient débités avant d’être remodeler sous une forme florale, le fond de tarte se garnissait au fur et à mesure d’une mosaïque de couleur savamment orchestré par Pervcook. Un pétale puissant pour deux doux, un doux pour deux puissants, le tout reposant sur un équilibre culinaire précis, presque chimique. Nook demandait régulièrement son avis à Lilianna s’agissant des teintes et des couleurs des différentes pièces individuels ainsi que de l’harmonie générale.

Le tout semblait s’articuler parfaitement alors que non-loin de là, Himeko semblait monter une œuvre tout en volume : une tarte revisité sous forme de sphère de pâte au cœur coulant. Une excellente idée en soit qui ne manquait pas de surprise, mais un effet dérisoire devant l’œuvre qui se terminait sur le plan de travail de l’équipe numéro 16.



La cuisson durerait quelques longues minutes, puis ça serait à la serveuse de débuter son office, seule face aux juges.

Au fil du concours, la topologie des lieux avait évolué. Les plans de travail des éliminés avaient été débarrassés et retirés à mesure que ceux des vainqueurs étaient rallongés et équipés en nouveaux équipements permettant de lancer de multiples préparations au moment de la finale. Cette ultime étape arrivée, le plan de travail de Nook, au même titre que celui d’Himeko, se trouvait en plein centre de l’attention, non loin du bureau des jurés sur lequel les deux cuistots avaient une vue quasi imprenable. Pour cette finale, les praticiens n’avaient plus le dos de leurs serveuses en vue mais bien le profil de ces dernières, ils pouvaient ainsi avoir une visualisation bien meilleure de la dégustation. Alors, lorsque les juges goutèrent la tarte de l’équipe favorite, le sourire de Nook ne put que s’accentuer. Il se tourna vers sa concurrente principale alors que les décideurs prenaient une seconde bouchée.



La phrase ne semblait être qu’un compliment allié à une remarque désobligeante mais dans le contexte de ce concours et dans la situation de la petite fille de la multiple championne, cela signifiait bien autre chose. Il s’agissait d’un compliment associé à la promesse d’une carrière nouvelle et attendue. Car dans le sourire des juges, le jeunot avait effectivement le contentement, le plaisir et la joie d’un plat merveilleux. Pourtant, il en était certain, la perfection de ce dessert allait leur coûter la victoire. La perfection était finalement une affaire de goût et de couleur pour n’être en réalité qu’une notion particulièrement subjective. Si la perfection de ce dessert était celle de telle ou telle personne, elle s’approcherait probablement de celle des juges mais le problème de cet état « parfait » était justement son manque de piquant.

De son plan de travail, le pervers vit également les deux serveuses s’adresser quelques mots alors que la voix d’Himeko arrivait aux oreilles du voyeur.



Nook ne répondit pas. Pas par dénie ou par doute, mais simplement parce qu’il vit les assiettes servies aux juges : toutes vides devant eux. Ils avaient tout dévoré, pour la première fois du concours ils n’avaient pas laissé la moindre miette d’un plat : preuve suprême et indéniable que l’œuvre leur avait plu à un point inimaginable. Alors, ce fut au tour de « la rose aux milles couleurs » de passer sur le billot.

La découpe de Lilianna était parfaite, l’on sentait alors la professionnelle médicale habituée à découper de fines membranes qui avait traité leur création avec autant de doigté et d’attention qu’elle l’aurait fait pour un cœur humain. Mamie Tarte ne quitta pas la pièce de l’œil alors que chaque part était finalement attribué à tel ou à tel membre décisionnaire. Une grimace à demi-caché prit place sur le visage de la vieille femme, se confondant presque totalement dans ses rides. Pourtant, l’œil acéré de pervers dont disposait le jeunot perçut ce faible moment où la lèvre féminine, rongée par les âges, s’était distordue.



