Le lion dansait autour du petit coup ficelé comme du saucisson. La joie qu’il exprimait à l’idée d’un bon repas était entrecoupée par une petite pointe de remords due au fait que l’une de ces deux personnes l’avait sauvé… Oh, et puis tant pis. Cet animal un peu particulier était déterminé à en finir avec ces deux-là, mais c’était une longue histoire. Pour résumer, ils avaient été amenés par le navire des amis à Ishtar de Lerhane, une femme de grande taille qui semblait avoir un assez grand esprit combatif, sur l’île du Temple. Cette île était extrêmement mal nommée, puisqu’elle n’avait aucun rapport avec une structure homonyme ou avec une secte ou religion quelconque.

Là-bas vivait un peuple indigène qui portait haut en estime le sacrifice humain dans le cadre des Fêtes de l’Automne. Oh, bien sûr quand on leur avait présenté la chose, Finn et Karim avaient trouvé cela peu ragoûtant, et s’étaient simplement tenus à l’écart en se disant que ce type de pratique était quand même un peu barbare. Cependant, le lion s’était intéressé, avait été endoctriné à vitesse grand V et pendant les deux jeunes hommes travaillaient sur un projet de barque, il était venu leur donner de quoi boire…

Et cet ingrat, ce putain d’ingrat, avait placé de quoi les rendre faible dans leur boisson. Et voilà la putain d’histoire ! Ils s’étaient faits piégé comme des bleus, comme les sombres imbéciles qu’ils étaient. Cette pensée, elle foutait Karim en l’air. Il détestait s’être fait avoir comme ça : et en plus Finn qui n’était pas réveillé. Leur mort aura été stupide, comme leur vie.

- Grand Shaman du Soleil ! Fit un villageois en s’approchant du lion et en s’inclinant. Nous implorons ce sacrifice pour faire tomber l’eau sur nos cultures. Aidez-nous !
- Roaaaaar !

Le rugissement répondit à l’appel tandis que le lion continuait sa danse en alternant des mouvements sur ses pattes-arrières et sur ses pattes-avants. Il semblait concentré, déterminé, et surtout se léchait les babines d’avance.

- Traitre ! Hurla Karim. J’vais t’défoncer ta race, tu vas vomir tes tripes, tu vas…

Alors qu’il parlait avec le plus chaste des langages, un des fervents s’approcha de lui pour le bâillonner. Il continua ainsi sourdement sa prise de parole qui mourut dans l’épuisement qui en suivit. Comment allaient-ils les tuer ? Les morceaux de pailles en dessous laissaient penser à un bûcher, mais c’était peu probable que le lion réussisse à en tirer quelque chose après. L’un des guerriers du village s’approcha en marmonnant quelque chose à l’oreille de l’animal intelligent qui acquiesça au fur et à mesure. Son sourire ne laissa rien présager de bon quand il se tourna vers son peuple pour laisser naître un rugissement de contentassions.

- Le Grand Shaman du Soleil a parlé ! A l’issue de la journée, ces sacrifices feront tomber la pluie. Gloire au Grand Shaman du Soleil ! Gloire à Lion le Phoenix !

Certains se mirent à genoux, et tandis que sa gloire était chantée, l’animal levait la tête haute, fier de son nouveau statut. Enfin, sa vengeance sur l’espèce humaine était complète.

- Réveille-toi, Finn, putain.

L’Ookami sentait que la situation était non seulement totalement hors de contrôle mais aussi carrément dangereuse. Ils allaient  se faire bouffer s’ils ne trouvaient pas une parade qui puisse être efficace. Cette pensée le heurta comme l’annonce de sa propre mort, et il se dit que « Putain » il aurait aimé vivre autrement. Ses sourcils se froncèrent, ses mains se fermèrent et tandis qu’il tentait une nouvelle fois de se débattre sa vaine action ne fit que lui consommer un peu plus d’énergie. Un toussotement attira finalement son regard. Non loin de là, une petite fille regardait la scène avec une forme d’admiration. Elle s’approchait doucement, et elle continua à s’approcher pendant cinq minutes durant lesquelles le temps  sembla se figer. Son regard était pur, et ses intentions loin d’être néfastes : c’était la curiosité qui l’animait. Une curiosité qui, peut-être en grandissant, lui attirerait sûrement problèmes et aventures.

La constatation apporta un sourire à l’homme-loup. Puis il s’endormit lui-même ligoté suite à la traitrise dont il avait été la victime.

Ses yeux se portèrent sur la créature mythologique qui tombait du ciel sur la terre. Il écarquilla les yeux, sidéré par cette apparition qui était finalement vraiment salvatrice. Alors, la canicule commença à s’installer : une chaleur inouïe qui faisait fondre la moindre parcelle de glace ou de vie. S’il avait déjà fait chaud ici, ce n’était là que pour en rajouter et terminer la vie de ces pauvres âmes qui harcelaient les deux hommes.

- UN DIEU EST VENU NOUS PUNIR !

Le lion sentit que sa chance tournait tandis qu’une large goutte de sueur descendait de sa tempe. Les hommes qui le vénéraient s’étaient agenouillés devant leur nouveau dieu sans même attendre que le Shaman ne remballe sa danse de la pluie. La terreur habitait sur les traits des hommes, et ils étaient en train de remettre en jeu leurs croyances et tout ce que cela impliquait. Comme une révélation soudaine, ils étaient en train de s’interroger sur la façon dont ils allaient pouvoir contenter le souverain de leurs terres.

- Pourquoi ? Pourquoi asséchez-vous ces terres déjà arides ?
- Z’êtes abrutis ! Beugla Karim tandis qu’une légère fumée commençait à sortir du tas de paille au-dessus duquel il se trouvait.

Et comme s’il était dans le même état d’admiration, il s’adressa à ce dieu. Il l’avait déjà vu quelque part, mais il ne se souvenait absolument plus où.

- Tu viens m’sauver, hein ? C’est ça ? J’ai juste ?

L’idée d’avoir « juste » était un peu loin des préoccupations qu’il aurait du avoir, mais déjà les premières flammes se déclenchèrent. La combustion due à la forte chaleur caniculaire ne tarda pas, et l’Ookami faillit hurler. Quand il comprit que son heure n’était pas venu, cependant, il regarda autour de lui ce qui pourrait le sauver. Si le temps n’était pas assez prompt à changer, la petite fille qu’il avait vu plus tôt viendrait en deux temps trois mouvements jeter un seau d’eau sur le début de brasier qui se tairait ainsi, au moins pour l’instant. Le regard ébahi, les villageois se tourneraient vers la demoiselle… Qu’ils ne semblaient absolument pas connaître.

