Je redoute beaucoup de choses dans ma vie, mais probablement rien de plus que de devoir revenir au monde réel après un cauchemar. Depuis quelques semaines, de grosses commandes m’étaient demandée et comme à chaque fois, la majeure partie de mes donateurs avaient fini par mourir. Malheureusement, c’était pour moi un festival de l’horreur lors de mes nuits. Dès que mes paupières se fermaient et que je cherchais à dormir, des visions d’horreur m’apparaissaient, revivant en boucle mes meurtres, me donnant l’impression de faire quelque chose de mal alors que c’était parfaitement normal. D’habitude, je voyais le visage de ma mère, elle me parlait pour me réconforter, mais sa présence était de plus en plus atténuée. Parfois, j’avais l’impression qu’elle était tout simplement absente de ma tête, m’empêchant de me réfugier dans ses bras protecteurs.

Je dormais paisiblement ce matin, mais quelque chose vint perturber mon sommeil. Quelqu’un frappait de manière soutenue à la porte. Ce tambourinage m’avait sorti de mon sommeil alors que j’étais dans une scène forte d’un de mes cauchemars. Le son que produisait ce poing au contact de la porte me terrifiait au plus haut point, me laissant croire que j’étais toujours bloqué dans ce monde de terreur et que la suite m’attendait derrière la porte.
À vrai dire, ma maison n’en était une qu’en extérieur, n’étant en réalité qu’une grande salle d’opération avec un sac de couchage sur le côté qui me permettait de dormir. On pourrait penser que ça serait difficile de dormir ici, mais c’était tout le contraire, je n’étais à l’aise que là, dans cet endroit que je connais si bien.

Malgré un certain effroi, je décidais de me lever, enfilant d’une traite mes vêtements qui traînaient avant de lentement me diriger vers la porte. Alors que les coups se faisaient plus fort sur la porte, je déverrouillais le verrou avant de lentement ouvrir la porte ; observant à travers la mince fente les personnes se trouvant sur le palier. Je n’étais pas sereine, j’étais même parfaitement effrayée, surtout en voyant le visage de l’homme. Je m’exclamais de ma voix la plus timide :

“- Je … qui êtes-vous ? Pour...pourquoi vous frappez chez moi ?”

La porte ne dévoilait que peu de chose de ma personne si ce n’était ma petite taille ainsi que ma voix juvénile. Je ne tenais pas fermement la porte, n’importe qui aurait pu entrer si jamais il poussait ne serait-ce qu’un peu, mais j’étais davantage concentrée sur les protagonistes que sur la force de mes bras. En cas de danger, j’avais toujours le scalpel de maman sur moi et je savais que je pouvais avoir confiance en lui. Cependant, serais-je à même de me défendre si j’étais encore dans un cauchemar ? Ne serait-ce pas plutôt lui qui l’emporterait ? Toutes ces questions traversaient mon esprit alors que j’attendais sa réponse.

Alors que je m’attendais à trouver des personnes agressives, il n’en était en réalité rien. Avant qu’il ne parte, visiblement en colère en me voyant, l’homme avait eu le temps de placer quelques phrases. Ils n’étaient en fait que des clients cherchant un médecin pour un compagnon malade ? Ils n’étaient donc pas venu simplement pour m’agresser ? C’était difficile à croire, mais ça semblait pourtant être vrai.
Un long silence eu lieu après le départ de l’homme, silence lors duquel je ne pouvais m’empêcher d’observer en détail cette personne encapuchonnée. Je croyais discerner une apparence féminine sous ces vêtements, mais je n’en étais pas particulièrement sûr jusqu’à ce qu’elle m’adresse la parole. Elle me demanda d’un ton un peu apathique si j’étais réellement médecin. Il n’y avait aucune agressivité perceptible dans sa voix, simplement de la fatigue. C’était étrange, mais ça me rassurais, je décidais donc de lui répondre.

“- Je suis chirurgienne oui, mais j’ai des notions en médecine. Si l’un de vous est malade, je devrai pouvoir vous aider.”

C’est en disant ces quelques mots que je décidais d’ouvrir complètement la porte, sortant à l’extérieur. La femme en face de moi ne semblait pas dangereuse, elle était simplement à la recherche d’un médecin. Elle n’était d’ailleurs probablement pas originaire de cette île, elle n’avait pas les manières d’ici. La confirmation de ma situation de chirurgienne sembla convenir à l’encapuchonnée qui m’invita à la suivre jusqu’au malade. Je fermais la porte de chez moi avant d’entamer le chemin en sa compagnie.

