1496, l’année de mes dix-sept ans. À l’époque, j’étais encore une adolescente pleine de rêves. Ma rencontre avec Ishtar était encore fraichement imprégnée dans mon esprit et, depuis ce jour, je ne faisais qu’attendre avec impatience le moment idéal pour quitter ce que j’appellerais quelques années plus tard : cette fichue île. J’économisais encore tout l’argent sur lequel je pouvais mettre la main et, chaque fois que j’allais voir des marins au port, demandais si l’un d’entre eux m’avais ramené une carte qui pourrait m’aider à réaliser un itinéraire. C’est donc la tête pleine de projets et d’aventures fictives que je travaillais à la clinique familiale des Ainsley, préparant les prescriptions de nos patients usuels de manière machinale. Je ne fus ramenée à la réalité que par un grand bruit suivit d’une exclamation de la part de ma mère, dans l’autre pièce.

« Mais on ne vous a jamais apprit à ouvrir une porte vous ?! »

Curieuse, je déposai mon ouvrage avant de me diriger à petits pas vers la salle d’attente. Si quelqu’un était entré de manière aussi violente, peut-être y avait-il une urgence ? Serait-ce enfin une opportunité tant attendue de faire démonstration de mes talents de médecin pour convaincre ma mère que j’avais ce qu’il fallait pour pratiquer seule à présent ? Si je lui montrais que j’étais assez douée pour vivre de mon métier en mer, mon esprit jeune et naïf ne pouvait pas concevoir d’autre raison pour laquelle elle voudrait me retenir sur Ironfall aussi longtemps qu’elle le ferait. Mais qu’importe, retour au moment présent. La nouvelle venue à la chevelure de feu annonça qu’ils avaient un blessé, l’homme étant avec elles s’étant fait percer le flanc.

« Erh, d’accord. Allez vous installer dans la salle de consultation numéro 2, j’arrive dès que j’en ai fini avec ma patiente. »

C’était le moment ou jamais d’entrer en piste ! Attrapant un sarreau et m’empressant de l’enfiler pour avoir l’air plus professionnelle, je déboulai dans la salle d’attente avec un grand sourire solaire, sans doute bien trop enjouée pour une fille qui allait bientôt devoir s’occuper d’une blessure à l’arme blanche.

« Je peux m’en occuper m’man ! T’as dit toi-même que je me suis pas mal améliorée dans mes sutures et puis comme ça tu peux passer autant de temps que nécessaire avec madame Plumfrey. Allez dis ouiiiii ! »

« Penny ? Tu ne devais pas… ? Oh et puis pourquoi pas. Ma fille va s’occuper de vous. Elle est jeune, mais vous ne trouverez pas d’apprentie plus dévouée à ses études dans tout North Blue. »

Je bombai le torse avec fierté, passant à deux doigts de leur mentionner que j’avais commencé à apprendre les bases dès mes douze ans ! À la place, je tentai de faire preuve d’un minimum de professionnalisme pour mieux les guider vers la salle de consultation numéro deux. Elle n’était pas très grande et, à dire vrai, je craignais que l’on soit un peu serrés si nous entrions tous les quatre, mais ça devrait faire l’affaire. Tout heureuse que je l’étais de pouvoir me montrer utile et faire mes preuves du même coup, je préparais déjà mon matériel. J’avais enfilé un masque, lavé mes mains et enfilé une paire de gants. Il n’était pas question que je rate une seule étape, je ferais tout dans les règles de l’art !!

« Vous pouvez vous installer et vous détendre, je m’occupe de tout. Vous venez d’arriver sur Ironfall ? Je ne crois pas vous avoir croisés avant ? En tout cas c’est toute une façon de débuter votre séjour… Oh, et moi c’est Penny au fait ! Enchantée ! »  

@feat Nemesis Enjoy !

