Otto avait une nouvelle fois tenté de voyager clandestinement, mais il avait eu l'audace pour cette fois de monter au bord d'un navire pirate. C'était de piètre pirate bien sûr. Des petits forbans sans grande envergure et ambitions. Mais des pirates tout de même. Leur navire était un petit sloop où s'entassaient les tonneaux de bière vides. Les pirates étaient de piètre combattant et ils ne faisaient que boire et vider leurs tonneaux à la chaine. Ce fut une aubaine pour le vieux ratel qui prit possession de l'un des fûts pour le temps du trajet. Grace à sa petite taille, il entrait sans être serré dans un tonneau et il pourrait y séjourner tranquille, sans risquer d'être pris. Ce qu'il n'avait pas prévu cependant, c'est que les pirates jetteraient par-dessus bord leurs déchets pendant la traversée. Ils se débarrassèrent ainsi des tonneaux dans plus de considération pour la cause naturelle et la pollution. Otto fut jeté à l'eau dans son baril de vinasse puante avant d'avoir eu le temps de se manifester. Il se mit alors à appeler à l'aide, mais le sloop s'éloignait trop vite et le pirate se retrouva bientôt seul dans l'océan.
Cela faisait un moment que le vieillard était bercé par les flots dans son tonneau. Des heures, des jours ? Ça lui paraissait être une éternité. Le pire est qu'il avait épuisé tous les jeux de patience qu'il connaissait. Il avait chanté plusieurs chansons et en avait sifflé d'autres, récité les ingrédients nécessaires à la préparation secrète de sa bière du meunier. Il avait aussi fait plusieurs fois le tour du tonneau pour l'inspecter et le scruter. Il avait compté les planches qui le faisaient et les minutes qui se passaient. Il avait même songé à la durée de vie d'un tonneau en mer. Combien de temps lui faudrait-il pour percuter un récif ou un navire trop rapide et sombrer au fond de l'eau impuissant, maudit qu'il était. Le tonneau flotterait-il éternellement ? À quelle distance d'une plage pouvait-il se trouver ? Et puis il se mit à méditer et à énumérer les noms des animaux marins qui seraient en mesure de dévorer un tonneau comme le sien.
"Requin, requin-blanc, requin-tigre, requin-baleine, orque. Serpents géants et monstres des mers. Calamar, peut être ?"
C'est à ce dernier mot que le tonneau percuta un objet, provoquant un bruit sourd et une résonance dans la cuve flottante. Le vieux pirate s'extraya du fût en bois et constata qu'il avait dérivé jusqu'à une ville flottante. Sur le mur d'une maison faite de planche de récupération, une peinture disait « Bienvenue à Wreck Heaps, le cimetière flottant ».
Wreck Heaps qu'on nommait le cimetière flottant de West Blue était une île artificielle très vieille, construite d'un amoncellement d'épaves de bateaux, de déchets et rebuts flottants et de restes de bataille, portées ici par les courants marins. En effet, la particularité de cette île était qu'elle se trouvait au coeur d'un réseau de courants marins qui convergeaient en ce point précis. Les débris flottants de cette région du monde se retrouvaient inexorablement pris dans une série de trajectoire aspirées qui conduisaient à cette ville dépotoir. Les épaves arrivèrent, les unes après les autres pendant des siècles, formant une structure principalement faite de bois qui s'élargissait au gré du temps. Ces mêmes déchets qui se compriment, se compactent et s'unissent pour finalement former qu'une immense structure rigide, une plateforme de stuc, de chêne et d'acier qui flotte péniblement sur l'eau salée.
C'était une étendue large et aérée où la topographie surnaturelle se faisait des épaves retournées. Des voyageurs ou des pirates anciens avaient découverts le lieu des dizaines d'années en arrière et l'avait arrangé pour en faire une ville praticable et dynamique. Ils avaient façonné des rues et des habitations, des commerces et des tavernes. Toute l'île n'était faite que d'un bloc, un matériel de récupération. Des maisons atypiques en coque de voilier. C'était une ville surprenante. Dangereuse aussi. Par sa configuration flottante et la fragilité des matériaux détrempés, les accidents en ville étaient nombreux. Il n'était pas rare que des planches se rompent sous le poids excessif d'un voyageur ou d'un habitant et qu'il termine sa vie au travers du plancher sous la ville de bois.
