Enfin, le pire était passé et l'Espérance voguait de nouveau dans le calme. Nombre d'individus à bord avaient subit des blessures, certaines plus importantes que d'autres, et c'est bien sûr moi qui m'occupait des cas plus graves, tout comme je m'occupais de coordonner le reste du personnel soignant dès que j'avais une seconde pour le faire. Heureusement que je n'avais moi-même rien subit de grave, enfin mis à part un bon gros coup à l'ego. Je n'en revenais toujours pas d'avoir passé presque tout mon temps évanouie dans un casier pendant que mes camarades prenaient cher et se battaient pour l'avenir de ce monde. Enfin, pour l'heure je me rattrapais en exerçant mon métier, soit une chose que personne d'autre ne pouvait faire à ma place. C'était tardif, mais au moins je faisais de mon mieux pour me rattraper. Autant dire que ce n'était pas de tout repos et que, une ou deux fois, je me faufilai discrètement dans la chambre de Sakuga pour souffler un peu. Personne n'oserait venir me déranger pendant que je m'occupais du Capitaine, n'est-ce pas ? C'était l'idée en tout cas et ça me permettait de faire la sieste par ci par là entre deux interventions.

Dire que c'était dans une chambre comme celle-ci, rôles inversés, que je lui avais confié mes hésitations quant à mes projets d'avenir. Il revenait d'un voyage en solitaire, pour se retrouver après les événements de la Triade, et j'étais moi-même en convalescence. Il était arrivé en grandes pompes avec des biscuits et une jolie photo souvenir, tout content de me voir et de m'agacer au point où je n'avais pas hésité à l'accueillir d'un oreiller en pleine figure. Ces souvenirs étaient presque surréalistes maintenant que les rôles étaient inversés et que, contrairement à lui, je n'osais pas le tirer du sommeil. J'étais juste contente d'être là, de pouvoir le voir et m'approcher doucement en cherchant une chaise pour m'installer à son chevet sans faire de vagues.

Ma main se dirigea vers l'une de mes poches de sarreau, allant retrouver l'ouvrage s'y trouvant pour en parcourir le dos. Sans doute était-il temps de le rendre à son propriétaire, n'est-ce pas ? De toute façon je devais bien l'avoir lu assez de fois pour le réciter de tête en son entièreté. Les notes sur Auguste, les plans d'ingénieur auxquels je ne comprenais pourtant rien, les rappels et les gribouillis étaient devenus de véritables camarades durant mon voyage à la recherche de mes motivations et de mes objectifs. J'avais découvert et redécouvert sa calligraphie maintes fois, la comparant au son de sa voix et me demandant en quelles circonstances il avait mit tout ceci sur papier. D'autres fois je me demandais ce qu'il faisait, si le journal lui manquait et s'il en avait trouvé un autre en guise de remplacement. Ça me faisait presque mal de le déposer sur sa table de chevet, à sa place. Dire que l'ange, lui, me l'avait laissé sans même se renfrogner. Il avait accepté de confier l'histoire de sa vie telle qu'il l'avait écrite en ces pages avec une confiance totale en moi. Aurais-je été capable de faire de même pour lui ? Non, bien sûr que non. Je ne l'aurais fait pour personne, sans doute même pas moi-même. Nouveau soupir.

Je fermai les yeux, tentant d'oublier l'endroit où je me trouvais ainsi que tout ce qui pouvait bien se passer en dehors de cette pièce. J'écoutai le rythme paisible de sa respiration et fut rappelée de ce fameux moment où le haki de l'observation s'était manifesté en moi pour la toute première fois. Ce jour-là il m'avait pris dans ses bras pour me rassurer, me laisser écouter son coeur battre et me calmer de ses mots emplis de félicitations. Qu'y avais-je répondu ? Passe moi des anti-douleurs je crois que je me suis cassé la putain de jambe. Je dû me retenir pour ne pas pouffer de rire, ne voulant après tout pas le réveiller. Surtout pas pour ça. Au moins je suppose que j'étais détendue pour de vrai cette fois, preuve étant que je ne pus retenir un long bâillement. Je n'avais pas réalisé, jusqu'à ce moment, à quel point j'étais fatiguée. Aller, je pouvais bien fermer les yeux quelques minutes, non ? Il ne m'en voudrait pas vu que lui-même sommeillait profondément. Bon par contre dormir sur une chaise c'est pas trop confortable. Et si... ?