Lorsque la flamboyante nouvelle venue enguirlanda ma mère au sujet de sa "porte pourrie", je su qu'il fallait que j'intervienne immédiatement. Quelle idée aussi de traiter de radine la personne la plus à même de recoudre son camarade... Si je n'avais pas été aussi avide de faire mes preuves je l'aurais sans doute laissée faire, mais cela n'était malheureusement pas une possibilité. J'étais donc, comme nous le savons déjà, sortie comme de nulle part pour prendre la relève. Ma mère accepta et notre joyeux petit quatuor s'installa pour s'occuper de la plaie d'un certain Erik.

Je ne fis d'ailleurs aucune remarque sur l'état physique de mon patient, ne désirant pas le mettre mal à l'aise. Ceci étant dit... j'étais vachement contente de porter des gants tout à coup. Même que je me permis de subtilement allumer une bougie à l'odeur de lilas pendant que la capitaine allait au fond de l'histoire pour en comprendre le déroulement. Huh, le bordel donc. Ce vieux marin était plein de charme on dirait bien. Assez, en tout cas, pour que je n'aie pas à me sentir mal si mes sutures étaient douloureuses ou inconfortables. Et là, l'inattendu. La femme au caractère explosif le frappa avec violence contre la table devant mon regard horrifié. Mais mais mais... ! La table ! Ah euh non, désolé je la refais. Ahem. Le patient !!

« En fait c'est pratique quand ils sont conscients parce qu'ils peuvent nous dire si c'est douloureux et c'est plus facile de savoir s'il y a d'autres soucis qui ne sautent pas nécessairement aux yeux... Mais je suppose que c'est trop tard maintenant. »

Mon cobaye du jour avait sombré dans un état d'inconscience inquiétant dont j'aurais normalement dû m'occuper. Dans l'immédiat ? J'avais envie de lui poser un diachylon et de leur souhaiter une bonne journée avant que la furie rouge ne décide de m'en coller une aussi. Heureusement qu'il y avait, dans la pièce, une autre petite personne qui était jusque là passée plutôt inaperçu. Plus polie que sa... mère ? L'enfant aux yeux particuliers me demanda si j'avais besoin d'aide avant de m'expliquer la situation et, finalement, de faire les présentations. Rassurée par cette présence plus douce et plus calme, c'est avec le sourire paisible que je lui répondis.

« Je suis ravie de faire ta connaissance, Nemesis. Je n'ai pas besoin d'aide, mais si tu veux tu peux te prendre un tabouret et venir t'asseoir à côté de moi pour voir ce que je fais. En échange tu voudras bien me parler des jolis endroits que vous avez visité pendant vos vacances ? »

Et aussi si c'était possible de me détailler l'itinéraire, de me donner les bonnes adresses pour l'hébergement et de conseiller quelques paysages qui valaient le détour... Oui bon, je gardai quand même cette partie pour moi, ne désirant pas trahir mon désir profond de voyager si tôt dans la conversation. Ou même à quelconque stade vraiment, sinon je pourrais m'attirer des problèmes. Suffisait que ma mère entende une bribe d'information hors de son contexte pour que je passe un sale quart d'heure.  

@feat Nemesis Enjoy !

Bizarrement, il y avait quelque chose d’honnêtement réconfortant à voir la rouge gênée d’avoir été contrée par mon observation sur la conscience des patients. Enfin, jusqu’à l’entendre avouer avoir elle-même poignardé son camarade à 3 reprises. Je forçai un sourire mal à l’aise, ne sachant pas trop quoi répondre à une information de ce genre sinon de me dire que ce gars avait de la chance d’être encore en vie. Heureusement le sujet changea et se dirigea plutôt vers leur médecin qui… ne savait même pas faire les sutures ? Huh. Ils avaient tous de la chance de pas être morts en vrai ! J’étais tellement fascinée par leurs histoires que j’en oubliais momentanément mon patient, abasourdie par leur mode de vie qui semblait tellement différent du mien. Ce devait être si horrible de vivre avec un bras en moins, et ça c’était sans parler de la défiguration. Enfin, Ironfall n’était pas non plus un endroit parfait où il faisait bon vivre et j’avais depuis longtemps passé le cap de croire naïvement que la vie était toute rose, mais je n’aurais jamais été capable de citer ce genre de chose avec autant de détachement. Pire encore, même la description que la blonde me fit de Sweety Peaks ne me sembla guère alléchante. Pourquoi pas ? Si tu veux juste les jolies îles…