Leur bûcher fut balayé comme si de rien était, et le choc sembla réveiller Finn qui ouvrit les yeux pour constater la situation dans laquelle ils se trouvaient. Il soupira et se releva, trempé jusqu’aux os par le seau qu’avait envoyé la petite fille au dernier moment, et tandis qu’il sentait des morceaux d’herbe séchée sur ses habits, il s’étira. Son sommeil avait été très lourd, mais il en avait eu besoin après cette journée passée à courir après l’Ookami. Ils avaient partagé quelque chose sur cette île de mercenaires, et depuis ils étaient un peu plus distants que d’habitude : ça ne lui plaisait pas que l’homme-loup cherche une indépendance pareille pour fuir ses sentiments, et il ne pouvait rien y faire. Ses pensées se heurtèrent cependant à la vérité, et il se rendit compte qu’il n’était pas dans un état de choisir pour le charpentier.

D’un air un peu déprimé, il regarda donc la bête qui n’avait d’yeux que pour le dieu devant lui. Il croyait dur comme fer à ce qu’elle disait, et il ne semblait pas voir qui se cachait sous ce « masque » de grandeur. C’était une crédulité, un autre point faible qui était pourtant adorable. Il n’était pas capable d’analyser tout ce qui se déroulait devant lui… Et il ne le cherchait pas. Il n’aimait pas les humains, pourtant il ne s’en méfiait pas particulièrement en dehors des situations de racisme standard.

- Ouah, t’as vu, dit-il avec un air presque interloqué. On a été protégé par un dieu ! Incroyable !
- En fait, c’est sûrement une déesse, dirait la petite fille qui partageait à présent cet air admiratif.

La tribu indigène n’avait pas de figure féminine suffisamment forte pour que les petites filles s’y identifient. Quand elle se tourna vers Karim, celui-ci se figea et se mit au garde-à-vous, sans reconnaître encore la demoiselle qui l’avait aidé quelques jours plus tôt à fuir les mercenaires. Il ne la reconnaissait pas parce qu’il était persuadé qu’elle était quelqu’un d’autre, et s’il lui prêta les traits d’Ishtar, il ne l’associa pas à celle-ci.

Finn comprit cependant rapidement ce qu’elle cherchait à faire, et il s’avança pour prendre la parole. Il était certes triste, mais il ne fallait pas qu’il le montre :

- Cette déesse vous accorde son pardon, ne le gâchez pas !

Il espérait que cela suffise… Et fort heureusement, l’ignorance et la crédulité du peuple fit le reste tandis qu’ils s’inclinèrent en implorant le pardon de cette créature divine. Le brun soupira, rassuré, tandis que l’Ookami trépignait de joie sans pour autant s’agenouiller. La petite fille les regarda, et une fois les préceptes potentiellement évoqués, la foule se disperserait. Le Grand Shaman du Soleil serait alors simplement ignoré, sans qu’on lui accorde la moindre importance. Il ne demanderait pas son reste et s’enfuirait simplement du village, comme si l’épopée était déjà terminée.

Mais elle ne faisait que commencer.

- Déesse, dirait la petite fille en marchant doucement, prudemment. J’aimerais vous demander quelque chose… Si vous me le permettez. Mes parents… ils ont disparu, enlevés par un culte de l’autre côté de l’île… Pourriez-vous me les ramener ?

Karim attendrait la réponse de la divinité, mais lui avait déjà pris sa décision quant à cette demande.

Karim ne pouvait que hocher de la tête et acquiescer avec ferveur. Il était lui-même convaincu que cette pseudo-divinité avait été d’une grande aide, et son absence de caractères trop humains lui donnait une raison supplémentaire de la croire. Il ne fut donc pas réfractaire à l’acceptation de cette quête, ayant de toutes les manières lui-même décidé d’aider sa sauveuse. Finn ne put qu’à nouveau soupirer tandis qu’il comprenait que les choses allaient se corser. Les deux hommes regardèrent la divinité et celle-ci semblait avoir une aura céleste incroyable : pour le charpentier ami de l’homme-bête, il fallait avouer que le jeu était particulièrement bien fait et que l’interprétation aurait mérité un oscar.

- Oui, on va l’aider ! Lâcha Karim en s’impatientant.

Il n’hésiterait pas à monter sur la créature mythique, même si elle lui rappelait étrangement quelque chose. Il secoua la tête : « Bah, sûrement une coïncidence. » se dit-il tandis que son sourire grandissait. Ne partageant pas le pessimisme de ses deux acolytes, l’homme-loup ne pensa pas à un seul instant que leurs cibles puissent avoir déjà trépassé, et il fut cependant loin d’être silencieux durant ce voyage : il commenta au contraire chaque chose qu’il n’avait pas l’habitude de voir, étant clairement une créature terrestre.

Ses yeux se tournèrent en direction de son ami. Il passa une main sur la sienne, tellement la joie de partager ce moment était présent, et celui-ci fut un instant rassuré tandis que l’homme-loup ne le regardait pas. Il était trop concentré sur les merveilles qui succédaient aux heures de terreurs qui avaient pu le tourmenter tandis qu’il se sentait déjà roussir. Ses yeux se fermèrent, et le vent frappa son visage. En bas, un village se dessinait, de toute évidence plus beau et plus grand : ses maisons semblaient un peu plus solides, il y avait une place centrale pavée. A ses abords, on pouvait distinguer des carrières de pierre qui s’étendaient sur quelques centaines de mètres, ainsi qu’une scierie où des personnes enchaînées travaillaient.

Et encore plus loin, des mines semblaient avoir, de mauvaise augure, des problèmes tandis que quelques personnes se réunissaient autour de l’entrée où de la fumée noire sortait. Karim ouvrit les yeux et lâcha à la divinité :

- Faut qu’on aille voir !

Et si elle décidait de se diriger là-bas, ils pourraient bientôt atterrir. Trop concentré pour s’occuper de tout ce qui se passait autour de lui, l’homme-loup lâcha la main de Finn et descendrait de son transport improvisé. Il se dirigerait vers les mines tandis que les personnes devant, inactives, observeraient avec horreur les lieux qui étaient de toute évidence prises entre deux feux.

- Qu’est-ce qu’il se passe là ? Vous faîtes quoi ? Beuglerait l’homme-loup.

Et tandis qu’il se dirigerait toujours vers les mines, un homme vêtu d’un habit richement tissé s’avancerait avec l’air un peu plus pompeux que les autres. C’était le Grand Shaman de la Lune : on pouvait le deviner à ses symboles mais aussi aux altercations qui se dirigeraient en sa direction, donnant rapidement son titre à quiconque voudrait l’entendre.

- Ne bougez pas ! Le feu consumera malheureusement la structure… Que notre divinité nous en garde.