Fixant ses traits à l'affut du moindre signe d'éveil, je me rapprochai timidement pour poser mes bras croisés contre un coin inoccupé du matelas. Attente silencieuse... et pas de réaction. Lui il était dans les vapes, mais de fou. Parfait. Je me permis de poser ma tête aussi, parce que mine de rien c'était quand même mieux comme ça. Plus qu'à espérer que je me réveille de ma petite sieste avant lui sinon j'imaginais déjà les piques amicales qu'il me sortirait... Boarf, je lui lancerai un autre oreiller. Telle fut ma dernière pensée avant de finalement m'endormir, le sourire aux lèvres.

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Le repos avait cela de bien qu'il permettait, ne serait-ce que temporairement, d'oublier ses soucis et de guérir de ses blessures. Pour moi cela représentait un moment de flottement entre deux interventions médicales. Un répit durant lequel je n'avais pas besoin de courir ça et là en répondant à des questions et en examinant des blessures sanglantes avec, en fond, la douce musique des cris de douleur de mes collègues. Enfin, j'exagérais puisque nous nous en étions sorti à bon compte, surtout vu le bourbier dans lequel nous étions. Celui qui m'avait le plus inquiété était, pas de surprise ici, le suspect habituel. Le seul et l'unique Sakuga qui avait trompé la mort tant de fois que j'étais à semi-convaincue qu'il était né humain et qu'il n'était devenu ange que plus tard, après avoir frôlé la mort de trop près dans un champ de bataille.

C'est justement au bord de son lit que j'avais posé la tête pour roupiller, sans même réfléchir à ce que le blond pourrait bien en penser. Tant pis pour lui de toute façon, il n'avait qu'à être en meilleur état. Comme ça il aurait été réveillé pour me dire d'aller ronfler ailleurs, mais là ce n'était pas le cas et j'avais le champ libre ! Avais-je rêvé à quelque chose durant cette sieste ? J'aurais pu jurer que oui étant donné la main qui se glissait dans mes cheveux avec bienveillance. C'était si agréable, si apaisant que je ne songeai même pas à en identifier le possesseur. Tout ce qui comptait, là tout de suite, c'était d'allonger tout doucement le cou en sa direction comme pour lui demander de continuer. Sans doute me serais-je même rendormie si une voix familière ne s'était pas manifestée. Mh ? Saku...

« ...ga ? »

Je me redressai enfin, me frottant les yeux d'un main alors que je retrouvais finalement mes repères. L'autre ? Mes doigts libres allèrent retrouver ceux du Keigo sans que je n'aie besoin d'y réfléchir, comme pour maintenir un contact entre nous deux. Comme si, autrement, j'avais peur qu'il ne disparaisse et que je m'éveille hors de ce rêve-ci. Pire encore, je délaissai mon tabouret pour simplement venir m'asseoir sur le bord du lit, plus près du blond. Une fois les deux yeux à nouveau en face des trous, je bâillai doucement alors que ma seconde main partait retrouver la première, sur la sienne.

« 'matin... Tu vas bien ? Comment tu te sens ? »

Revenant lentement dans le monde des éveillés, mon cerveau recommençait à tourner normalement et, enfin, je réussi à songer au sens de ses mots. Incapable de nous protéger, eh ? Si je n'avais pas compris le reste au final ça n'importait que très peu. Sakuga avait besoin d'être rassuré et j'étais là pour ça aussi, évidemment.

« On s'en est plutôt bien tiré tu sais, tu as fait du très bon travail. Bon par contre j'avoue que tu m'as bien inquiétée monsieur je ne réponds pas à mon escargophone. »

Le reproche avait été fait avec un doux sourire, moins accusateur que simplement soulagé qu'il n'ait finalement rien. Enfin, rien de mortel en tout cas.