La bonne humeur derrière mon sourire était amoindrie et je ne souriais plus que par politesse en écoutant la meneuse du trio défendre sa petite aventure avec le nougat de Sweety Peaks. Et là, inéluctablement, la blonde revenait en force avec la description d’un paysage choquant, de bidonvilles où les corps étaient jetés aux ordures sans cérémonie par manque de moyens. Ça avait été dit de manière si… distante. J’en déposai mes instruments de suture quelques instants pour respirer, me faisant violence pour ne pas imaginer un paysage couvert de déchets et de cadavres en décomposition.

« Je vois… Désolé d’avoir demandé. Je crois que je devrais probablement me concentrer sur ce que je fais. »

Une manière peu subtile de couper court à cette conversation, j’en convenais. C’est que je ne savais pas quoi dire d’autre, quoi ajouter à ça. Mon for intérieur désirait s’indigner de telles pratiques, mais le détachement des deux femmes me laissait comprendre que je ne ferais que perdre mon temps. Sans doute avaient-elles l’habitude de ce genre de choses, beaucoup plus que moi. Était-ce vraiment tout ce qui m’attendait aussi lorsque je quitterais Ironfall ? Je déglutis, me demandant pour l’une des toutes premières fois si ma mère n’avait pas raison lorsqu’elle désapprouvait de mes idées d’aventure. Certes la vie ici n’était pas parfaite et j’avais envie de réaliser plus, mais et si c’était impossible ? Si moi aussi je terminais morte dans une poubelle ? Dramatique ? Peut-être un peu, mais sensible surtout. Il fallait me recentrer et c’est ce que je fis, respirant profondément pour mieux continuer de recoudre le vieil homme qui venait de se faire poignarder. Je ne pouvais certes rien faire pour les îles que leur équipage avait visitées, mais je pouvais au moins sauver leur camarade et le remettre sur pied en un rien de temps !
 

@feat Nemesis Enjoy !

Mon changement d'humeur n'était pas passé inaperçu. En même temps le contraire aurait été étonnant. Bien que je n'aimais pas l'admettre, il avait toujours été un défi pour moi d'empêcher mes états d'âme de se manifester sur les traits de mon visage. Ainsi ma désillusion devait être palpable, assez en tout cas pour que la jeune blonde essaie de me remonter le moral en mentionnant un endroit plus joli. Toutes les fleurs du monde, réunies en un même endroit... Mon esprit s'apaisa en imaginant un lieu aussi idyllique. Une vision colorée aux parfums envoûtants, mais une vision du monde limitée néanmoins.

« Merci, j'avoue que j'aimerais beaucoup visiter un endroit comme celui-là. Même si... au final un médecin serait peut-être plus utile sur une autre de ces îles, l'une de celles où on jette les gens aux ordures. »

La découverte et la beauté du monde n'étaient qu'une motivation pour voyager et, au final, s'avéraient plutôt égoïstes. Alors quoi, devrais-je plutôt choisir de voyager pour améliorer les choses sur ces îles cauchemardesques ? Décider d'y aller spécifiquement parce que ces récits me donnaient froid dans le dos et que personne ne devrait avoir à observer le monde comme le faisait Nemesis et ce à un si jeune âge ? Mais étais-je à ce point vertueuse ? Difficile à dire, surtout sans avoir quitté mon île. Ce serait facile de dire que je l'étais, oui, mais je préférais encore ne pas être totalement coupée de la réalité. Et parlant justement de ça, mon patient sorti justement des vapes, réalisant que j'étais en train de recoudre sa plaie. Le vieux Erik essayait de me convaincre de ne pas le recoudre, juste avant de se faire rabrouer par sa capitaine à la personnalité aussi flamboyante que ses cheveux. Je ne pu retenir un léger rire qui fit écho à celui de la blonde. Cette dernière n'hésita d'ailleurs pas à me faire part de ses recommandations pour m'occuper de mon patient récalcitrant.