Il semblait plus intelligent que le lion, et si Ishtar tentait de le berner, il était peu probable qu’il tombe dans le panneau. Ses fidèles le regardaient, désespérés, tandis que les personnes qui avaient des chaînes au pied tremblaient, se disant que ça aurait pu être eux à l’intérieur. Karim se dirigerait pourtant sans hésiter en direction du tunnel trop étroit pour la forme humaine de sa divinité.

feat Karim Ookami

Le Grand Shaman du Soleil

La créature céleste se déplaçait donc au cœur de la voûte astrale resplendissant de mille éclats en cette journée. À son bord se trouvait deux personnes que la bilcane avait déjà croisé à plusieurs reprises par le passé et qu’elle appréciait, en dépit du fait que la capacité de Karim à la reconnaître était très mauvaise. Cela faisait partie de son caractère et qui était l’Archange du Typhon pour ne pas l’accepter tel qu’il était. Le paysage défilait sous elle et la De Lérhane fit attention à ne pas avancer trop rapidement pour laisser au loisir de ses passagers l’admiration de la vue des terres depuis le firmament, sachant qu’en se déplaçant trop rapidement ils auraient également été fortement gênés par les frottements de l’air qui, à terme, les auraient peut-être même contraints à s’accrocher fermement à la maudite pour ne pas se faire emporter par le vent. Le regard thermique de la reptilienne mythologique se baladait sur les divers points chauds qui lui apparaissait en attendant d’arriver à l’autre bout de l’île, ce qui, au final, ne tarda que peu. La fumée apparut dans la rétine de la guerrière qui se disait que la distance parcourut pouvait tout à fait convenir à ce qu’une jeune fille dise qu’il s’agit de l’autre côté de la contrée où elle vivait. Acquiesçant à la remarque de l’Ookami, l’ange descendit vers les mines en battant des ailes afin d’éviter de prendre trop d’élan et ainsi soumettre ses deux amis à un impact un peu trop violent. Etant donné ce qu’elle pouvait voir, la native de la mer blanche conjectura qu’un incendie s’était déclaré quelque part, restait à savoir si la situation comprenait d’autres détails importants à prendre en compte pour la suite des événements.

Toujours sous forme hybride, Ishtar s’avança à la suite de l’homme-loup qui était fort pressé d’apporter sa contribution. Elle écouta avec attention les paroles du shaman qui révéla l’étendue des dégâts, mais la bilcane ne pouvait décemment pas rester là sans rien faire. Inutile de tenter de convaincre qui que ce soit car pour le coup il ne fallait une aide plus qualitative que quantitative. Les personnes pouvant réussir à sauver des gens encore dans les profondeurs devaient être assez habile pour se déplacer là-dedans et extraire des victimes sans pour autant causer un effondrement. La De Lérhane lança donc un regard à Finn avant de brandir sa main vers le ciel, son regard pulsant une nouvelle fois pour invoquer un climat météorologique bien spécifique. Ce n’était pas une douce pluie qui faisait son apparition, mais un début de déluge puissant. L’Archange du Typhon n’était pas encore en mesure de provoquer des inondations, mais les réseaux souterrains étaient un relief tout particulier qui permettrait à l’eau d’être attirer grâce à la gravité pour finalement se répandre et peut-être étouffer des foyers du brasier. Le courant nuirait à la remonté de survivant, mais la maudite allait s’élancer dans les souterrains dans ce but précis, pouvant stopper le déferlement de liquide d’une simple pensée. De plus, si le tunnel n’était pas assez large pour permettre à la demoiselle ailée de s’y aventurer sous sa forme humaine, ce n’était clairement pas le cas pour sa forme totale de Serpent à Plumes qui avait un diamètre d’à peine un mètre pour ses dix de longueurs. Ainsi, elle s’élança à la suite de l’Ookami dans les tréfonds de cette île.

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Le Grand Shaman de la Lune lâcha quelques injures à l’occasion de cette pluie torrentielle qui, en plus de promettre une mort étouffante aux personnes qui se trouvaient aux plus bas étages de la mine, risquait de détruire ses habits. Bien sûr, il s’abstint de cette remarque devant ses fidèles et se contenta de subir le déluge avec un air relativement serein, priant pour les pauvres âmes devant des personnes qui ne croyaient pas en son spectacle, et d’autres qui le vénéraient comme un messager d’un dieu sur terre. Il souriait intérieurement de ce dénouement tragique, se disant que ces mines-là avaient fini d’être exploitées efficacement et que la recherche de ressources donnerait une raison suffisante au Conseil pour conquérir le reste de l’île… Et donc ces satanés membres du Culte du Soleil. Il marmonna donc quelques prières en lesquelles aucune croyance ne ressortait, satisfait.

Quand Karim entra dans les mines, il dut d’abord esquiver l’effondrement d’une poutre qui, enflammée, avait l’air de ne plus tenir. Elle soutenait une structure qui menaçait de s’écrouler à tout instant. Finn s’était contenté de rester dehors, comme pour surveiller que personne ne tente de précipiter la fin de ces lieux, mais il était autrement plus stressé pour son ami qu’il n’aurait voulu l’avouer.

- J’y vais, lâcha le jeune homme en commençant à se diriger finalement vers l’entrée.

Mais il ne put faire un pas de plus que déjà il voyait des personnes arriver aux abords de la mine, suspicieuses, avec des poches pleines qui semblaient là pour s’assurer que rien ne viendrait sortir vivant de ce lieu… Des bombes, et s’il ne reconnaissait pas la patte de fabrication artisanale, il se doutait que c’était sûrement des gaz toxiques. Il allait être de toute évidence occupé.

Quand Karim arriva au niveau de l’ascenseur, le feu brûlait encore, et il grogna tandis qu’il ne pouvait respirer que péniblement à cause de ce qui se trouvait là. C’était ça qui brûlait, et qui alla sûrement être éteint par l’eau qui s’écoulait dès à présent. Comment descendre alors et sauver des gens sans ascenseur. La réponse paraîtrait derrière lui, tandis que le serpent longiligne le suivrait de près. D’un sourire amusé, il se contenterait donc avec conscience de s’élancer sous la cage d’ascenseur dans le but d’aller chercher ceux qui se trouvait sans prendre le temps d’explicitement dire ce qu’il allait faire.

Son saut fut plutôt périlleux dans un premier temps. Il dut se raccrocher plusieurs fois aux parois qui commençaient déjà à être mouillées, et s’il finit par glisser ce ne fut qu’une fois arrivé au fond de la mine où la fumée ne semblait pas avoir frappé… Mais où le corps d’un mineur, bien amoché, semblait indiquer que quelque chose d’anormal se déroulait ici. L’ascenseur, c’était une distraction de toute évidence. Sans se poser de question, Karim s’élança en direction du couloir des mines à grands pas.