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Il avait raison et, sous le poids de la culpabilité, je baissai momentanément les yeux. Moi non plus je n'avais pas répondu à ses appels. Enfermée dans un casier quelque part au fin fond de la base, j'ignorais pour combien de temps j'avais été inconsciente. Tout ce que je savais c'est que j'avais eu une chance incroyable et que je n'avais eu la vie sauve que grâce à cette seconde présence dont j'ignorais tout. Un peu plus et qui sait, c'est peut-être avec mon visage que l'un de ces imposteurs se serait baladé librement comme si de rien n'était. Ma propre peau trempée dans du formol et enfilée tel un masque grotesque. Heureusement qu'il était là pour me ramener au moment présent et ainsi m'arracher à ces divagations aussi glauques que sinistres. À mon tour de forcer un sourire, de reporter mon regard sur lui pour répondre de manière aussi légère que possible.

« Oui, le Colonel Seyfried a réussi à récupérer la page et, de ce que j'ai compris, tout est bien qui fini bien. Puis c'est quand même mieux que tu sois le patient vu que c'est moi la médecin, tu ne crois pas ?  »

Les mots étaient positifs, mais cette façon inédite que nous avions de pratiquement nous accrocher l'un à l'autre trahissait bien nos états émotionnels respectifs. Ce n'était pourtant pas notre première mission d'envergure ensemble et, même, sans doute aurais-je dû être plus inquiète de son état après le combat contre Bai Jian et pourtant. Peut-être était-ce parce que, cette fois là, nous avions pu avancer côte à côte sur le champ de bataille. Sakuga m'avait amenée avec lui derrière les lignes ennemies et nous savions, au moins approximativement, dans quelle situation se trouvait l'autre. À partir de là il avait été plus facile de simplement avoir confiance et de se concentrer sur son propre combat. Dans ce cas-ci, néanmoins, les choses n'avaient pas été aussi simples et il nous faudrait sans doute encore un peu de temps pour réellement récupérer de la peur que nous avions partagée. Allions-nous en parler ? Bien sûr que non. L'ange préférait détourner les yeux tout comme il détournait le sujet, m'interrogeant sur mes progrès au niveau du haki de l'observation.

« J'ai quelques migraines, mais honnêtement c'est difficile à dire si c'est lié à ça, au coup que j'ai reçu sur la tête ou au boulot que j'ai ici pour recoller les petits morceaux de tout le monde. »

Conclus-je avec un léger soupir résigné. Et puisque je parlais de l'état de mes collègues... Qu'est-ce que ?! Mes yeux s'agrandirent en voyant l'aura d'encre lui parcourir la peau ici et maintenant, si loin de tout combat. Tournant la situation à la dérision, le blond tentait de minimiser sa situation, rigolant du fait qu'il ait joué sur ses limites au point d'en exhiber des séquelles. Mes traits se firent attristés alors que, à nouveau je récupérais cette main et que, cette fois, je lui caressais doucement la peau comme pour l'apaiser.

« Ce n'est pas grave, tu as tout le temps dont tu as besoin pour te reposer et je ne vais nulle part. Je veillerai sur toi aussi longtemps qu'il faudra pour que tu sois remis de tout ça, d'accord ? On va dire que c'est ma façon à moi de te protéger aussi. »

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Sa main sur ma joue, son visage qui s'approchait, son souffle qui s'entremêlait pratiquement au mien et, pour ne rien arranger, mes paupières qui ne demandaient qu'à se fermer pour profiter de cette proximité. La proximité de Sakuga Keigo, ange et Contre-Amiral de la Marine. Oh et mon Capitaine, je l'ai dit ça ? Lorsqu'il s'éloigna je pu enfin commencer à respirer, le regard fuyant et la gorge nouée de culpabilité. J'acquiesçai sans réfléchir, jetant des mots en sa direction au hasard pour dissimuler mon coeur palpitant derrière eux.