J’étais désormais à l’extérieur, un endroit où je n’étais pas particulièrement à l’aise sans membre de confiance. Ici, n’importe quel criminel pouvait nous tomber dessus à n’importe quel instant, il fallait toujours être sur ses gardes. Non loin d’ici, deux chasseurs de primes étaient sur le point de s’en prendre à moi mais je n’en avais pas la moindre idée. L’un avait d’ailleurs déjà encoché sa flèche et aurait pu la tirer à n’importe quel instant. S’ils recherchaient la Bouchère, mon seul avantage était celui d’être anonyme, personne ne connaissant réellement mon apparence. Les chasseurs de prime devineraient-ils à l’instinct que la jeune fille cornue que j’étais était en réalité une trafiquante d’organe particulièrement sanglante ?

Alors que nous avancions dans la rue, je ne me sentais vraiment pas à l’aise, j’avais l’impression d’être épiée et c’était très désagréable. Ca n’aurait pas été la première fois qu’on tenterait de s’en prendre à moi à cause de mon apparence innocente, mais tout de même, ça n’en reste pas des plus désagréables.
La femme que j’accompagnais ne semblait pas réellement présente parmi nous. Même si son corps était là, son esprit semblait ailleurs, comme si elle était dans une mauvaise phase de sa vie. Je connaissais bien cette sensation, je l’avais vécu durant de nombreuses années suite à la mort de mes parents. Peut-être qu’elle aussi avait perdu ses parents ?
Je n’eus pas le temps de lui poser la question qu’un homme aux cheveux grisâtres armé de plusieurs épées vint s’interposer entre nous deux, prenant en joue d’une de ses lames l’autre femme. Il commença un petit discours….la Bouchère...des prélèvements d’organes… Attends, est-ce qu’il prenait cette femme pour la Bouchère ? Mais quel culot, des années à se faire un nom sur cette île pour qu’on me confonde avec d’autres ? J’étais très énervée, je regardais l’homme avec un certain dégoût, ma main s’approchant doucement de mon scalpel alors qu’il ne s’en rendait pas encore compte.

Cependant, je n’eus pas le temps de l’atteindre que la femme s’empala sur la lame, continuant d’avancer comme si de rien n’était. Elle n’avait...aucune blessure ? Comme était-ce possible ? Je croyais être la seule à ne pas pouvoir être blessée d’une simple lame.

La femme continuait d’avancer sous le regard étonné de l’homme, tandis que moi, j’étais figée sur place, abasourdi par ce que je venais de voir. Je ne savais plus comment réagir, devais-je la suivre ? Elle était plus âgée et ne semblait pas avoir peur de mourir tout comme moi. En fait...j’avais l’impression de me revoir il y a quelques années, mais en plus âgée, c’était une sensation très étrange.

Malheureusement, ma réflexion fut trop longue et je ne pus pas réagir davantage. L’homme aux deux lames allait pouvoir agir avant même que je ne m’en rende compte.

Cette situation n’avait plus aucun sens à mes yeux. Qui étaient ces deux personnes ? Étaient-ils amicaux ? La femme qui était venue à l’origine me cherchait semblait avoir un ton plutôt agressif vis-à-vis de l’homme aux deux lames, plus précisément par rapport à la remarque qu’il lui fit. Cependant, je n’avais absolument pas vu venir son action, l’homme lançant une dague en ma direction. La dague vint passer au travers de mon front. Ralenti par un passage dans le liquide qui me compose, la lame vint s’écrouler au sol quelques mètres derrière moi, entièrement congelée. Rapidement, mon visage se reconstituait, dans une fumée abondante. Je n’avais subi aucune blessure et pourtant, j’étais effrayée. Pas un instant je n’avais lâché l’homme des yeux et pourtant, je n’ai réussi à voir l’arme qu’au moment où elle eut traversé mon visage. Je n’avais jusque-là jamais croisé quelqu’un capable de me blesser, mais j’étais pourtant intimement persuadé que lui en était capable, il connaissait un moyen de surpasser mon invulnérabilité, c’était évident.

Je ne pense pas que la femme ait vu l’homme m’attaquer et pourtant, elle vint le frapper par surprise pour pouvoir s’enfuir avec moi. Elle vint me saisir la main qui dégoulinait d’azote liquide, mes pouvoirs s’activant d’eux-mêmes alors que je suis stressée. Lorsque le contact se fit, je ressentis une gigantesque brûlure ainsi qu’un sifflement, comme si mon corps réagissait mal. J’avais ressenti de la douleur. Observant ma main, je pouvais y voir une trace de brûlure qui restait malgré un apport continuel en azote qui calmait la douleur.
N’ayant pas le temps de chercher davantage à comprendre, la femme m’invita à la suivre pour être en sécurité. Il fallait fuir, c’était une situation d’urgence, j’étais persuadée de le pas être à la hauteur contre ce chasseur de tête.