Ses premières constatations furent que quelques personnes avaient subi une forme d’attaque de la part de… mercenaires ? En tout cas, c’est ce qu’il crut constater en observant deux personnes qui étaient en train de finir, armures sur le dos, un mineur qui n’avait rien demandé. Lorsque la tête du mineur roula jusqu’à Karim, ce dernier éprouva une forme de colère qu’il éprouvait en général contre l’injustice. Il n’hésita pas, s’élançant au devant d’un combat. Si la créature venait à un autre étage, elle trouverait le même type de spectacle : la mine comportait trois étages distincts, des galeries qui étaient numérotées par diverses annotations du type 1-1, 2-3, 2-4 ou 3-1…

Les poings de l’Ookami rencontrèrent rapidement le visage du premier des deux mercenaires qui se trouvait devant lui, l’envoyant voltiger sur un mètre avant qu’il ne rencontre le mur de la mine. Il n’avait pas de puissantes aptitudes de combats à montrer, mais se battre dans des espaces restreints était un avantage pour lui. Il pouvait faire preuve de toute son habileté au maniement de son corps tandis que ses ennemis peinaient avec leurs armes contondantes. Il fut donc ravi de trouver en ces personnes l’occasion de faire montre de ses aptitudes au corps à corps. Quand il passa en direction du premier adversaire, ce dernier n’eut pas le temps d’agir, mais le second se saisit de sa hache et la mena au-dessus de sa tête… Ce qui eut pour effet de l’accrocher au fil qui reliait quelques lanternes entre elles. Il pesta donc tandis que le coup de pied de l’Ookami vint le cueillir au niveau de son armure, de son estomac, ne lui causant que de maigres répercussions.

- Espèce de…
- Continue ta phrase ! Hurla de rage l’homme-loup tandis qu’il assénait un coup de poing dans le menton de son opposant.

Celui-ci sentit sa mâchoire craquer sans pouvoir agir. Il venait à peine de se redresser, et c’était déjà en train de lui porter préjudice. Son regard s’assombrit tandis qu’il tentait de donner un coup de poing à portée, mais bien faible en raison du poids de son armure. Il avait refusé son casque… Il aurait dû l’accepter. Ses pensées se tournèrent vers son camarade, et son regard se porta sur celui-ci. Le premier ennemi mis à terre avait fini par se relever, et il s’était élancer en titubant vers l’Ookami.

- Eh, m’emmerde pas, lâcha l’homme-loup qui était aiguillé par les cliquetis de l’armure.

Et il apposa un coup de pied d’une puissance assez remarquable en se retournant au moment où il arrivait au corps à corps, ayant lâché son arme un peu plus loin. L’homme sentit alors le coup l’atteindre au flanc. C’était un combat vain, étant donné l’avantage que ce gars avait sur eux à maîtriser un corps à corps approximatif.

- T’es vraiment… Vraiment…
- CONTINUE ! Répéta Karim en se jetant sur l’adversaire qui avait encore sa capacité d’élocution.

Et il le saisit par le col en s’approchant de lui avant de le passer par-dessus son épaule. Il sentit le choc de son dos contre le sol, et tandis qu’il priait intérieurement pour que rien ne soit cassé au niveau de sa colonne vertébrale, il ne vit pas le poing de l’homme-loup s’approcher de son visage et s’enfoncer contre lui. Il ne put qu’expirer difficilement avant d’avaler le sang qui coulait dans sa bouche.

- Arf, lâcherait-il en fermant les yeux.

Il s’était évanoui, et le second se relevait difficilement en tentant de s’échapper. Karim ne lui laissa pas cette chance et lui prit la tête avant de la cogner contre le mur le plus proche. L’homme ne s’évanouit par sur le coup, et sentit que sa tête était remplie d’étoiles. Il n’était pas serein quant à ses chances de survies… Mais Karim pensa qu’il devrait le garder en vie, pour pouvoir l’interroger, et c’est ce qui le sauva.

Dans sa quête, la déité trouverait des hommes qui se cachaient au fond de la mine et qui lui diraient avoir échappé aux mercenaires qui abattaient les mineurs dans ces lieux à présent maudits par la colère de leur dieu. Ils pleureraient, imploreraient sans savoir que leurs croyances n’étaient pas directement responsables de cette attaque, mais que ses représentants y étaient sûrement mêlés pour des raisons qui, si elles étaient politiquement évidentes pour un connaisseur, restaient sombres pour des intervenants extérieurs.

- Donne… moi… des… infos...

Chaque coup de l’Ookami venait s’abattre sur le mercenaire qui, loin de pouvoir répondre, était pris dans une série de torgnoles des plus violentes, poing fermé. Il sentait peu à peu ses forces le quitter tandis que le non-expert en interrogatoire s’impatientait de la tournure que risquait de prendre cet interrogatoire, maudissant intérieurement ce gars d’être aussi peu résistant. Il n’allait pas lui claquer entre les doigts, quand même ? Putain, ces humains n’avaient rien dans le cerveau, ils étaient incapables de répondre correctement à ses assauts… Ouais, il allait lui en décocher un ou deux de plus, au cas où, puis il s’arrêterait. L’homme boursouflé, l’arcade en sang, cracha quelques gouttes de sang devant lui qui vinrent s’abattre sur les habits d’un Karim indifférent.

- Ze… Ze bai balé…

Lâchant sa cible, le tortionnaire eut un sourire sadique. Il s’attela à s’installer sur un rocher, à côté du corps inanimé de celui qu’il avait battu un peu plus tôt. Cela insistait sur la menace qu’il représentait, même s’il n’avait pas pour intention de tuer les ennemis. Le niveau 3 était encore loin d’être rempli d’eau, car le trou qui menait jusqu’ici s’étendait encore en dessous et avait une partie de la pluie, comme un contenant qu’on remplit progressivement. S’étirant, Karim attendit patiemment, et les premières révélations parvinrent à ses oreilles, étonnantes : il comprenait un mot sur deux mais de ce qu’il croyait saisir, c’était une histoire qu’un mec les avait engagés pour ça, et qu’il portait une tenue du culte de la lune, ou une connerie dans le genre.

Finalement, l’homme continua à cracher un peu de sang tandis que la divinité était repassée, évacuant une partie de ceux qui avaient un jour mis un pied ici. Les cadavres étaient nombreux, et ils n’étaient pas arrivés assez vite, mais s’ils n’étaient pas intervenus il y aurait certainement eu plus de victimes. Laissant ainsi le mercenaire avec son collègue, l’abandonnant dans la mine sans pensée à ce qui les attendait, il se dirigea vers la cage d’ascenseur qui était montée par la créature mythologique.

Les aspérités dans le mur permirent rapidement à l’homme-loup de monter un étage supplémentaire. Il grimpa sans trop de soucis tandis que la déité remplissait son office. Ses yeux se fixèrent sur le numéro 2 qui était dessiné sur une poutre… Et il se dirigea donc dans le couloir, entendant quelques cris qui en émanaient. S’il aurait aimé avoir le privilège du combat, celui-ci fut réservé à son alliée du jour, dont les attaques allèrent transpercer l’armure d’un ennemi avec aisance. « Bah, pas pour moi celui-ci. » et il partit à la recherche d’autres adversaires.

Il n’en trouva pas, sinon dans un renfoncement un jeune homme qui tremblait, casque sur la tête. Il devait avoir quoi… Quinze ans ? Peut-être un peu moins. Ses mains saisirent la pioche qu’il avait à proximité tandis que ses gestes imparfaits faillirent lui faire louper son action. Il avait clairement peur de Karim, et qui pourrait lui en vouloir ? Le visage de l’homme-loup n’inspirait pas réellement confiance, avec cette expression colérique qui résidait sur lui. Il fut cependant attendri par les marques de suies, la transpiration et la peau hâlée de cette personne qui avait sûrement commencé tout récemment son « métier ». C’était de jeunes hommes comme ça qui mourraient trop jeunes.

