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Kokuro Elina
Kokuro Elina
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Sam 27 Oct - 10:52
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Les gardes restaient circonspects. À peine les bases militaires de l'île inaugurées et les prisons ouvertes que leur premier occupant venait d'y être incarcéré à la demande expresse de la protectrice de l'île. Gary et Rémy se regardèrent pour la n'ième fois depuis que le captif était derrière les barreaux. Le mec était coiffé d'un déguisement d'ours totalement loufoque, il était grand, mince et tordu comme un fil de fer et, surtout, semblait plutôt de bonne compagnie, à dire vrai. Qu'est ce qu'il avait bien pu faire pour s'attirer des ennuis aussi vite ? Néanmoins, on ne les payait pas pour remettre en question les ordres de leurs supérieurs, mais bien pour veiller à la sécurité de leurs concitoyens. C'était pour cette raison que les deux amis d'enfance s'étaient engagés, d'ailleurs ! Alors s'il était derrière les barreaux, c'était qu'il devait avoir fait quelque chose pour le mériter.


- C'est à toi d'jouer, Rémy, rappela soudain le grand blond barbu.
- Ouais je sais... t'as... euh... t'as des trois ? tenta le brun en furetant de ses yeux verts en direction des cartes de son adversaire.
- Pioche ! répliqua Gary, une lueur amusée dans ses yeux bleus. T'as des rois ?
- Pioche ! lui renvoya Rémy sur le même ton.


Le temps passait lentement dans la prison. On avait installé un bain chaud dans une bassine et donné au prisonnier de quoi manger, se laver, se soigner... les deux gardes lui avaient même proposé de lire le journal qu'ils avaient déjà terminé, histoire qu'il puisse se divertir. Y'avait pas à dire, il avait été bien traité. Tout ce qu'on leur avait demandé, c'était de surveiller ce grand épouvantail et de ne pas le laisser s'échapper. N'empêche qu'au bout d'un moment, c'était devenu chiant... alors ils avaient décidé de se changer les idées ! D'où le jeu de carte improvisé.

Un bruit de pas dans le couloir les tira de leur partie et, soudain, la porte s'ouvrit en grand. Immédiatement, les deux hommes se dressèrent droits comme des piquets, au garde à vous, laissant par la même occasion leurs cartes se répandre au sol... et montrant à qui le voulait bien que les deux amis d'enfance aimaient, l'un autant que l'autre, mentir et tricher aux cartes !


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La jeune femme aux cheveux noir de jais marchait d'un pas rapide dans les allées de Yakoutie, se dirigeant vers le quartier général de la capitale afin de rendre une petite visite à « Big Bear ». La situation s'était passablement éclaircie depuis le début de la matinée, aussi arborait-elle un air bien moins renfrogné qu'avant de laisser cet intrus, charmant au demeurant, croupir en prison plusieurs heures. Ses discussions avec Tetsujin et Kanae Toupex avaient éclairé sa lanterne et, à présent, elle pouvait enfin mettre un nom sur le commanditaire de cette opération sur Rinekin : Kabayoshi M. Kiru. L'ancien révolutionnaire, à présent pirate à la réputation brutale, avait apparemment tenté de s'introduire sur son île en envoyant trois de ses sous-fifres s'occuper des basses besognes. Kanae avait rencontré l'être androgyne quelques temps auparavant, et celui-ci avait même tenté de monnayer sa survie en arguant d'une hypothétique dette contractée par Erwin envers Kiru. Cela étant, il avait fait fausse route en usant d'un pareil stratagème : lorsque l'on connaissait la propension de Kanae à protéger les civils, il n'était guère étonnant qu'elle ait refusé de s'acoquiner avec pareille canaille responsable d'actes de barbarie, ni plus ni moins. Elle n'avait aucune raison de douter des informations délivrées par l'ancienne marine, à peine quelques instants plus tôt, mais son naturel prudent et intriguant la poussait à confronter ses dires à ceux de son prisonnier actuel.

Elle avait donc tout naturellement joins Francis qui avait semblé se lier très facilement à leur hôte à la tenue d'ursidé. Sans doute le tireur d'élite pourrait-il l'aider à convaincre « Big Bear » de trahir ses anciens patrons, en échange de sa potentielle libération ? Elina soupçonnait qu'il se serait sans doute méfié d'une si belle opportunité si elle avait seulement émané d'elle. Mais comment aurait-elle pu lui en vouloir ? Elle-même aurait flairé le mauvais coup ! Simplement, si ses informations se montraient utiles et si son implication dans l'équipage de ce Kiru s'avérait minime... peut être pourraient-ils trouver un autre terrain d'entente. Dans tous les cas, la Zoan avait hâte de s'entretenir avec cet homme étrange !

L'araignée traversa la cour du quartier général sans s'arrêter un seul instant, saluant les gardes en faction d'un simple signe de tête. S'orientant sans aucun mal, elle se dirigea vers la prison et y entra sans que les deux gardes postés en faction s'émeuvent. Bientôt, elle remonta le long du couloir et arriva devant une porte donnant sur une dernière cellule. Sans crier gare, elle l'ouvrit à la volée et tomba sur un spectacle affligeant. Deux gardes s'étaient levés précipitamment, laissant choir les cartes avec lesquelles ils s'amusaient au lieu de surveiller diligemment le prisonnier derrière les barreaux. Elle soupira un bref instant, avant de leur commander d'une voix calme :


- Puisque vous avez besoin d'une pause, allez donc prendre l'air. Si vous trouvez un homme masqué en poncho, conduisez-le jusqu'ici.
- Euh... Oui, m'dame.


Sans demander leurs restes, les deux gardes ramassèrent en toute hâte leurs cartes et s'éclipsèrent. Elina promena rapidement ses yeux dans la pièce pour y détailler une grande salle rectangulaire séparée en deux : un coin libre où une table et deux chaises trônaient en face d'une cellule individuelle qui occupait la moitié de la salle. A l'intérieur de cette dernière, un petit paravent préservait l'intimité de son unique occupant lorsqu'il souhaitait se rendre aux latrines, tandis qu'un lit de fortune occupait le coin opposé de la geôle. Enfin, une bassine d'eau de mer réchauffée avait été installée en plein milieu de la cellule pour cet occupant maudit. Cherchant le regard du détenu derrière son masque étrange, Elina reprit la parole :


- Comme promis, je suis de retour. Francis ne devrait plus tarder, lui non plus. J'espère que vous avez été bien traité, « Big Bear » ?


La Zoan trépignait légèrement, mais n'en laissa rien paraître pour ne pas risquer de brusquer son prisonnier inutilement. Elle préférait opter pour une approche douce dans un premier temps, quitte à devoir revoir sa stratégie au besoin, ce qui ne serait potentiellement pas nécessaire. Son interlocuteur s'était montré parfaitement coopératif, sur Rinekin, elle n'avait donc aucune raison de douter de sa propension à tenir ses promesses ! Il ne lui restait plus qu'à patienter jusqu'à l'arrivée de Francis.




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Résumé :
Elina arrive dans la base militaire et plus précisément dans la salle où est retenu Chapter. Elle envoie les gardes chercher Francis et aborde Big Bear en lui demandant s'il a été bien traité, en attendant que son collègue ne les rejoigne.

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Kokuro Elina
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Mer 31 Oct - 22:50
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Feat. Elina Kokuro & Francis Levignac



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Tenue de Big Bear

Une énième cigarette s’échappa de ses doigts en se heurtant à la bouche, toujours dépourvue de la moindre percée, du masque grimaçant. Le cylindre ardent s’en alla s’éteindre au milieu de la bassine, où il flotta mollement parmi ses congénères, s’ajoutant à la crasse qui maculait à présent la baignoire dans laquelle le grand homme trempait depuis plusieurs heures.

Celui-ci fixa son mégot en silence plusieurs secondes durant, sa main droite se crispant légèrement sur le bord de la bassine de bois après s’y être abattue, dépitée. Cela ne l’énervait pas ; il était d’une patience dont peu d’êtres humains pouvaient se targuer, et aurait pu répéter le geste toute la journée, s’il l’avait fallu. Il ne s’inquiétait guère plus de la perte de quelques misérables grammes de tabac, n’ayant qu’un intérêt très limité pour la dimension financière des choses. Non, ce qui faisait palpiter les veines du dos de sa main, à cet instant, était bien plus simple : cela faisait maintenant plus d’une demi-journée que le nouveau masque, dans sa hâte de lui créer une nouvelle identité, l’empêchait inlassablement de fumer… Et le corps du vieux fossoyeur, qu’il soit celui d’Eden Chapter ou de Big Bear, commençait à percevoir particulièrement nettement le manque de nicotine dans son organisme.