« C'est tentant, mais on va quand même essayer de bien faire ça. »

Je me détournai quelques instants pour fouiller dans la petite pharmacie et en retirer une petite pilule miracle. Ne connaissant pas les antécédents médicaux du vieil homme, ni ce qu'il consommait sur une base quotidienne ou même avait consommé depuis son arrivée sur Ironfall, je préférais jouer la carte de la sécurité. De toute façon il y avait à peu près une chance sur trois que ça fonctionne et le mec n'avait pas l'air d'une lumière. Sans doute qu'il ne savait même pas que ça existait des placebos. Bon il avait aussi l'air d'être du genre à aimer se plaindre alors... Je verrais bien.

« Tenez, c'est un anti-douleur. Ça devrait vous aider au moins le temps que je termine vos sutures. J'ai presque fini de toute façon alors on serre les dents et on reste patient d'accord ? Plus vous êtes sage et plus vite ce sera terminé. Je fais même de mon mieux pour vous laisser une jolie cicatrice que les dames vont adorer ! »
 

@feat Nemesis Enjoy !

C’est toujours là où c’est le plus la merde qu’on a besoin d’un médecin. J'acquiesçai avec un sourire, comme réconfortée dans mes propres conclusions. Enfin, jusqu'à entendre les précisions de la rouge. Ah, leur médecin était donc recherché et sans licence... Quoi que dit comme ça est-ce que moi j'en avais une ? Est-ce que ma mère et mon grand-père en avaient eu une avant moi ? À dire vrai je n'en étais même pas certaine puisqu'aucun de nous n'avais techniquement été dans une école ou quoi que ce soit du genre. On avait simplement appris les uns des autres et, avec le temps et l'expérience, on était devenus des médecins à qui les habitants du coin faisaient naturellement confiance. Devrais-je en faire la mention ? Juste au cas valait mieux au moins attendre à après que j'aie fini de recoudre mon patient. Revenant toutefois sur un ton plus sérieux, la femme me rappela que je n'avais pas besoin de me l'infliger pour autant, tant que je m'arrangeais pour ne pas vivre avec des regrets ce serait déjà pas mal. Une fois de plus je ne pouvais que sourire, peut-être un peu envieuse au fond de ce petit groupe de joyeux lurons qui découvraient le monde et refusaient de regretter leur chemin de vie.

« Merci. Ça me touche beaucoup. »

Si seulement ma propre mère avait pu être disons à moitié aussi encourageante que Red, sans doute que ma vie aurait prit une tournure assez différente. Toujours est-il que j'avais choisi d'employer un placebo pour aider ce pauvre Erik à passer au travers de cette épreuve difficile qu'il n'avait pas du tout méritée... Okay, qu'il avait amplement méritée, mais passons. C'était toutefois sans compter sur l'honnêteté du vieil homme qui, sans la moindre gêne, m'avoua qu'il était simplement terrorisé. J'allais tenter de le rassurer du mieux que je le pouvais, mais fut devancée par sa capitaine. Cette dernière me compara à une certaine Stella et le vieux mordit à l'hameçon, réfléchissant à cette suggestion. Elle a moins de formes quand même...
 
« Hey ! »

Vieux pervers ! Maintenant je regrettais presque d'avoir été gentille, presque. Au moins il croyait que j'avais bon caractère alors je décidai de passer sous silence ce petit affront à mon encontre. La tactique de la capitaine avait d'ailleurs fonctionné puisqu'il accepta de cesser de faire l'enfant, avala le placebo d'une traite et déclara être prêt. J'acquiesçai et me mis finalement à l'ouvrage, confiante en mes capacités à lui faire une jolie suture. Il valait quand même mieux l'occuper toutefois, histoire qu'il n'ait pas trop la chance de penser à sa blessure. La meilleure méthode ? Relancer la conversation, pourquoi pas.