A cet instant précis, l’intégralité du jury, à savoir ses trois membres, se saisir de leur fourchette et tranchèrent une petite part chacun, liant différents pétales en fonction de la personne. Ils portèrent leur ustensile à leur nez puis l’enfournèrent dans leur bouche. A cet instant, la grimace de la vieille se durcit, ce qui la rendit perceptible pour sa petite fille qui n’en revenait pas : la matriarche doutait.

Elle doutait car devant elle, les trois stars de l’instant affichaient tous les trois une mine différente mais toutes gorgées des émotions si bien dissimulées depuis le début des hostilités. Tout d’abord, la seule femme du jury était tombée sur les préparations les plus redoutables, les plus puissantes. Ses yeux s’étaient écarquillés d’un coup alors qu’un sourire assumé avait pris possession de son visage. La puissance et l’agressivité pouvaient dérangées si elles étaient exacerbées à l’extrême mais justement dosées, elles réveillaient le sens du plaisir dans sa dimension la plus superbe. Cette femme en était maintenant la cible. A sa droite, un homme assez âgé profitait quant à lui de la rondeur et de la sucrosité des pétales au miel légèrement relevé par la puissance brute de la rhubarbe. Les yeux fermés, il mâchonnait tranquillement et profitait des arômes de fleur présents dans la pâte et dans le miel. A la gauche de notre membre féminin, le dernier juré, un autre homme d’une trentaine d’année, avait eu la chance de tomber sur le panachage le plus hétérogène possible et profitait maintenant de très nombreuses saveurs qu’il identifia pourtant sans difficultés. Son regard, surpris, était quant à lui oscillant entre Lilianna et Nook, se demandant certainement comment ces gamins avaient pu sortirent un plat d’une telle qualité.

Lui, au même titre que les autres jurés et que le public, était persuadé de la victoire à venir de la vieille et de sa petite fille, ils avaient offert le bénéfice de la surprise aux autres finalistes, à défaut de leur avoir laissé celui du doute.  Et pourtant, tous étaient maintenant conquis. Ils terminèrent leur assiette, passant du sourire doux à la moue de plaisir diabolique dans un ballet de saveur parfait. Ce fut alors que les serveuses furent priées de retourner aux côtés de leur cuisinier et que Nook pu s’adresser de nouveau à sa chère coéquipière.



Lili aurait le temps de répondre mais une fois le silence revenu, la voix du présentateur sonnerait le glas de l’attente.



Le suspens montait, à son comble, le commentateur reprit la parole et ajouta un élément essentiel.



A l’annonce de ce résultat stupéfiant de nombreuses personnes de l’assemblée commencèrent à échanger des regards circonspects alors que Nook s’attendait à recevoir l’étreinte douce et chaleureuse de la poitrine de sa coéquipière… Il l’espérait tant. Mais au bout de quelques dizaines de secondes, au sein de la foule, des murmures pourraient attirer l’attention du jeunot. Des « Yamaka, comme la déesse ? » « Oui, je crois qu’elle a un fils. Ça serait ce gamin ? ».

Le souvenir de sa mère se rappelait alors au gosse qui ne put que sourire, fier d’être reconnu comme tel par son nom mais aussi et surtout par son talent.

Quoiqu’il en soit, il y avait une chose que Nook, le duo Tarte et probablement Lilianna n’avait pas oublié : la victoire ne se jouait pas que sur la finale mais bien sur les trois épreuves, au point.



Nook grimaça, il avait perdu la première épreuve et ne pouvait s’en vouloir qu’à lui.



L’écart se creusait pour finalement atteindre les 8 points. Et si le Yamaka savait qu’il avait gagné la dernière, il ne pouvait savoir si leur prestation finale permettrait de reprendre ce retard.



Il n’y avait plus d’autres possibilités que la note maximum car en cas d’égalité, le vainqueur de l’ultime épreuve l’emportait. Un sans-faute, il s’agissait là de leur seul espoir.