Il avait épuisé toutes les ressources à sa disposition pour occuper son esprit ailleurs que sur ce besoin invasif. Roulé dans sa main gauche, le journal gracieusement offert par ses gardes n’avait plus de secrets pour lui. Il l’avait tenu durant plus d’une demi-heure, tandis que Nic-Nac lui faisait la lecture à voix haute depuis l’intérieur du château, avec toute la vitesse et la fluidité dont était capable un enfant de huit ans. Cela l’avait distrait un temps, et la contemplation du tissu noir trempé qui recouvrait ses jambes ne suffisait pas à le remplacer. Big Bear s’était finalement laissé convaincre par ses acolytes que prendre un bain habillé n’était pas un crime si odieux, et qu’il lui était pour l’heure bien plus important de plaire à ses hôtes – qui n’avaient semblé que peu enchantés à la perspective de le voir dans le plus simple appareil. Il s’était donc finalement contenté du strict minimum, et se baignait à présent torse-nu, ne dévoilant aux yeux du monde que ses bras squelettiques tant par leur épaisseur que par leur couleur et sa cage thoracique fripée, enserré de bandages jusque là figés par la poussière et le sang qui se ramollissaient à présent dans l’eau tiède. Ses pieds, nus également, étaient posés à terre de part et autre de la bassine, au bout de ses jambes interminables, seules couvertes, que celle-ci ne pouvait contenir, peu importe à quel point il se contorsionnait.

Désespérément désireux de monopoliser son attention, il reporta bien plus nerveusement qu’à son habitude son regard sur les deux gamins qui avaient été chargés de sa surveillance. Leur jeu, il l’avait pratiqué de longues soirées durant, alors qu’il n’était pas plus vieux qu’eux, dans la taverne de Whiskey Peak, comme un amusement pour des pirates qu’il enterrait sur la colline la nuit suivante. Un léger sourire nostalgique flotta sur ses lèvres. Il lui arrivait parfois d’oublier à quel point il s’était mis en tête de détester cette période de sa vie.

-Dites, vous feriez bien une partie avec moi?

L’idée de perdre face à lui – ce qui ne laissait au passage aucun doute – sembla terrifier les deux garçons, qui jetèrent leurs cartes au sol en se relevant d’un bond. Ce fut après avoir haussé un sourcil fatigué que Big Bear remarqua la présence nouvelle de la froide demoiselle aux cheveux noirs qui congédia les morveux d’un voix sans appel. Quel caractère, tout de même !

Baissant les yeux, Big Bear remarqua avec horreur les détritus qui flottaient dans la baignoire. Il s’était donné tout ce mal pour se présenter comme le gentleman propre sur lui qu’il se devait d’être, il aurait été bien dommage que ses efforts soient réduits à néant par une si simple négligence. D’un geste rendu vif et saccadé par sa nervosité addicte, il balaya la surface de l’eau, récoltant tant bien que mal les mégots pour les jeter à terre derrière lui tandis que sa délicate hôte s’adressait à ses sous-fifres avant de se tourner enfin vers lui, espérant qu’elle n’ait rien remarqué.

Les yeux globuleux de l’ours fixèrent le plafond d’un air distrait tandis que ceux, gris et ternes, de l’homme en dessous soutirent depuis leur cachette le regard de la jeune femme. Un soufflement de nez amusé vint étayer le sourire carnassier affiché par le masque, lorsque celle-ci posa sa question.

-On ne peut mieux Dame Elina, je me sens comme un vrai petit prince ! J’espère que vous me pardonnerez de ne pas me lever pour vous saluer, je me sens un peu faible...

Une façon de lui confirmer ce qu’elle savait déjà, mais le criminel ne pensait pas si loin. Une boutade, tout au plus, sur ses conditions de détention somme toute peu enviables, malgré la bonne volonté mise en œuvre par ses geôliers.

-Votre traque s’est-elle bien déroulée ? Si vous êtes ici, je suppose que vous en avez fini avec ces malheureux bandits, et avec l’au… mon cher collègue ?

Il s’était retenu de peu de l’appeler « l’autre hurluberlu ». Il était encore trop tôt pour faire savoir à Elina à quel point il en savait peu sur ces gens. Ces informations allaient se monnayer rudement… et il espérait bien en obtenir quelques unes en échange, lui aussi.




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"Avant moi rien n'était, nul ne fut enfanté,
Hors les êtres crées d'éternelle substance,
Et moi je suis comme eux, car j'ai l'éternité,
Vous qui passez le seuil, laissez toute espérance."

Dante Alighieri, La Divine Comédie
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Lun 5 Nov - 19:29

”Lovely Interlude”






- Oh, mais cela vous va à ravir, complimenta-t-il mielleusement la femme accroché à son bras, faisant référence à un collier familial que l'on venait de lui dévoiler. Vous me rappelez... cette déesse de l'Odyssée de Van Hamlet ! Je vous ai parlé de l'Odyssée de Van Hamlet ? Il s'agit de...

Le retour en ville s'était déroulé de façon tout à fait agréable. Plaisante, même : l'idée d'avoir bien réalisé son travail rendait l'artiste toute chose et il avait donc décidé, tandis qu'il se séparait de la demoiselle aux cheveux noirs comme le jais afin de la retrouver plus tard, de prendre quelques minutes de bon temps. Cinq minutes... cinq petites minutes ! Pas plus, il se l'était promis. Mais il était filou et il ne s'était pas privé de faire la cours à une gente dame de la capitale. Elle lui avait dit son nom : Anastasia. Quel beau nom, n'est-ce pas ? Elle était si belle et gracile, avec ses petits yeux noisette, ses bouclettes brunes chaleureuses et son petit nez retroussé. Ses sourires dévoilaient des rangées de miroirs tandis que sa silhouette gracile la rendait semblable à un voile de soie : prêt à s'envoler au moindre coup de vent glacial de ces contrées austères. Il n'avait pas été difficile de se la mettre dans la poche : rêveusement, elle observait une collection de livres dont le littéraire tireur d'élite avait lu la grande majorité (l'autre étant composée d'ouvrages qui, de son propre aveu, étaient ennuyeux ou extrêmement sots). Une petite phrase d'accroche plus tard, le ton de voix approprié et l'attitude tranquille et mystérieuse adéquate, voilà que le jeune cygne en quête d'aventure voyait son après-midi morne et froid se changer en expérience toute nouvelle.

Bien heureusement, il ne tachait que très rarement ses vêtements. Avec le sang, pour être clair. Les quelques marques et griffes récoltées lors de son vol plané un peu plus tôt dans la journée, quant à elles, lui donnaient ce petit côté baroudeur qui semblait tant plaire aux adulescentes. Ils progressaient actuellement dans les allées de cette grande cité qui, si le destin et les dieux de tous les horizons donnés à l'homme le voulaient, deviendrait encore plus puissante que jamais. Elle lui racontait sa vie, d'un commun relativement triste, et il écoutait sans coup férir. Ses petites répliques, soient teintées d'humour, soit armées de pertinence, ne cessaient de mettre en confiance cette jeune et naïve gazelle dont il n'attendait rien de spécifique. Il avait assez tué pour aujourd'hui... mais garder un petit en-cas pour plus tard ne pouvait pas faire de mal ? Oh, il imaginait déjà la peine dans ses yeux, puis la surprise. La surprise, puis la peur, la panique, la folie... la mort. Enfermant ses délicates pensées dans les recoins les plus abjects de son esprit détraqué, le peintre écarlate tenait le rôle du compagnon charmant, avenant et utile. Cet homme silencieux et rassurant capable d'écouter de longues séances de doléance envers la vie, le climat, les autres pimbêches ou l'univers cruel leur refusant l'amour tant désiré. Au moins, celle-ci était férue de lecture. Elle était un peu plus intéressante, en tant qu'être humain, que la moyenne.

- ... c'est ainsi qu'après avoir vaincu le Jevil au jeu de cartes, Van Hamlet parvint à obtenir son retour des enfers, ponctua-t-il sur un ton de conteur. C'est du moins ce que l'on raconte...

- Oh, messire Francis. C'est si... beau, lui répliqua la demoiselle, le souffle court.

- J'y vois l'allégorie de l'amour en lui même, très chère, reprit-il sous le coup d'une émotion qui n'avait rien de réel. Un fleuve tranquille tant que la naïveté dure, puis les soubresauts des premiers éclats de voix, des premières disputes... mais seul celui qui sait aller en enfer et y revenir sans tressaillir peut...

- Mmm, S'cusez-moi ?

- ... m'interrompre sans que je le change en amphore percée... murmura-t-il, abasourdi par autant d'impolitesse, avant de récupérer son entrain habituel. Que puis-je pour toi, mon brave et espiègle... qu'es-tu, exactement ?