“- Faut pas qu’on reste ici !”

Alors que j’entamais une course, invitant la femme à prendre la tête pour me guider, mes pouvoirs affluaient au niveau de mes jambes, venant répandre une grande quantité du liquide qui me compose sur le sol au niveau de l’homme. Répandre de l’azote liquide ici avait davantage pour but de ralentir que de réellement blesser son adversaire. Si l’un de ses vêtements, comme l’un de ses chaussures était en contact avec le sol au moment de la congélation, cette dernière se verrait complètement bloquée au sol et freinerait énormément l’homme pour se déplacer, le tissu absorbant particulièrement bien l’azote et devenant tellement rigide qu’il deviendrait ardu de se déplacer avec. Également, le sol une fois congelé pourrait devenir glissant, permettant une nouvelle fois de prendre de l’avance sur l’assaillant. Il fallait maintenant simplement espérer que l’homme n’ait pas d’autres atouts dans sa manche…

La fuite semblait bien engagée même si la femme a mes côtés semblait avoir été blessé par une flèche. Mais elle n’avait pas esquivé une attaque juste avant ? Elle n’était pas constituée de la même manière que moi ? J’avais beaucoup trop de questions, et ces dernières ne finissaient pas avec l’avancée. Alors que nous semblions en sécurité, un homme inconnu se dressa sur notre chemin. Il semblait en colère, mais ses paroles n’étaient pas très cohérentes, à moins que… boucher… sa faute… attends… est-ce qu’il est en train de prendre cette femme pour la bouchère ? Mais c’est moi la bouchère !

Mes yeux fronçaient de plus en plus, comme si on avait tapé au plus profond de mon égo… ce qui était le cas en quelque sorte. Je sentais mon sang glacé qui bouillonnait de plus en plus, tandis que ma main venait délicatement saisir le scalpel qui se trouvait dans ma poche. Une fois attrapé, je viendrais effectuer un grand mouvement de bras avant de venir trancher en sa direction, envoyant une puissante mais petite lame d’air qui viendrait se diriger directement sur l’inconnu.

“ - C’est une blague hein ? C’est quoi cette manie à me prendre pour quelqu’un d'inoffensif !”

J’avais passé tant de temps à me faire une réputation de criminelle ici, me faire connaître par un surnom mystérieux pour montrer que je suis dangereuse, tout ça pour qu’on se moque de moi et qu’on refuse de croire que je puisse l’être, tout ça car je n’ai que treize ans, la vie est si injuste. Cependant, je comptais bien me défouler sur cet homme; il a insulté mon honneur, je vais lui en faire payer le prix fort !

La situation était surréaliste. Cette femme… pourquoi semblait-elle se battre pour m’aider alors qu’elle ne me connaissait pas ? Ses blessures étaient évidentes et pourtant, elle semblait y aller à fond pour pouvoir combattre cet adversaire. Peu importe le nombre de fois où il la frappait, elle revenait. Peu importe les coups qu’elle pouvait recevoir, elle revenait. Pourquoi… pourquoi je trouve ça… touchant ? Ça me rappelle de lointains souvenirs, à l’époque où j’étais encore libre, où nous n’avions pas été capturés par des sbires de Konan pour devenir des esclaves. Cette femme… on aurait dit moi, mais une version adulte de moi-même.

Je l’observais, les yeux béants, complètement perdue par ce qu’il était en train de se passer. Elle avait bien vu que les coups de l’adversaire étaient capable de la toucher, surtout lorsqu’ils se recouvraient de noir, alors pourquoi s’était-elle interposé alors qu’il me fonçait dessus. Même si elle avait été capable de mettre le feu à son adversaire, celui-ci semblait particulièrement endurant, et elle était désormais à terre, visiblement trop blessée pour continuer à se battre. Non, je n’allais pas la laisser se faire blesser davantage. Elle s’est interposée pour me sauver, je ferais de même avec elle.

Alors que l’homme serait en train de tenter de s’éteindre en tapotant les flammes, je viendrais lui envoyer une nouvelle lame d’air de mon scalpel qui viendrait à nouveau lui entailler la peau sans pour autant le mettre ko. Son visage sembla se durcir d’autant plus.

“ - Moi avoir battu BOUCHERE, BOUCHER PLUS FORT, toi PAS intervenir !”