« C'est rien, t'inquiète pas. »

Oui, parlons encore du haki, ça c'est beaucoup mieux. Oui je connaissais les deux premiers même si je n'en avais encore effleuré qu'un. Quant au troisième... Mon regard se fit distant, s'égarant en des souvenirs qui me paraissaient plus lointains qu'ils ne l'étaient réellement. Sans doute était-ce parce que l'acteur principal de ceux-ci était maintenant, suite à mes décisions, hors d'atteinte et ce probablement à jamais.

« Oui je... je crois que je sais ce que c'est. »

Je crois que j'en ai déjà subit un. Mais ce n'était probablement pas ce qu'il avait en tête en évoquant le sujet et, de ce fait, je choisi de plutôt enfouir toutes ces pensées pour mieux écouter Sakuga. Qu'il en ait fait l'expérience lui aussi ne me surprenait pas vu le niveau des adversaires avec lesquels il semblait avoir pris l'habitude de croiser le fer. Cependant, ce qui suivit était autrement plus surprenant : il ne l'avait pas que subit, il l'avait vécu. Il l'avait ressenti. Éveillé. Une capacité possédée seulement par un nombre d'élus limités. Pourquoi lui et pas un autre ? Comment ce monde fonctionnait-il ? Quels étaient donc les critères des divinités de cette vie et comment avait-il fait pour les remplir ?

Le revoilà. Ce Sakuga vulnérable et fragile. Celui dont j'avais vu les larmes à maintes reprises, loin de tous les autres regards. Celui qui regrettait d'avoir survécu là où les siens avaient périt. Celui là-même qui avait dû grandir avec les cicatrices laissées en son être par une vie de famille chaotique et destructrice. Celui que je mourrais d'envie de serrer dans mes bras en lui murmurant que tout irait bien. Le Sakuga qui avait besoin de moi. À mon tour de risquer une main sur sa joue, voir deux. De rencontrer son regard avec toute la douceur dont j'étais capable pour le consoler et lui offrir en cadeau ma vision des choses. Ma sagesse de clairvoyante.

« Tu as songé que c'est peut-être parce que tu es toi-même une personne unique au milieu d'un océan de visages sans importance ? Pour moi en tout cas je sais que c'est le cas. Tu te souviens... quand tu disais que tu voulais être la lumière de quelqu'un ? Un espoir d'avenir ? Et bien... Tu l'as déjà fait, Sakuga. Tu es ma lumière à moi, l'étoile brillant de mille feux que j'ai choisi de suivre pour tracer ma propre voie. Je te l'ai dit après tout, je ne m'en vais nulle part, pas sans toi en tout cas. Peut-être que j'ai traîné trop longtemps, peut-être que tu as déjà un autre second ou une autre principauté pour me remplacer, mais au fond ça ne me dérange pas. Ce qui m'importe c'est de pouvoir te suivre. Il n'y a pas d'endroit au monde où je voudrais être plus qu'avec toi sur ce navire au moment où Unite entrera dans le nouveau monde. Alors je n'ai peut-être rien d'une divinité et je ne suis probablement pas non plus la personne que tu espérais inspirer, mais... Pour ce que ça vaut j'ose croire que ce don te revient de droit, Sakuga. »

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Il faut avouer qu'un câlin c'est tout de même bien plus agréable lorsqu'on ne vient pas de se casser la jambe ou d'éveiller un haki pour la première fois. Oui, je préférais encore faire de l'humour, minimiser à mon tour parce que sinon j'aurais été forcée d'admettre que je m'étais blottie dans ses bras tout autant qu'il m'y avait attirée. J'aurais été forcée de reconnaître que le rythme de son coeur me réconfortait, que j'avais fermé les yeux et que sa main dans ma chevelure était tout ce qu'il y avait de plus divin. En cette vulnérabilité que nous partagions il y avait une intimité que je ne saurais décrire. Un sentiment si heureux alors que, pourtant, l'ange me confiait ses craintes les plus profondes sans même une arrière pensée. Il se livrait à moi tel un livre ouvert et, à bien y penser en ces termes, ce n'était pas la première fois.