- Je suis Gary, lui c'est Rémy. On est des gardes. M'dame Elina, elle veut vous voir, répondit l'un des deux ploucs qui, maintenant que le Levignac assemblait toutes les pièces du puzzle, pouvait effectivement ressembler à un garde. Sans doute dans une dimension où le charisme se minait plus que l'or.

- Oh, chic ! Lâcha Francis comme un gamin auquel on venait d'apprendre une virée à Shabondy Park. Très chère, je dois vous laisser. Le devoir m'appelle. Les justes ne dorment jamais...

- Mais... quand vous reverrai-je ? Souffla-t-elle.

- Quand votre vie prendra un tout autre tournant... soyez en sûre, ma douce... minauda-t-il en imaginant sans doute des choses à l'opposé total de ce que sa jeune "dulcinée" pouvait attendre de lui. Allons bon, en route ! Dame Elina m'attend, pas vrai ?

Poussant quasiment les gardes devant lui, le pistolero disparu bientôt du champ de vision de sa romantique et idiote petite conquête, avant de se diriger vers les prisons de Yakoutie Island. Les bases militaires annoncées par la Kokuro prenaient place, lentement mais sûrement, changeant l'endroit en une place forte qui serait bientôt digne de respect et de crainte tout à la fois. Si l'architecture laissait à désirer, trop crûe et froide aux yeux de l'artiste en Francis, il devait reconnaître que le climat agissait avec bien peu d'égard vis-à-vis de la condition des travailleurs et de leur travail... obligeant les gens à couper au plus simple : des blocs de pierre grise cisaillés méthodiquement et géométriquement, empilés les uns sur les autres, reliés par un ciment fort et des armatures métalliques destinées à tenir un siège. Si la Zoan ne faisait pas forcément dans l'élégance à chaque fois, il fallait admettre qu'elle restait d'une efficacité glaciale.

Ses deux chiens de compagnie l'amenèrent bientôt au travers du quartier général de l'île, qu'il ne prit le temps d'admirer qu'à moitié, déjà trop absorbé par la suite des festivités ainsi que par l'idée même de pouvoir développer une nouvelle petite scénette en compagnie de cette actrice de talent qu'était Elina Kokuro. Le temps passa vite, bien vite, tandis qu'il se murmurait des actions de tous genres sous les yeux inquiets des deux lambdas en train d'escorter son humble personne jusqu'à leur cheffe. Vinrent bientôt les cachots, puis le bout du couloir... et... ah !

- Dame Elina ! Big Bear ! Quelle bonne compagnie, déclara-t-il presque exagérément. Qui aurait cru qu'une cellule puisse être si chaleureuse ?

Il entra élégamment dans la salle, croisant ses mains dans son dos, observant les alentours. Une simple geôle, mais efficace. Deux parties, un coin de détente pour les pauvres hères destinés à garder l'encore plus pauvre hère destiné à mourir dans sa solitude ou à être tiré de là pour recevoir sentence ou pardon. De l'autre côté des barreaux, son étrange camarade d'un peu plus tôt trônait comme un bien triste Poséidon au milieu d'une marre jaunie et noircie d'eau visiblement peu attirante. L'odeur du tabac consommé par le feu emplissait l'air subtilement. Faisant quelques pas de plus, toujours en respectant la position par rapport à la barrière les séparant du maudit de la Jorogumo qu'il considérait comme un repère, le meurtrier en série reprit la parole.

- Bonté divine, mon cher, fit-il mine d'être effaré. Avez-vous obtenu une sorte de soin du corps à mon insu ?


Rester égal à soi-même, toujours... une phrase que Francis, ignorant lui même qu'il était réellement, trouvait à la fois amusante et stupide au possible.




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Kokuro Elina
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La jeune femme attendit que les deux gardes ne sortent avant de reporter toute son attention sur le drôle d'oiseau qui baignait dans son propre jus depuis un certain temps à présent, l'eau de la bassine témoignant d'un amas de crasse s'étant petit à petit dilué dans le bain. Elle haussa un sourcil devant la remarque sarcastique de son vis à vis, avant de sourire doucement. Sans rebondir sur sa petite pique, elle héla dans le couloir deux autres gardes à qui elle commanda d'apporter des serviettes et des vêtements propres à son prisonnier, afin qu'il puisse sortir de l'eau dans de bonnes conditions. Il ne se laissait décidément pas démonter par la situation, fort peu à son avantage au demeurant, tout en gardant malgré tout des bonnes manières très appréciables par les temps qui courraient.

Quel dommage qu'il n'ait pas mieux choisi ses alliés.

Perdant lentement son air enjoué, le visage d'Elina se recomposa peu à peu en ce bloc de glace serein qui lui seyait tant. Fixant sans faillir le regard globuleux de la tête d'ursidé, elle accueillit la question innocente de son hôte sans même ciller, malgré l'hésitation évidente en parlant de ses collègues. La Zoan occulta l'interrogation sans même y penser plus d'une seconde, avant de reprendre la parole d'un ton calme :


- Je vois que vous gardez votre sens de l'humour et votre bonhomie, Big Bear, c'est tout à votre honneur.


Sans le lâcher du regard, elle continua sur la même lancée :


- Si je vous ai maintenu en vie dans les meilleures conditions possibles compte tenu des circonstances de notre rencontre, il s'agit là purement et simplement de mon désir de vous voir répondre à des questions qui appellent à des réponses précises. Car j'aimerais sincèrement que nous en restions aux procédures simples, sans que vous m'obligiez, d'une manière ou d'une autre, à être plus convaincante que je ne le suis déjà.


La menace à peine voilée de possible torture fut interrompue par l'arrivée du Maestro ; une entrée en scène poétique et facétieuse au possible, marque de fabrique d'un artiste aussi érudit que mortel. Alors qu'il plaisantait avec le détenu, des gardes entrèrent, armés de serviettes et de vêtements chauds taillés au plus grand dont il disposaient, compte tenu de la carrure de l'escogriffe en face d'elle. Ils déverrouillèrent la cellule et proposèrent leur aide à Big Bear pour se relever et se sécher derrière le paravent, avant de lui tendre des vêtements secs. Observant la manœuvre d'un regard inquisiteur, Elina se ferait une joie de répondre aux éventuelles interrogations ou demandes de précisions de Big Bear, mais espérerait secrètement attendre l'arrivée de Francis pour débuter l'interrogatoire en bonne et dûe forme. Si le prisonnier se laissait faire, les gardes ressortiraient avec la bassine pleine d'eau sale, verrouilleraient la porte de la cellule, avant de s'éclipser en refermant derrière eux. Le prisonnier aurait donc tout le loisir de prendre ses aises à présent, et de répondre aux questions qui ne tardèrent pas à surgirent :


- Puisque nous en avons terminé avec les retrouvailles, j'aimerais aborder le nœud du problème. Nous sommes ici pour déterminer avec vous quel sera le prix de votre libération. Si vous vous montrez coopératif, il n'est pas exclus que vous terminiez la journée libre, loin de cette île, aussi je vous suggère de bien réfléchir à vos réponses.


L'araignée laissa un bref instant à Big Bear pour laisser ces mots marquer son esprit, avant de reprendre d'une voix égale :


- Que faisiez vous sur cette île, vous et vos acolytes, Big Bear ? Outre vos motivations, nous apprécierions les noms et descriptions physiques de tous les membres de votre organisation.


Ici, la jeune femme se tourna vers le tireur d'élite à ses cotés, avant de lui demander d'une voix mesurée :


- Ainsi que toute autre information que vous jugeriez importante de porter à notre attention, Francis ?


Puisqu'il semblait jouir d'une connivence débutante avec Big Bear, il aurait été sot de se passer d'une autre méthode d'approche de leur hôte d'infortune. Si elle comptait user de détermination, de promesses alléchantes de libération ou de menaces s'il le fallait, Elina n'hésiterait pas. Quant à Francis, il avait peut être une autre approche à proposer ? Et ce serait là une autre occasion de juger la profondeur de cet être énigmatique qui, pour l'instant, s'était avéré tout à fait qualifié et utile à sa cause.




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Résumé :

Elina demande à des gardes de reprendre la bassine d'eau et de donner à Big Bear de quoi se sécher et des habits propres.
Elle attend Francis, puis se lance directement dans l'interrogatoire.

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Kokuro Elina
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Sam 10 Nov - 15:59

”Lovely Interlude”






À peine eut-il fini sa remarque quelque peu farceuse que son interlocuteur se vit octroyé le plaisir immense d'enfin pouvoir sortir de son petit bain, dans lequel, en tout état de cause, il semblait bien amoindri. Utilisateur de fruit du démon... Francis était, comme beaucoup, fasciné par les multiples possibilités de ces objets craints et révérés. Ces aliments étranges, venus d'un autre monde presque, qui donnaient à quiconque prenait le risque de les goûter des pouvoirs surnaturels. Malgré tout, l'idée de ne plus pouvoir nager le chagrinait et, dans l'absolu, devoir se limiter à un seul d'entre eux était encore plus navrant : aussi le Maestro considérait que le jeu n'en valait pas la chandelle. Non... c'était bien plus intéressant de trouver un maudit et de l'utiliser pour mettre en place ses manigances magnifiques que de lui même perdre de son authenticité dans le procédé.