- Ouais, bon, viens et on dégage, dirait-il à l’adresse du garçon, le saisissant par le bras tandis qu’il observerait que sa salopette de travail était mal mise et qu’il avait sûrement simplement gardé son marcel parce qu’il avait eu trop chaud

S’il faillit lui faire une remarque sur la sécurité aux chantiers, l’homme-loup s’abstint : ce n’était pas un modèle dans le domaine, lorsqu’il était près d’une poutre qu’elle risquait de lui tomber sur la tête. Il se contenta donc de le saisir et de l’emmener près de l’entrée. Un étage plus haut, il n’y aurait malheureusement pas autant de chanceux qui avaient été massacrés par les mercenaires, jusqu’au dernier.

feat Karim Ookami

Le Grand Shaman du Soleil

La créature céleste faisait l’étalage de sa puissance face à ces misérables ayant osé s’attaqué à ces innocents. Elle prit quelques instants pour observer le corps enfoncé dans la roche. À priori, il ne parviendrait pas à s’extraire dans l’immédiat et les répercussions du coup qu’il venait du subir l’empêchait pour l’instant d’agir tant qu’ils ne s’étaient pas reprit en main. Reculant, la bilcane aperçu la silhouette de l’homme-loup qui donc allait à son tour se charger de s’occuper des personnes perdues au milieu de ces couloirs souterrains pendant qu’elle traitait avec ces soldats. L’homme qui avait subit le coup de queue se relevait et se précipita vers elle. Il s’arrêta cependant en voyant l’état dans lequel cette monstruosité avait mis son camarade et commença à reculer.

-Euh… On peut discuter si vous voulez hein… On est pas obligé de se battre…

-Dis-ça aux gens que tu as massacré ! vociféra la mythique tandis que son appendice constricteur venait s’enrouler autour de la gorge du malheureux dont elle pourrait briser aisément la nuque en un claquement de doigts, le mercenaire le savait. Parle maintenant ! Pourquoi avez-vous fait tout ça ?

C’est ainsi que l’Archange du Typhon obtint sensiblement les même information que l’Ookami avait récupéré un peu plus tôt. Voyant clairement qu’elle ne pourrait pas en tirer davantage, la De Lérhane déroula sa queue, balançant par la même occasion l’homme quelques mètres plus loin. Ce dernier se releva, se mettant d’abord à quatre pattes avant de se redresser. Tournant la tête, il constata avec un certain désespoir la fatalité évidente qui s’abattait sur lui sous l’incarnation physique du poing de l’Archange du Typhon qui propulsa directement le visage dans le sol, ou plutôt l’homme dans les bras de Morphée. Cet affrontement unilatéral semblait tout aussi facile que celui mené par Karim auparavant. Enfin… Pouvait-on appeler cela un combat ? Pour la native de l’étendue céleste blanche, la réponse était tout à fait évidente, à savoir non. C’était un massacre, juste retour des choses pour ce qu’ils avaient fait à la population. Certes, c’étaient des mercenaires et on les avait payés, mais accepter ce genre de boulot montrait l’absence de scrupule de ces malfrats des bas-fonds qui se souviendraient certainement longtemps de la dérouillé qu’ils avaient subit en cette journée, si jamais il parvenait à quitter cette île en vie.

-Ce.. n’est pas… commença l’homme en armure qui sortit de son mur pour se mettre sur la route de la zoan.

-Ligne du Troisième Trigramme.

Ishtar joignit les doigts de ses mains avant de projeter sa main au-dessus de l’épaule de l’adversaire pour ensuite plier le bras dans un mouvement rotatif qui ramena avec force le coude de la bilcane sur le visage de l’ennemi, propulsant ce dernier directement dans la paroi qu’il venait de quitter, sa bave ne tardant pas à descendre le long de la pierre tandis que ses yeux étaient désormais révulsés. Ces hommes ne représentaient plus aucune menace et si jamais Karim tombait sur ce dernier ennemi à l’armure brisé, vu l’état dans lequel le mercenaire était l’homme-loup n’aurait aucun mal à s’en débarrasser en un coup. La maudite étendit ses ailes et remonta la cage d’escalier pour aller arpenter l’étage d’au-dessus pour s’occuper d’éventuels autres combattants et chercher d’autres survivants, la demoiselle ailée ignorant à quel point la tragédie c’était répandu à ce niveau-là.

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I have been grinded down and stopped back up again more times than I can count.
I have been tested daily, weekly, monthly and yet here I am the most relentless person that you have ever met.

Les yeux de Karim se portaient sur le massacre qui avait eu lieu ici même. Les mercenaires étaient apparemment épuisés de leur petit travail. Il s’était retrouvé après une nouvelle escalade dans le tunnel 1, laissant le gamin attendre son transport pour monter. Il rageait intérieurement de ne pas pouvoir exprimer toute sa colère en défonçant des gueules, mais il n’était pas loin de pouvoir le faire. Ses oreilles s’activèrent tandis qu’il entendait de lourds pas venir à lui, comme les insondables et inacceptable pas qui indiquent les pires actions d’une humanité disparue. Son esprit embrumé par la colère était porté sur toutes les personnes qui se trouvaient autour de lui, et il avait du mal à réfléchir, si bien qu’il ne fut pas discret le moins du monde en courant en direction des mercenaires qui eurent tout le loisir de voir arriver le gamin sur eux.

Le premier arrêta d’un air pédant le poing de l’Ookami sans réel soucis. Il ne souriait pas, sa lame couverte de sang, et tandis que le jeune homme ne pouvait plus bouger, il sentit la lame froide s’approcher de son corps et la transpercer de part en part. Son regard s’éteignit un instant tandis que l’action, courte et sans intérêt pour son adversaire, venait de lui ôter une partie de son estime. « Putain. » se dit-il. Ouais, c’était clairement pas son jour de chance. Il s’effondra au sol, le regard perdu tandis que l’ennemi retirait l’épée sauvagement et s’apprêtait à lui donner un ultime coup de grâce. Il ne serait plus là pour le voir, son esprit étant déjà happé tandis qu’il s’évanouissait.

Le mur le plus proche de la mine s’ouvrit en deux. Le regard du mercenaire s’écarquilla tandis que son geste impossible à arrêter n’eut pas le temps d’atteindre sa cible tant la pression du poing de son adversaire était puissante. Il se sentit voler, et s’encastra contre le mur au moment où Ishtar arrivait.

- Ne tente pas de m’arrêter.