« Et tu as raison d'avoir peur, tu as raison de dire que c'est une tâche trop grande pour un seul homme. C'est possible que tu échoues, ce sera peut-être même le cas... mais j'ai bien envie de dire et alors ? Plutôt que de changer le monde, peut-être qu'il est suffisant, au fond, de commencer par changer ton propre monde. Une personne à la fois, un jour à la fois, tu pourras l'agrandir au fur et à mesure que toi tu grandiras. Tu pourras faire de ton mieux et réaliser de grandes choses ou même de petites choses, c'est pas si grave que ça. L'important c'est que tu auras gardé l'espoir de réussir, que tu auras continué à faire de ton mieux et à tenter ta chance et ça, c'est amplement suffisant pour donner envie à d'autres d'essayer à leur tour et à leur façon, tu penses pas ? »

Telle était ma sagesse du jour, encore plus profonde et plus brillante que celle que l'on trouvait dans les petits biscuits. Pour le coup j'étais fière de moi, j'étais contente, satisfaite. J'avais l'impression de faire une véritable différence lorsque Sakuga plongeait son regard d'océan dans le mien pour me souhaiter la bienvenue chez moi, chez Unite. Il l'avait promis et donc j'aurais toujours une place dans cet équipage, dans cette aventure. Mon sourire en devint si grand que je sentis mon menton tressaillir et que je dû fermer les yeux en un vain espoir de bloquer les flots qui s'y précipitaient. Le Paladin essuyait mes larmes de joie et, trop touchée pour parler, je laissai simplement mon visage aussi expressif qu'à l'habitude lui partager toute ma reconnaissance, tout mon soulagement et l'ampleur de ma joie d'être accueillie ainsi là où j'avais ma place.

Je t'aime Penny.

Wait what... ? J'ai rêvé ou il vient de... ? Huuuh ? Le blondican avait l'air tout content, presque fier de lui avec son grand sourire aussi solaire que bête. Il ne réalisait pas du tout ce qu'il venait de dire et, lâchant un soupir, je retrouvai vite fait un air revêche avant de quitter le bord de son lit. Je me permis de lui asséner un petit coup du poing sur le bras, histoire de quand même le ramener sur terre notre petit pigeon. Il était assez bête et innocent pour dire des énormités pareilles avec le sourire et moi ça ne me dérangeait pas parce que je le connaissais bien, mais ça aurait pu être bien plus compliqué s'il avait dit ça à quelqu'un d'autre genre Eva par exemple.

« Oï !! T'as pas honte, imagines si ta dulcinée t'entendait dire ça à une autre femme ! La pauvre tu vas lui briser le coeur avant même que vous ayez pu vous mettre ensemble. T'es vraiment trop maladroit toi, heureusement que je suis là pour te garder sur le droit chemin ! »

Voilà, c'est tout mieux comme ça. On est de retour à la normale. Enfin presque. J'ai quand même des trucs sur le coeur, mais le connaissant c'est peut-être mieux que je l'aiguille plutôt que d'attendre que ça vienne de mon piaf préféré. J'allai donc m'installer plus loin, restant debout et appuyant le bas de mon dos contre un bureau pour tout de même retrouver un semblant de confort.

« Et sinon, tu me demandes pas ce qui m'a fait prendre cette décision ? Pourquoi j'ai choisi finalement que Unite était l'endroit pour moi ? Enfin, si ça ne t'intéresse pas j'imagine que je ne vais pas te casser les oreilles non plus... »

Il méritait bien de se faire malmener taquiner un peu après la grosse stupidité qu'il venait de me sortir.

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Comme une amie ou comme une soeur, parfait. Nous n'avions pas besoin de ce genre de malentendus ou de tensions ou que sais-je encore. Il aimait Meredith, ah voilà j'avais enfin le nom de la dame mystère, et croire autre chose serait une mauvaise lecture de la situation et de ses intentions. Je fis mine d'acquiescer tout en replaçant ma chevelure écarlate, trop loin dans mes pensées pour m'en formaliser. Puis il avait raison, je ne devais pas le confondre avec... Je déglutis. Était-il au courant ou avait-il simplement eu de la chance avec son hypothèse lancée hasardeusement ?