Nook et Lilianna avaient perdu …

Lilianna avait violemment accusé le coup de cette défaite presque inattendue. Pourtant ce n’était pas tant la perspective de perdre le titre qui avait brisé le moral de la belle blonde mais davantage la rupture de la promesse qu’elle avait faite à sa chère Himeko. La pauvre serveuse semblait abattue au sol, son cuistot lui posant une main tendre sur l’épaule en attendant le moment où il allait débuter son show. Vous pensiez réellement que le pervers allait laisser son canon de coéquipière dans un état comme ça et la petite Himeko dans une situation à peine meilleure que lors du début du concours ? C’était bien mal connaitre Nook et son amour de la gente féminine. Alors, au moment où Himeko se présenta à Lilianna, le Yamaka en profita pour se dérober et pour se diriger vers l’estrade pendant que Mamie Tarte, toujours impétueuse pour son âge, célébrait sa victoire avec le public. La vieille ne prenait même plus la peine de savoir où était sa progéniture, elle avait gagné, elle, pas Himeko.

Car au fond d’elle, si la petite avait réussi à prendre deux points à Nook en première manche, elle ne parvenait pas à avaler les six points que le duo avait arrachés à son propre tandem. Elle avait félicité Lilianna sincèrement en pensant que le plat était beau, mais de là à les vaincre, elle n’en revenait tout simplement pas et en était largement irritée. Elle remportait ce concours depuis tellement de temps sans jamais laissé le moindre point à n’importe lequel de ses adversaires. Elle remportaient toutes les épreuves, tous les concours sans la moindre difficulté et aujourd’hui on venait mettre une tâche sur ce beau palmarès. Plus qu’irritée, la vieille bouillait intérieurement. Sentiment qui n’irait pas en s’arrangeant lorsque la voix du petit brun retentit dans le micro qu’il venait de récupérer sur la table des juges.



Autour de lui, la foule se calma et beaucoup commencèrent à froncer les sourcils. Ils ne comprenaient pas pourquoi ce jeunot attaquait si fortement le duo victorieux, encore un mauvais perdant. Il était certes jeune, mais un tel spectacle était triste à voir à ce niveau d’excellence, et dire qu’il était le fils de la Déesse.

Quoiqu’il en soit, sur l’estrade, sourire aux lèvres et regard planté sur la vieille, Nook alla plus loin sous les premières protestations du public.  



Lilianna, dont l’attention serait probablement attirée par le speech de son collègue releverait bien la tête à un moment ou à un autre, elle verrait alors le sourire malicieux de son nouvel ami, ainsi qu’un clin d’œil lui étant destiné. Comprendrait-elle que le Yamaka se jouait de tous pour ainsi permettre à Himeko de réaliser son rêve ? S’il devait passer pour le méchant dans cette entreprise, qu’à cela ne tienne mais il l’évincerait du monde de la pâtisserie pour lui permettre de rejoindre celui qu’elle désirait.



Nook ne laissera pas la pauvre Himeko livrée à elle-même, elle comptait bien lui permettre de réaliser ce rêve de viandarde en s’éloignant d’un domaine bien trop apprécié par la seule matriarche. Il lâcha alors me micro à la façon des plus grandes stars de la chanson - le célèbre « Mic-Drop » - avant de se rendre directement au contact de la mamie Tarte, pour recueillir sa réaction. Finalement, il n’avait pas besoin de s’en approcher étant donné que celle-ci était maintenant rouge comme une pivoine. Ce fut à un ou deux mètres d’elle que le brun lâcha le coup de grâce.



Nook se tourna alors vers Himeko et Lilianna en souriant et en pointant la jeunette du doigt.

