“ - L’archipel des Gekko ? J’arrive le plus vite possible !”

C’était sur ces mots que notre Denden avait terminé il y a quelque temps et depuis, je n’avais cessé de prendre direction de cet archipel afin de retrouver ma sœur. Nous qui avions à peine pu nous retrouver sur Shabondy, nous avions déjà été séparés par les aléas du hasard.  Cependant, c’était quelque chose qui ne se reproduirait plus, ou en tout cas je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça n’arrive plus. Némésis est celle qui m’a donné l’envie et la force de quitter mon île natale, celle qui m’a promis un monde nouveau et différent et il était hors de question que je découvre tout de lui sans elle à mes côtés. Les Blues… davantage qu’un objectif, j’étais surtout ici pour être à ses côtés, pour qu’elle me montre ce qu’elle sait et qu’en échange, je lui montre ce que je connaissais.

Mes yeux étaient pleins d’étoiles, j’étais plus qu’impatiente alors que mon oiseau géant commençait presque à trouver ça horripilant. Mais pour qui tu te prends Scalp ? Il n’y a vraiment que ta cervelle de moineau qui ne pourrait pas comprendre à quel point la retrouvaille de deux sœurs est un événement important dans une vie, il faudra qu’on fête ça de manière digne de ce nom !

La fin de la journée allait bientôt approcher alors que je voyais finalement l’île que je devais rejoindre. Heureusement que j’avais acheté cet oiseau, sans lui je n’aurais jamais pu la rejoindre à temps ! En approchant, je finissais par repérer une silhouette qui semblait attendre, observant à l’horizon. Avant même de la voir, j’en étais dors et déjà persuadé : c’était elle, elle était là, elle n’avait pas menti ! Invitant mon oiseau à descendre, je viendrais rapidement me poser, me précipitant à toute vitesse sur elle, lui sautant dessus tout en l’enlaçant.

“ - Grande soeur ! Tu m’avais tellement manquée ! Il s’est passé tellement de choses depuis la dernière fois, je suis trop heureuse de te revoir ! Il faut que je te présente Scalp, c’est mon oiseau de compagnie ! Tu peux le caresser, il est très gentil !”

D’un signe de la main, je viendrais indiquer l’oiseau géant qui attendait derrière moins, bien dressé. Il était très obéissant, n’obéissant qu’à mes ordres depuis que je l’avais acheté. Peut-être devrais-je lui dire d’également obéir aux ordres de Némésis ? Il fallait que j’y réfléchisse, mais en attendant, profitons des retrouvailles !

J’étais particulièrement heureuse de revoir ma grande soeur. Après tant de mois à s’être à nouveau séparés, voilà que nous étions à nous face à face et que je pouvais l’enlasser sans que cela se passe dans mes rêves.Mon bonheur était à son paroxysme. Après avoir carressé Scalp, Némésis viendrait me proposer d’aller manger un morceau, chose que je n’aurais jamais refusé.

“ - Je veux bien, je ne dirais jamais non à un de tes repas ! Et je suis sûr que c’est pareil pour Scalp !”

Sans attendre, je viendrais me jeter sur la main qu’elle me tendait, prenant la direction de sa caravelle alors que j’indiquais d’un signe de main à l’oiseau de nous suivre. Il y avait tellement de choses à dire, mais par quoi pouvais-je commencer ? C’était difficile à définir, j’aurais presque désiré que le temps se fige afin de me laisser un temps infini pour parler.

“ - Alors soeurette, qu’est-ce que tu as fait pendant tout ce temps ? Moi j’ai vraiment fait beaucoup de choses, j’ai même visité le fameux Baratie, mais malheureusement je n’ai pas eu le temps d’y manger pour goûter les plats… mais je suis sûr qu’ils étaient bien moins bon que les tiens !”

Si on devait mettre un mot sur mon ressenti à ce moment précis, je pense qu’il aurait fallu inviter un nouveau terme. Pour moi, Némésis représentait tout : ma famille, ma motivation, mon envie de continuer à vivre. J’avais déjà tout perdu, il ne me restait qu’elle et il était hors de question que je la perdre. Non… je n’avais pas envie qu’encore une fois, on vienne me priver de ce qui est essentiel à mes yeux. Si cela arrivait encore… je ne sais pas comment je pourrais réagir et à vrai dire, j’avais toujours refusé de ne serait-ce que l’imaginais. Je préférais largement profiter des moments heureux à ses côtés, agissant comme j’aurais toujours voulu le faire avec ma famille si j’avais grandi libre.