Tandis que le paravent dévoilait un Big Bear en bien meilleur état, Francis croisa les mains dans son dos avec un air naïf et innocent, comme un enfant observant distraitement son entourage pour la première fois. Suivant la conversation d'une oreille, son regard se riva sur les cartes étalées au sol. Ce n'était pas vraiment comme ça qu'on jouait : décidément, certaines personnes avaient bien besoin d'apprendre les bases, ici... sans réellement s'en rendre compte, il ne parvint pas à s'empêcher de tiquer sur l'absence d'un détail sur l'une des cartes. Sans doutes très artisanales, elles n'avaient que peu de fidélité au concept original. Enfin, les plus simples d'esprits devaient sans doute se suffire de ce genre de subterfuge pour tromper l'ennui. Ce qui restait, pour le peintre sanglant, absolument désolant.

Puis vint le moment où il était supposé intervenir, afin d'apporter sa pierre à l'édifice. Il se tourna donc vers Elina, dans un premier temps, puis vers le détenu. S'il jouait bien sa main, l'homme au masque d'ours parviendrait fort certainement à quitter cette cellule avant la fin de la journée, comme l'avait annoncé la protectrice des lieux. Francis aurait aimé cela. Un tel olibrius n'avait pas sa place dans un endroit aussi étriqué, destiné à retenir à jamais son originalité, sa personnalité et son apparence décalées. Non, il eut été bien plus amusant de le voir libre de ses actes... quelques ils furent, d'ailleurs ! Après tout, la vie n'était qu'un grand spectacle dans lequel s'offusquer des malheurs était risible. Tout ce qui comptait, c'était que l'Art brille de mille feux...

- Il m'est personnellement très curieux de vous voir de ce côté des barreaux, en réalité, commença-t-il, d'un ton assuré. Le détachement du prisonnier vis-à-vis de ses camarades n'avait rien de bien socialement correct, même entre gangsters. Quelque chose ne collait pas. Que vous ne soyez guère endeuillé de la disparition de vos camarades est une chose, mais... les tenants et les aboutissants de votre comportement en constituent une autre. N'est-ce pas ?

Il faisait là référence à ses actes lors des explosions qui, manifestement, étaient à côté de la plaque. Si son désir avait alors été de terminer l'oeuvre de ses "amis", il n'aurait jamais atteint cette geôle. Pas en un seul morceau, en tout cas. Pourtant, il était resté stoïque et coopératif jusqu'au bout : du point de vue du tireur, habitué à jouer avec ses proies et établir de vastes fumisteries pour tromper les plus idiotes d'entre elles, il y avait potentiellement anguille sous roche. Certes, cela pouvait être un signe de bonne foi... l'opération était un échec. Il n'avait pas de porte de sortie. Il se serait donc astreint au calme et à la coopération, espérant une fin heureuse qui avait plus de chance de se produire que s'il avait lui même tenté une offensive. Sauf que c'était trop simple... considérant sa malédiction, notamment. Ces pensées se déroulèrent rapidement dans la tête de l'expert balistique, qui reprit bien vite le fil de ses paroles.

- Après tout, vous avez été raisonnable et passablement sympathique, même avec un canon pointé entre les deux yeux, poursuivit-il, joueur, cherchant à donner du grain à moudre à la Kokuro. Un comportement typique du juste n'ayant rien à se reprocher. Un innocent, placé dans une méprise ô combien funeste. Vous m'en voyez navré.

Sa voix exprimait une certaine dose de regrets. Il hocha même de la tête de manière quelque peu exagérément, plaçant ses doigts fins et délicats sur son masque de craie lisse, feignant théâtralement la peine. Mais au final, pas si théâtralement que ça... car même si son comportement général était parfois bien trop grandiloquent, il n'en restait pas moins dans son propre personnage : Francis Levignac, un comédien fort expressif. Il prit garde à noter chaque détail de son interlocuteur : de la posture de son corps à l'écartement de ses pieds, en passant par les mouvements de ses mains. Il en était persuadé : son camarade de jeu n'était pas né de la dernière pluie et lui tirer les vers du nez allait s'avérer potentiellement compliqué... car même s'il se livrait, le Levignac garderait sa méfiance. Il était dangereux. C'était ce qui lui plaisait, d'une certaine manière. Il était à la hauteur... mais le plus infime des détails pourrait le trahir. Un détail que le tireur d'élite verrait sans peine.

- D'aucuns pourraient également dire qu'un maudit prenant aussi bien sa détention se trouverait fort certainement exactement là où il doit être... ou qu'il s'en rapproche, dit-il, quelque peu railleur, comme si l'idée était totalement absurde. Comme si quelque chose ici avait pu vous intéresser ! Enfin, nous devons certainement être experts en concours de boule de neige, je dois vous le concéder. Mais nous ne livrerons pas nos arcanes secrètes...

Il émit un petit rire à cette blague qui ne ferait sans doute rire que lui. Ce qui lui suffisait : l'heure était à la détente, après tout. Quoi de plus reposant et ludique que de tenter de pénétrer dans les pensées de quelqu'un, que d'essayer de le manipuler, de le mener à l'erreur ? Les doutes étaient émis, même s'il présentait un visage avenant et passablement fermé à l'idée que l'ursidé fut coupable. De son côté, il était certain que tout cela cachait quelque chose de plus grandiose.

- Vous êtes innocent, j'en suis convaincu, affirma-t-il, un peu plus sérieux. Tout au plus, embrigadé dans une sordide histoire que vous auriez bien voulu éviter. Mais comprenez bien... Dame Elina s'échine à préserver la sécurité de la population et ce n'est ni une tâche facile, ni une tâche lui permettant d'être aussi optimiste que moi. Si une menace plane sur notre foyer, il est impératif que nous soyons préparés...

Notre foyer. Il s'adaptait vite.





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Quel sérieux, mais quel sérieux ! Si elle s’était autorisée un léger sourire poli, elle en était bien vide revenu à son stoïcisme habituel sans le moindre signe d’hésitation. Un instant, le vieil homme crut voir une fillette frêle, pelle à la main, qui le scrutait depuis le bord de la tombe avec ce même visage de cire imperturbable. Ah, si seulement Page avait encore été là aujourd’hui… Les deux jeunes femmes auraient pu être jumelles.

La menace ouverte fut royalement ignorée ; non pas que le grand homme se fiche des sévices physiques qu’on pouvait lui faire subir, bien au contraire. Il n’avait simplement pas compris les implications de la tirade de sa geôlière, distrait par l’arrivée attendue de l’homme masqué. Les salutations de celui-ci furent reçues avec un léger rire rauque et un regard aux alentours, accompagné d’un haussement d’épaules. Qu’il s’amuse de la situation ne gênait nullement Big Bear, qui n’avait aucun doute sur sa prochaine liberté… contrairement à ses propres locataires, plus inquiets.

C’est difficilement qu’il quitta la baignoire sur l’invitation des deux hommes, se laissant pratiquement porter par ceux-ci en dehors de la bassine. Il s’appuya ensuite sur leurs épaules pour se laisser mener à l’abri des regards, sentant au bout de quelques secondes seulement son énergie lui revenir tandis que toute trace d’eau quittait la surface de sa peau. Les vêtements tendus furent observés quelques secondes d’un air suspicieux, avant de finalement être enfilés à la va-vite. Adaptés à la longueur de son corps, ils étaient en revanche extrêmement larges. Ignorant cet inconfort, il revint au-devant de ses hôtes, ses nouveaux habits pendants tristement sur tout son corps. Il s’assit alors en tailleur à quelques centimètres de la grille. Il pouvait ainsi regarder ses deux vis-à-vis presque à hauteur égale.

Elina reprit alors la parole, entamant directement les négociations. Elle ne perdait décidément pas de temps ! Pas de fioritures, droit au but. Il était fascinant de voir l’immense distinction qu’il y avait entre cette femme et son subordonné haut en couleurs.

Subordonné qui ne se fit d’ailleurs pas prier pour s’immiscer dans la conversation. Le grand ours n’avait pas eu le temps de commencer à réfléchir à ses réponses, que son attention se reportait sur un Francis aussi enthousiaste que sympathique. L’homme semblait réellement se soucier de sa condition et de sa culpabilité… et malgré cela s’avéra particulièrement perspicace. Les doigts de Big Bear pianotèrent sur son genou, lorsque le pistolero évoqua ses supposées raisons de se trouver là, et un nouveau ricanement émana du masque.