Wreck Heaps n'était pas véritablement une destination de plaisance. La ville, qui n'était sous aucun contrôle du gouvernement mondial ou d'une seigneurie quelconque, était en proie aux équipages pirates de tous bords. Une ville anarchique et violente parfois, où les lois n'avaient pas court hormis celle du plus fort. Il n'y avait personne pour faire régner l'ordre sur cette île. Ici, les pirates festoyaient et se ravitaillaient en toute tranquillité. Mais jamais il n'y avait de comportements excessifs, car même sans pouvoir établi et officiel, des yeux sombres s'assuraient que personne ne dérive trop. Il y avait de nombreux hors-la-loi, baroudeurs et hommes de main qui arpentaient les bars et les ruelles pour surveiller les passants. Ces hommes à la présence discrète travaillaient pour le maître de l'île. Un des empereurs de la pègre qu'on nommait le Duke. On racontait qu'il possédait l'entièreté de la ville et que c'était un lieu de transit pour les marchandises volées de West Blue. Par sa volonté invisible et la dangerosité latente de son courroux, le Duke faisait respecter l'ordre et la discipline sur son île.
Cette longue traversée avait donné une soif incroyable au pirate hirsute. Alors qu'il découvrait avec intérêt et curiosité la ville immense de bric et de broc, il se mit à chercher un lieu où il pourrait se restaurer. Il cherchait une taverne où prendre un godet de blonde et il ne pourrait être trop difficile en la matière. Il ne semblait y avoir dans cette ville que des tavernes de petites réputations où les soulards s'encanaillaient crouler sur le bar. Ce genre de petits troquets perdus et sales, sans prétention aucune, qui servaient habituellement aux petites gens de la mousse rance. Mais parfois ces estancos conservaient également des bières légendaires, rares et délicieuses, qu'ils proposaient aux clients les plus précieux. Otto avait cherché sa perle rare dès qu'il avait posé pied-à-terre. Il n'avait pas mis longtemps avant de tomber sur la taverne parfaite : le pélican d'osier. C'était une ancienne goélette renversée de la marine qui faisait la structure principale de l'édifice. Sur le mur qui se jouxtait à l'entrée, on pouvait lire en peinture blanche « Duke is watching you ! ». Ou aussi traduit, le Duke vous observe.
À l'intérieur de la baraque, on trouvait peu de client et beaucoup de place pour s'installer. Otto vint au comptoir pour se faire servir plus vite. Il commanda son verre de bière, assis sur un tabouret de l'enseigne près d'un homme aux cheveux blancs visiblement fatigué. L'homme en question n'en était pas à sa première bière et il s'offusqua de la présence du vieux en des termes peu joviaux. Otto parvint à l'amadouer en lui proposant de lui payer son prochain verre et les deux hommes se mirent à discuter et boire ensemble. Les verres s'enchaînant, Otto s'oublia et se laissa porter par la douceur amère de la bière locale. Il oublia par ailleurs les sévices de l'alcool sur son corps si petit. Il regretterait très vite ce comportement relâché.
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Dim 22 Juil - 0:52
Rire et rixe sur wreck heaps
Erik Openheimer.
Présentement, Erik ne pouvait pas être plus heureux. Il fallait dire que c’était incontestablement son jour de chance. Pour commencer, ils étaient arrivés aux aurores dans cette petite île atypique, ce qui lui avait largement laissé le temps de faire un repérage des bars tout en cherchant une enseigne où loger. La partie intéressante, c’était qu’il avait trouvé une véritable perle en cet établissement, le Pélican d’Osier. Le nom n’était pas très recherché, mais la qualité du service et des boissons… C’était une toute autre histoire. L’alcool qu’ils servaient dans le coin était tout bonnement divin aux yeux du vieillard. Cela faisait au moins une année qu’il avait dû se contenter de l’eau de vie vendue dans des tavernes miteuses et bon marché. Or, il avait, cette fois-ci tout du moins, assez de berrys pour se payer de véritables bières ! En soit, ceci était déjà amplement suffisant pour faire le bonheur du navigateur. Toutefois, ce n’était heureusement pas tout. En effet, il avait rencontré un peu plutôt un homme plus ou moins aussi âgé que lui. Si au départ il avait vu d’un mauvais œil la présence d’un autre amateur de bonnes boissons, il s’était vite ravisé lorsque le petit vieux lui avait payé quelques verres. Oui, il n’en fallait pas plus pour gagner les faveurs de l’Openheimer. Le mieux dans l'histoire, c'était que cette soirée fabuleuse ne s’était pas arrêtée-là. Le pirate avait fini par s’habituer à la présence de son nouveau compagnon de beuverie, commençant à converser de tout et de rien avec lui. Ce Limoncello était vraiment quelqu’un d’intéressant. C’était la dernière pensée à peu près limpide qu'eut Erik avant que les effets de l'alcool commencent à se faire sentir.