L’homme dégageait une pression telle qu’il ne semblait plus réellement humain. C’était Finn, mais ce n’était pas lui. Il s’approcha de la seconde mercenaire qui observait la scène en tremblant, et transperça son armure jusqu’à son cœur, arrachant celui-ci d’un coup sec et le jetant au sol nonchalamment. Il n’y avait plus âme qui vive ici, alors qu’importe, n’est-ce pas ? Il se tourna vers l’homme sans que la déité qui les avait menés jusque-là ne puisse agir, et s’approchant de lui, il lui trancha la tête d’un coup sec de la tranche de la main. La tête vola sur le sol en direction du Zoan Mythologique qui pourrait constater l’inhumanité de ce geste, bien que justifié par ce massacre qui avait eu lieu ici… Et l’état de Karim.

Ce fut d’ailleurs à partir de ce moment-là la seule préoccupation de l’Ookami. Tirant le jeune homme sur son épaule comme un sac de pommes de terres, il s’élança en direction de là où il était venu. Le mur était relativement épais, séparant une chambre de stockage qui menait directement vers la surface du reste des mines, sans autre accès que celui créé par Finn. Le jeune homme s’élança et revint à la surface, observant toutes les personnes qui se trouvaient là avant de se diriger vers la ville, cherchant le plus rapidement possible un médecin qui pourrait prendre en charge l’homme-loup. Il fallait qu’il soit opéré d’urgence, mais heureusement cette ville enrichie sur le dos des esclaves avait de bons soins.

La course de Finn trouva une fin au niveau du centre hospitalier de l’île, un complexe assez important qui représentait plusieurs pôles et plusieurs bâtiments. Il n’y était pas familier, mais dès qu’il arriva sur le site il n’eut pas besoin de risquer le deuil : le personnel se mit au travail sur le champ. Fort heureusement, la blessure était propre et les grommellements de Karim semblaient indiquer qu’il reprenait conscience progressivement.

Ses yeux s’ouvraient et se fermaient à intervalles réguliers. Il détestait cette sensation de perte si stupide. Après avoir vaincu des mercenaires, il s’était fait vaincre par d’autres. « Imbécile », se dit-il en expirant un souffle douloureux au niveau de son ventre. Sans serrer les poings, il tenta de s’accrocher vainement à tout ce qui pouvait le lier au monde terrestre. « Pas maintenant ». Il ne voulait pas s’en aller. Son arrière-pensée fut pour son fils, qu’il avait laissé tellement de temps là-bas, sur le Nouveau Monde. Le fils qu’il aurait aimé ne jamais connaître, et dont il n’avait fait qu’entendre parler pourtant en ayant l’impression de l’avoir rencontré. Ses souvenirs étaient brouillés.

Il sentit une main s’accrocher à la sienne, et soudain son accroche subsista. Ses yeux étaient brouillés, mais il n’avait pas besoin de voir pour comprendre. Il s’agissait de Finn. Doux Finn, l’homme qui lui apportait le plus de confort dans ce monde. C’était un putain d’humain, mais qu’est-ce qu’il était putain de bon d’être avec lui. Il inspira une fois avant de sentir du sang couler à nouveau le long de sa peau. Cette sensation était désagréable, contrebalancer par la présence de son ami… De son âme-sœur, comme il pouvait le penser secrètement avant de l’effacer. Cette fois-ci, il ne l’effacerait pas. C’était ce type d’expérience, face à la mort, qui apprenait à l’Ookami ce à quoi il tenait vraiment. Et Finn en faisait partie, aujourd’hui et pour toujours.

- Je n’ai rien à vous dire.

La voix sèche du Shaman sembla outrer certains de ses sujets, mais ceux-ci s’écartèrent d’eux-mêmes pour ne pas écouter ce que la De Lerhane avait à dire. Ils avaient pu observer différentes choses chez cette femme qui ne leur donnait pas envie de la contredire. Leurs airs interrogateurs étaient coupés par le tranchant du regard du Grand Shaman de la Lune. Il tiqua en voyant qu’il se retrouvait seul au milieu de la foule, et finalement écouterait ce que l’ange aurait à lui dire.

- Inepties, sortirait-il en claquant son sceptre contre le sol. Je ne suis pas de cette espèce, misérable. Ces mercenaires…

« Elle a dû entendre toute l’histoire. Il faut l’éliminer. ». Cette pensée lui traversa l’esprit mais il ne pourrait la mettre en œuvre ici sans qu’elle ait le temps de parler et de le discréditer. De toute évidence, il n’était pas dans une position de pouvoir contrairement à ce qu’il aurait voulu. Il devait se résoudre à lui vendre un semblant de vérité pour l’attirer dans un traquenard, une sorte de révélation qu’il pourrait faire en essayant de s’incriminer le moins possible…

Alors comment procéder ?

- Certes, certains de mes consuls me paraissaient suspicieux ces derniers temps, ils parlaient de choses sombres et ont une grande partie du pouvoir décisionnaire… Ils devraient pouvoir vous en dire plus sur toutes ces intrigues.

Il indiqua le lieu la grande place où se déroulait un forum actuellement pour déterminer les suites. Le forum était un lieu ouvert, pavé et bien entretenu, composé de gradin. Tout le monde, dans les faits, pouvait assister en débat. Les esclaves n’avaient pas le temps, et les femmes étaient tenues loin des affaires d’état. Cependant, cette dernière partie, le maître des lieux s’abstiendrait le dire et conseillerait à Ishtar d’aller chercher des réponses là-bas en indiquant une nouvelle fois qu’il n’avait rien affaire avec ces mercenaires…

Le Grand Shaman acquiesça aux premières paroles de Ishtar avec une sorte de bonne foi qui était là pour faire bonne figure. Des boucs émissaires, il en avait créé toute sa vie. S’il fallait sacrifier ses consuls et reformer ses troupes plus tard, ça en valait la peine. Le but était toujours plus appréciable quand il était atteint, même si le chemin était long. Son sourire amusé ne fut que de courte durée quand il comprit qu’il allait falloir qu’il se mesure lui-même aux consuls : cela risquait d’être compliqué, et il devrait tirer ses ficelles avec adresse. Choisir ses pions, les déplacer correctement… Finalement, c’était bien plus dangereux que prévu. Son attitude se referma malgré des paroles qui se voulaient relativement ouvertes, dans l’enrobage :

- Je vous accompagnerai, bien sûr, c’est mon devoir.

Il se tut tandis qu’elle s’adressait aux esclaves. Si aucun ne réagit, c’était sûrement parce que trop avaient perdu un enfant quelque part. Ils étaient interrogatifs, mais personne ne semblait vouloir réagir en présence du Grand Shaman. Ils se turent donc : de toutes les manières, des esclaves il y en avait partout. Des cadavres dans les mines à ceux dans les clairières, ce n’était pas ce qu’il manquait ici. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Malgré la description, rien ne sortit, mais le mot risquait de propager bien vite… Un feu de brousser que le Shaman s’empresserait d’éteindre dès qu’il se serait débarrassé, d’une manière ou d’une autre, de la mythique.

- Les mines ne seront plus utilisés, ajouta-t-il en ayant fait mine d’avoir pris le temps de réfléchir. Nous ne renverrons personne dans cet enfer.