« Ouais... J'ai rompu. »

Et pour le coup je n'avais vraiment pas envie d'entrer dans les détails, même si je savais pertinemment que j'allais finir par le faire d'une façon ou d'une autre. L'ange attendait le récit de mes propres péripéties et de la décision qui avait suivit. À partir de là il aurait été malhonnête de nier que ma relation avec l'Amiral avait été la source de maintes hésitations. Par où commencer ?

« J'ai quitté Ironfall pour une raison. Je voulais voir le monde et, peut-être bien, le changer aussi. Je n'ai qu'une seule vie à vivre et je ne pouvais pas supporter l'idée de me réveiller un beau matin avec les cheveux gris sans avoir jamais rien vécu. Alors... disons que mes envies d'avenir ne s'agençaient pas avec celles de... Avec les siennes. Ça fait sans doute de moi une horrible personne, quelqu'un d'égoïste qui a abandonné tous les gens qui tenaient à elle, famille comme amours, au nom de ma liberté, mais j'ai décidé de l'accepter. Je ne suis pas quelqu'un de bien et c'est tout. Maintenant autant assumer et aller jusqu'au bout de cette grande aventure qu'on appelle la vie. Je n'ai plus le droit d'hésiter ou de reculer. J'ai tout plaqué pour ça, pour être ici, pour partir dans le nouveau monde, pour continuer de monter en grade et de faire ce dont moi j'ai envie. J'ai décidé que j'allais être un séisme moi aussi : incontrôlable et sans frontières. Plus jamais je ne sacrifierai mes envies au profit des attentes des autres. À la place je vais  en profiter pour t'épauler, pour suivre le chemin que tu traces en sachant très bien que, si je reste à tes côtés, je finirai bien par faire plus de bien que de mal autour de moi. Je n'ai plus de doutes à ce sujet maintenant que j'ai pratiquement mémorisé le contenu de ce journal, d'une couverture à l'autre. »

Conclus-je en désignant l'ouvrage que j'avais replacé sur la table de chevet de Sakuga. Bon j'exagérais peut-être un peu puisque tous ces plans d'architecte et d'inventeur avaient autant de sens pour moi qu'une langue morte, mais là n'était pas la question. Il m'avait confié ce carnet en sachant très bien tous les secrets qu'il contenait, toutes les informations, tous les rêves d'espoir, et le risque qu'il avait prit avait payé pour lui comme pour moi.

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Refaire un concert ? Être le prête du... ?! Que quelqu'un m'amène quelque chose à lui jeter en pleine tête à ce fichu pigeon !! Non mais c'est qu'il n'avait vraiment pas honte lui ! J'allais me détendre lorsque son rire éclata dans la pièce, mais compris vite que cela aurait été une grossière erreur lorsqu'il avoua qu'il venait de se faire cinq millions de berrys et sur mon dos en plus.

« T'as parié sur ma vie de couple ?!? J'espère qu'au moins tu vas m'acheter de la crème glacée avec cet argent parce que sinon attends de voir combien je vais me faire sur ton dos à toi en pariant que tu vas rester puceau jusqu'à la fin de tes jours ! »

Et maintenant il en rajoutait, fanfaronnant en me rappelant qu'il m'avait prévenu. Tss, il aimait un peu trop se payer ma tête celui-là et je me renfrognai, croisant au passage les bras et détournant le regard pour montrer que je ne l'écoutais plus. La la la j'entends que dalle ! Et pour le coup ne venez pas croire que Samaël s'en tirerait aussi facilement que ça lui non plus. J'avais bien entendu qu'il avait décidé de participer à ce stupide paris et en temps et en heure j'aurais ma vengeance contre lui aussi !