« Vous savez, j'ai fait mes premiers point de suture à quatre ans. Enfin, c'était sur une banane et le résultat était pas fou fou j'avoue, mais quand même. C'est mon grand-père qui m'a apprit. Il était médecin lui aussi, même que c'est lui qui a fondé cette clinique. Il a beaucoup voyagé dans sa jeunesse alors il connaissait plein de choses, mais il avait envie de se poser quelque part. Quand ma mère a apprit qu'il m'avait laissé tenir une aiguille elle a failli faire une attaque, mais j'avais trop envie de faire comme eux et elle a fini par lâcher l'affaire. Je me suis beaucoup améliorée depuis, mais je pratique encore de temps en temps, histoire de rester au top. Ça me fait rire parfois de me dire qu'il y a des filles de mon âge qui font de la broderie pendant que je fais des sutures. Quoi que... Peut-être que de la broderie sur peau ça pourrait devenir une nouvelle mode, un peu comme les tatouages ? Mmh, nan, sans doute trop risqué, mais ce serait quand même super cool vous croyez pas ? Je pourrais vous faire une pinup sur le bicep ou un truc comme ça. »

Eeeeet... c'est bon. Je reposai mon aiguille, fière de mon travail bien fait.

« Voilà. Plus de peur que de mal, n'est-ce pas ? »

@feat Nemesis Enjoy !

« Et ouais. La pelure offre un bon niveau de résistance et comme ça tu peux t'entraîner à rester en surface et à ne pas toucher le fruit lui-même. C'est un bon point de départ, même que je le fais encore des fois quand je m'ennuie, histoire de rester au top. Ça aussi c'est un truc que m'a légué mon grand-père. »
 
Avais-je répondu à Nemesis avec le sourire. C'est que je n'avais pas tous les jours la chance de raconter mes petites histoires comme ça et encore moins à un public aussi curieux que réceptif. J'allais d'ailleurs en profiter pour complémenter son récit sur les aiguilles courbées, mais mon patient avait recommencé à faire des siennes. Inquiète, je voulais quand même lui demander de ne pas trop s'agiter de peur de rouvrir sa blessure, mais fut devancée une fois de plus par la rouge. D'ailleurs c'était classe ses cheveux, je devrais faire pareil un jour tiens. Ahem. Il s'en disait des choses inquiétantes quand même et je glissai subtilement, entre deux de leurs répliques :

« Ce serait quand même bien de se laver plus souvent, ça réduit les chances de tomber malade ou d'avoir des blessures qui s'infectent... »

Quant à ce fameux mélange de plantes... Ouais en vrai j'étais pas sûre de vouloir en savoir plus. Au moins ils avaient l'air de bien s'entendre, à leur façon. Malgré toutes les horreurs qu'ils devaient avoir vu je ne pouvais m'empêcher de les jalouser un peu. Aurais-je moi aussi un jour la chance de traverser les mers de ce monde en compagnie d'un petit groupe loufoque de camarades ? J'y croyais vraiment à ce moment-là. Rien d'autre au monde ne me tentait plus que ça à dire vrai. Ceci étant dit... Et c'est pas compliqué de faire ce genre de trucs toute la journée ? Je me fis songeuse un instant, désireuse de dresser un portrait aussi honnête que possible sans toutefois tomber dans le défaitisme.

« Tant qu'il ne s'énerve pas trop et qu'il ne rouvre pas sa blessure ça devrait aller. Et quant au travail de médecin... Il m'arrive parfois d'assister ma mère dans les gros cas. Certains sont... Peu ragoutants, disons ça comme ça. J'ai encore un peu le vertige quand quelqu'un nous arrive avec un os exposé à l'air ou après avoir été partiellement écrasé par un éboulement dans les mines. On ne sauve pas toujours tout le monde, même si ce n'est pas faute d'essayer. Puis il y a les cas plus funs, ceux qui me rendent fière d'avoir repris le flambeau familial. Il y a quelque chose de spécial qui se passe lorsque l'on arrive à guérir un enfant malade et qu'il retourne enfin courir et jouer avec ses camarades après des semaines alité dans notre clinique par exemple. Je suppose que c'est ma façon à moi d'avoir un impact positif, de rendre mon petit monde meilleur à mon échelle. »

Je marquai une petite pause pour me repasser ce que je venais de dire et acquiescer à mes propres mots. Oui, c'était plutôt ça. J'osais croire avoir bien retransmis les hauts et les bas de ma profession au mieux pour ce contexte de conversation amicale. Mieux encore : je venais de me donner une idée.