Il commença à prendre de l’élan, ses bras devenant à nouveau noir. C’était évident, il allait me foncer dessus. Rapidement, je viendrais me mettre dos à la première maison qui se trouverait à mes côtés, prête à agir. J’avais un plan, je prendrais certainement quelques coups, mais ça me permettrais de sauver la femme. L’homme se mit à charger sur moi tel un taureau. La distance s’amenuisait de plus en plus : dix mètres, cinq mètres, deux mètres… mais au dernier moment, je fis ce que j’avais prévu. Alors qu’il serait sur le point de me percuter, j’userais de mes capacités de maudite, devenant entièrement liquide et tombant telle une flaque d’eau directement sur le sol tandis que lui viendrait encastrer ses deux bras à l’intérieur du mur. Immédiatement, je viendrais reformer mon corps, me propulsant en avant pour qu’une de mes puissantes cornes vienne directement atteindre son cœur par derrière. Cependant, je préférais m’assurer qu’il soit bel et bien mort vu son endurance, c’est pourquoi, directement depuis ma corne qui transperçait son corps viendrait se générer une grande quantité d’azote liquide, congelant l’intérieur de son corps à petit feu. L’homme, ressentant la douleur d’une température aussi extrême, commencerait à me donner des coups de poings, mais sa position était loin d’être optimale pour réellement me blesser, et son corps devenait de plus en plus rigide à cause de mon attaque. Au bout de quelques secondes, il finirait par complètement se stopper, en silence, tendance que je retirerais ma corne de cet amas gelé.

Me secouant la tête pour rapidement reprendre mes esprits, j’irais immédiatement voir la femme de cendre. Il fallait que je lui fasse les premiers soins.

“ - Comment tu te sens, où est-ce que tu as mal ? On va retourner chez moi, je devrais avoir de quoi te remettre en état. Tu penses pouvoir te déplacer ?”

La femme semblait avoir un mental très fort, mais lorsqu’on est exténué, le physique finit toujours par reprendre le dessus. Voyant qu’elle semblait chavirer, et malgré ma petite taille, je viendrais la soutenir.

“ - Par ici oui, on va y aller ensemble.”

Je viendrais la guider jusqu’à mon habitation, prenant mon temps pour éviter d'alourdir ses blessures mais ne prenant pas trop mon temps non plus. Si le pronostic vital était engagé, je m’en voudrais d’avoir été trop négligente. Finalement, nous arrivions à nouveau devant chez moi, cette maison où nous nous sommes rencontrés il n’y a pourtant que moins d’une heure. Ouvrant rapidement la porte, je viendrais installer la femme sur la première chaise qui me passerait sous la main tandis que j’irais rapidement fouiller mes placards à la recherche de matériel.

En y repensant, je n’avais pas souvent l’habitude d’inviter des personnes conscientes à l’intérieur de chez moi, et du coup je ne prenais pas vraiment la peine de dissimuler tout ce qu’il s’y trouvait : des bouquins de médecines en tout genre, un nombre ahurissant de scalpels, mais surtout la gigantesque quantité d’organes congelés disposés sur des étagères elle-même congelés et que je venais régulièrement refroidir pour qu’ils restent utilisables. Le sol par contre était en permanence propre, pas une seule tache de sang n’était visible, l’hygiène c’est quelque chose d’important !

Trouvant finalement ma vieille trousse de soin, je viendrais mettre à l’intérieur tout le nécessaire avant de retourner voir la femme, commençant à l’ausculter et à prodiguer les premiers secours.

“ - Désolé de vous avoir embarqué là-dedans alors que c’est moi qu’il cherchait. Si je vous fait mal dites le moi immédiatement, j’ai davantage l’habitude de m’occuper de corps inconscient et à moitié mort que de personne comme vous. Au fait, je ne crois pas m’être présenté, je m’appelle Kira, je suis chirurgienne mais en vérité je suis davantage une revendeuse d’organe, c’est pour ça qu’on m’appelle la bouchère, même si beaucoup ignorent qui je suis réellement.”

“ - Possible, mais je n’ai pas vraiment autre part où aller. Je suis née sur cette île, je n’ai jamais réellement imaginé que je la quitterais un jour. Où est-ce que j’irais ? Même si la plupart des gens sont à la solde de Konan où d’autres criminels, c’est ici que je possède mes repères et je ne sais pas si je pourrais réellement habiter autre part.”