Au moins le blond était heureux de retrouver son fameux carnet, n'attendant pas pour y ajouter de nouveaux gribouillis. C'était presque doux-amer de me dire qu'à présent je ne connaissais plus les pages par coeur du coup, plus maintenant que leur propriétaire pouvait de nouveau en barioler l'intérieur avec toutes ses idées plus ou moins loufoques, ses rappels importants ou ses croquis de l'ennui. Enfin, au moins il était de retour à sa place et, une fois l'hilarité passée, mon capitaine reprit un ton plus sérieux. Puisque je connaissais le cahier dans son entièreté alors forcément j'étais au courant pour Auguste. Difficile de rester fâchée contre lui très longtemps lorsqu'il me proposait de faire la rencontre de son fils adoptif. Une fois de plus il trouvait une façon de s'ouvrir à moi, de me donner accès à un autre pan de sa personne qui était jusque là resté caché loin des regards de tous. J'aurais pu lui dire que c'était un honneur, que j'étais véritablement touchée par cette proposition, mais bon ça se saurait si je n'étais pas un petit peu rancunière.

« En effet, j'ai super hâte d'être sa tata trop cool qu'il va adoooorer bien plus que son papa. Je vais lui apporter plein de sucreries et de cadeaux et après ce sera à toi de te démerder avec ! »

Parce qu'on ne va pas se le cacher, les enfants c'est quand même vachement plus fun quand c'est pas les vôtres. Au moins j'avais retrouvé un grand sourire légèrement taquin et, surtout, détendu. Ce changement de sujet était le bienvenue, même si au fond le blond avait réveillé une interrogation que je n'avais pas osé approfondir jusqu'à présent. Un peu embêtée car ne sachant pas comment aborder la chose, je détournai le regard et me grattai la joue avec mon index. Au fond c'était sa faute puisque c'est lui qui avait soulevé le sujet le premier.

« Au fait, vu qu'on en parlait... Quand quelqu'un utilise le Haki Royal ça ressemble à quoi ? Genre si on l'utilisait sur moi je ressentirais quoi ? »

T'inquiète paaas, je suis juste curieuse, je demande pour une amie. Pas pour moi du tout je vois pas ce qui te fait penser ça.

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« S'il est un brin comme son père adoptif alors il ne peut être qu'un garçon adorable qui mérite le plus beau des avenirs oui. »

Tous les enfants méritaient au moins cela de toute façon, mais ça ne m'empêcherait pas d'y glisser un petit compliment. Comme ça il vivait sur Alabasta, royaume que je n'avais pas encore eu le plaisir de visiter. C'était un détour que j'avais hâte de faire ne serait-ce que pour découvrir un peu plus de la vie secrète de Sakuga. Mais bon, toujours est-il que j'avais fini par poser la question qui me taraudait sans trop savoir ce à quoi je m'attendais. De la façon dont l'ange en parlait c'était tout de même quelque chose qui avait l'air incroyablement rare et exceptionnel... Mais n'était-il pas justement question d'un Amiral après tout ? Ça non plus ça ne courait pas les rues et, nerveuse, j'avais commencé à me mordre l'ongle du pouce en écoutant la description que le Contre-Amiral m'en faisait. Écrasé. Asservit. Étouffé.

« Heh ! J'y crois pas... C'est quand même... »

Quand même vachement fou qu'il t'ai fait ce genre de démonstration en te visant spécifiquement, Penny ? Mais c'était son but non, me faire prendre conscience du genre d'être qu'il était véritablement, de sa noirceur et du danger l'entourant. Il m'avait testée et j'avais échoué. Sur le coup j'avais tenu le coup, assez amoureuse pour ne pas comprendre l'étendue de son geste. Maintenant ? J'essuyai la paume de mes mains devenues moites contre mon jean, me souvenant de la main qui s'était approchée de ma gorge et de l'aura horrible qui avait entourée l'Archer. Chaque possesseur de ce pouvoir peut détruire le monde s'il le souhaite.