Arrivée à l'appartement, je constatais avec grande joie qu’une partie de mes affaires et des objets que j’appréciais particulièrement étaient présents. C’était encore une fois là le signe que ma grande sœur était la meilleure, toujours attentive à ce que j’aime où ce que je veux. Malgré tout, inutile de m’attarder davantage ici pour l’instant, il fallait que je passe du temps avec Némésis. La rejoignant dans la pièce où elle se trouvait, je la découvrais en train de préparer de la viande, m’invitant à aller nourire Scalp, ne se sentant pas à l’aise avec ce dernier. C’était compréhensible, même si mon oiseau était dressé, il restait un oiseau géant capable de faire des dégâts s’il redevenait sauvage. Je viendrais attraper le saladier rapidement à la demande de la femme.

“ - D’accord, je m’en occupe de suite ! Je suis sûre qu’il va être content !”

Ressortant joyeusement en compagnie du saladier, je viendrais en direction de mon animal de transport, installé confortablement en attendant que je revienne. Doucement, je viendrais déposer la viande devant lui, lui faisant signe de se nourrir tout en l’indiquant à l’oral.

“ - Tu peux manger, profite bien car ça vient directement de grande soeur, tu dois en être reconnaissant !”

Je ne savais pas si Scalp était capable de faire la différence entre un bon plat et les restes d’un corps en décomposition, mais en tout cas, il dévorait la viande sans aucune difficulté ni réticence. Alors qu’il continuait à manger, je me serais détournée, retournant vers ma grande sœur à l’intérieur de la cabine. A peine fus-je revenue que des assiettes étaient déjà en place et le repas servi. Je m’installais tranquillement à table alors que la conversation repris, grande sœur m’expliquant qu’elle aussi avait vécu des choses, que j’avais hâte de tout entendre ! Cependant, alors que j’étais sur le point de la questionner concernant les gens qu’elle avait rencontré, elle m’invita à gouter son plat. C’est vrai qu’il avait l’air particulièrement bon, et, l’imitant, je viendrais planter ma fourchette à l’intérieur d’une des pommes de terre, la fourrant à l’intérieur de ma bouche.

… c’était si délicieux, comme si les arômes faisaient une véritable fête à l’intérieur de mon palais. Les gens pouvaient dire ce qu’ils voulaient, rien n’arrivait à la cheville de la cuisine de ma sœur !

“ - C’est si bon ! Ca m'avait tellement manqué de manger un de tes plats, j’ai enfin l’impression d’être rentrée là où je devrais être !”

Continuant de manger, je continuerais à discuter de banalités jusqu’à ce que mon assiette soit presque entièrement vidée. Une fois arrivée aux termes de cette dernière, une information reviendrait soudain à mon esprit : elle avait dit qu’elle voulait me montrer quelque chose ? De quoi pouvait-il bien s’agir ?

“ - Dis grande soeur, est-ce qu’on prend un dessert ? Tu as parlé de me montrer quelque chose et j’aimerais bien savoir ce que c’est !”

Grande sœur attisa ma curiosité tout en évitant de répondre à ma question. Quelque chose qui pourrait ne pas me convenir ? De quoi s’agissait-il ? Bougeant mon corps, je tenterais de chercher à regarder là où se diriger Némésis, mais elle semblait avoir anticipé cette réaction de ma part, dissimulant tant bien que mal l'objet que je cherchais à observer. Finalement, je me résignais à attendre, non sans gonfler les joues de manière à exprimer mon mécontentement. Pourtant, alors qu’elle s'écartait pour me dévoiler la surprise, mon air boudeur disparu en un instant, laissant apparaître une mine complètement ébahi, comme si le Saint Graal venait d’apparaître sous mes yeux. Mieux encore, alors que la salive coulait abondamment de ma bouche, grande sœur vint m’apprendre qu’elle venait d’une boutique qui lui appartenait et qu’on pourrait la visiter. Ni d' une ni de deux, je viendrais me jeter sur elle, une joie indescriptible se dessinant sur mon visage.

“ - Je… je ne sais pas comment te remercier grande soeur ! Toutes ces glaces… c’est tellement, je ne sais même plus quoi dire… moi aussi je te ferais un cadeau à ta hauteur bientôt !”