« Au fait j'ai du temps libre demain alors, je ne sais pas combien de temps vous restez sur Ironfall, mais si tu reviens me voir je peux t'enseigner deux trois petits trucs de premiers soins si tu veux. Ça vous aidera sans doute en mer ! »

@feat Nemesis Enjoy !

Aussi différents qu'ils puissent être de moi et des gens que j'avais l'habitude de côtoyer ici, ou justement parce qu'ils étaient différents, je ne pouvais m'empêcher d'être triste à l'idée de voir ce petit trio repartir comme il était arrivé. Au moins je n'avais pas à m'inquiéter du sort de mon patient puisque Red me certifia qu'il allait devoir être sage durant sa convalescence. Ce n'était toutefois pas la seule chose qu'elle avait à me dire et, surtout, à me donner. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'elle me donna son numéro d'escargophone en m'encourageant à vivre ma vie. Ce qu'elle venait de me donner, c'était immense ! L'assurance que, si un jour je me décidais à faire le grand pas, il y avait un endroit, un groupe de gens vers qui je pourrais me tourner. Je ne pu m'empêcher de repenser à Ishtar qui, après être tombée des îles célestes, avait été recueillie par un équipage avec lequel elle avait voyagé jusqu'à Ironfall. Ça pouvait vraiment m'arriver à moi aussi ? Je pouvais vraiment parcourir le monde avec ma petite troupe de camarades loufoques et précieux ?

« Madame Red... Je vous promets de vivre la meilleure vie possible ! La prochaine fois que vous allez entendre parler de Penelope Ainsley ce sera parce que j'aurai fait de grandes choses qui vous rendront fière de moi !! »

Lui avais-je répondu en m'inclinant respectueusement devant elle, le bout de papier portant l'un de mes avenirs potentiels pressé contre le coeur. Était-il utile de dire que j'avais aussi les larmes aux yeux ? Nan, sûrement pas. Essayons quand même de me préserver un minimum de dignité ce serait pas mal. Après cela c'est à l'endroit de ma mère qu'elle fit sa prochaine donation, posant une bourse bien clinquante sur le bureau de l'accueil de la clinique Ainsley. Poppy releva la tête avec incrédulité avant de prendre le tout et d'y jeter rapidement un oeil. Son visage n'avait pas tardé à s'éclairer et, ni une ni deux, voilà qu'elle s'était redressée tout sourire, faisant disparaître le paiement dans je ne savais trop quelle poche ou tiroir, ni vue ni connue.

« Le compte est bon ! N'hésitez pas à revenir nous voir pour vos petits bobos comme pour les gros ! »

J'étais presque tentée de soupirer, un peu découragée de voir à quel point il était facile de se la mettre dans la poche pourvu que l'on soit capable d'aligner plus de deux berrys. Ne manquait plus que la petite Nemesis à qui j'avais suggéré une séance personnelle de cours de premiers soins. Je blêmis lorsqu'elle parla d'ouvrir quelqu'un avec un couteau. Déjà on prend un scalpel d'habitude et... Bah c'est pas la question ! Elle croit que c'est quoi les premiers soins ?!

« Ah euh non ! Je veux dire... Enfin, j'avais quelque chose de plus basique en tête. Comment faire et changer les pansements, comment gérer une hémorragie, comment aider quelqu'un qui s'étouffe ou faire les massages cardiaques et la réanimation, ces choses là. La base quoi ! Ah par contre je crois qu'avec tout ça j'ai pris du retard sur la préparation des prescriptions... Je ferais mieux de me bouger ! On s'en reparle demain, d'accord ? »

Le travail n'attendait pas après tout et nos pauvres petits patients non plus ! Je devais déjà finir de préparer les doses, les administrer à nos patients qui étaient de séjour à la clinique et ensuite aller faire ma ronde habituelle pour livrer les médicaments de nos patients à domicile et... Ouais j'avais du boulot !

@feat Nemesis Enjoy !