Francis avait visé juste : l’idée de se faire escorter à la capitale avait joué en leur faveur, lorsqu’il avait accepté de se laisser passer les fers. Voilà donc un secret qu’il n’avait plus vraiment besoin de cacher soigneusement. L’élément de surprise n’était plus de son côté… Pas celui-là en tout cas.

Après plusieurs secondes de réflexion, son regard gris alternant entre le masque d’ivoire et le masque de cire, le prisonnier prit ainsi la décision de jouer la carte de l’honnêteté. Il avait été démasqué, figurativement si non littéralement, et le bluff n’était plus une option intéressante.

-Je crains bien de vous décevoir, Dame Elina. Le grand homme que vous avez réduit en bouillie se nommait… Oniron ? Olicon ? Omirson? Il hésita sincèrement durant plusieurs secondes, ne parvenant pas à remettre le doigt sur l’identité du semi-géant, pour finalement balayer l’air de sa main d’un air négligeant. Bah ! Quelque chose du genre ! Pour le reste… Je dois avouer que j’en sais autant que vous. Comme l’a dit Francis, je ne fais pas partie de ces gens.

Il ne mentait pas ; s’il avait été contacté pour une tâche bien précise, ses employeurs avaient bien pris soin de taire leurs identités. Il avait bien compris qu’il se devait de faire ses preuves avant d’obtenir le privilège des contacts qu’il aspirait à obtenir.

-Pour autant, je ne peux pas me vanter d’être aussi irréprochable que vous semblez le croire, cher ami… Même si votre confiance me va droit au cœur, ajouta-t-il en se tournant vers Francis avec une légère courbette de la tête. Peut-être comprendrez-vous quand vous aurez mon âge, mais j’ai eu mes années d’innocence. Elles ne m’ont pas si bien réussi.

Se remémorant la récompense que lui avaient valu ses quatre décennies de loyauté aux maîtres de Cactus Island, il tâta ses poches d’un air distrait, pour les trouver surprenamment vides. Il lui fallut une seconde de réflexion avant de se lever pour gagner le fond de la cellule, où reposait sa veste de costume. Une rapide inspection de la boîte de cigarettes révéla qu’il ne lui restait que trois des précieux cylindres. En saisissant un d’un geste précipité, il l’alluma tout en revenant à sa place précédente, près de ses interlocuteurs.

Non, récemment, je me suis découvert une âme de commerçant… Je suis donc bien heureux que nous pouvions nous entendre, très chère.

La cigarette se porta à la bouche du masque et, une fois de plus, refusa catégoriquement de livrer la moindre once de fumée à travers celle-ci. Rageusement, Big Bear écrasa le petit objet sur le sol à sa gauche, la main tremblante. Il fixa ensuite quelques instants le mégot, la mâchoire serrée, puis ferma les yeux, tentant de normaliser à nouveau sa respiration. Il n’était pas temps de craquer. C’était maintenant qu’il jouait tout ce qu’il avait. Sa nervosité toxicomane jouait-elle dans le pari qu’il s’apprêtait à faire ? Peut-être. Ou peut-être n’était-ce là que son caractère.

-Vous savez, Dame Elina, vous et moi avons exactement le même objectif. Vous avez la lourde tâche de faire régner l’ordre et la sécurité sur cette bien belle île. Moi...

Il prit une longue inspiration, cherchant la formulation idéale pour ce qu’il avait à dire à présent.

-Moi, j’ai celle de m’assurer qu’une activité illégale née ici ne prenne pas plus d’ampleur qu’elle ne le devrait. Laissez-moi vous aider dans votre mission sur ce point, et vous n’entendrez plus parler de moi par la suite.

Son regard terne se posa dans le sien, glacial et fier. Si fier… Si fier qu’elle n’accepterait certainement pas l’aide d’un bandit pour son travail, si difficile soit-il. Il ne fallait pas qu’elle prenne la proposition comme une insulte à ses capacités.

-Ou ne me laissez pas faire, si vous préférez. Pour être tout à fait honnête, cela m’importe peu. J’ai... uniquement besoin que mes employeurs croient que c’est le cas.







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"Avant moi rien n'était, nul ne fut enfanté,
Hors les êtres crées d'éternelle substance,
Et moi je suis comme eux, car j'ai l'éternité,
Vous qui passez le seuil, laissez toute espérance."

Dante Alighieri, La Divine Comédie
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Lorsqu'elle s'était tournée vers Francis, elle avait espéré qu'il saurait saisir cette perche tendue pour entrer en scène, mais également continuer d'endosser un rôle bien plus ouvert et chatoyant que sa propre posture, austère et inquisitrice. L'artiste mortel ne l'avait clairement pas déçue ! Non content de tendre la main à Big Bear et à fraterniser toujours un peu plus avec lui, voilà qu'il délivrait des informations qui, jusqu'à lors, avaient cruellement fait défaut à l'araignée. Ainsi donc son prisonnier ne pleurait pas la perte de ses compagnons ? Le caractère malléable et la coopération de Big Bear pouvait effectivement laisser penser qu'il n'avait rien à se reprocher et qu'il s'était trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Néanmoins, Francis n'avait pas reçu le rapport de ses deux espions qui avaient observé le semi-géant entrer en contact direct avec Big Bear, avant qu'ils ne prennent une direction cote à cote. Il n'avait pas connaissance de l'identité alarmante du cerveau derrière cet acte de terrorisme. Le maestro ne ressentait pas, non plus, la pression qui était la sienne à l'idée de pouvoir perdre ce qu'elle s'était échinée à créer de toute pièce : son empire de l'ombre.

Mais elle ne rebondit pas sur ses propos pour les démentir.

Loin de là.

Elle sembla y prêter une attention toute particulière, comme si elle-même s'ouvrait à l'hypothèse rafraîchissante et optimiste, selon laquelle cet homme déguisé de la plus étrange des façons ne soit que la victime d'un coup du sort malheureux. Lorsque le tireur d'élite aborda le sujet sensible de leurs « arcanes secrètes », elle haussa un sourcil interrogateur dans sa direction, le visage empreint d'une certaine interrogation muette, tandis qu'intérieurement elle s'était roidie un bref instant. Cet homme était décidément dangereux, à l'image d'une lame à double tranchant, ou d'un canon de pistolet à l'humeur changeante. Sa présence sur les hauteurs, un peu plus tôt, avait sans aucun doute participé à la survie de toute la petite troupe... mais il restait une interrogation de taille qu'elle n'avait pu lui soumettre jusqu'à présent.

L'avait-il vue ?

Avait-il entraperçu ce qu'elle gardait secret aux yeux du monde ? Avait-il découvert son secret hideux, la noirceur de son âme et son double jeu odieux ? Le masque de Jorogumo était-il tombé ? Elle se calma rapidement. S'il avait voulu lui nuire directement, il l'aurait déjà fait. Il ne restait donc que deux possibilités : la sincérité de cette aide qu'il lui apportait, ou un tout autre dessein qui nécessitait plus de temps pour être révélé.

Et la jeune femme haïssait rester dans l'incertitude.

Revenant à la situation présente, elle écouta la plaidoirie passionnée de cet être haut en couleurs, tandis qu'elle se promettait d'avoir une petite discussion avec Francis dès qu'elle en aurait l'occasion. Car s'il voulait se joindre à ses rangs en tant que membre doté d'un talent et d'un potentiel certains, il faudrait tôt ou tard qu'elle lui laisse entrevoir les coulisse de son monde. Elle en frémissait d'avance, tant cet homme l'intriguait. Il avait cette faculté de se montrer si prévenant et charmeur, tout en dégageant un « je ne sais quoi » de sombre et un rien pernicieux.


« "Notre foyer" ? », nota-t-elle mentalement.


Elle ne put s'empêcher de sourire en coin, tant cette manœuvre lui était familière pour entrer dans les bonnes grâces des locaux. Elle l'avait d'ailleurs utilisée aujourd'hui même, lors de l'ouverture des bases militaires ! Oui. Francis Levignac flirtait avec les ombres tout autant qu'elle, sa réputation n'avait donc pas menti sur ce point. Quant à son prisonnier rocambolesque, la Zoan écouta patiemment ce qu'il avait à dire. À mesure que les paroles de l'homme dépenaillé lui parvenaient, son esprit analytique ruminait de plus en plus. Les bras croisés devant elle, elle ne lacha pas son interlocuteur de son regard froid et inexpressif de longs instants durant.