Délivrant la femme de mon emprise, je viendrais me saisir d’une cuillère avant de déguster sans modération les crèmes glacées disposées devant moi. C’était quelque chose d’étrange à dire, mais à cause de ma malédiction, mon corps était devenu extrêmement froid, plus que n’importe qui pourrait ne l’imaginer. Aux yeux de mon corps, même la  glace était quelque chose de chaud, mais c’était le plat le moins chaud que je pouvais déguster, d’où mon amour pour elle. Engloutissant les boules à toute allure, vint malheureusement un moment où mon estomac se trouvait bien trop plein, ne me laissant rien avaler de plus. Alors que j’étais affalé sur ma chaise, prête à remercier une nouvelle fois Némésis, c’est cette dernière qui engagea la conversation, déposant une photographie sur la table. En l’observant, je pus voir une femme tenant un bébé dans les bras. Les deux possédaient des yeux à sclères noirs. Inutile d’être un génie pour comprendre qui étaient les personnes sur la photo : l’enfant était Némésis, et la femme était très certainement sa mère. En y repensant, c’est vrai qu’on avait jamais abordé nos relations passées avec ma famille, que ce soit moi ou elle. C’était assez évident pour nous deux que notre famille représentait quelque chose de passé et qu’il ne pourrait plus jamais intervenir dans le présent. Pourtant… les choses ne semblaient plus si certaines désormais, elle-même semblant complètement perdue, comme si elle ne voulait pas avouer une vérité. Observant en silence la photo, je remontais doucement mon visage vers elle, parlant d’un ton habituel.

“ - C’est ta mère alors ? Comment est-ce qu’elle était ? On a jamais parlé de ça par le passé, je ne savais pas que tu avais encore de la famille en vie.”

Tout cela faisait beaucoup d’informations, et ça semblait être bien trop pour Némésis qui semblait complètement perdue, comme si l’arrivée d’une personne de son passé devait systématiquement changer le déroulement du présent. Est-ce que les doutes venait du fait qu’elle soit de la Marine là où nous étions des criminelles ? Elle a peur de ce qui pourrait m’arriver… mais pourquoi il m’arriverait du mal ?

“ - Grande soeur, est-ce que tu as envie d’apprendre à la connaître ? Car rien ne t’y oblige.”

Je laisserais quelques secondes de silence avant d'enchaîner à nouveau.

“ - Tu sais… des sbires de Konan ont tué et torturé mes parents et moi-même quand j’étais toute petite, je n’avais jamais jusqu’à aujourd’hui trouvé de liberté et de bonheur si ce n’est avec toi. Je sais parfaitement qu’ils ne reviendront pas, mais même si cela devait arriver, je m’en moquerais, car aujourd’hui ce que je veux, c’est vivre avec ma grande soeur, celle qui m’a sortie du pétrin et que j’accompagnerais jusqu’au bout, peu importe les péripéties. Je ne peux pas décider à ta place de ce que tu dois faire, surtout pour une situation pareille, mais sache une chose : peu importe ce que tu décides, que ce soit d’apprendre à la connaître ou l’ignorer, je te suivrais les yeux fermées, car j’ai confiance en toi !”

Un large sourire viendrait s’afficher sur mon visage. Nous avions tellement été séparés ces derniers temps que ce genre de petit moment intime pour parler de nos sentiments avaient été balayés et c’était probablement la cause du mal-être de ma grande sœur. J’étais prête à tout pour la rendre heureuse et l’être à ses côtés, même si ça impliquait de devoir raser toutes les terres de ce monde. Il n’y a rien qu’on ne ferait pas pour quelqu’un qu’on aime, c’était mon credo et il ne changerait plus jamais.

C’était évident : grande sœur était mal, elle ne savait pas réellement quoi faire ni comment réagir. Pourtant, j’avais l’impression que mes mots l’avaient aidés, alors que je n’avais fait que parler de moi et de ce que j’avais vécu. Elle était venue me prendre dans ses bras… c’était une chose extrêmement agréable, probablement une des meilleures sensations que je pouvais ressentir. Mon corps et mon coeur avait été rendu froid à cause de ma malédiction, je n’étais presque plus capable de ressentir la chaleur d’un corps et pourtant, lorsque j’étais dans les bras de Némésis, j’avais l’impression que le monde changeait autour de moi, que tout était différent. J’entendais son cœur battre à vive allure, mais j’entendais également le mien qui bondissait comme il ne l’avait fait. Ce n’était pas une question de malédiction, mais une question d’amour… l’amour de cette sœur qui m'avait tant manqué et que j’aurais aimé rencontrer plus tôt.