Je ressortais l’aiguille de la peau de cette Némésis, coupant le fil qui y était accroché. Toutes les plaies apparentes avaient été complètement recousues et j’avais complètement désinfecté ces dernières. Désormais, il ne restait qu’à attendre. Récupérant le matériel que j’avais utilisé, je me dirigeais vers une bassine, commençant à nettoyer le tout.

“ - J’ai déjà lu un bouquin sur les endroits qu’on peut trouver dans les Blues, ou même des îles sur le reste de Grand Line. Ça a l’air intéressant, mais j’ai peur de ne pas m’adapter correctement. Ici, nous vivons dans la violence, mais elle est ancrée dans la ville, personne ne s’en soucie outre mesure. Je suis persuadée que personne ne viendra nous tenir rigueur pour avoir éliminé cet homme, car c’est monnaie courante de se faire abattre dans un coin de rue suite à une bagarre un peu trop intense.”

Le temps de parler, j’avais pu désinfecter de manière correcte mes lames. Retournant vers mes meubles, je viendrais les installer à nouveau de manière très délicate, presque ritualisée.

“ - Tu as besoin d’un peu de repos, tu ne vas pas mourir mais tu es bien affaiblie et trop d'efforts pourrait ouvrir à nouveau tes plaies. Tu peux rester un peu ici si tu veux.”

Si j’étais souvent préparée à un peu tout ce qu’il pouvait m’arriver, ayant grandi dans l’hostilité de cette île, je n’étais pourtant absolument pas préparée à cette situation. Partir… avec elle ? Alors que j’étais complètement ébahi, comme si les mots n’arrivaient plus à sortir de ma bouche, la femme finit par s’endormir, probablement exténuée, me laissant seule face à mes réflexions. Secouant la tête, j’irais me diriger en direction de mes réserves de nourriture, récupérant des légumes congelés que j’avais conservés, croquant dans ces derniers comme s’ils étaient de simples snacks.

En y réfléchissant, je n’avais jamais réellement songé à quitter Himitsu Shima. Après tout, j’étais née ici, j’avais grandi ici… j’ai connu la perte de tous mes proches ici. Quelles autres options avais-je devant moi ? Je n’avais que 13 ans, c’était impossible pour moi de faire comme tous ces pirates et de partir à l’aventure seule. Contrairement à eux, je n’avais pas d’objectif, je ne rêvais pas d’avoir une vie remplie d’aventure ou de partir à la recherche d’un hypothétique trésor. Non… moi je ne vivais pour absolument rien, me contentant de vivre au jour le jour et espérant que ma vie puisse devenir bien plus amusante du jour au lendemain. Est-ce que… c’était ça l’occasion que j’attendais ? Peut-être… mais je ne pouvais pas me permettre de quitter l’île maintenant. Même si c’était tentant, je ne me sentais pas capable de m’enfuir tant que je n’avais pas réussi à venger mes parents… et j’étais tout proche de pouvoir réussir, ce n’était qu’une question de mois.

Observant la femme, mes yeux finiraient eux aussi par se fermer, épuisée de la journée que nous avions passés, me laissant seule avec mes rêves… ou plutôt mes cauchemars.

Mon réveil fut rapide et comme toujours, ma nuit fut peu remplie. C’était probablement pour cette raison que je fus réveillée avant Némésis, toujours installée comme elle l’était à l’origine. J’aurais bien voulu lui donner ma réponse maintenant, mais j’avais trop honte. Au lieu de ça, je me suis saisi d’un papier et de quoi écrire et j’ai écris une lettre que j’aurais disposée devant elle. Après cela, je serais sortie de chez moi, partant à travers la ville, espérant ne pas croiser son regard.
Voici le contenu de la lettre :

“ Cher Némésis,

Je dois avouer que je n’avais jamais eu l’occasion de recevoir une offre comme la tienne, et la seule chose que j’aimerais faire c’est d’accepter les yeux fermés. Malgré tout… je ne peux me permettre d’accepter maintenant. Il y a encore quelques choses que je dois faire ici avant de pouvoir partir définitivement… pour pouvoir être en paix avec moi-même. Cependant… ça n’est qu’une question de temps avant que je puisse me permettre de partir. Je te le promet : lorsque cela sera possible pour moi, je quitterais cet endroit et je viendrais te rejoindre, où que tu sois. Je me sens particulièrement bien à tes côtés, tu es comme une sœur que je n’ai jamais eu… une grande sœur. J’avais trop honte de te dire ça en face et j’ai donc écrit ce mot, mais crois moi, la prochaine fois que nous nous verrons, ce sera pour découvrir le monde ensemble. J’ai tellement hâte… j’espère que ça se fera vite !”