-« Tu vois, Otto… » Commença-t-il avant d'hoqueter tout arborant un sourire affreusement niais. « Ça, c’est de la bonne bibine ! Je sais que je vais me réveiller demain avec une de ces gueules de bois, mais j’en ai rien à foutre, putain ! Allez, barman ! Je veux une nouvelle tournée pour moi et mon copain... et que ça saute ! » -« Je pense que tu as assez bu comme ça. » L’arrêta un jeune homme assez pâle.
Il s'agissait de Massy Umbra, celui qui se rapprochait le plus d’un leader dans le petit groupe auquel appartenait le vieillard en question. Cela faisait un bon moment déjà qu’il était entré dans le bar. Jusque-là, il s’était contenté de rester assis à l’écart, sirotant un petit cocktail de fruits en attendant que son camarade termine tranquillement sa bière. Cependant, le zoan du kangourou n’avait pas tardé à comprendre que son plan était tout sauf pertinent. En effet, il avait omis de prendre en compte un détail qui avait une certaine importance : la soif insatiable de son ami. Aussi, le bretteur avait décidé de mettre un terme à la petite sauterie improvisée d’Erik. Bien sûr, il était content que ce dernier ait un peu sociabilisé avec quelqu’un, chose assez rare pour être soulignée. Néanmoins, cela ne voulait pas dire que le maudit allait laisser son navigateur se saouler jusqu’à en perdre connaissance. D’une, ça le forcerait à porter le vieux jusqu’à leur auberge, ce qui le gavait d’avance. Et de deux, cela voudrait dire attendre des heures, parce que le jeune garçon était bien placé pour savoir à quel point son camarade supportait bien l’alcool.
-« Mais de quoi je me mêle, du con ? » S’énerva l’Openheimer avant de se tourner vers le nouveau venu. « Va te faire… Ah, c’est toi, gamin. » -« Oui, oui, c’est moi. » Soupira le concerné en levant les yeux au ciel. « Il est temps de rentrer. » -« Naaaaan, te fout pas de ma gueule. » Refusa le navigateur. « La nuit est encore longue, et j’ai déjà commandé une nouvelle tournée pour moi et Otto. » -« Bah tu laisses ton ami finir les bières, problème réglé. » Répondit Massy en saisissant son interlocuteur par les épaules. « Allez, paye le monsieur et on y va. »
Le bretteur commença alors à tirer Erik vers lui dans l’espoir de l’éloigner du comptoir. C’était sans compter sur l’obstination de l’alcoolique, fermement accroché au bois sculpté sur lequel reposaient plusieurs verres vides.
-« On y va, j’ai dit. » Insista l’Umbra en haussant le ton. -« Non, non, non et non ! » Rétorqua son comparse, n’en démordant pas.
Au bout de deux longues minutes infructueuses, le zoan finit par perdre patience :
-« Ce n’est pas bientôt fini les caprices ?! T’as passé l’âge pour te bourrer la gueule toute la nuit ! Soit tu viens, soit tu rentres seul ! » -« Je rentre seul, alors ! » S’exclama le barbu à la toison grisonnante. « Problème réglé, comme tu dis. » -« Eriiiiiiik… » Soupira le kangourou, lassé de ce petit jeu. « Ça suffit, maintenant. Bell doit commencer à s'inquiéter, à force de nous attendre. »
Si Massy avait effectivement menacé de revenir seul à l’auberge, il ne s’attendait franchement pas à ce que son ami accepte cela. Bien sûr, le marsupial pourrait sauter sur l’occasion pour rentrer et bénéficier d'un sommeil réparateur bien mérité. Cependant, il ne le ferait pas pour la simple et bonne raison que c’était au-dessus de ses forces d'abandonner son compagnon de voyage. Les environs n’étaient pas sûrs, loin de là. Sur le chemin pour venir dans cette taverne, le maudit s’était fait agresser une ou deux fois par des petites frappes un peu trop sûres d’elles. Malheureusement, ce type de personnes pullulait dans les environs, ce qui était une très mauvaise nouvelle pour un vieil homme sans compétences martiales comme Erik. En somme, revenir seul serait suicidaire pour ce dernier. Le garçon pâle se demandait d’ailleurs comment l’Openheimer avait réussi à arriver là en un seul morceau.
-« C'est mon dernier avertissement, Erik. Ne m'oblige pas à te faire venir de force. »