Ainsi donc, ils se trouvaient dans la pire situation possible pour Yakoutie : cet homme n'en savait pas plus qu'eux, de son propre aveu. Encore que, il se trompait lourdement : grâce à Kanae, Elina savait, elle, que Kabayoshi M. Kiru avait souhaité entrer en contact avec Jorogumo pour potentiellement lui dire. Pourquoi, en revanche, cela lui restait impossible à deviner. Elle fut tentée de croire au mensonge, à la dissimulation, mais tant la gestuelle que le ton monocorde de son vis-à-vis ne lui laissèrent guère le choix que de celui de le croire lorsqu'il affirma ne pas faire partie de ces « gens ». De même lorsqu'il avoua ne pas être si blanc mouton qu'on aurait pu le croire, suite à la plaidoirie de Francis.

La Zoan le laissa allumer sa cigarette sans faire le moindre geste, continuant simplement d'appeler à plus de réponses par son stoïcisme et son silence pesant. Et, fort heureusement pour elle, la suite lui donna plus de grain à moudre. Un commerçant ? Voilà l'image qu'il avait de lui ? En d'autres termes, négocier les termes d'un contrat pour sa sortie était tout à fait envisageable, il l'appelait même à demi-mot ; ce qu'il confirma rapidement en tentant une manœuvre de synchronisation lorsqu'il les affubla du même objectif, selon ses propres mots. Bien étrange affirmation venant d'un potentiel danger pour la sécurité de l'île, celle-là même que la jeune femme tentait de préserver. Son attention définitivement captée, Jorogumo tendit l'oreille et ne fut pas déçue. Fidèle à elle-même, elle se mura dans un manque de réactivité déroutant jusqu'à ce que Big Bear ne termine sa tirade... et ne lui offre une porte de sortie.

L'araignée s'engouffra dans la brèche.


- Vos... « employeurs » ? releva-t-elle d'une voix neutre. Je trouve particulièrement intéressant d'avoir choisi ce mot, Big Bear, vous qui semblez pourtant ne pas manquer de vocabulaire.


Elle décroisa les bras en s'approchant lentement du vieil homme, car il s'était attribué lui-même le poids des années un peu plus tôt.


- Qui dit employeur, dit directives ou, à défaut, contact. Or, force est d'admettre que vous avez savamment détourné notre attention de ce point, pour vous concentrer sur vous-même et votre absence de relation avec vos deux « collègues ».


Arrivée proche des barreaux elle se pencha vers lui, malgré ses dimensions énormes, puis reprit la parole sans sourciller :


- Je veux bien croire que vous ne soyez pas lié à eux, pas définitivement tout du moins. Je suis même prête à vous concéder une certaine méconnaissance et, par le fait, une part minime, sinon inexistante, dans les atrocités qu'ils prévoyaient... mais ne me prenez pas pour une sotte.


Elle laissa un bref instant au fumeur pour se laisser imprégner de ces mots, avant de lui asséner sans aucune pitié :


- Comment êtes-vous entré en contact avec eux, Big Bear ? Comment avez-vous fixé le rendez-vous sur cette île ?


Elle se redressa de toute sa hauteur, avant de reprendre, intransigeante :


- Répondez-moi honnêtement, et alors seulement j'étudierai votre offre tout à fait inattendue.


Elina jouait carte sur table, sentant naturellement qu'elle n'aurait pas besoin de minauder, puisque Francis endossait ce rôle à merveille jusqu'à présent. Aussi, qu'une femme aussi froide et inflexible qu'elle lui offre une lueur d'espoir, la possibilité de voir sa proposition examinée et potentiellement acceptée n'était pas anodin. Par ailleurs, la jeune femme était persuadée d'un fait, pour fixer un rendez vous... il fallait être deux : l'invité, et l'organisateur. Qu'il ait attendu ce semi géant sur Rinekin n'était pas le fruit du hasard : ils en avaient planifié les détails. Autrement dit, il détenait un moyen pour entrer en contact avec eux, une missive explicative ou, à défaut, un indice pour remonter jusqu'à cette organisation secrète.

Et il allait le lui révéler.




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Dim 11 Nov - 12:01

”Lovely Interlude”






Un début d'aveu. C'était déjà cela. Bien entendu, il ne s'était pas attendu à voir l'Ours se départir de son stoïcisme pour si peu : néanmoins, le petit cliquètement de ses doigts sur son genou semblaient indiquer une réaction d'inconfort, de réflexion, de malaise. Il avait touché dans le mille. Comme à son habitude ! Quoi de plus évident ? C'était son travail. Il avait passé de longues années à développer ces capacités uniques et sensationnelles, à se changer en un avatar du travail bien réalisé et stupéfiant, à s'évertuer à devenir la beauté même... la beauté la plus terrible et réelle qui fut. Il s'égarait. C'était dur, d'être lui. Tant de précision et de rigueur, à chaque instant... aaaah. Il aimait être lui, définitivement. Plus exactement, ce qu'il représentait. Le monde aurait définitivement été bien moins lumineux et intéressant s'il n'avait pas eu l'occasion d'y apporter sa petite touche.

Cessant quelques instants de se faire mousser intérieurement, le Levignac se reconcentra sur les dires de son interlocuteur dégingandé, visiblement plus enclin à essayer de trouver un terrain d'entente que l'écrasante majorité des prisonniers qui avaient eu l'occasion de croiser le chemin du peintre écarlate, durant ses jeunes années de pègre, sales et chaotiques. Il se définissait lui même comme un marchand, un commerçant, un négociant. Un homme prêt à en échanger une chose contre autre... à chiner si c'était nécessaire, même. Si tel était le cas, il saurait certainement voir l'indéniable nécessité de faire quelques concessions sur l'instant afin de pouvoir racheter sa liberté. Un point sur lequel la Kokuro insistait sans cesse : il pouvait payer sa libération... le silence de ses geôliers. Ils fermeraient les yeux sur son implication dans cette triste affaire. Ils le renverraient sur les mers, si tel était son désir. D'abord, ils avaient besoin d'un os à ronger.

Considérant la prédatrice à côté de laquelle il se trouvait et dont il était certain d'avoir entraperçu la nature tout à la fois fascinante et terrifiante, le Maestro imaginait sans mal que l'os allait devoir être fichtrement gros pour satisfaire son appétit.

Elle ne lui donna pas tort, tout du contraire : malgré les quelques éléments donnés par Big Bear, impliquant sa présence pour des raisons de contrôle d'une activité illégale, la demoiselle maintint son masque de glace et s'octroya même le loisir de se faire plus grave, plus menaçante. Oh, il aimait cela. Elle restait, en tout état de cause, tout à fait correcte dans ses propos. Pourtant, à chaque instant, il revoyait la même scène. Ses doigts autour de sa nuque. Les deux billes noires, sans vie, vidées de toute chaleur, qui plongeaient dans les ténèbres de son masque. La mort qui l'avait effleuré, taquine... avant de le relâcher promptement. "Pas aujourd'hui", avait-il entendu dans les vents glacés de Yakoutie. Il avait alors compris que son choix était vrai et parfait.

- Il serait effectivement de bon goût de votre part de nous en dévoiler un peu plus sur ceux qui vous ont employé en premier lieu, mon ami, déclara Francis en s'installant sur une des chaises. Si c'est leur capacité à vous rattraper qui vous inconforte, je suis certain que nous pourrions, dans un second temps, vous aider sur ce point.

Il se tourna rapidement vers la Kokuro, cherchant non pas son accord, mais son concours pur et simple dans ce petit acte. Tout dans le duo était contrasté à un point affriolant, mais crédible : la protectrice de Yakoutie Island était la façade froide, empreinte de gravité et qui ne laisserait passer aucune concession tant qu'elle n'aurait pas obtenu ce qu'elle voulait savoir pour le bien de ses petits protégés. L'artiste, lui, se glissait dans la peau du "bon geôlier". Celui qui était plus prompt à croire à l'innocence de son détenu, qui voulait le voir sortir du plus profond de son être et qui était prêt à aborder les choses de façon plus souple afin d'arriver à un accord profitable. Ils avaient besoin de ce numéro : leur invité avait besoin de sentir qu'à défaut d'être sur un pied d'égalité, la belle brune et son homme de main discutaient, échangeaient. Qu'elle l'écoutait, lui. Qu'en cas de problème, il pourrait toujours compter sur la bienveillance du musicien funèbre pour atténuer sa peine de façon drastique. Il avait besoin d'assurances... comme tout le monde.

- Qui que soient ces gens, ils sont tombés sur un os, constata l'élégant meurtrier. C'est un fait. Un fait qu'ils avaient visiblement envisagé, étant donné qu'ils étaient prêts à se changer en confettis, mais qui s'est changé en réalité. Ils ont fait une erreur, qui pourrait se retourner contre eux.