Une promesse qui fit sourire certaines personnes amèrement, sans pour autant qu’elles ne veuillent expliquer leurs réactions. Finalement, sans se presser, le Grand Shaman de la Lune se mettrait en route vers le forum où de vieux hommes discutaient déjà des modalités qu’il allait falloir mettre en œuvre pour prendre le reste de l’île et acquérir les ressources, dans le bien de la communauté. Par ressources, ils entendaient bien sûr à la fois les ressources minières et champêtres, mais aussi les ressources humaines qui les intéressaient pour renouveler leurs stocks d’esclaves… bien que cela ne soit jamais évoqué en entier, seulement à mi-mot.

Les chirurgiens s’étaient rassemblés, inquiets, autour de l’Ookami. Finalement, c’était avec un certain soulagement qu’ils voyaient la blessure de cet homme et ils purent recoudre les couches successives tranquillement, tout en gardant le garçon sous anesthésie locale, avec des produits de médecins. Le jeune homme s’était attendu à bien pire, et il voyait que de toutes les manières Finn était resté auprès de lui, embrassant sa main et la serrant comme pour lui donner du courage. Le lieu n’était pas stérile, mais ces personnes ne semblaient pas être des pros en hygiène de toutes les manières.

Quand ils eurent fini leur travail d’orfèvre, des fils dépassaient mais semblaient assez solides pour maintenir l’homme sous bonne garde. Il se remettrait assez rapidement, finalement, et n’aurait besoin que de quelques jours de convalescence. On lui dit cela comme s’il allait suivre les conseils du médecin, ce qui sembla provoquer l’amusement de son ami. Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent enfin seuls, tandis que Karim observait Finn avec un air changé, comme si les derniers événements avaient changé quelque chose dans leur relation.

- J’ai eu peur, avoua le combattant caché.
- Moi aussi.

Cet aveu, c’était suffisant pour qu’il comprenne. Le jeune homme qui avait maintenu ses larmes jusqu’à présent céda sous la pression et pleura aux côtés de l’homme-loup, tenant toujours sa main comme s’il ne voudrait jamais la lâcher.

Dans la chambre d’hôpital, Karim sentit ses lèvres se décoller de celles de Finn qui s’était allongé contre lui, faisant attention à ne pas s’appuyer sur sa blessure. Depuis quelques minutes, ils échangeaient un instant de tendresse qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais connu en étant sobre. Etait-ce de nouvelles endorphines qu’il créait grâce à son sauvetage ? Il n’en savait rien et s’en fichait. Sa main était posée sur l’épaule de son ami, et il apportait de temps à autres sa tête sur son épaule. Tous deux semblaient vulnérables tandis que dehors se jouait l’un des phénomènes les plus importants de l’histoire de cette île. Ils n’en avaient pas conscience, et Karim s’en serait foutu s’il l’avait su. Cet instant de bonheur égoïste lui correspondait bien.

- Ce n’est pas normal… ce n’est pas normal… C’est si agréable et irréel…

Si agréable et irréel. Un son strident tendrait à l’extérieur. Un son strident et long qu’il entendrait une fois tandis que son torse commencerait à lui faire mal. Il entendrait la machine branchée à son bras indiquer que son rythme cardiaque avait disparu. Alors, la vision de Finn, collée contre lui, disparaîtrait comme un nuage de fumée, et il ouvrirait les yeux. Une lumière passerait dessus, obligeant sa pupille à bouger au grand soulagement des médecins. Il venait de mourir ? Pourquoi n’était-il pas resté mort ? Et merde…

- Karim… Karim…

Finn braverait sans soucis les médecins pour se rendre aux côtés de l’homme-loup. Ce dernier le regarderait, conscient de ce qu’il venait de se produire sans comprendre pourquoi. Son estomac lui faisait mal, mais il sentait qu’il avait été recousu. Il avait sûrement fait une chute de tension, mais à quel moment avait-il passé l’arme à gauche ? Qu’importe, il était trop faible pour bouger. Pourtant, les larmes de Finn étaient cette fois-ci réelles, et s’il se trouvait encore au bloc opératoire, il imaginait que leurs confessions et instants de partage n’avaient été qu’illusion. Encore une fois… Et merde.

Le Grand Shaman arriverait au niveau du forum sous la menace toujours tangible de Ishtar. Celle-ci l’impressionnait, même s’il n’osait pas le dire. C’était une grande femme guerrière à la chevelure blonde, et ses ailes lui donnaient des airs de divinité qu’il n’avait pas. Pourtant, personne ne la considéra pour ce qu’elle n’était pas : ils étaient tous tournés vers leur leader, n’ayant d’yeux que pour lui. Il s’approcherait du milieu du forum où il viendrait se tenir, tournant le dos à une partie de ceux à qui il s’adressait. Dans un mouvement d’orateur dont il avait le secret, il engloberait pourtant tout le monde dans son petit discours.

- Les mines ont été attaquées, mes amis. Cette guerrière nous a aidés à endiguer les mercenaires mais… un traitre ou plusieurs se cachent parmi nous. Nous ne saurions tolérer que notre ville soit perturbée par ces traitres, alors…
- Il y a eu des morts ?
- Oui… De nombreux esclaves ont été assassinés.
- Il va falloir les remplacer, marmonna une voix suspicieuse.
- Nous aurions dû mieux protéger ces lieux, ajouta un autre.
- C’est inutile, cela coûte trop pour peu de bénéfices… Et les personnels sur place ?
- Massacrés, eux aussi, sans distinction, plaindrait le Grand Shaman avec un air faussement abattu.

Personne ne semblait prêt à se dénoncer, alors d’un air grandiloquent, le dirigeant fit avec un air convaincu :

- Nous ouvrirons une enquête. Les résultats seront donnés ici même, demain à la même heure. Tous les bureaux, y compris le mien, seront fouillés pour trouver des preuves de culpabilités. Nous n’avons rien à cacher aux yeux de la Lune.

Et il se tournerait vers Ishtar. Si elle acceptait que les investigateurs enquêtent, elle pourrait aller voir son ami Karim à l’hôpital… Sinon, elle devrait intervenir à nouveau ici.

Le réveil fut aussi difficile que la chute l’avait été. Après son rêve lucide, Karim avait finalement remis un pied dans la réalité sans réussir à s’y accrocher totalement. Il s’était senti longtemps tomber, mais sa « résurrection » s’était passée finalement dans de bonnes conditions. Son cerveau n’avait pas manqué de plus d’oxygène que d’habitude, et de toutes les manières s’il avait des lésions mentales celles-ci ne devraient pas se voir. Rassuré, Finn avait simplement commencé à rester à ses côtés pour la fin de la journée, et comme s’il se trouvait encore dans le rêve, Karim lui avait tenu la main sans la lâcher, sans accepter qu’il s’en aille. Les infirmières qui voulurent mettre Finn à la porte le soir-même se heurtèrent à un mur, et si elles tentèrent de le déloger ce fut finalement en abdiquant qu’elles accueillirent l’homme jusqu’au bout de la nuit.