Alors que la blonde me serrait, enfonçant de plus en plus ses bras dans mes épaules, je ressentais davantage d’émotions, mais également des genres de voix. Elles étaient au début minuscules et pourtant, plus les secondes passaient, plus elles devenaient intenses, raisonnant à l’intérieur de mon crâne, rebondissant à l’intérieur sans que je puisse les évacuer, forcer de devoir les écouter sans réussir à comprendre ce qu’elles me murmuraient, toutes ensevelis les unes dans les autres sans aucune distinction. La sensation de béatitude laissait soudain place à un sentiment de douleur, la douleur d’un flot trop soudain d’émotions, comme si ma tête était incapable de supporter une telle charge et pourtant, je restais avec elle, dans ses bras.

Le temps était passé. Combien s’était-il écoulé ? J’étais incapable de le dire, toujours perturbé par ces voix que j’entendais et que j’essayais de decrypter sans jamais réussir. Némésis m’avait lâché, et c’est avec peine que je pus comprendre ses mots. J’aurais aimé l’accompagner, rester à ses côtés, mais j’en étais complètement incapable, complètement perturbé par cette situ ation atypique. A bout de souffle, je me contenterais alors d’une simple phrase :

“ - Je… j’y vais aussi, bonne… nuit grande soeur….je t’aime.”

D’un pas lourd et fatigué, j’irais rapidement dans une pièce différente de Némésis, trouvant un lit et me laissant tomber sur ce dernier, sans même prendre la peine de vérifier à qui il pouvait bien appartenir. J’aurais aimé réfléchir davantage, mais mon corps n’était pas d’accord et je sombrais dans le sommeil.

~~

Alors que mes yeux s’ouvraient lentement, je constatais qu’autour de moi n’était présent qu’un immense vide, comme si l’entièreté du monde venait de se supprimer. Il n’y avait plus de lit, plus de bateau, plus de ciel, rien, sauf moi, flottant et dérivant à travers cet espace infini. J’étais en train de rêver ? C’était classique pour moi de faire ce cauchemars, mais pourquoi maintenant ? D’habitude, ce sont les résidus qui remontent en moi lorsque j'exécute quelqu’un, mais je n’ai tué personne en ce jour, pourquoi ce cauchemars arrive t-il ? Je commençais à explorer les environs, naviguant, cherchant ma mère. Lors de mes cauchemars, elle était toujours celle qui me protégeait de ces cauchemars, qui les chassait pour que je puisse reprendre ma vie normalement… alors pourquoi était-elle absente ? Je hurlais son nom, mais elle ne répondait pas… Pourquoi ? Non… j’ai tellement besoin de toi… maman…. grande sœur…. Aidez-moi !

Pourquoi ce vide était-il si profond ? Je n’avais jamais vécu ce cauchemar d’une telle manière. Cela voudrait donc dire… que je ne suis pas dans un cauchemars ? Ma vie était donc destinée à devenir ainsi ? Un isolement perpétuel, m’éloignant à jamais de la seule personne envers qui j’avais à nouveau réussi à me sentir proche ? C’était si injuste… j’avais pourtant passé une vie sans aucun pêché, rien qu’à faire des choses classiques : meurtre, trafiques d’organes, torture, rien qui mériterait un tel châtiment.

Alors que je commençais à douter de si le monde dans lequel je me trouvais était la réalité ou un rêve, je ressenti à nouveau cette horrible sensation : celle d’avoir l’impression que des voix errent dans ma tête, comme si une multitudes d’émotions se manifestaient toutes de manière simultanées, forçant à l’intérieur de mon crâne de manière agressive.

Pourtant, alors que j’avais l’impression que cette souffrance continuerait de manière éternel, quelque chose changea. J’eus l’impression de ressentir une chaleur au niveau de mon corps, la chaleur d’une étreinte. Également, alors que tout était obscur, une douce voix résonna à mes oreilles, dissipant les maux de têtes. Cette voix était posée, calme, elle me faisait me sentir bien. Pourtant… ce n’était pas toi maman ? Ta voix avait toujours été la seule à me calmer, alors comment…

C’est soudainement que mes yeux s’ouvrirent, me ramenant dans mon lit, enveloppée par sa sœur. C’était… elle qui m'avait calmé ? Je… ne m’étais pas rendue compte… à quel point elle était importante pour moi. Oui… maman est morte, mais Némésis elle est vivante, elle sera toujours là pour m’aider, que ce soit sur les champs de bataille ou lors de mes cauchemars. Lui rendant son étreinte, de nouvelles larmes se mettraient à couler sur mon visage, mais des larmes de joie cette fois-ci.

“ - Grande soeur… je ne veux plus jamais qu’on se quitte.”