Ils n'avaient pas besoin d'être ennemis. Pas maintenant : en général, Francis préférait les relations antagonistes, la plupart du temps. Tout simplement parce que la majorité des gens qu'il rencontrait étaient assez plats et insipides et nécessitaient un peu d'épice pour devenir dignes de passer un peu de temps en leur compagnie. Mais il y avait... ces autres personnes. Ce Big Bear. Cette Elina Kokuro. Eut-il eu un peu plus de temps, il était certain que ce petit gnome d'un peu plus tôt dans la journée aurait également pu entrer dans ces critères. Les critères de ces gens qui détonnaient dans son monde coloré à lui. Son illustre et disproportionné camarade de jeu n'avait qu'à accepter ces quelques pas improvisés...




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-Pour une sotte ? Je n’oserais pas, belle enfant. Bien au contraire.

Les paroles comme le ton s’étaient volontairement empreintes de paternalisme. Sa voix rauque et basse, usée par le poids des années, s’était adoucie autant qu’elle le pouvait. Une façon pour lui de tenter un rapprochement avec cette femme aux airs de statue de glace, de lui faire comprendre que lui, si d’autres non, était capable de voir la personne derrière le masque. Peut-être cela lui permettrait-il de la toucher… ou peut-être la mettrait-il hors d’elle par ces deux simples mots. Il n’y songeait pas, n’ayant jamais possédé un grand talent pour la compréhension des émotions humaines, malgré ce qu’il aimait à croire et faire croire.

Et puis, il y avait dans l’infime dose de tendresse qu’il insufflait dans ces paroles quelque chose de très sincère. Il fallait dire qu’elle lui ressemblait tellement… Plus il l’observait, moins il pouvait l’ignorer. Le moindre de ses mots, la moindre de ses mimiques. C’était comme s’il la regardait, elle, la magie des années en plus. Il s’en était rendu suspendu à ses lèvres, incapable de détacher le regard d’elle, prenant chaque nouveau mouvement infime comme une preuve supplémentaire de ce qu’il voulait voir. Si le corps sans vie de la fillette ne s’était pas trouvé, en ce moment même, dans les cryptes du château, il aurait presque pu croire que…

Non, c’était de la folie.

Secouant la tête, il balaya cette idée saugrenue de son esprit, s’efforçant d’en revenir à sa situation actuelle.

-Mais je dois avouer que je trouve votre question très étrange...

Jambes croisées, il s’était remis à la fixer d’un air songeur, la tête légèrement inclinée. Sa main gauche jouait machinalement avec la cigarette à peine entamée qu’il avait écrasé à terre un peu plus tôt, la faisant tourner entre ses doigts. Il en avait presque oublié la présence de Francis, qui avait pourtant tout de l’allié modèle dont il aurait pu faire bon usage.

-Dites moi donc, Dame Elina… Comment entre-t-on en contact avec les gens, généralement?

Ce fut le moment que choisit Mr Bongs pour se manifester à l’intérieur de la forteresse. Le singe connaissait son ami, peut-être mieux que quiconque. Il avait une idée claire de la direction vers laquelle se dirigeaient les pensées du grand homme, et savait réagir à temps pour mettre les chances de leur côté. En l’occurrence, il allait être nécessaire de dévoiler à leurs deux geôliers une parcelle de ce que l’homme au masque d’ours pouvait leur offrir… Et laisser leurs imaginations faire le reste.

Quelques gestes furent échangés, un objet fut déplacé, et un bouton fut pressé. Si Big Bear n’était pas le stratège qu’il aurait aimé être, il avait au moins en le jongleur ce qui s’en rapprochait le plus. Son regard gris ne quitta pas le visage d’Elina Kokuro tandis que de la face arrière du masque jaillissait un jet de lumière blanche, affichant sur le fond de la cellule la figure froide de la protectrice de l’île, debout dans la neige, s’adressant à un petit escargot qu’elle tenait dans ses mains.

Je m'adresse aux repris de justice qui nous espionnent, bien terrés dans leur tanière. Qui que vous soyez, ou que vous soyez cachés... vous pouvez d'ores et déjà considérer vos deux agents comme morts et enterrés. Ne remettez jamais un pied sur cette île, ou vous serez les suivants.

La jeune femme sur le mur laissa tomber l’escaméra, puis l’image disparut, un bambin à la casquette verte ayant pressé un autre bouton à l’intérieur du château. A l’avant du grand hall, Mr Bongs scrutait anxieusement les réactions des deux personnes à l’extérieur de la cage. Big Bear, lui, avait repris son sérieux. Si la bien étrange idée qu’il avait eue hantait toujours ses pensées, il allait maintenant devoir s’efforcer d’être aussi ferme et froid qu’elle ne l’était ; les négociations l’exigeaient.

Lentement, il décroisa les jambes, puis se redressa de toute la longueur de son corps. Si les vêtements bien trop larges pour lui ne lui offraient pas la prestance qu’il aurait aimé avoir en ce moment, il tâchait néanmoins de garder le dos droit, malgré sa nuque baissée. Ses yeux allèrent de la Kokuro au Levignac, à plusieurs reprises, puis il se racla la gorge, désireux de rendre à sa voix son timbre morne et désintéressé.

-Vous voulez savoir qui ils sont? Moi aussi. Il ne tient qu’à vous que nous soyons tous servis.

La proposition était claire. Suffisamment claire en tout cas pour ces deux jeunes esprits qu’il savait bien plus vifs que le sien, même s’il se refusait de l’admettre. Il était confiant. L'offre de sécurité que le pistolero avait formulée allait parfaitement en son sens; ils ne pouvaient pas refuser.

Sans les quitter du regard, il ralluma la cigarette tordue qui s’était inexplicablement retrouvée dans sa main gauche.







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"Avant moi rien n'était, nul ne fut enfanté,
Hors les êtres crées d'éternelle substance,
Et moi je suis comme eux, car j'ai l'éternité,
Vous qui passez le seuil, laissez toute espérance."

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L'esprit froid et analytique de la jeune femme se heurtait à un mur d'indifférence et de flegme qui mettait peu à peu sa patience à l'épreuve. Cet homme parlait par énigme, alors qu'il semblait supporter on ne pouvait mieux sa captivité et sa position fort désavantageuse. Quant à savoir s'il la prenait pour une idiote, il eut le bon sens de nier toute pensée aussi négative la concernant. Après l'affront que ses collègues lui avaient réservé, elle n'était pas sûre d'avoir su tolérer un tel outrage ainsi jeté au visage. Malgré les charmantes attentions de Francis qui, toujours plus débonnaire, se dépeignait en un allié attentionné pour le captif, Big Bear se mura dans ses réponses sibyllines... car au lieu de clairement faire ce qu'on attendait de lui, il prit de court la Zoan.

Lorsqu'elle se vit affichée sur les murs de la prison, alors qu'elle avait déploré la très probable perte du DenDen Mushi employé par les intrus sur son île, une faible lueur d'espoir s'illumina dans cet océan trouble. Son visage resta de marbre durant toute la retransmission, mais son esprit s'activa en coulisse. Pourquoi avoir choisi de révéler de la sorte un pareil atout, alors qu'elle le questionnait sur la manière dont il était entré en contact avec cette organisation secrète ? La question rhétorique qu'il lui avait réservée, avant cette projection privée, lui mit la puce à l'oreille. Comment entrait-on en contact avec quelqu'un ? De mille et une façon, à vrai dire ! Par une rencontre directe entre quatre yeux, via un intermédiaire, par escargophone, en utilisant une missive, des messages codés, d'autres moyens détournés... avec cerveau imaginatif, les limites pouvaient toujours être repoussées. Le fait qu'il ait choisi de lui montrer qu'il possédait un enregistrement d'elle même en train de communiquer avec ses supposés employeurs était il un aveu ? Ou bien était-ce une démonstration de force pour tenter de rééquilibrer la balance de cette relation jusqu'à présent inégale ? Requérait il un marchandage, comme il avait appelé à le faire subtilement un peu plus tôt ? Possédait-il l'escargophone qui pourrait lui permettre, à l'aide de Maimai Kichigai, de remonter jusqu'aux planques de ces vermisseaux ? Car, malgré tout le savoir et la bonne volonté dont ferait preuve l'expert en communication... les restes fumants du Den Den Mushi ramassé sur Rinekin s'avéreraient sans aucun doute inexploitables.

Lui offrait il si facilement la solution à tous ses problèmes ? Et si oui, quel en était le prix demandé ? La réponse lui vint pourtant bien vite : Big Bear désirait obtenir le fin mot de l'histoire, lui aussi. Touchante déclaration. Mais si les raisons de l'araignée et du maestro s’avéraient purement professionnelles et que la résolution de cette affaire serait sans aucun doute brutale et sanglante, qu'en était-il concernant leur hôte mystérieux ? Souhaitait-il simplement satisfaire sa curiosité ? Peu probable. Requerrait-il de manière indicible une protection, tout comme Francis le lui avait suggéré, ou bien sa demande était-elle un brin plus détournée... leur proposait-il son aide ? Et si oui, afin d'assouvir quels desseins ? Les siens propres, ou bien ceux de son organisation qu'il n'était pourtant pas censé avoir déjà rejointe ? La possibilité de se fier à un potentiel agent double ne lui plaisait pas, surtout lorsque l'on connaissait l'autre facette de sa vie... elle avait très clairement bien plus à perdre qu'à y gagner !