« C'est bon je vois le genre. Je sais ce que c'est. »

J'étais aux premières loges une fois et ça m'avait amplement suffit. Sakuga possédait donc ce pouvoir-là ? Cette même aura dérangeante et intimidante ? Je déglutis. Non Penny, n'en parles pas. Sa relation avec Ghetis était déjà assez abimée comme ça alors si en plus je lui parlais de cet incident... Mais était-ce vraiment mieux de le garder pour moi ? Je me mordis la lèvre inférieure, ne désirant pas trop en dire, mais aussi consciente que mon comportement devait déjà avoir suffit à l'inquiéter. Enfin ou pas, vu qu'il venait de récupérer son carnet. Avec un peu de chance il serait trop distrait pour relier les points et comprendre où j'avais bien pu croiser quelqu'un possédant une telle aptitude. Un pouvoir que je craignais maintenant de voir déformer Sakuga et de faire de lui un parfait inconnu à mes yeux. Je devais parler, je devais au moins demander. Aussi coupable que je me sente de simplement suggérer quelque chose comme ça, c'était le minimum que je puisse faire pour m'apaiser.

« Si un jour je te vois l'utiliser face à quelqu'un... à un membre de l'équipage ou à un proche simplement pour l'intimider ou pour faire valoir tes arguments... »

Alors quoi Penny, tu vas le frapper ? Me fais pas rire.

« Juste... utilise le bien, d'accord ? Promets-moi de ne pas perdre de vue qui tu es et ce pour quoi tu te bats. »

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Que ferais-je si jamais il allait à l'encontre de ma demande ? Le frapper serait un bon début oui, mais serais-je capable de le tuer ? Déjà non parce qu'il était beaucoup plus fort que moi, mais même si ce n'était pas le cas... Erh, c'était même pas une question que j'avais envie de me poser et, pour le coup, je n'avais qu'un soupir à lui offrir en guise de réponse. Pour appuyer ses propos il allait même jusqu'à se pousser à bout, à laisser le fluide de l'armement orner son corps pour lui conférer des airs d'ange démoniaque. Je ne sourcillai même pas lorsqu'il se mit à cracher le sang, plus déçue que choquée. Pour le coup tu le mérites bien, triple andouille. Pas de sympathie de ma part aujourd'hui.

Mais il n'en avait pas terminé. Voilà qu'il me parlait de qui il était vraiment, de cette véritable nature qu'il voulait conquérir afin de devenir la Lame de son très cher gouvernement mondial. Il n'allait plus perdre un seul combat, n'allait plus jamais échouer à nous protéger. Au moins j'étais bien certaine d'avoir le vrai Sakuga en face de moi, il n'y avait que lui pour proclamer haut et fort ce genre de choses, poing tourné vers le ciel. Au moins son corps avait choisi de le ramener à l'ordre et c'est en crachant le sang qu'il s'excusa. Bien sûr qu'il n'avait pas d'intentions hostiles à mon égard, je l'aurais senti. Quant à avoir peur...

« Ça va, j'ai survécu à bien pire alors c'est pas un grand blessé qui va me faire trembler dans mes souliers. Erh, quand même, t'as rien compris du tout. »

Je retournai à ma place, retournai m'asseoir au bord de son lit, là où j'étais installée quelques instants plus tôt à peine. J'utilisai la manche de mon sarreau pour lui essuyer les lèvres et le menton avant de l'attirer contre moi. À mon tour de le réconforter en lui caressant les cheveux, à mon tour de le laisser entendre le battement de mon coeur pendant que je lui confierais le vrai sens de mes paroles à mi-voix, tout près de son oreille.

« Je te demande juste de ne pas aller là où je ne pourrai pas te suivre. N'emprunte pas l'un de ces chemins qui m'éloignera de toi. Tous tes rêves, tes objectifs, tes projets, tu n'as plus besoin de les réaliser seul maintenant. Laisse-moi juste être là et je le serai. »

Je déposai un chaste baiser dans ses mèches blondes avant de reculer un peu, juste assez pour pouvoir croiser son regard avec douceur, mais sérieux.

« Si un jour tu te détournes de tes convictions, si tu détruis de tes propres mains cet héritage que tu t'évertues à construire, si un jour ta part de lumière disparaît à jamais alors... Alors je te promets de le faire. Je te promets de te tuer même si cela me coûte la vie. Quoi que bon... La culpabilité suffira sans doute à m'envoyer te rejoindre. Sur ce chemin là aussi je te suivrai. J'irai là où tu iras. »

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