Dans la tempête qui vint cette nuit-là nettoyer le sang dans les mines à présent condamnées, l’homme-loup se réveilla plusieurs fois aux côtés de son ami qui dormait. Il lui caressa ses cheveux de jais et passa une main sur ses traits si angéliques pour lui. Le charpentier se réveilla à un moment, et Karim l’invita d’un signe de la tête à venir le rejoindre sur le lit, ce qu’il fit. Il ne mit pas longtemps à s’endormir sur l’épaule de l’homme dont le sourire se fondit dans les ténèbres.

- C’est stupide, marmonnerait l’originaire du Nouveau Monde en maintenant son amant contre lui.

Mais il embrasserait le sommet de son crâne, regrettant presque de ne pouvoir goûter à ses lèvres sa sans comprendre l’étendue de ses sentiments mais commençant à les assumer progressivement. C’était réellement le début d’une nouvel phase de leur relation, une phase qui correspondrait à un moment où ils ne se cacheraient pas de ressentir quelque chose pour l’autre, y compris en public… même si l’effet de dissimulation n’était pas très réussi.

-Je… Oui.

Le Grand Shaman accepta en pestant intériuerement. Il allait falloir que les consuls soient plus intelligents que ce qu’ils avaient été jusqu’à présent, et qu’ils dissimulent les preuves. Le procès aurait lieu le lendemain, tant et si bien qu’ils pourraient fabriquer des preuves dans la nuit pour incriminer l’un des faibles. Oui, ils lui étaient fidèles. C’était une telle certitude qu’il ne s’empêcha pas de dormir en restant chez lui, dormant sur ses deux oreilles d’un sommeil profond.

Le matin arriva, et il entendit à l’extérieur de sa grande villa un cri, un grognement, un ordre. « Sors d’ici, enfoiré ! ». Qui était-ce ? Cette voix ne lui était pas familière, et tandis qu’il se hissait hors de son lit où sa femme était couchée – femme à laquelle il ne pensait que peu en réalité – ce fut pour observer un étrange spectacle. Un homme-loup en fauteuil roulant toussait à la mort tandis qu’une autre personne à ses côtés tentait de le calmer avec des gestes un peu abusés.

- Qu’est-ce que vous me voulez ? Garde, protégez-moi ! Ferait-il en direction de Ishtar, si cette dernière se trouvait près de lui.

La commande ou demande, en fonction du point de vue de l’ange, serait sûrement là pour élever un sourcil de Karim qui, s’il voyait la jeune femme, se désintéresserait totalement de son interlocuteur premier, comme s’il avait même oublié ce qu’il se passait. Il sourirait et s’exciterait en disant d’un ton amusé et certainement très enjoué ce qu’il avait en tête :

- Ishtar ! Ca fait un bail ! Tu devineras jamais, on a rencontré une divinité ici, c’était ouf ! Franchement, elle te ressemblait mais t’es bien plus badass… J’suis là pour quoi déjà ?

Il regardait sans comprendre l’implicite dans la phrase d’Ishtar, et s’en fichait de toutes les manières. Finn l’aidait à arrêter une quinte de toux et ses mains sur son torse avaient à présent tendance à l’émoustiller sans qu’il ne puisse cacher le rouge qui lui montait aux joues. Il avait envie de l’embrasser, et tout ce qui le retenait c’était l’obligation de devoir bouger son corps et de risquer une erreur qui lui aurait valu de s’étaler par terre. Il s’était tout juste fait empaler à vrai dire, et s’il avait réussi à s’en remettre relativement rapidement grâce à une blessure assez superficielle et une prise en charge rapide, il n’était clairement pas au meilleur de sa forme. Les combats étaient finis pour lui, mais il avait quand même voulu régler son compte à l’instigateur de toute cette histoire. Finn l’avait observé et ils avaient recoupé leurs informations durant le début de matinée : ils étaient tous deux certains que cet homme était le pilier de cette attaque dans les mines.

- C’est lui le con qui a envoyé les mercenaires dans les mines, accusa l’homme-loup sans aucun détour.

Son regard furibond était bloqué sur l’homme dont l’air se transforma soudain, inquiet. Avait-il découvert quelque chose ? Ce n’était sûrement pas le seul, car une cohue se leva derrière Karim et Finn, une cohue, des hurlements vindicatifs qui s’élevaient du forum. La session avait-elle commencé plus tôt ? Des voix s’étaient en tout cas élevées grâce au temps acheté par Ishtar. Le Grand Shaman de la Lune déglutit en sentant que les choses allaient être très compliquées à gérer à partir d’ici, et s’il tentait de partir peut-être que Ishtar l’arrêterait.

Le mouvement de foule ne tarda pas à arriver, tandis que Karim se contentait de se déplacer en sécurité avec son fauteuil pour ne pas être écrasé. Le Grand Shaman attendit patiemment son heure comme s’il était résolu à affronter tout ce qui pourrait se trouver ici sur son chemin. Il ferma les poings, et observa ceux qui arrivaient avec un certain dégoût.

- A mort ! A mort !

Le slogan hurlé sans personne visée pour l’instant était clairement à destination de l’occupant de la maison, et tandis qu’il tremblait légèrement la foule s’arrêta au niveau des escaliers. Certains esclaves avaient déjà libéré leurs chaines, comme l’aveu qu’en secret beaucoup de choses s’étaient déroulées cette nuit-là. Il n’y avait pas tous les fidèles qui avaient mis leur foi en lui… Loin de là, même. Il craignait que le pire soit arrivé, et finalement ce fut un homme qu’il ne connaissait que peu qui parla :

- L’enquête a été ouverte hier soir, et vous…. VOUS êtes accusé de haute trahison envers le peuple. Vous avez fomenté de sombres desseins pour envahir le reste de l’île et priver un peuple de liberté, pour nous maintenir sous votre joug. Pour tous ces crimes, le châtiment requis est la mort !

Sa voix était portée par les personnes qui se trouvaient derrière lui. Celle-ci, Karim ne l’avait pas vue venir. Il avait entendu la foule de loin, mais il était incapable de prédire un revirement aussi brutal pour cet homme. Si Ishtar l’avait laissé faire, il n’aurait certainement pas perdu tous ses fidèles en une nuit, et serait ressorti victorieux… Un temps du moins, car ses opposants se trouvaient partout. Les esclaves étaient aidés dans le forum par des ennemis du pouvoir, des citoyens qui ne supportaient plus de voir les chaînes dans leur cité. Il restait encore des personnes altruistes, de toute évidence….

- On dirait que ça chauffe. Il se passe quoi en fait ? Lâcha Karim à Finn en ne regardant plus que ce dernier.
- Les fouilles ont dû montrer que le Shaman avait des alliés, sûrement à cause de certains documents. Les rebelles sont donc montés pour faire tomber le pouvoir. On n’a plus rien à faire ici.