Pour autant, la proposition n'était pas dénuée d'intérêt.


- Nous pourrions, en effet, nous entraider pour déterrer ces taupes, commença Elina l'air songeuse. Mais en affaire, il ne tient jamais à un seul parti de conclure un accord. Pour commencer, vous pourriez me confier le DenDen caméra ayant servi à enregistrer cette vidéo... et répondre à ma question.


Après un bref silence, elle finit par rejoindre le terrain de jeu des commerçants et à clairement débuter les négociations. Aussi, elle reprit d'une voix toujours calme :


- En échange de votre sortie de prison, j'aimerais que vous me confiez également ce qui vous a permis d'entrer en contact avec eux pour fixer ce fameux rendez-vous ou, à défaut, que vous m'expliquiez leur méthode de recrutement.


La Zoan se tourna vers Francis pendant quelques secondes, avant de continuer d'une voix légèrement plus chaleureuse :


- Mon collègue vous a proposé un arrangement à l'amiable pour vous prémunir d'une possible action à votre encontre. Je pourrai en effet contribuer à votre sécurité, une fois certaine que vous n'avez rien d'un criminel. Se porter garant d'un hors la loi serait sans aucun doute le comble dans ma position, je suis certain que vous le comprendrez aisément ?


Ici, Elina se concentra de nouveau sur Big Bear, un regard serein et intéressé ayant remplacé le bloc de glace qu'elle lui réservait jusqu'à lors. D'une voix presque suave, elle le questionna de la sorte :


- Que pourriez vous nous offrir d'autre, en échange de notre protection ?


Cet échange commençait à prendre des tours curieux. Ce qu'elle prenait initialement pour un interrogatoire se transformait en monnayage d'information. La ruse et les menaces venaient d'être remplacées par des facondes de marchands ! Big Bear possédait décidément plus d'une corde à son arc. Elle était curieuse de savoir ce qu'il lui réservait par la suite. Et, une fois encore, l'araignée déplora les conditions dans lesquelles ils avaient été amenés à se connaitre. En d'autres circonstances, Elina aurait volontiers approché cet homme sous les traits de Jorogumo, afin de tenter d'acquérir son allégeance. À présent ? Elle n'en était plus si certaine.

L'avenir lui apporterait peut être la solution.




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Mar 4 Déc - 16:28

”Lovely Interlude”






Décidément, la capacité de l'interrogé à rebondir astucieusement sur les propos les plus durs ne cessait d'intriguer le tireur masqué. Cette discussion entière n'était qu'un triangle étrange d'esprits supérieurs, un jeu de ping pong aux règles bien malicieuses entre des individus capables de déceler et d'instiller sous-entendus et double-sens dans chaque phrase prononcée, dans chaque parole déclarée. L'un travaillait dans le but évident de sortir et, possiblement, d'en savoir plus sur les employeurs peu précautionneux qui avaient pu l'envoyer dans un tel guêpier. Ce point pouvait tout aussi bien être un mensonge éhonté : après tout, le fameux "Big Bear" savait peut-être très bien pour qu'il remplissait ce contrat. Pourtant, l'artiste balistique n'en croyait pas un mot, tout bien réfléchi : son langage corporel était resté d'une stabilité exemplaire lorsqu'il avait avoué vouloir comprendre qui étaient ses commanditaires. Au fond, quel intérêt avait-il à mentir ? Dans tous les cas, la Kokuro ne le laisserait pas sortir sans garanties au moins aussi lourdes que ces interrogations destinées à se changer en action.

Elina, parlons-en : la protectrice de Yakoutie, fière, indépendante, implacable. Une main de fer dans un gant de velours, un gant qui se resserrait actuellement autour de la liberté du prisonnier aussi certainement que la poigne élégante s'était plus tôt resserrée autour de sa propre gorge. Sous ses airs de bienfaitrice aux principes solides et à la rigueur exclusivement focalisée dans le but de faire régner la justice et l'ordre sur ces terres, une créature aux ambitions considérées par beaucoup comme hideuses se terrait. Une tueuse. Une bête au sang froid, aux yeux vides de chaleur, aux griffes déjà maculées de sang. Une créature qui, au demeurant, ne laisserait en aucun cas le contrôle de la situation lui échapper. Il l'avait d'abord approchée en pensant naïvement qu'elle serait une énième figure de force et de stabilité amenée à genoux. Qu'avec le temps, il détruirait ce qu'elle avait pu créer. Pourtant... il n'était plus intéressé par la demoiselle pour les mêmes raisons, désormais. Il avait vu en elle un puits de noirceur si profond, si vivace, qu'il ne désirait qu'une seule chose : s'y jeter tout entier et découvrir de quelles terrifiantes ténèbres elle était vraiment faite.

Quant à lui ? Tout se passait pour le mieux. Il ne s'était pas autant amusé depuis bien longtemps ! En l'espace d'une journée, il avait manqué de décéder deux fois, était tombé du ciel. Il avait vu deux personnes se faire exploser avec panache, avait massacré un groupe de malandrins aux postures et aux couleurs exceptionnelles, avait fait hurler ses canons dans un concierto implacable et sensationnel. Enfin, il avait fait la connaissance de la brune, belle par tant d'aspects que les plus faibles d'esprits n'auraient jamais pu comprendre, ainsi que de ce singulier personnage aux allures d'ursidé humain dont la verve et la tranquillité ne cessaient de l'épater. Définitivement, il ne pouvait pas regretter d'être revenu à Yakoutie Island : c'était véritablement là que les prochains actes grandiloquents de l'Art s'exprimant à travers de son humble enveloppe corporelle se développeraient, se magnifieraient, jusqu'à la culminance tragique des scènes les plus touchantes.

Pour l'heure, il était question d'obtenir ce que l'on voulait de cet invité surprise.

- Un deal des plus acceptables, à n'en pas douter ! Dit-il en tapant presque des mains, enthousiaste, désireux de propager cette émotion dans l'atmosphère même. La chaleur dans sa voix, aussi fausse fut-elle, n'en restait pas moins terriblement convaincante. Nous n'avons pas à nous tirer dans les pattes. Il me semble évident que notre énergie serait bien mieux dépensée ailleurs... bien entendu, cela implique des compromis des deux côtés. Mais nous sommes des adultes, n'est-ce pas ?

Tant de raison et de pragmatisme, de miel dans les mots. Un trio de vipères se faisant politesses. Mais ils n'avaient aucune raison de ne pas être tous amis, pas vrai ?




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Sam 24 Oct - 15:31
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Une femme de glace. Une poupée de cire au milieu d’une plaine enneigée. Rien ne la perturbait. Si jeune. Si belle. Si cruelle.

Il ne faisait aucun doute. Si elle avait eu le luxe de grandir, ce sont exactement ces traits qu’elle aurait arboré. Mais la Faucheuse ne faisait pas de compromis.

Sous le masque, ses lèvres s’étirèrent, se confondant presque avec le rictus ursin. Ses mains se posèrent sur les barreaux de la cage. S’il avait pu caresser sa joue, il l’aurait fait. Il y aurait probablement laissé sa main.

Et lui ? Lui n’augurait rien de bon. Il s’amusait de toute cette situation comme un enfant dans un spectacle de marionnettes. Il était dangereux, à n’en pas douter. Big Bear l’appréciait. Un jour, ils seraient de bons amis.

D’ici là, il n’avait pas le choix. Que pouvait-il leur offrir ?

-Beaucoup de choses, très chère. Que désirez-vous ?


____________________________

Le vent du soir était enveloppait l’ours rieur d’une étreinte glaciale. L’air de la mer apportait avec lui cette odeur d’hiver. Pas l’hiver doux et réconfortant que l’on appréciait avec un thé brûlant devant sa cheminée, non. L’hiver rude des montagnes, celui qui était synonyme de famine, de mort, d’oubli. Il se surprit à grelotter, bien qu’il ne souffrait pas du froid. Décidément, Elina Kokuro avait bien choisi son lieu de résidence.

A l’intérieur du château, quelque part bien à l’abri, au fond de la jambe droite, un vieil homme voûté faisait face à une statue de marbre. Le visage enfantin l’observait d’un air absent. Elle avait l’air si paisible. Ses traits sculptés dans la pierre semblaient méconnaissables. Tant de temps avait passé.

Si longtemps, il avait été certain. Il ne s’était pas posé la moindre question.

A présent, le doute s’était emparé de lui. Et si ?

Tant de temps avait passé.




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