Nook regarda la conversation entre la vieille et sa petite-fille, acquiesçant à chaque argument de la plus jeune et se félicitant d’avoir initié ce mouvement, peu en importait le moyen. Himeko l’avait insulté en le qualifiant de « sombre crétin », certes et alors ? Pervers comme il l’était, « sombre crétin » était probablement l’une des insultes les plus gentilles qu’il ait jamais reçu alors pourquoi se formaliser pour si peu. Dans sa bulle de fierté et de joie, il en oublia un instant les quelques personnes de la foule qui n’avaient pas encore décroché son regard de lui, et notamment un gros bras à l’œil noir de haine. Apparemment, le discours du jeunot n’avait pas été perçu par tous comme une invitation pour la brune à se confier sur ses désirs et ses projets.

Quoiqu’il en soit, ce fut Lilianna qui vint terminer la scène en remettant du baume au cœur de leur concurrente et surtout, en venant faire la morale à son propre coéquipier ! Mais où allait le monde ?

Pourtant, s’il n’était pas fan des leçons de ce type, Nook ne put que sourire davantage lorsqu’il fit face à sa charmante serveuse, elle qui se souciait apparemment de son sort. D’ailleurs, pour lui, la question de Lilianna attendait une réponse plus qu’évidente, en particulier lorsque les désirs d’une felle étaient dans la balance.



Merde ! Il allait placer une super phrase de beau gosse sur le don de soi pour le bonheur des autres, le genre de truc qui faisait craquer les nanas. Malheureusement, le dieu pervers avait fini se sourire à son jeune adepte pour aujourd’hui et il ne l’avait pas prévenu de la courge qui s’était dirigée en toute hâte vers l’arrière de son crâne. Eclatant donc en morceau, le projectile déconcentra le Yamaka qui se retourna en insultant copieusement celui qui venait de lui lancer l’objet ; et l’intégralité des personnes autour étant donné qu’il ne savait pas trop qui était à l’origine de ce jet.

Devant les quelques noms d’oiseau lancés, la foule commença à houspiller de façon un peu trop ostentatoire. Situation qui commença à inquiéter le moujingue et qui causa, une fois de plus dans sa vie, une situation de fuite. Cependant, avant de partir, il dévisagea Lilianna et la prit dans ses bras sans trop lui laisser le choix.



Sans plus attendre, et laissant donc la blonde comme seule membre restant du duo numéro 16, Nook se jeta en direction de la foule, à l’exacte opposée de l’endroit où commençait à sortir des balourds sans cervelle. Une fois noyé dans la masse, le jeunot disparu, tout simplement.



L’instant suivant, le présentateur gonflant vint se présenter à l’ultime membre du duo arrivé second et lui rappela la situation : le concours était en péril.



Alors, le lourdaud lui expliquerait qu’en tant que second, Lilianna avait gagné le poids de son équipe en tartelette au parfum de son choix, l’idéal pour une gourmande telle que la belle.



Au fond de la foule, à l’opposé de l’endroit où avait disparu le petit brun, une femme était rouge comme une pivoine, au bord de l’évanouissement.




Gourmande de nature, elle avait été attirée là par la perspective de voir des professionnels produire des plats d’exception. Pourtant, au milieu de la foule de participant, une personne avait retenu toute son attention. Agée de treize ans à peine, la petite jeune fille  se trouvait là pour le travail. Son maître d’apprentissage, trop ivre pour gérer une commande sur l’île, avait mandaté sa très jeune apprentie pour aller tailler la charpente d’une maison d’un riche homme local. Une fois son œuvre terminée, la jeune adolescente s’était rendue là où tout se passait et avait ainsi pu profiter de tout le spectacle et notamment du génie de celui qui venait de réveiller son cœur de bois. Bousculant la foule et éclatant au passage, assez discrètement, la tronche au sol de celui qui avait jeté la courge à son bien aimé, Lara fendit la barrière humaine et parvint finalement à déboucher de l’autre côté de cette marée humaine. Elle y patienta de longues minutes, des heures, espérant voir ce jeune ressortir mais finalement, elle finit par être la seule âme présente en ces lieux. Elle l’avait manqué… Une traque venait de débuter.